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France: débat parlementaire sur les politiques françaises au Sahel

                                                L'opération Barkhane au Mali (image d'illustration). Certains partis demandent que le maintien des missions militaires françaises à l'étranger soit désormais voté par le Parlement.
                                         L'opération Barkhane au Mali (image d'illustration). Certains partis demandent que le maintien des missions militaires françaises à l'étranger
soit désormais voté par le Parlement.
 AFP - DAPHNE BENOIT
Texte par :RFISuivre
2 mn

Un débat sur les politiques françaises au Sahel se tient, ce jeudi 4 mars, à l'Assemblée nationale. Des discussions auxquelles assistera notamment la ministre des Armées, Florence Parly. Car l'opération Barkhane devrait être largement évoquée par les députés : certains partis demandent, par exemple, que le maintien des missions militaires françaises à l'étranger soit désormais voté par le Parlement.

C'était le 22 avril 2013. Un peu plus de trois mois après le lancement de l'opération Serval au Mali, les parlementaires français approuvaient la prolongation de la mission militaire. Huit ans plus tard, Serval est devenue Barkhane et le Parlement n'a plus été consulté. En effet, la Constitution ne l'impose pas. Et c'est un problème, selon le député La France insoumise Bastien Lachaud : « Il n’est pas possible que le président, seul, décide de l’envoi des troupes et de leur maintien sur place. On parle quand même de 55 morts, de centaines de blessés, de plusieurs milliards d’euros, tout cela à la simple discrétion d’une personne, le président, sans aucun débat démocratique. »

Un vote tous les trois mois ?

 Les Insoumis aimeraient ainsi un vote tous les trois mois. Mais pour Sereine Mauborgne, députée de la majorité et co-rapporteure de la mission d'information de l'Assemblée sur l'opération Barkhane, ce contrôle parlementaire est compliqué à mettre en place : « En termes d’affichage vis-à-vis de l’ennemi qu’on combat, vis-à-vis de nos forces, parce que les militaires ont besoin de visibilité dans leurs actions, ça voudrait dire qu’on ralentit les apports en matériel, parce qu’il y aurait une incertitude sur l’issue du vote, ça ne me paraît pas très rationnel en fait. »

Pour la députée, une alternative pourrait être la consultation du Parlement à chaque changement de législature. Mais une consultation sans vote contraignant.

 
 

 À lire aussi : Sommet du G5 Sahel: la force française Barkhane à la croisée des chemins

Traversées

 
Traversées
 
 

Pour le peuple hébreu, l’exode a été un temps de libération mais aussi d’épreuves.
Avant de franchir le Jourdain et d’entrer en terre promise, il lui aura fallu s’affranchir de la servitude
des Égyptiens, passer la Mer rouge, marcher pendant quarante ans à travers les déserts,
subir la soif, affronter les morsures des serpents, combattre des ennemis,
surmonter la tentation de la désespérance et l’attrait des idoles… Ces traversées forgent l’identité
d’un peuple qui découvre chemin faisant son élection :
« Maintenant, si vous écoutez ma voix et si vous gardez mon alliance, vous serez mon peuple particulier
parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi ;
mais vous, vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte »,
lui dit le Seigneur Dieu (Exode 19,5-6).

Les quarante jours qui nous préparent à la fête de Pâques sont un condensé de cette histoire.
Notre chemin de Carême n’a donc rien d’un long fleuve tranquille. C’est un temps qui nous est proposé
pour nous laisser toucher et emporter loin par l’amour dont Dieu nous gratifie.
Un amour qui donne le goût de sortir des ornières de nos petites habitudes,
la capacité d’aborder sans crainte l’inconnu, la force de supporter et de surmonter les contrariétés.
Le Carême nous rappelle que nous sommes des êtres faits pour les traversées :
elles sont chemins vers Dieu.

