Témoignages

 

[Tribune] Coronavirus : la Chine doit payer

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Cofondatrice de Transparency International, ancienne vice-présidente de la Banque mondiale

Une affiche sur le coronavirus à Lagos, le 12 mai 2020.

L’ancienne vice-présidente nigériane de la Banque mondiale Oby Ezekwesili a lancé l’appel #ChinaMustPay le 16 avril dernier dans le Washington Post. Selon elle, la Chine devrait payer les pays africains pour les dommages causés par la pandémie de coronavirus.

Malheureusement et injustement, mon pays, le Nigeria, est l’un des 54 pays africains qui luttent suite à l’échec de la Chine à assumer la responsabilité d’une pandémie qui aurait pu être facilement contenue et localisée.

Étant donné que Pékin n’a pas adhéré à la transparence scientifique et de la recherche de base dans les premiers jours critiques de l’épidémie de Covid-19 à Wuhan, il doit accepter ses responsabilités et accéder à une demande légitime de paiement de sanctions.

Il est maintenant clair pour le monde que la gestion de la pandémie par la Chine a été opaque : des informations du domaine public indiquent que la Chine a caché au reste du monde des informations cruciales sur la pandémie. La charge de présenter des informations contrefactuelles convaincantes incombe à la Chine et, jusqu’à présent, elle ne l’a pas fait.

Or, l’esprit de transparence doit être dans l’intérêt de la Chine. Il est curieux que Pékin n’ait jusqu’à présent pas accepté ma suggestion de permettre à un groupe d’experts internationaux indépendants d’examiner et d’évaluer la manière dont la Chine gère la pandémie de Covid-19. Pourquoi ? La Chine a-t-elle peur d’une divulgation complète d’informations qui puisse aider le monde à tirer des leçons essentielles sur la meilleure façon de gérer les menaces et les risques mondiaux ?

Une compensation encore à estimer

La Chine doit à l’Afrique une compensation encore à estimer, car sa négligence en décembre 2019 et début janvier a entraîné une pandémie mondiale à propagation rapide, qui a fait chuter la croissance économique du continent de 2,9 % en 2019 à – 5,1 % en 2020. Dans un rapport d’avril 2020 sur la pandémie de coronavirus, la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique a déclaré que « plus de 300 000 Africains pourraient perdre la vie à cause du Covid-19 ». Selon la Commission de l’Union africaine, le coronavirus a déjà provoqué l’effondrement de nombreuses économies en Afrique et aggrave la pauvreté.

Ces souffrances injustifiées des pauvres et des vulnérables provoquées par les actions d’un pays relativement riche et puissant exigent un nouveau système pour lutter contre les inégalités mondiales.

J’ai du mal à croire que la Chine,
compte tenu de son expérience des mauvais traitements coloniaux,
souhaite que ce modèle se poursuive

Dans l’intervalle, Pékin devrait prendre ses responsabilités et atténuer la pression fiscale sévère sur nos pays, en annonçant une annulation de plus de 140 milliards de dollars de prêts que son gouvernement, ses contractants et ses banques ont avancés en Afrique au cours des deux dernières décennies.

À la suite de cette annulation de la dette, un consortium international composé du G20, de la Chine, de la Commission de l’Union africaine et d’institutions mondiales telles que les Nations Unies, la Banque mondiale et le FMI devrait être constitué pour évaluer l’étendue totale des dommages et la compensation due.

J’ai du mal à croire que la Chine, compte tenu de son histoire et de son expérience des mauvais traitements coloniaux, souhaite que ce modèle cyclique se poursuive. Les autorités de Pékin veulent-elles vraiment que les Africains acceptent simplement les actions nuisibles des pays riches et puissants ? Il devrait être dans son intérêt national historique d’empêcher l’exploitation future des pays vulnérables par les superpuissances économiques.

Une taxe mondiale sur la charge du risque

Mon article #ChinaMustPay est un appel à innover pour trouver des mécanismes mondiaux qui obligent les pays à commencer dès maintenant à avoir les bonnes réactions chaque fois que des risques et des menaces émergent. La Chine a connu la grandeur économique en misant sur l’innovation, n’est-il pas légitime de lui demander d’être partie prenante à la création d’une nouvelle norme mondiale ?


