Tchad, Mali: «Les transitions qui vont au-delà des délais prévus posent des problèmes»

Djimé Adoum, secrétaire général de la Coalition pour le Sahel.

Djimé Adoum, secrétaire général de la Coalition pour le Sahel.
 © Coalition pour le Sahel

Notre invité est le Tchadien Djimé Adoum, secrétaire général de la Coalition pour le Sahel. Une initiative commune aux pays du G5 Sahel et des bailleurs de fonds internationaux, qui vise à renforcer les actions de soutien aux forces armées des pays du Sahel, mais aussi le développement de ces pays et de leurs habitants. La création de cette Coalition a été annoncée il y a un an et demi, ses équipes sont déjà au travail, mais ce n’est que ce jeudi 16 septembre qu’elles investissent officiellement leur siège, à Bruxelles. À cette occasion, le secrétaire général de la Coalition pour le Sahel explique les actions et les objectifs de la coalition. Il rappelle aussi les autorités maliennes et tchadiennes à leurs engagements sur la durée de la transition politique en cours dans ces pays. Djimé Adoum évoque également les négociations en cours entre Bamako et le groupe Wagner. Il répond aux questions de David Baché.

RFI : La Coalition pour le Sahel a été lancée au sommet de Pau en janvier 2020. Vous-même avez été nommé à sa tête en février 2021. Depuis, quelles sont les premières actions concrètes de cette initiative ?

Djimé Adoum : Les actes que la Coalition a posés sont des stratégies hautement politiques. Elle a réussi à faire venir autour de la table d’autres partenaires. Cela, c’est quand même assez significatif. En plus des pays du G5 Sahel [Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad], nous avons au moins une quarantaine de pays : il y a l’Union européenne, il y a les États-Unis, le Canada et ainsi de suite… et les pays de l’Afrique : l’Égypte, l’Afrique du Sud et ainsi de suite.

La Coalition pour le Sahel rassemble les pays du G5 Sahel et la France. Si je vous comprends bien, elle a surtout un rôle de facilitateur avec les partenaires internationaux des pays du Sahel ?

Exactement, elle a un rôle politique et stratégique. Elle attire l’attention des bailleurs et donateurs du fait que le Sahel traverse une situation très difficile. Il faut encourager à davantage d’appui pour le Sahel.

Vu de l’extérieur, on peut se demander si ce n’est pas une initiative supplémentaire alors qu’il existe déjà des échanges, depuis longtemps, entre les pays sahéliens et les partenaires internationaux. Quelle est la plus-value de la Coalition pour le Sahel ?

C’est la seule entité, à ma connaissance, qui peut descendre dans un pays porteur d’un message à la fois des Européens et des autres partenaires, qui peut voir un chef d’État assez rapidement, et les chefs de gouvernement, pour mettre dans la balance les difficultés inhérentes aux opérations des autres partenaires, et faciliter le chemin pour que des actions soit menées.

Et quel type d’actions ?

Par exemple, il y a des projets de développement qui étaient en souffrance. Le dialogue était coincé quelque part, donc nous sommes descendus sur le terrain.

De quel pays parlez-vous ?

Des pays du G5 Sahel.

Mais là, vous faites allusion à un terrain précis non, lequel ?

Oui, mais est-ce qu’on a besoin d’aller dans des cas précis. Les pays du G5 sont cinq : la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad. Nous sommes allés dans chacun de ces pays et nous avons réussi à faire avancer les choses.

Et au-delà des terrains d’action, quels sont les objectifs prioritaires de la Coalition pour le Sahel ?

Les objectifs prioritaires de la Coalition, c’est qu’au Sahel, en dehors des terroristes et ainsi de suite, il faut aider ce Sahel à s’adapter au changement climatique, à la dégradation des terres et à la pauvreté.

Aujourd’hui vous prenez possession de vos locaux. Pourquoi le siège de la Coalition pour le Sahel se trouve-t-il à Bruxelles ?

Ici, à Bruxelles, se trouvent tous les quartiers généraux des grandes entités, en l’occurrence l’Union européenne et les autres pays qui y prennent part. Des banques chargées du développement, du financement du développement à long terme, ont aussi établi une présence ici à Bruxelles. Donc, il va de soi que nous puissions être ici à Bruxelles pour mutualiser des efforts afin de pouvoir mener à bien nos responsabilités individuelles et collectives, et apaiser les esprits.

Au Mali comme au Tchad -vous êtes vous-même Tchadien-, ce sont des autorités de transition qui ont pris les commandes. Est-ce que ça ne complique pas les choses pour les partenaires internationaux du Sahel 

Pour le moment, quand nous nous sommes rendus sur le terrain pour parler à la fois avec les autorités maliennes et tchadiennes, chacun en ce qui le concerne a son cahier des charges. Et nous les encourageons à la fois à s’en tenir à ce qui est en train d’être fait et aussi aux périodes qu’ils ont eux-mêmes énoncées, qui soutiennent donc le développement de la transition.

Je comprends que la durée de la transition politique au Mali, -18 mois selon les engagements initiaux des autorités, peut-être plus si l’on en croit les déclarations récentes très ouvertes de la Présidence ou de la Primature-, est une préoccupation pour vous ?

Oui, tout à fait. Les transitions, si elles vont au-delà du timeline initial, causent toujours des ennuis et des problèmes. Nous, en ce qui nous concerne, nous allons certainement descendre encore sur le terrain pour nous entretenir avec les autorités maliennes pour voir plus ou moins où elles en sont et si oui ou non, le timeline que vous avez identifié tient toujours comme il a été prévu. C’est extrêmement important étant donné que tout le monde attache de l’importance à cela, les partenaires, nous, tout le monde ! Et ça va aussi dans l’intérêt des Maliens tout comme les Tchadiens. Ils doivent donc s’en tenir à ce qu’ils ont proposé, sinon cela risque de compliquer notre travail pour pouvoir galvaniser et mobiliser davantage. Cela nous posera quelques ennuis que nous cherchons à éviter.

La presse se fait l’écho de plus en plus insistant de négociations en cours entre les autorités de transition et le groupe russe de sécurité Wagner. Est-ce que vous avez des informations sur ces discussions, est-ce que c’est quelque chose que vous surveillez ?

Pour le moment, nous n’avons pas encore d’informations. Nous sommes en train de suivre la situation de très près. S’il est question qu’effectivement, d’autres joueurs soient sur le terrain, on verra bien comment créer toujours des synergies. Mais je ne suis pas encore informé de cette situation.