Présidentielle en Guinée : les électeurs ont voté en masse et dans le calme

| Par - à Conakry
Mis à jour le 19 octobre 2020 à 14h04
Des civils et des soldats font la queue pour voter à Conakry, à l'occasion du premier tour de l'élection présidentielle, le 18 octobre 2020.

 Des civils et des soldats font la queue pour voter à Conakry, à l'occasion du premier tour de l'élection présidentielle, le 18 octobre 2020. © Sadak Souici/AP/Sipa

Plus de 5 millions d’électeurs guinéens étaient appelés aux urnes dimanche pour choisir leur président. Hormis quelques incidents mineurs, le vote s’est déroulé dans le calme.

Des fortes averses sont tombées ce dimanche 18 octobre, jour de scrutin, à Conakry, la capitale guinéenne. Ce qui n’a pas empêché les électeurs de sortir en nombre pour se rendre aux urnes.

Diallo Mamadou Aaraf, superviseur au compte du Conseil national des organisations de la société civile (CNOSC) – qui a déployé un total de 800 observateurs à travers Conakry et des milliers d’autres sur le reste du territoire – , a été l’un des premiers électeurs à accomplir son devoir civique dans le bureau de vote de Bellevue-Marché, il était 7h40 GMT. « Je constate que le vote se passe bien ici, et qu’il y a un réel engouement des électeurs. Le matériel électoral, les membres du bureau de vote et les délégués des partis politiques sont au complet, expliquait-il dans la matinée. Je n’ai noté aucune anomalie. » 

Les Guinéens sont appelés aux urnes pour le premier tour de la présidentielle, le 18 octobre 2020.
Les Guinéens sont appelés aux urnes pour le premier tour de la présidentielle, le 18 octobre 2020. © Diawo Barry pour JA

« J’ai voté pour le changement et contre l’ethnocentrisme », glisse pour sa part Baba Bangoura en sortant d’un bureau de vote de Camayenne, en proche banlieue de Conakry. S’il refuse de dévoiler à qui est allé sa voix, il affirme : « Je veux que le prochain président soit ouvert, qu’il rassemble tout le monde. »

À l’école primaire de Coléah Lansébounyi, un centre qui regroupe un total de huit bureaux de vote dont chacun compte 500 électeurs inscrits en moyenne, a lui aussi connu une grande affluence. Les appels de Sidya Touré, de l’Union des forces républicaines (UFR), qui soutenait les appels au boycott, n’ont visiblement pas été entendus dans ce quartier de la commune de Matam, pourtant habituellement acquise à l’UFR.

Diallo Thierno Ibrahima, membre de l’un des huit bureaux de vote, se félicitait à la mi-journée de n’avoir enregistré aucune fausse note. « Il y a une grande affluence depuis l’ouverture du bureau de vote à 7h30 et les opérations de vote se déroulent dans la discipline. Il n’y a aucune anomalie », a-t-il confié.

Alpha Condé souhaite une « élection libre »

Dans le centre-ville de Kaloum, où se situe la présidence et la plupart des départements ministériels, les électeurs c’est aussi la discipline qui a prévalu dans les bureaux de vote. C’est dans cette commune de Conakry, à quelques pas du palais présidentiel Sékhoutouréya, dans le quartier de Boulbinet, qu’a voté Alpha Condé, candidat à un troisième mandat.

Le président sortant, Alpha Condé, vote à Conakry, le 18 octobre 2020.
Le président sortant, Alpha Condé, vote à Conakry, le 18 octobre 2020. © Sadak Souici/AP/Sipa

« Mon souhait est que l’élection soit libre, démocratique, transparente et que tout se passe dans la paix et la tranquillité », a déclaré le président sortant après avoir glissé son bulletin dans l’urne.

« Nous allons faire en sorte que soient sécurisés tous les bureaux de vote. La Guinée ne peut pas se développer sans la paix, la sécurité et l’unité », a-t-il poursuivi, avant d’interpeller ses adversaires : « Nous appelons tous les candidats à éviter la violence. Si certains veulent perturber, je pense que l’opinion nationale et internationale sera largement informée. Nous, nous souhaitons que le peuple de Guinée puisse exprimer librement son choix, sans aucune interférence ».

