Crise de liquidités : la Banque d’Algérie peut-elle (vraiment) sauver les banques ?

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La Banque d'Algérie est la banque centrale de l'Algérie. Son gouverneur est Aymane Benabderrahmane depuis novembre 2019

La Banque d'Algérie est la banque centrale de l'Algérie.
Son gouverneur est Aymane Benabderrahmane depuis novembre 2019 © Yves Jalabert / Flickr / CC

La Banque centrale algérienne a ramené le taux de réserve obligatoire de 6 % à 3 %, afin de libérer de la liquidité sur le marché bancaire. Une mesure qui ne contente pas tous les acteurs de la place. Décryptage.

Avec la chute des revenus pétroliers, la baisse des réserves de change et la crise sanitaire, le cocktail est devenu explosif pour le marché monétaire algérien. En mal de liquidité, les banques ont de plus en plus de difficultés à satisfaire la demande.

Une situation préoccupante pour les autorités, qui s’est accélérée au cœur de l’été, avec notamment la décision de plusieurs agences bancaires de plafonner les retraits de billets. La crise est alors devenue concrète.

Le 15 septembre, la Banque centrale, qui avait déjà baissé à deux reprises cette année le « taux de réserve obligatoire » pour tenter de réguler la liquidité bancaire, le faisant passer de 10 % à 8 % en mars puis de 8 % à 6 % en avril, a acté une nouvelle baisse de ce taux, ramené à 3 %.

Objectif ? Donner un peu d’air aux établissements financiers qui disposeront ainsi d’une plus grande enveloppe disponible pour réaliser leurs opérations. « Les conditions macro-économiques et monétaires étant favorables, nous avons décidé d’agir maintenant », souligne une source à la Banque centrale. « Le but de cet abaissement est de doter les banques de capacités supplémentaires pour le financement de l’économie. »

Pression sur la liquidité

Pour rappel, l’Algérie a commencé l’année avec une liquidité globale de 1 083 milliards de dinars (7,1 milliards d’euros). Après être passé sous la barre symbolique des 1 000 dinars en mai, elle a encore chuté pour atteindre 778 milliards de dinars en juin.

Et les mois de juillet-d’août – pour lesquels les chiffres n’ont pas encore été publiés par la Banque d’Algérie – devraient enregistrer une nouvelle baisse, selon les observateurs, en raison notamment de la période des transferts des dividendes des multinationales vers l’étranger.

Et c’est à la fois en réponse à ces contre-performances et pour répondre à l’urgence de la pression sur le marché que le régulateur cherche la bonne formule. Selon un banquier de la place d’Alger, le timing de la décision de la Banque centrale coïncide ainsi avec la pression sur la liquidité ressentie sur le marché monétaire, le 14 septembre. « Elle s’est traduite à travers l’encours des opérations d’open market avec la Banque d’Algérie », explique-t-il à Jeune Afrique.

Grâce à ces opérations en effet, la Banque centrale refinance les banques en sous-liquidité à hauteur de 90 % de la valeur des effets publics (bons du Trésor…) qu’elles présentent. « Le 14 septembre, ces encours ont atteint 404 milliards de dinars, ce qui représente une hausse de 36 % par rapport à la semaine passée. Signe que beaucoup de banques demandaient de la liquidité sur le marché », poursuit le financier.

Des banques privées pénalisées

Parmi ces nombreuses banques en quête de liquidités, on trouve une majorité de banques publiques, qui représentent à elles seules près de 90 % des dépôts en Algérie. Pour elles, les mesures d’abaissement de taux de réserve obligatoire sont une bonne nouvelle.

Ce sont en effet les banques publiques qui détiennent le plus de créances avec le Trésor public. En outre, leur portefeuille se compose des clients qui exportent le moins (et génèrent donc moins de contre-valeurs dinar). Ainsi par exemple de la pétrolière nationale Sonatrach, dont les comptes ne sont déposés que dans une banque, la BEA…

Sur les six grandes banques publiques qui dominent le marché, Banque extérieure d’Algérie (BEA), la Banque de l’agriculture et du développement rural (BADR), la Banque de développement local (BDL) et la Caisse populaire d’Algérie (CPA) sont celles identifiées comme étant en sous-liquidité et ayant besoin du marché monétaire ou de l’open market pour se refinancer.

En revanche, les banques privées de la place (Société générale, BNP Paribas, Natixis Algérie, Citibank Algeria, HSBC Algeria…) ne se réjouissent pas de la réduction du taux de réserve obligatoire. « Les banques privées – qui sont toutes des banques étrangères – ainsi que la Caisse nationale d’épargne et de prévoyance, sont surliquides, précise notre interlocuteur. Pour elles qui prêtent sur le marché monétaire, le fait de desserrer l’étau sur les banques sous-liquides leur retire des opportunités de placements, donc de revenus ».

« Nous ne souhaitons pas commenter une décision du régulateur », réagit depuis Paris l’une de ces banques que nous avons sollicitée.