Les relations entre le Vatican et Pékin sous tension

Alors que le cardinal Zen doit comparaître mardi 24 mai devant un tribunal de Hong Kong, les liens entre la Chine et le Saint-Siège sont soumis à rude épreuve depuis quelques semaines.

  • Loup Besmond de Senneville, 

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Les relations entre le Vatican et Pékin sous tension
 
Le cardinal Joseph Zen donne la communion lors de la messe commémorant le 30e anniversaire du massacre de Tien An Men, à Hong Kong le 31 mai 2019. JÉRÔME FAVRE/EPA/MAXPPP

Rome

De notre envoyé spécial permanent

C’est une présence discrète, au premier rang d’une conférence organisée un après-midi d’avril dans une église romaine. Sujet du jour : la présentation d’un livre sur un intellectuel chinois du XVIe siècle, Xu Guangqi. Or, ce mercredi 27 avril à la basilique Saint-Barthélemy-en-l’Île, ce lettré qui vécut sous la dynastie Ming, ami de Matteo Ricci, le jésuite évangélisateur de la Chine, fait l’objet d’une attention toute diplomatique. Et ce jour-là, c’est un représentant de l’ambassade de Chine en Italie qui est venu assister au colloque.

La venue de ce diplomate chinois, alors même que l’empire du Milieu n’entretient aucun rapport officiel avec le Vatican, a été très commentée à Rome, notamment dans les cercles diplomatiques. Il faut dire qu’elle intervient alors que les relations entre Rome et Pékin, dossier ultrasensible, traversent une période de tension. Signe de ces difficultés : l’arrestation, pour quelques heures, le 12 mai, du cardinal Joseph Zen, archevêque émérite de Hong Kong et opposant au régime.

L’homme d’Église de 90 ans, libéré sous caution, devrait être jugé le 24 mai. Le jour même de la Journée mondiale de prière pour la Chine, instituée par Benoît XVI en 2007. Une arrestation prise très au sérieux au Vatican, où elle a provoqué une onde de choc, et où l’on estime aujourd’hui qu’elle constitue à la fois un message envoyé à l’Église, mais aussi au cardinal Zen lui-même, en tant qu’opposant.

Autre dossier difficile sur la table : l’accord entre le Saint-Siège et la Chine sur la nomination des évêques, sous le feu des critiques depuis son entrée en vigueur, en octobre 2018, arrivera en effet à échéance en octobre, après avoir été renouvelé une première fois en 2020. Faut-il le prolonger à nouveau ? Le Vatican le souhaite, mais les négociations avec Pékin sont difficiles, selon nos informations. Alors que les représentants du pape souhaitent faire évoluer les termes de l’accord – dont le contenu n’a jamais été dévoilé –, la Chine repousse depuis plusieurs semaines toute perspective de rencontre, invoquant la recrudescence du Covid dans le pays. Un prétexte d’autant moins crédible que les discussions pour le premier renouvellement de l’accord, au printemps 2020, s’étaient déroulées en pleine première phrase du Covid, notamment par le biais de l’ambassade de Chine en Italie. Face à ces réticences, la diplomatie pontificale a fait savoir sa totale disponibilité à se rendre « n’importe où dans le monde » pour poursuivre les discussions.

« Il y a une vraie crainte côté Vatican de voir trente ans d’efforts tomber à l’eau », commente un observateur. « Le Saint-Siège ne peut pas perdre la Chine, même s’il y a sans doute dans sa position un peu de naïveté », estime un diplomate étranger en poste à Rome, très au fait du dossier chinois.

C’est dans ce contexte que le colloque sur Xu Guangqi a eu lieu à Rome, sous l’égide de la communauté de Sant’Egidio. Et à la tribune, tout en évoquant une figure du XVIe siècle, le cardinal Luis Antonio Tagle, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, a semblé avoir un message à faire passer à Pékin. « Les missions ne sont pas une extension de l’Église occidentale mais une expression de l’Église universelle », a ainsi indiqué le cardinal, en citant une lettre de Benoît XV, Maximum illud, publiée en 1919 pour relancer l’activité missionnaire.

Le cardinal philippin, qui a également insisté sur la « totale séparation » entre l’évangélisation et « les intérêts du colonialisme occidental », s’est aussi appuyé sur une instruction publiée par Rome en 1659 : « Quoi de plus absurde en effet que de transplanter en Chine la France, l’Espagne, l’Italie ou quelque autre pays d’Europe. Ce n’est pas cela que vous devez introduire, mais la foi qui ne rejette ni ne blesse les rites et les coutumes de tout peuple, tant qu’ils ne sont pas mauvais, mais qui veut plutôt les sauvegarder et les consolider. »

Au Vatican, les relations avec la Chine demeurent une priorité, sur laquelle veille très directement le pape. Dimanche 22 mai, depuis la fenêtre du Palais apostolique donnant sur la place Saint-Pierre, François a d’ailleurs assuré les catholiques chinois de sa « proximité spirituelle »« Je suis avec attention et participation la vie et les vicissitudes des fidèles et des pasteurs, souvent complexes, et je prie pour eux chaque jour », a-t-il lancé, en priant également pour que l’Église puisse vivre, en Chine, dans « la liberté et la tranquillité ». Des mots pesés au trébuchet par la diplomatie pontificale, et qui veulent signifier, en des paroles très choisies, la préoccupation constante d’un pape pour la Chine.

sur la-croix.com

Un portrait du cardinal Zen