LE MARTYRE EN ISLAM

Le mot arabe de martyr, à savoir " shahid ", ne figure pas dans le Coran dans le sens de quelqu'un qui accepte de donner sa vie pour sa foi. Le terme " shahid " a, dans le Coran, toujours le sens de « témoin légal » ou « témoin oculaire ».

C'est plus tard, dans la période post coranique, que le terme désigne aussi le sens d'une personne qui est morte en combattant pour la foi. C'est déjà le cas durant les persécutions des païens contre la communauté de Médine. C'est donc comme combattant, dans un climat de violence, que le martyr va donner témoignage de sa foi. Ainsi, très vite, va naître en islam une association entre « témoignage de la foi » et djihad, même si des versets coraniques anciens décourageaient la violence.

A cela s'est ajouté, malheureusement, le principe de l'abrogation des versets dans l'interprétation du Coran. Cette règle affirme que des versets, révélés au Prophète dans la deuxième période de sa vie, abrogent des versets précédents (surtout non-violents) de la période mecquoise. Aujourd'hui certains savants musulmans mettent en question l'abus de ce système de l'abrogation, qui, d'après eux, se prête à la justification de la violence militaire en islam. D'après eux, l'islam n'était pas violent dans ses débuts.

Quant au suicide, s'il n'est nulle part interdit formellement dans le Coran, il l'est dans la Sunna (cf Hadith) et dans les commentaires des versets du Coran 4,29 30. On souligne que la vie est un don de Dieu. Seul Dieu donne la vie et il appartient à lui seul de l'ôter. Ainsi, jusqu'il y a peu de temps, la majorité des imams étaient contre la prière sur un suicidé.

Mais les mentalités changent à la suite de certaines situations politiques. Jusqu'à une époque très récente, les actions terroristes suicidaires ou les commando suicides étaient pratiquement inconnus en Islam, surtout en islam sunnite. Mais depuis le régime de Khomeyni et surtout les attentats du 11 septembre 2001, ces actions se sont multipliées très Vite.

Beaucoup de musulmans considèrent ces actes comme barbares, puisqu'ils tuent des innocents. Pour eux ces auteurs ne sont ni des héros ni des musulmans. Ils ne méritent qu'un seul qualificatif : assassin. L'islam ne connaît pas le sacrifice humain, disent ils, et le Coran demande un respect absolu de la vie.

D'autres hésitent. Ainsi il y a des mufti qui admettent la conformité des attentats suicides avec les préceptes de l'islam, quand ils sont " d'ordre défensif ". Mais ils sont divisés quant à la question si les auteurs de ces attentats sont des martyrs. " Seul Allah le sait ! Nous ne pouvons que prier afin que Dieu les accepte en tant que tels dans son paradis ", a tranché un membre du Conseil des grands ulémas saoudiens. Le grand Cheikh d'Al Azhar, Mohammed Tantaoui, avait exprimé dès le 29 mars 2002 sa " compréhension " à l'égard de ces attentats suicides.

Pour d'autres encore les radicaux l'interdit du suicide tombe dès que le suicide sert " une cause supérieure ". Ainsi le guide spirituel du Hezbollah au Liban, disait que " l'islam permet ce type d'acte, si c'est pour une cause juste ". Pour lui, la libération de la Palestine et du sud du Liban, alors occupés par Israël, en était une. (La Croix, 6 septembre 1997).
Aux yeux de l'idéologue du mouvement Djihad et bras droit de Ben Laden, ces actes suicidaires sont des actes héroïques. Ils ne sont pas accomplis par désespoir ni par inconscience, mais par le désir de répandre " terreur et angoisse dans le coeur des oppresseurs ". Des hommes et des femmes acceptent de donner leur vie pour prouver qu'ils sont prêts à mourir pour ce qu'ils croient. Ils se voient eux mêmes comme martyrs pour une cause juste et comme des avant gardes de la révolution islamique qui veut un monde meilleur. Ils agissent parce qu'ils sont convaincus de l'agression constante de l'Occident depuis des siècles en territoire musulman. Ils agissent aussi contre l'agression morale avec l'égalité des sexes, les comportements licencieux, les drogues, le porno, les adultères, la prostitution tolérée etc. Selon eux seul le djihad peut vaincre cela.

Remarquons qu'il existe un lien direct entre le martyre et le djihad, notamment quand celui ci est interprété comme " guerre sainte " offensive et défensive contre les infidèles et les usurpateurs. Ce lien est proclamé, disent ils, dans le Coran : " (Dieu) ne rendra pas vaines les actions de ceux qui sont tués dans le chemin de Dieu " ( S ? 47,4).

Il semble que nous sommes actuellement devant le cas d'une confusion entre les actes des martyrs et les raisons ou les motivations d'une guerre, juste ou injuste. Quoiqu'il en soit, l'interdit du suicide est ici complètement évacué. Les actions de suicide reçoivent ici leur justification idéologique. Ce qui compte, c'est l'efficacité psychologique et stratégique. Le " fidâ'î " (littéralement " celui qui se dévoue ", le terroriste individuel) et le " mujâhid " (littéralement " le combattant du djihad "), morts au champ d'honneur, deviennent des " martyrs ". On leur promet d'ailleurs, en échange, des récompenses transcendantales le pardon des péchés et l'accès immédiat au paradis.

CONVERGENCES

Aussi bien pour l'islam classique que pour le christianisme, le martyre est essentiellement le témoignage de la foi allant jusqu'au versement de son sang. En arabe, le mot " shahid " (le martyr) est de la même racine que " shahâda ", la profession de foi musulmane.

DIVERGENCES

La différence d'application du terme "martyr" dans le monde chrétien et le monde musulman semble s'élargir de plus en plus.

Le martyre chrétien exige l'exercice inconditionnel de la charité, y compris envers les ennemis non chrétiens. Ainsi on ne cherche jamais le martyre pour soi. Ensuite, pour être vrai, le martyre ne peut être teinté d'intégrisme ou encore d'orgueil, ni d'une attitude quelque peu hautaine, ni manifester une certaine provocation. Le martyr rend témoignage au Christ mort et ressuscité, auquel il est uni par la charité. Il s'agit toujours d'un don de soi par amour.

Le shahid musulman peut mourir pour sa foi, tout en haïssant et en tuant, d'après certains " Ils tuent et ils sont tués " (S. 9J 11).

Aujourd'hui le geste du commando suicide manifeste, en outre, un surprenant mépris pour l'existence et la vie d'autrui. Aux yeux du chrétien, l'acte suicidaire du terroriste à l'arme blanche prend une valeur particulièrement difficile à comprendre. Les musulmans, par contre, savent, sans le reconnaître nécessairement devant un Occidental, faire une lecture du commando suicide en terme de sacrifice et d'holocauste (istishhâd) au service d'Allah et de sa religion.

Commission Rencontre
Missionnaires d'Afrique
Burkina Faso