[Tribune] L’Amérique est de retour en Afrique

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Mis à jour le 28 février 2021 à 11h08
 
 

Par  Pap Ndiaye

Historien, professeur à Sciences Po Paris, nouveau directeur général du Palais de la Porte Dorée

Joe Biden à Washington, le 25 février 2021

Joe Biden à Washington, le 25 février 2021 © AP Photo/Evan Vucci

Désignations de personnalités noires aux postes-clés, discours conciliants, « diplomatie normale »… L’administration Biden veut renouer avec l’Afrique, ignorée par Trump.

Ce n’est sans doute pas une tâche herculéenne : compte tenu de l’indifférence méprisante dont faisait preuve Donald Trump à l’égard du continent — où il ne s’est jamais rendu —, la nouvelle administration dispose d’un a priori favorable en Afrique, d’autant qu’elle a déjà marqué un changement net d’intentions et d’ambitions.

Dans un discours destiné aux délégués du 34e sommet de l’Union africaine et diffusé le 7 février, Joe Biden a indiqué la ligne générale de sa politique étrangère : « L’Amérique est de retour. La diplomatie est de nouveau au centre de notre politique étrangère. [Nous allons nous employer] à renouveler notre rôle dans les institutions internationales et à retrouver notre crédibilité et notre autorité morale. »

« Soutien et respect mutuel »

Il a ensuite centré ses propos sur l’Afrique, en affirmant que les États-Unis se tenaient à ses côtés, « partenaires en solidarité, soutien et respect mutuel. Nous croyons en les nations africaines ». Il a poursuivi en parlant d’une « vision commune pour un avenir meilleur », et en évoquant des sujets ayant trait à l’économie, la sécurité et les droits humains pour les « femmes et les filles, les personnes LGBTQI, les personnes en situation de handicap, les personnes de toute origine ethnique, religion ou culture ».

Le président américain a également mentionné des urgences du moment : la pandémie et le réchauffement climatique, avec la perspective de financements adéquats pour des usines à vaccins et le Green Climate Fund. Il a enfin annoncé que les restrictions de visas pour les réfugiés édictées par Trump allaient être abrogées, et que l’égalité raciale et la lutte contre le suprémacisme blanc étaient des priorités de son administration. À l’évidence, Biden visait à insister sur la rupture franche avec l’administration Trump et, par contrecoup, à souligner les continuités avec Barack Obama, dont il était le vice-président.

Des Africains-Américains promus

Pour en savoir un peu plus, il faut nous tourner vers un ensemble de nominations tout à fait significatives auxquelles le nouveau président a procédé. Plusieurs Africains-Américains ont été promus. Enoh Ebong est ainsi devenue directrice par intérim de l’Agence américaine pour le commerce et le développement (USTDA). Cette femme d’origine nigériane a une solide expérience au sein de ladite agence, où elle a travaillé de 2004 à 2019.

Mahmoud Bah, d’origine guinéenne, est également distingué : il devient le responsable par intérim du Millennium Challenge Corporation (MCC). Le MCC, créé par le Congrès des États-Unis en 2004, est un programme de développement dont la vocation est de verser des subventions à des pays qui ont démontré leur engagement dans la promotion des bonnes pratiques de gestion et la réforme économique. Mahmoud Bah a lui aussi une solide expérience d’une dizaine d’années au sein de l’organisme à la tête duquel il a été nommé, y compris en tant que responsable du MCC en Côte d’Ivoire pendant trois ans.

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LE GOUVERNEMENT AMÉRICAIN ACTUEL EST DE LOIN LE PLUS DIVERS DE L’HISTOIRE DU PAYS. LA MOITIÉ DE SES MEMBRES NE SONT PAS BLANCS

À ces nominations s’en ajoutent d’autres, du côté africain-américain, et au plus haut niveau. Elles marquent aussi une rupture symbolique et pratique avec l’ère Trump. Même si la vice-présidente n’est pas africaine-américaine (ses parents étaient d’origines caribéenne et indienne), Kamala Harris s’affirme comme une femme noire, en laquelle beaucoup de femmes et d’hommes noirs se reconnaissent. Le nouveau ministre de la Défense, le général quatre étoiles Lloyd Austin, est également entré en fonctions, une première pour un homme noir.