J’ai proposé un système de sanctions sous la forme d’une taxe mondiale sur la charge du risque qui sera désormais payable aux pays les plus faibles et les plus vulnérables et à leur population chaque fois qu’ils seront obligés de supporter une charge disproportionnée de risques mondiaux évitables émanant de pays riches et puissants.

Une telle pénalité pourrait servir de dissuasion pour empêcher la prise de décisions telles que celles qui ont intensifié la propagation du virus mortel hors de Wuhan.

La Chine doit savoir qu’en ce qui concerne nos vies et nos moyens de subsistance, aucun pays, quelle que soit sa puissance, ne peut plus jamais nous intimider, nous Africains.

Pékin devrait faire ce qu’il faut maintenant et accepter la dette qu’il doit à l’Afrique à la suite de ses échecs sur le Covid-19. C’est ainsi que les puissances mondiales responsables devraient se comporter au 21e siècle si elles veulent être prises au sérieux.

 
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Afro-club, le hit des platines avec Reniss, Etane Blex et Lord Ekomy Ndong

chanteuse

(Pour écouter les musiques, faites attention à arrêter la publicité et autres choses qui la précèdent...)
 

Voici les nouveautés de l’Afro-Club dont le hit des platines est composé cette semaine de Sista Bercy & Innoss’B, Etane Blex & Suspect 95, Lord Ekomy Ndong, LaSauce, Reniss et enfin Roberto.

Avec Commando, la Camerounaise Reniss prouve qu’elle est toujours là où on ne l’attend pas
Reniss raconte, dans Commando, l'histoire d'un militaire qui vit paisiblement avec son amoureuse jusqu'au jour où une mission sur le terrain sépare le couple et emporte la vie du jeune soldat. La chanteuse a choisi le makossa dans sa version la plus traditionnelle. Le rythme atypique de ce genre musical propre au Cameroun et bien cadencé et la mélodie teintée de cuivres harmonieusement jouée donnent ce résultat exquis. Le clip rétro vient enrichir le décor sonore. Justement, cet univers inspiré des années 1980 était déjà présent dans les précédents visuels de l’artiste comme dans Night Life. Reniss est incontestablement le coup de cœur de la semaine.

Le Zambien Roberto invite les couples à se rapprocher dans Come Closer
Robert Chindamba Banda est de retour et on aime ça. Alors qu’il avait entrepris une tournée des pays du sud du continent en début d’année, la pandémie de coronavirus l’a stoppé net dans sa progression. L’artiste zambien qui est dans la musique depuis 2004 a tout de même souhaité rester actif sur ses réseaux sociaux. Pour rappel, Roberto est un des chanteurs les plus populaires du pays depuis l’explosion de son hit Amarulah en 2015. Il nous abreuve régulièrement de hits aux saveurs afropop locales. C’est ainsi qu’en avril dernier, le titre Come Closer est arrivé sur YouTube avec très peu de promotion. Comme à son habitude, Roberto signe une chanson de qualité sur un thème consacré aux amoureux.

Le Togolais Etane Blex convie l’Ivoirien Suspect 95 sur le très virulent Tais-Toi 
tane Blex est un artiste de la nouvelle génération de talents prometteurs au Togo. En 2014, il publie le titre Viagra qui lance sa carrière professionnelle et enchaîne en 2015 avec Mepigan qui lui vaut une nomination aux All Music Awards. En 2017, il collabore avec Kasaré sur le titre Gomené. Aujourd’hui, il revient avec l’artiste ivoirien Suspect 95 qui a récemment suscité le débat dans son pays en dénonçant le phénomène des sugar daddy (hommes d’un certain âge ayant des relations amoureuses rémunérées avec des filles beaucoup plus jeunes, ndlr). Ce sujet longtemps resté tabou dans la société est devenu une source de malaise que Suspect 95 a matérialisé dans son titre Parle à ton papa. Un titre qui fait écho à Tais-toi dont le texte dénonce les commentaires de ceux qui portent des jugements sur la vie d’autrui sans pour autant connaitre la réalité à laquelle ils font face. Hashtag Sagesse !