Confiant, Cellou Dalein Diallo appelle ses partisans à la retenue

Son principal opposant, le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo, a voté peu avant midi à Dixinn, non loin de son domicile, accompagné de son épouse Halimatou Dalein Diallo.

L'opposant Cellou Dalein Diallo vote à Conakry, le 18 octobre 2020.
L'opposant Cellou Dalein Diallo vote à Conakry, le 18 octobre 2020. © Sadak Souici/AP/Sipa

Au sortir du bureau de vote, l’opposant s’est exprimé face à la presse. « Je vote avec beaucoup de confiance, compte tenu de l’accueil chaleureux qu’a bénéficié ma délégation durant la campagne électorale à l’intérieur du pays, surtout lors de mon retour à Conakry, a jugé Cellou Dalein Diallo lors d’une courte allocution. La population est déterminée à provoquer l’alternance en ma faveur. Il n’y a pas de doute, même dans le camp d’en face, quant à ma victoire ».

Il a assuré n’avoir noté aucun incident d’envergure, mais a toutefois affirmé que les représentants de l’UFDG n’ont pas pu accéder à plusieurs bureaux de vote à Kankan et à Kouroussa. « Je lance un appel à tous mes partisans à la retenue et à la responsabilité afin que ce scrutin se passe dans les meilleures conditions, a insisté Cellou Dalein Diallo. Je ne souhaite pas que des violences viennent perturber le scrutin et compromettre dans une certaine mesure ma victoire. »

Des incidents mineurs

Dans une déclaration publiée en début d’après-midi, le ministère de la Sécurité et de la protection civile a pour sa part relevé quelques incidents mineurs au cours de la journée, notamment l’attaque d’un véhicule de l’Unité spéciale de sécurisation des élections (Ussel) dans la Commune de Matoto. L’un des assaillants a été interpelé. Le communiqué évoque également des tirs entendus dans la matinée dans le quartier de Hamdallaye, à Ratoma, l’une des cinq communes de Conakry. Il s’agirait de tirs de sommation de la police face à « un groupe de bandits ».   

Le Conseil national des organisations de la société civile a pour sa part dénombré quelques anomalies à l’intérieur du pays, pointant notamment le fait que des représentants des partis des candidats en lice n’avaient pas été admis dans plusieurs bureaux de vote dans les villes de Koundara, Siguiri ou encore Nzérékoré.

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PROCLAMER LES RÉSULTATS AVANT LA CENI, C’EST CRÉER LES CONDITIONS D’UNE SITUATION QU’ON NE PEUT PAS CONTRÔLER

Des électeurs se sont aussi plaints par endroit de n’avoir pas obtenu leurs cartes en temps et en heure. Ce fut le cas de Makalé Camara, l’une des deux femmes candidates à cette présidentielle, qui n’a pas pu voter : la présidente du Front pour l’alliance nationale (FAN) s’est en effet présentée dans son bureau de vote avec une ancienne carte.

« J’ai appelé le président de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante, ndlr) pour lui expliqué que l’on m’avait empêché de voter, n’ayant pas ma nouvelle carte d’électeur. Il m’a dit que je fais partie des personnes radiées du fichier électoral », explique Makalé Camara. « Je lui ai répondu qu’ils n’ont pas radié la bonne personne, puisqu’il y a des mineurs et des gens sans documents qui sont dans ce fichier. »

Des résultats connus dans plusieurs jours

À l’issue de la journée de vote, une fois les opérations de dépouillement terminées dans les bureaux de vote, les procès-verbaux de résultats sont centralisés dans les Commissions administratives de centralisation des votes (CACV). La loi électorale guinéenne prévoit ensuite que les résultats soient proclamés dans un délai de 72 heures à compter du dernier procès-verbal réceptionné.

Dimanche soir, lors d’un point presse à la primature, le Premier ministre, Ibrahima Kassory Fofana, qui est également le directeur de campagne d’Alpha Condé, a appelé les candidats et les états-majors des partis à se conformer à cette règle. « Proclamer les résultats avant la Ceni, c’est créer les conditions d’une situation qu’on ne peut pas contrôler », a-t-il mis en garde.