Marcia Fudge, représentante de l’Ohio au Congrès, est désormais ministre de l’Habitat et du Développement urbain, tandis que Susan Rice, ancienne ambassadrice des États-Unis à l’ONU, devient directrice du Conseil de politique intérieure (Domestic Policy Council). De son côté, Linda Thomas-Greenfield, une diplomate chevronnée qui fut notamment chargée des affaires africaines entre 2013 et 2017, avant d’être démise de ses fonctions par Trump, représente désormais son pays à l’ONU.

Si l’on ajoute à ces personnalités celles issues du monde hispanique, et même amérindien, le gouvernement américain actuel est de loin le plus divers de l’histoire du pays (la moitié de ses membres ne sont pas blancs). Voilà qui est significatif, et qui a été salué par les associations antiracistes du pays : la représentation, l’incarnation d’un poste, cela compte en politique !

Environnement et santé

Reste, bien entendu, à mesurer les effets de ces nominations sur les politiques mises en œuvre. Du côté de l’Afrique, la tendance générale est celle d’un retour à une diplomatie normale, marquée par des relations respectueuses entre les États-Unis et le continent.

L’inflexion principale par rapport à l’administration Obama semble devoir se situer du côté d’une accentuation de l’investissement environnemental, sur lequel Biden a tant insisté pendant sa campagne, et de la priorité médicale, puisque l’Afrique n’est pas épargnée par le Covid-19, même si la pandémie n’a pas eu des conséquences comparables à celles que l’Europe ou les États-Unis connaissent.

Sur les autres sujets, Washington combinera, de manière finalement assez classique, ses intérêts propres, en particulier économiques, à des préoccupations stratégiques (en laissant le premier rôle militaire à la France dans le Sahel, tout en assurant un soutien logistique) et humanitaires. Mais les historiens savent bien que ce qui semble prévisible sera déjoué par les événements eux-mêmes, et la capacité des responsables africains et américains à y répondre !

Kamissa Camara : « Le G5 Sahel et l’appel aux Nations unies : un vœu pieux ? »

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Mis à jour le 25 février 2021 à 12h29
 
 

Par  Kamissa Camara

Ancienne ministre malienne des Affaires étrangères, Kamissa Camara est experte senior sur le Sahel à l'Institut des États-Unis pour la paix (Usip).

Un soldat nigérien devant les tombes des 71 militaires tués lors d’une attaque djihadiste le 10 décembre 2019.
Un soldat nigérien devant les tombes des 71 militaires tués lors d'une attaque djihadiste le 10 décembre 2019. © BOUREIMA HAMA/AFP

Ancienne ministre des Affaires étrangères d’Ibrahim Boubacar Keïta, Kamissa Camara sort du silence qu’elle s’était imposé depuis le coup d’État. Aujourd’hui experte senior sur le Sahel à l’Institut des États-Unis pour la paix, elle insiste sur la nécessité de garantir un financement pérenne au G5 Sahel afin de contrer le jihadisme.

Les 15 et 16 février derniers, les chefs d’État des pays membres du G5 Sahel (le Tchad, le Burkina Faso, le Niger, le Mali et la Mauritanie) se sont réunis à N’Djamena afin d’examiner la situation géopolitique au Sahel, une année après le sommet de Pau. L’occasion était également propice pour passer en revue les progrès de la Force conjointe du G5 (FC-G5S) et, surtout, pour remettre sur la table les doléances des États du Sahel, qui demandent qu’elle soit renforcée par la communauté internationale.