Le Gabonais Lord Ekomy Ndong remet sa plume au service du peuple avec Autobiographie d'un soldat sans arme
Au lendemain du Catalogue Challenge (compétition culturelle sous forme de battle entre deux artistes ou compositeurs de musique née durant le confinement, ndlr) l’ayant confronté à son compatriote Ba’ponga le dimanche 3 mai dernier, le rappeur gabonais Lord Ekony Ndong a publié deux albums surprises : Petit mutant dans son coin et Toujours autant dans son coin. Il n’avait rien sorti depuis La Théorie des cordes et ses 20 titres parus en mars 2019. Très connu pour sa plume acerbe à l’encontre du pouvoir politique au Gabon depuis qu’il a créé le groupe Movaizhaleine, Ekomy Ndong est contraint à l’exil hors de son pays natal, mais il n’en oublie pas pour autant les combats à mener. C’est ce dont il est question dans Autobiographie d’un soldat sans arme qui retrace son parcours et ses engagements.

La Sud-Africaine LaSauce parle des relations de couple pendant le confinement dans Njalo
La chanteuse sud-africaine LaSauce, connue pour avoir signé le hit Coolerbag en 2017 ainsi que la collaboration mémorable avec Amanda Black sur I Do la même année, est de retour. Sindiswe Magoso de son vrai nom excelle dans la soul et le r'n'b au pays du kwaito et de l’afrohouse. Dans Njalo, elle traite un sujet très actuel, celui des couples se retrouvant en confinement mais devant respecté la distanciation sociale. Une situation qui les éloigne tout en créant un climat de suspicion alors que l’un des conjoints a contracté la maladie. Un véritable scénario à suspense. Avec sa voix suave et le rythme langoureux de la musique, LaSauce arrive à rendre léger un sujet aussi épineux et surtout très en phase avec la réalité. Un talent prometteur pour une artiste de 22 ans à peine.

La rappeuse congolaise Sista Becky invite Innoss’B sur Il fait semblant
Rebeca Kalonji, alias Sista Becky, baigne dans le rap depuis son plus jeune âge. C’est donc tout naturellement qu’elle se tourne vers ce genre musical lorsqu’elle se lance dans la musique en 2016, tiraillée entre chant et prose urbaine. Il n’y a pas beaucoup de femmes dans la musique urbaine au Congo, alors Sista Becky a su se forger une réputation de First Lady du rap au pays de Lumumba en collaborant avec le rappeur Lexxus Légal à deux reprises. En 2018, elle publie Emotions dont la rythmique est inspirée du gqom, style musical sud-africain né à Durban au début des années 2010. La même année, elle sort Notorious Spirit. Aujourd’hui, Innoss’B lui donne de la force en posant sa voix sur Il fait semblant. Initiative qu’on ne peut que féliciter.

Retrouvez les titres les plus diffusés dans les clubs et discothèques du continent dans la playlist de DJ Face Maker sur Deezer et YouTube avec RFI Musique.

 
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Alpha Dia, le mannequin qui lutte à Dakar contre le coronavirus

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Alpha Dia au centre (avec la chemise bleue), en décembre 2019.

À travers sa fondation, le mannequin sénégalais Alpha Dia distribue masques, produits de première nécessité et denrées alimentaires aux plus démunis.

L’initiative a même attiré l’attention de Naomi Campbell. Le 25 avril, le top model britannique poste, sur Instagram, une photo du mannequin sénégalais Alpha Dia, accompagné d’un message de soutien. Le jeune homme de 28 ans explique alors, en anglais puis en wolof, comment sa fondation lutte contre le coronavirus à travers la distribution de masques, de produits de première nécessité et de denrées alimentaires aux précaires dans la commune de Grand Dakar, mais aussi en venant en aide au personnel soignant de la capitale sénégalaise.

Au 11 mai, la fondation Alpha Dia, organisation à but non lucratif née en décembre 2019, a levé, depuis mi-mars, la somme de plus de 3 millions de francs CFA (4 573 euros), dont 2 millions remis au Centre de santé de Grand Dakar. « À partir de 2015, au cours de mes déplacements au Sénégal, je me suis demandé comment je pouvais mener de véritables actions sociales pour venir en aide aux plus démunis. J’ai donc créé ma propre fondation, à la fois immatriculée au Sénégal et en Allemagne. Notre travail est principalement axé sur les enfants des rues. Depuis que la crise sanitaire est installée, nous nous concentrons sur les personnes qui subissent les effets du confinement ou de la fermeture de certains services, en particulier à Grand Dakar, la commune dans laquelle j’ai grandi. Tout ceci me tient à cœur », explique Alpha Dia.

