Tchad : Timan Erdimi, le neveu terrible
d’Idriss Déby Itno qui rêve
de marcher sur N’Djamena

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Exilé à Doha, le chef rebelle tchadien Timan Erdimi, qui voue une haine tenace à son oncle Idriss Déby Itno, rêve de marcher sur N’Djamena. Mais les Mirage français ne sont jamais bien loin.

Ce 3 février, à la demande des autorités tchadiennes, les Mirage de Barkhane font un premier passage. Ils ont pour mission de stopper les pick-up de l’Union des forces de résistance (UFR) qui traversent la région de l’Ennedi-Est, le long de la frontière avec le Soudan. La colonne – une quarantaine de véhicules selon les Français – ne s’arrête pas. Un deuxième survol est ordonné, des bombes sont larguées. Pendant quatre jours, les frappes se poursuivent. L’UFR reconnaît une quinzaine de morts dans ses rangs, mais dit continuer sa route vers N’Djamena.


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Qui dirige ces rebelles décidés à renverser Idriss Déby Itno (IDI) ? Un homme : Timan Erdimi. Dans son survêtement bleu, enfoncé dans son canapé, il n’a pourtant pas l’air d’un chef de rébellion. Lunettes sur le nez, il porte plutôt bien ses 63 ans. Le bénéfice des footings dans les rues de Doha. Il sort chaque jour, alternant sport et prière dans la mosquée située près de l’hôtel où il réside depuis une décennie, entouré de ses gardes du corps et de policiers qataris.

Malgré plusieurs tentatives de réconciliation via des relations familiales, le lien entre les deux hommes est coupé

Plusieurs offensives vaines

Ex-directeur de cabinet d’IDI puis patron de CotonTchad au début des années 1990, tandis que son frère jumeau, Tom, dirigeait les projets pétroliers, Timan Erdimi est un ancien du sérail. Zaghawa, il fait partie de l’ethnie des Bideyat, comme IDI, dont il affirme être le neveu. Il s’est brouillé avec le chef de l’État dès la présidentielle de 1996, à laquelle il lui enjoignait de ne pas se présenter. Se radicalisant au début des années 2000, c’est lui qui, avec Mahamat Nouri, pousse ses troupes sur N’Djamena en 2008, mais l’armée française permet à IDI de sauver son fauteuil. En mai 2009, il tente une fois encore de lancer ses hommes à l’assaut de la capitale. Nouvel échec.


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Pour Timan Erdimi, l’exil s’impose. Depuis Doha, il entretient ses troupes, se servant des conflits au Darfour puis en Libye pour subsister. En 2011, l’UFR reprend le combat, et, en 2013, on la dit proche de N’Djamena. Sans parvenir à pousser IDI à négocier. Malgré plusieurs tentatives de réconciliation via des relations familiales, le lien entre les deux hommes est coupé. « Il n’y a aucune chance qu’ils puissent de nouveau vivre ensemble », confie un conseiller du rebelle.

Timan Erdimi a perdu son fils en 2006 dans des combats contre l’armée tchadienne, et, le 24 janvier 2009, quelques heures après sa nomination à la tête de l’UFR, sa sœur, Gani Nassour, a été égorgée à N’Djamena. En décembre 2015, c’est son jeune frère Mahamat qui y subit ce sort.

Nous n’avons pas de relations politiques ou financières avec le Qatar

Un soutien financier du Qatar ?

Représente-t-il aujourd’hui une vraie menace ? À Paris comme à N’Djamena, on estime qu’il bénéficie du soutien financier du Qatar. Tchadiens et Qataris ont même rompu, entre août 2017 et février 2018, leurs échanges diplomatiques. Contacté par Jeune Afrique, Timan Erdimi nie tout financement. « Nous n’avons pas de relations politiques ou financières avec le Qatar. Je suis son hôte à titre privé. Mais le pays ne me soutient pas, il ne fait qu’assurer ma sécurité », nous a-t-il confié via WhatsApp, sa messagerie préférée.

L’UFR affirme disposer de l’arsenal nécessaire pour poursuivre son offensive. Avec l’accord du pouvoir de Fayez el-Sarraj à Tripoli, elle s’est en effet réfugiée plusieurs années dans le Sud libyen, où elle a su profiter du chaos. Certes, Sarraj a émis en janvier un mandat d’arrêt contre Erdimi, qui affirme n’avoir jamais mis les pieds sur le sol libyen, et l’UFR a été poussée hors du pays. Mais c’est avec un équipement lourd, acquis en Libye, qu’elle a pu faire son retour au Tchad.

Les Erdimi peuvent éviter une guerre, en garantissant la sécurité des Zaghawas et en permettant aux autres ethnies de partager le pouvoir

La carte de la communauté zaghawa

Et Erdimi ne joue pas uniquement la carte militaire : il espère cueillir les fruits des tensions qui agitent la communauté zaghawa. Avec son frère Tom, il propose d’installer une transition « de deux ou trois ans », avant d’organiser des élections auxquelles il ne se présenterait pas.

« Les Erdimi peuvent éviter une guerre, en garantissant la sécurité des Zaghawas et en permettant aux autres ethnies de partager le pouvoir », explique l’un de leurs conseillers. À N’Djamena, IDI surveille de près le pouls zaghawa et, lors de la visite du président français Emmanuel Macron en décembre, il a placé le dossier de la crise du Nord-Est sur le haut de la pile.

Fin de non-recevoir en France

Du fond de son canapé qatari, Timan Erdimi observe et espère. Le verrou français, il connaît. En 2012, il a espéré convaincre le nouveau chef de l’État François Hollande, qu’il avait croisé dans le cabinet de Jean-Pierre Mignard en 1996, mais le socialiste n’avait pas suivi, pas plus que Nicolas Sarkozy ni Emmanuel Macron après lui.

« Les Erdimi ne représentent pas une solution à nos yeux », affirme-t-on à Paris. La porte de l’Élysée est fermée. Comme la route de N’Djamena ?