 

Au compte-goutte

Montée en puissance sans contestation possible, la coalition régionale demande depuis maintenant près de deux ans une mise sous chapitre VII de la Charte des Nations unies, afin de lui garantir un financement pérenne. Dans le contexte actuel, cette mise sous chapitre VII – qui permet au Conseil de sécurité de constater « l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression » – est certes une possibilité, mais elle ne garantirait au G5 Sahel aucun financement sur le long terme.

Malgré le plaidoyer soutenu des États membres du G5 Sahel, dont certains consacrent près de 30 % de leur budget national aux questions de défense, les promesses de financement des partenaires stratégiques se concrétisent au compte-goutte.

Dans un message préenregistré à l’occasion du septième sommet du G5 Sahel à N’Djamena, António Guterres, le Secrétaire général des Nations unies, a plaidé pour que les opérations africaines de lutte contre le terrorisme obtiennent un mandat du Conseil de sécurité, et pour un financement stable et prévisible du maintien de la paix au Sahel.

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LA MISE SOUS CHAPITRE VII N’EST AUCUNEMENT UNE PASSERELLE GARANTIE VERS UN FINANCEMENT RÉGULIER

Ce plaidoyer est fortement appuyé par le président nigérien Mahamadou Issoufou, qui invoque depuis 2018 la mise sous chapitre VII comme moyen de financement stable et pérenne de l’organisation régionale. Toutefois, des exemples récents de mise sous chapitre VII nous invitent à constater que celui-ci n’est aucunement une passerelle garantie vers un financement régulier de la FC-G5S.

En 2007, la Mission de l’Union africaine en Somalie, l’Amisom, a été mise en place pour soutenir les autorités de transition et créer un environnement favorable aux débuts d’une assistance humanitaire sous l’égide des Nations unies. Peu après la création de l’Amisom, le Conseil de sécurité des Nations unies lui a conféré un mandat sous son chapitre VII. En 2009, le Conseil l’a également autorisée, ressources à l’appui, à combattre le groupe terroriste des Shebab, considéré à partir de cet instant comme une menace pour la sécurité internationale.

Des appuis imprévisibles et irréguliers

Si l’Amisom continue aujourd’hui d’exister, ses opérations souffrent depuis peu de l’instabilité de son financement. L’Union européenne et les Nations unies paient les indemnités des troupes et de la police tout en assumant certaines dépenses connexes. D’autres donateurs bilatéraux tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine, ont par le passé soutenu l’Amisom ponctuellement. Mais malgré sa mise sous chapitre VII de la Charte des Nations unies, ces financements étaient imprévisibles et irréguliers.

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CELA CONFÈRERAIT AU G5 SAHEL UNE LÉGITIMITÉ INTERNATIONALE ET UN CACHET POLITIQUE

Le chapitre VII de la Charte des Nations unies définit les pouvoirs du Conseil de sécurité de l’ONU dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationales à travers des actions militaires ou diplomatiques. Sans aucun doute, la mise sous chapitre VII confèrerait au G5 Sahel une légitimité internationale et un cachet politique qui pourraient, en théorie, lui faciliter l’obtention de financements additionnels et la concrétisation effective et rapide des promesses de ses bailleurs.

Opposition des États-Unis et de la Russie

Par ailleurs, la crise régionale du Sahel a des impacts sur le reste du monde, en raison des longs tentacules des groupes terroristes qui y sévissent. Qualifier la crise sécuritaire au Sahel de menace pour la sécurité internationale ne lui ferait donc que justice. Cependant, plusieurs pays, dont les États-Unis et la Russie (membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies) se sont toujours montrés fermement opposés à la mise sous chapitre VII de la FC-G5S.

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SELON EUX, LA FC-G5S EST UNE SOLUTION DOMESTIQUE QUI RÉPOND À UN PROBLÈME DOMESTIQUE

Selon eux, le G5 Sahel étant une organisation régionale dont les membres opèrent sur leur propre territoire, la FC-G5S est une solution domestique qui répond à un problème domestique. Un mandat international des Nations unies n’est donc pas considéré comme un outil approprié à ce cas de figure. De plus, la mise sous chapitre VII est généralement réservée aux missions onusiennes de maintien de la paix qui sont, par définition, internationales.