Fashions weeks

Né à Diokoul Diawrigne, dans le nord-ouest du pays, il n’a pas un an lorsque sa famille s’installe à Grand Dakar. Dix ans plus tard, il quitte le Sénégal pour rejoindre son père à Hambourg, en Allemagne. Celui qui court les fashions weeks internationales multiplie alors les shootings de luxe et défile pour Prada, Hugo Boss, Jacquemus, Heron Preston, Dries Van Noten, Salvatore Ferragamo, Givenchy, Adidas, Versace et a notamment posé pour le calendrier Pirelli 2017, a débuté sa carrière de modèle à l’âge de 21 ans, quelques mois après avoir été repéré par un photographe dans un restaurant de Hambourg.

 

Je n’oublie pas d’où je viens. Je suis un pur Sénégalais

Quand on lui demande qui sont ses inspirations dans l’industrie de la mode, il cite principalement des Africains : les mannequins et designers bissau-guinéens Armando et Fernando Cabral ainsi que le mannequin ivoirien Adonis Bosso. « Depuis que j’ai signé avec ma principale agence, Modelwerk, j’ai pu travailler dans de nombreux pays à travers le monde, en commençant par défiler pour la fashion week de Milan. C’est une chance, mais je n’oublie pas d’où je viens. Je suis un pur Sénégalais. Je ne peux pas fermer les yeux sur les problèmes qui existent là d’où je viens. Tout le travail mené avec la fondation fait partie de moi. »

Un million de masques

En Allemagne, l’organisme est géré administrativement par deux personnes. Sur le terrain, à Dakar, Alpha Dia emploie quatre personnes rencontrées par l’entremise de la chaîne locale Grand Dakar TV. La fondation, qui continue de recevoir des donations anonymes – de la part de « beaucoup d’abonnés sur Instagram et d’Africains de la diaspora », précise Alpha Dia –, a d’ores et déjà confectionné un million de masques en tissu. Et elle ne compte pas s’arrêter là : elle s’apprête à collaborer avec Hugo Boss dans le cadre de la fabrication et la distribution de masques à des influenceurs de mode pour sensibiliser le plus de monde possible sur son travail.

 
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Homélie pour la fête des bienheureux martyrs d’Algérie

Notre-Dame de la Garde

Vendredi 8 mai 2020

 

«Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, dit le Seigneur, et que votrejoie soit parfaite» (Jn 15, 11).Je me souviens de la joie profonde qui avait saisi l’Église tout entière en ce jour béni du8 décembre 2018. Ce matin-là, la brume avait envahi Oran. C’est souvent ainsi, l’hiver, lorsque la mer fait don d’un peu d’humidité à cette terre oranaise rassasiée de soleil,qu’Albert Camus avait si bien chantée. Quittant l’hôtel de bon matin, notre délégationfut conduite sous bonne escorte jusqu’à la grande mosquée où une réception officielle, grandioseet chaleureuse, avait été préparée. L’Algérie avait mis les petits plats dans les grands. Cette fête de la béatification, qui aurait pu ne concerner, comme en cachette,que les quelques chrétiens résidant dans ce pays, fut un moment de joiepour tous les Algériens. Les paroles prononcées à la mosquéepar les autorités du pays, civiles et religieuses, puispar le cardinal Becciu, envoyé spécial dupape François, vibraient de la même espérance, celle qui n’ignore pas les blessuresdu passé maisaccueille des mains deDieu la promesse d’unepaix, confiée aux mains fragiles des hommes et des femmes de bonne volonté.Déjà, la veille au soir, dans une cathédrale plus bondée que jamais, nous avions été profondément émusà l’écoute dedivers témoignages, désarmants de fraternité. La sœur de Pierre et la mère de Mohamed, le frère de Christian et le fils de Mohamed, le vieux Jean-Pierre et l’inusable Henri, et le témoignage de tant d’autres histoires,chrétiennes et musulmanes, entrecroisées par la douleur et transfigurées par l’amitié. Les bienheureux accomplissaient ainsi, sous nos yeux, d’innombrables miracles en permettant àl’Esprit de nous faire éprouver la force de l’amour,plus puissanteque toutes nosdivisions. «Croire au sens de notre présence en Algérie aujourd’hui, avait écrit Christian Chessel, ce n’est peut-être rien d’autre que croire à la force de l’amour.» Ce soir-là,dans la cathédrale, la frêle lumière de nos bougies, vivante figure de l’aube éternelle, semblait se frayerun chemin dans les méandres de nos ombres intérieurespour nous faire goûter la paix qui vient de Dieu, une paix palpable et insaisissable à la fois, une paix qui avait traversé les souffrances et les deuils, les vengeances et les peurs, et qui aspirait follement nos prières, musulmanes et chrétiennes,pour ouvrir nos cœurs àl’œuvre

