Le Patriarcat de Moscou étend son influence en Afrique 

Les faits

Dans un contexte de divisions exacerbées au sein du monde orthodoxe, l’Église orthodoxe russe a créé fin décembre un exarchat patriarcal
en Afrique au détriment du Patriarcat d’Alexandrie.

  • Arnaud Bevilacqua, 
Le Patriarcat de Moscou étend son influence en Afrique
 
Des membres de l’église orthodoxe éthiopienne à Addis-Abeba. TIKSA NEGERI/REUTERS

Dans l’orthodoxie, la rivalité entre Moscou et Constantinople s’étend désormais au continent africain. Alors que le Patriarcat grec-orthodoxe d’Alexandrie et toute l’Afrique, proche de Constantinople, a reconnu la nouvelle Église orthodoxe autocéphale d’Ukraine fin 2019, le Patriarcat de Moscou vient de répliquer. Le saint-synode de l’Église orthodoxe russe a annoncé le 29 décembre la création d’un exarchat (province regroupant des paroisses) patriarcal en Afrique.

Réplique russe

« Une partie du clergé du Patriarcat d’Alexandrie, exprimant son désaccord avec la position de son primat, a demandé au patriarche Kirill de Moscou et de toute la Russie de la recevoir au sein de l’Église orthodoxe russe », a expliqué le Patriarcat de Moscou pour se justifier. « Au moins une centaine de paroisses du Patriarcat d’Alexandrie, dirigées par leurs recteurs, ont exprimé le désir de rejoindre l’Église orthodoxe russe », assure-t-il.

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Jusqu’ici, Moscou avait toujours considéré l’Afrique comme un territoire canonique du Patriarcat d’Alexandrie. La création de cet exarchat va engendrer une concurrence nouvelle en Afrique entre l’Église grecque-orthodoxe et l’Église russe.

Cette dernière, selon le métropolite Hilarion, « ministre des affaires étrangères » du Patriarcat de Moscou, s’était jusqu’ici abstenue de toute décision, « espérant que le patriarche Théodore changerait de décision (à propos de la nouvelle Église ukrainienne, NDLR), et que les hiérarques de l’Église d’Alexandrie ne soutiendraient pas la légalisation du schisme, mais cela n’a pas été le cas ».

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Hilarion n’a pas masqué que, derrière cette décision, le Patriarcat de Constantinople est directement visé, car il « a pris des décisions illégales et anticanoniques sur l’Église ukrainienne »« Il ne s’agit nullement d’une invasion, ni d’une volonté d’affaiblir le Patriarcat d’Alexandrie d’une quelconque façon », s’est-il défendu.

Un schisme qui s’aggrave

Le patriarche d’Alexandrie a, lui, exprimé « sa plus profonde tristesse » après la décision russe et se réserve la possibilité de prendre des décisions en conséquence alors que son saint-synode doit se réunir du lundi 10 au mercredi 12 janvier.

Mais l’une des réactions les plus vives est venue d’Ukraine. Le métropolite Iepifani, à la tête de la nouvelle Église orthodoxe autocéphale d’Ukraine, a évoqué une « sorte de revanche » russe à l’encontre du Patriarcat d’Alexandrie. Il a été jusqu’à comparer le patriarche de Moscou à Vladimir Poutine, le président russe : « Comme Poutine le fait, Kirill agit selon les mêmes normes au nom de l’Église orthodoxe russe. S’ils ne peuvent pas influencer, ils essaient de diviser. »

De son côté, le primat d’Albanie Anastasios regrette un nouveau développement dans le schisme qui mine l’unité de l’orthodoxie. Il a réitéré son appel au dialogue pour « parvenir à une solution communément acceptée par l’ensemble de l’Église orthodoxe ».