Pour cette raison, ce fameux chapitre leur octroie une légitimité dans l’utilisation de la force. Aussi, ces missions onusiennes de maintien de la paix sont généralement mises en place à la suite d’un cessez-le-feu ou à l’entame d’un processus de paix ou de réconciliation. Cette situation ne s’applique aucunement au G5 et à son mandat de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel.

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LE G5 SAHEL N’AGIT PAS SOUS LA TUTELLE DE L’UA

Finalement, contrairement à l’Amisom, le G5 Sahel n’agit pas sous la tutelle de l’UA, même si sa Force conjointe a été officiellement reconnue par l’organisation continentale à travers une résolution du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine en 2017. Le G5 détient en revanche son mandat des plus hautes autorités des pays qu’il représente.

Trouver les mécanismes adéquats

Depuis 2017, l’Union européenne et l’ONU – à travers la Minusma – fournissent un appui opérationnel et logistique à la Force conjointe du G5 Sahel. Un appui qui, cependant, aurait atteint ses limites par manque de ressources. L’engagement renouvelé du président américain Joe Biden envers l’Afrique pourrait laisser augurer que les États-Unis seront favorables à la mise sous chapitre VII de la FC-G5S.

Mais, encore une fois, si celui-ci procurera certainement une légitimité internationale au G5 Sahel, il ne lui garantira aucun financement prévisible ni durable. Il s’agira pour les pays du G5 de trouver les mécanismes adéquats pour financer leur propre sécurité tout en s’inscrivant dans la durée.

Laurent Gbagbo va-t-il vraiment rentrer en Côte d’Ivoire mi-mars ?

 | Par 
Mis à jour le 24 février 2021 à 19h28
Des partisans de Laurent Gbagbo, devant la Commission électorale indépendante, le 31 août 2020.

 

 

Le Front populaire ivoirien (FPI) a annoncé que l’ancien chef de l’État regagnerait la Côte d’Ivoire mi-mars. La réalité est un peu plus complexe.

« À la mi-mars de cette année, il sera avec nous. » Après avoir énuméré, ce mercredi 24 février, l’identité des 13 membres du comité mis en place afin de préparer le retour de Laurent Gbagbo, Assoa Adou annonce la couleur. Toutefois, la déclaration de ce proche de l’ancien président et secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI) sonne davantage comme un moyen de mettre une pression supplémentaire sur les autorités ivoiriennes qu’une certitude définitivement inscrite dans le marbre.

Honneur et sécurité

Selon ses proches, Laurent Gbagbo souhaite quitter Bruxelles au plus tôt et n’envisage pas de se rendre dans un autre pays du continent que le sien. S’il ne veut rien négocier, il souhaite toutefois que l’on fasse honneur à son rang. Depuis son arrestation en avril 2011, Laurent Gbagbo ne bénéficie pas des rentes auxquelles ont droit les anciens présidents ivoiriens, soit 9 584 580 F CFA (14 600 euros) par mois, auxquels s’ajoutent 7 500 000 F CFA (11 400 euros) de frais de transport, carburant, électricité et téléphone.

« Les aspects matériels liés à la reconnaissance de son statut d’ancien président ne sont pas négligeables. Mais le plus important pour lui est que sa sécurité soit assurée », explique l’un de ses proches.

« On nous a dit d’attendre après la présidentielle, qu’il ne fallait pas mettre la pression à Alassane Ouattara jusqu’aux législatives. Gbagbo ne veut pas que son retour entraîne le moindre trouble, mais il estime qu’il a laissé assez de temps. Si les autorités ne coopèrent pas, il est prêt à prendre un avion et débarquer sans leur accord. Toutes les options sont sur la table, quitte à ce qu’il en assume les conséquences », poursuit notre source.