2de la grâce.«La sainteté est avant tout une grande passion,a écrit Pierre Claverie. Il y a une folie dans la sainteté, la folie de l’amour, la folie même de la croix, qui se moque des calculs et de la sagesse des hommes.»Lelendemain, en arrivant sur lagrande esplanadede Santa Cruz, nous n’avions plus qu’à nous laisser saisirpar la grâce d’Oran. Il suffisait, comme nous le redit alors avec chaleur et simplicité Mgr Vesco,de nous accueillir mutuellement, nous qui n’aurions jamais eu l’audace de nous appeler «frères» si l’Esprit Saint ne nous l’avait demandéet s’il ne nous donnait lui-même le courage et le goût de la fraternité. Michel Fleury, ce pradosien devenu trappiste, cediscret trait d’union entre l’Algérie et Marseille, entre Tibhirine et La Cabucelle, écrivait dans l’une de ses lettres: «S’il nous arrive quelque chose, je ne le souhaite pas, nous voulons le vivre ici, en solidarité avec tous ces Algériens et Algériennes qui ont déjà payé de leur vie, seulement solidaires de tous ces inconnus innocents... Il me semble que Celui qui nous aide aujourd’hui à tenir c’est Celui qui nous a appelés. J’en reste profondément émerveillé».Sur unegrande bâche étaient inscrits les noms des nouveaux bienheureux, mêlés à une série d’autres prénoms d’Algériens dont on pouvait penser qu’ils avaient eux aussi été victimes de cette décennie noire qui longtempsendeuillale payset continue, aujourd’hui encore, de peser sur son présent. Et je me souvenais de Sétif, le 8 mai 1945, d’Alger, le 26 mars 1962 et d’Oran, le 5 juillet 1962. Quand la haineet le mépris ontaveuglé les hommes, seule l’humilité peut ouvrir un chemin vers la réconciliationet aider le Seigneur à essuyer «toutes larmes de leurs yeux»(Ap 7, 17)! Le matin, à la mosquée, on avait évoqué les cent quatorze imams et les cent journalistes, eux aussi assassinés pour s’être opposés avec courage à la violenceet à la haine. Et sur l’icône écrite pour la béatification figurait en bonne place Mohamed Bouchekhi, le jeune chauffeur de Pierre Claverie, dont la mère avait témoigné la veille à la cathédrale. Car si l’Église peut bien reconnaître dix-neuf bienheureux, personne ne peut faire la liste de la communion des saints, foule immense de ceux qui «ont traversé la grande épreuve» (Ap 7, 14) et que «nul ne peut dénombrer»(Ap 7, 9)!La faiblesse partagée est le seul langage du Dieu incarné.ÉdifianteÉglise d’Algérie qui,par son couragedans l’épreuve et sa persévérance dans l’humilité,a permis que la confiance s’établisse et qu’une telle célébration ait pu avoir lieu sur le sol algérien, faisant d’Oran «un signe de fraternité pour le monde entier», selon les mots du pape François!Église de Marseille, n’oublie pas le cadeau qu’a fait au monde entier lapetite Église d’Algérie, féconde dans la pauvreté, libre dans les contraintes, missionnaire par le seul témoignage de sa sainteté. Apprends auprès d’ellele lien étroit entre la sainteté et l’amitié, entre le don d’une vie jusqu’au martyre et le quotidien d’unefidélité attentive auxvoisins les plus

3proches. Les martyrs d’Algérie ne sont des martyrs de la foique parce qu’ils sontdes martyrs de l’amouret de l’espérance. Après l’assassinat de frère Henri, Christian de Chergé écrivait:J’étais personnellement très lié à Henri. Sa mort me paraît si naturelle, si conforme à une longue vie tout entière donnée par le menu. Il me semble appartenir à la catégorie de ce que j’appelle «les martyrs de l’espérance», ceux dont on ne parle jamais parce que c’est dans la patience du quotidien qu’ils versent tout leur sang. Je comprends en ce sens le «martyre monastique». Et cet instinct qui nous porte, actuellement, à ne rien changer, si ce n’est dans un effort permanent de conversion. [Lettre du 5 juillet 1994]Être fidèle au Christ et à leurs voisins, humbles «priants parmi d’autres priants»: tel futle secret de lasaintetédes martyrs d’Algérie.Comme ce fut le secret de tant de sainteté inconnue pendant la guerre de 1939-1945, dont nous célébrons aujourd’hui l’armistice. Comme Maximilien Kolbe et Édith Stein, Dietrich Bonhoeffer et Etty Hillesum, nombreux sont ceux dont les noms ont été inscrits au livre de vie, parce qu’ils avaient signéde leur sang l’engagementde leurs vieset que ce don lesavait rendus libres. «Personne ne peut nous prendre la vie parce que nous l’avons déjà donnée... Il ne nous arrivera rien puisque nous sommes dans les mains de Dieu... Et s’il nous arrive quelque chose, nous sommes encore entre ses mains», écrivait sœur Esther, assassinée à Bab El Oued le 23 octobre 1994.Ce matin, frères et sœurs, en célébrant l’eucharistie à Notre-DamedelaGarde, ce sanctuaire marial de l’autre rive, dont l’autel fut jadis consacré par le cardinal Lavigerie, j’aimerais vous inviter à l’action de grâces et à la vigilance. La crise sanitaire que nous traversons actuellement,et surtout ses immenses conséquences économiques,fragilisentdéjà le tissu socialde notre pays et même de notre diocèse. Comme il importe, dans les semaines et les mois qui viennent, que nous soyons profondément unis dans la prière et l’action de grâces! Comme il importe que nous développions uneprésence attentive et concrète à toutes nos relations de voisinage, ainsi qu’une résistance vigoureuse contre les démons du racisme et de l’exclusion, qui prospèrenttoujours quand la misère grandit, comme nous l’ont appris les funestes engrenages qui conduisirent à la Seconde Guerre mondiale. N’oublions jamais que tout homme, toute femme, est un frère, une sœur, «pour qui le Christ est mort»(Rm 14, 15). «Mon commandement le voici,dit le Seigneur: aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime» (Jn 15, 12-13).

Amen! !

Jean-Marc Aveline
Archevêque de Marseille

 
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Robert Nouzaret, ancien sélectionneur de la Côte d'Ivoire, de la Guinée
et de la RDC revient sur ses expériences africaines

Robert Nouzaret lors de la CAN 2008.
Robert Nouzaret lors de la CAN 2008. AFP

À 76 ans, Robert Nouzaret a pris sa retraite. La fin d'une aventure de 46 ans passée sur les bancs de clubs français mais aussi à la tête de trois sélections africaines : la Côte d'Ivoire (par deux fois), puis la Guinée et la République démocratique du Congo. Robert Nouzaret revient pour l'occasion sur ses expériences en Afrique.

RFI : Vous avez été deux fois sélectionneur de la Côte d’Ivoire (96/98 puis 2002/2004), quel souvenir gardez-vous de cette double expérience ?

Robert Nouzaret : La grande différence, c’est que lors de la première période j’avais 90% de joueurs qui jouaient en Afrique. Et la 2ème période j’avais 100% de joueurs qui jouaient en Europe. Aujourd'hui être responsable d’une sélection africaine, ça ne représente plus le football africain, ça représente les qualités individuelles des joueurs que vous essayez de faire jouer le mieux possible ensemble. Alors que lors de mon premier passage, c’était vraiment quelque chose lié à la culture africaine, aux coutumes africaines, avec des gars que je voyais déjà beaucoup plus souvent parce que j’étais sur place. Un jour, ils avaient mis un cochon dans le vestiaire de l’équipe d’Algérie… Olala… Pour un match de qualification à la CAN. Qu’on avait gagné d’ailleurs ! Alors que pour ma 2ème période, je n’allais à Abidjan que lorsqu’il y avait des rencontres à disputer. Parce que je n’avais plus besoin d’aller voir des matchs locaux pour récupérer des joueurs qui puissent prendre une place d’un international dans l’équipe nationale. Il y avait trop de différence ! Durant la première période, j’ai vraiment connu ce qu’était le football africain. Et je reconnais que je me suis régalé ! Parce que j’ai vécu à l’africaine sans avoir le souci de faire des allers-retours en Europe pour voir des matchs et des joueurs.