Début décembre 2020, après avoir reçu deux passeports – un diplomatique et un ordinaire -, Laurent Gbagbo avait désigné Assoa Adou pour approcher les autorités compétentes afin « d’organiser son retour dans la quiétude, conformément à son statut d’ancien président de la République ».

Ouattara, maître des horloges

Après avoir envoyé un courrier au Premier ministre Hamed Bakayoko, il avait été reçu par ce dernier le 13 janvier en compagnie de Sébastien Danon Djédjé, vice-président du FPI, et des ministres de la Sécurité, Diomandé Vagondo, et de la Réconciliation nationale, Kouadio Konan Bertin (KKB). Devant ses interlocuteurs, le chef du gouvernement avait alors assuré que les autorités étaient ouvertes au retour de l’ancien président, mais avaient besoin de temps pour l’organiser.

Selon nos sources, la possibilité d’un contact téléphonique entre Alassane Ouattara (ADO) et Laurent Gbagbo a également été évoquée. « Le problème est que Ouattara estime que c’est à Gbagbo de l’appeler pour négocier un retour en douceur, alors que pour ce dernier, c’est à ADO de prendre l’initiative en tant que chef de l’État », explique une source au fait des tractations.

Depuis l’acquittement de Gbagbo en janvier 2019, Alassane Ouattara joue la montre. Aujourd’hui encore, il souhaite rester le maître des horloges afin de consolider son pouvoir. Dans son entourage, certains craignent toujours que la présence de Gbagbo au pays ne fragilise le régime.

« Les discussions avec Hamed Bakayoko se passent bien. Mais la vérité, c’est que Ouattara n’est pas encore prêt à voir revenir Laurent Gbagbo », juge un confident de l’ancien président. « Le chef de l’État ne craint plus son retour. Cependant, à ses yeux, il ne peut pas avoir lieu avant la fin de la procédure devant la Cour pénale internationale (CPI) », répond un proche de Ouattara.

Les options de la CPI

La chambre d’appel de la CPI doit justement rendre son verdict avant le 31 mars, plus précisément entre le 10 et la fin du mois. Elle a quatre options : valider l’acquittement de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ; faire droit à la demande d’appel du bureau du procureur, et donc organiser un nouveau procès ; émettre son propre jugement ; ou, enfin, demander un complément d’information sur une partie du dossier ce qui renverrait l’affaire devant une nouvelle chambre d’appel.

Si l’appel était rejeté, la question de la situation judiciaire de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire se poserait alors. Condamné en 2018, en Côte d’Ivoire, à vingt ans de prison dans l’affaire dite du casse de la BCEAO – une sentence qu’il conteste – il est également inculpé de « génocide, crime contre les populations civiles et meurtre ».

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DANS LE CAS OÙ GBAGBO RENTRE SANS NOTRE ACCORD, IL SERA PLACÉ EN RÉSIDENCE SURVEILLÉE

« ADO a d’abord été favorable à une grâce. L’idée de faire voter une loi d’amnistie ou de prendre une ordonnance spécifique est également sur la table. Mais tout ceci entre dans le cadre d’un retour négocié. Dans le cas où Gbagbo rentre sans notre accord, il sera placé en résidence surveillée », poursuit la source citée plus haut.

Signe, tout de même, que le retour de Laurent Gbagbo se rapproche, plusieurs de ses partisans encore en exil s’apprêtent à rentrer en Côte d’Ivoire. L’activiste Steve Beko a regagné Abidjan le 7 février dans le but de préparer l’arrivée de Stéphane Kipré, le gendre de l’ancien président en exil en Europe depuis avril 2011.

Exilés au Ghana, Justin Koné Katinan, porte-parole de Gbagbo, et Damana Pickass, un des vice-présidents du FPI, rentreront de leur côté dans les prochaines semaines – avant ou juste après les élections législatives du 6 mars.