Vous reprenez une sélection africaine en 2006, à la tête de la Guinée. Comment cela s’est passé ?

Ce fut un passage très agréable. Mais dans des conditions très différentes. La Guinée n’avait pas le potentiel financier et administratif que pouvait avoir la Côte d’Ivoire. Elle avait d’autant plus de mérite. Je suis aussi tombé sur une période avec un effectif très bon. Des bons gamins, et surtout très complémentaires : Pascal Feindouno, Ismaël Bangoura, Habib Baldé. Lors de mes trois années passées en Guinée, j’ai connu un contexte totalement différent : je venais d’un pays beaucoup plus ambitieux et développé (la Côte d’Ivoire), et j’ai découvert un autre pays bien plus miséreux, avec des difficultés financières et autres. Mais j’ai rencontré des superbes personnes au niveau des dirigeants, et des bons joueurs, surtout dans leur tête. Je n’ai que des bons souvenirs dans ce domaine-là. Ce n’était pas compliqué : les joueurs avaient trop de talent, et surtout étaient très réceptifs. Pour eux, rejoindre la sélection nationale c’était vraiment un objectif important. Ils étaient fiers de porter le maillot de leur pays, mais surtout ça leur permettait de retrouver leur famille, qu’ils ne voyaient pas régulièrement en jouant dans les championnats européens. Et ça donnait une qualité d’osmose dans le groupe qui était très intéressante. Ils n’étaient pas du tout compliqués à gérer. Vous savez les joueurs africains, le seul moment où il faut les surveiller, c’est quand ils ont envie de sortir. Parce que ce sont vraiment des fêtards. Et comme c’étaient des gamins très intelligents, et bien cela faisait partie de leur oxygène et de leur motivation. Ils avaient besoin de ça et il fallait le comprendre.

Enfin votre dernier passage sur un banc, c’était en 2010/2011 avec la RDC. Et cela ne s’est pas très bien passé…

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Ça c’est mal passé d’abord par ma faute. Car, entre le moment où j’ai été contacté et le moment où ils m’ont demandé de venir, il y a eu trop de temps. Et dans le doute, j’ai fait l’erreur de ne pas me mettre au courant du football de RDC et des joueurs congolais, pour gagner du temps lorsque j’arriverais. Parce que je n’étais pas du tout sûr qu’ils allaient accepter mes propositions. C’était ma première erreur. Après, lorsque je suis arrivé, j’ai fait une deuxième erreur. Le premier match c’était contre le Sénégal, et c’était la première fois de toutes mes expériences africaines que je ne connaissais pas du tout la plupart des joueurs congolais. Et je me suis basé sur un ou deux adjoints que j’avais à ma disposition et là j’ai fait une erreur. J’aurais dû carrément prendre l’équipe du TP Mazembe et remplacer les 2 ou 3 étrangers qu’ils avaient dans l’équipe par des joueurs congolais. Et je pense qu’on y serait allé d’une manière beaucoup plus sûre et beaucoup plus réaliste et efficace.

Comment observez-vous l’évolution du football africain, et le fait qu’il y ait plus d’entraîneurs africains qu’à votre époque ?

Je suis bien content. Je pense que beaucoup d’entraîneurs africains ont les qualités pour arriver au niveau des européens. Ils n’ont pas eu la chance d’être encadrés comme les européens ont été encadrés. Il n’y a pas de secret. Lorsque vous vivez dans ces pays, vous rencontrez des gens très compétents. Nous les sélectionneurs européens qui venons sur le continent africain, en dehors de notre devoir de résultats sportifs avec nos équipes, nous avons un rôle de formateur quand nous sommes sur place. Et vous verrez de plus en plus d'Africains qui viendront entraîner en Europe, c’est logique. C’est le juste retour des choses par rapport aux Européens qui viennent en Afrique.

 
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Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)