Témoignages

 

Hamed Bakayoko : autodidacte, tribun, ambitieux…
Ce qu’il faut savoir sur le Premier ministre ivoirien

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Hamed Bakayoko, Premier ministre de Côte d'Ivoire.

Nommé Premier ministre de Côte d’Ivoire après le décès d’Amadou Gon Coulibaly, il est pressenti pour diriger la campagne d’Alassane Ouattara.

1. Autodidacte

Hamed Bakayoko naît en 1965 dans le quartier populaire d’Adjamé, à Abidjan. Son père est fonctionnaire, sa mère décède alors qu’il n’est encore qu’un enfant. Après le bac, il part étudier la médecine à Ouagadougou, rentre au bout de deux ans à Abidjan, mais abandonne cette voie un an plus tard… Il n’a aucun diplôme et n’en conçoit aucun complexe. Il aime dire qu’il a tout appris à l’école de la vie.

2. Mentors

Dans les années 1980, il se rapproche de l’ambassadeur Jean Vincent Zinsou, lequel devient son mentor. Il fera la connaissance d’Alassane Ouattara au tout début des années 1990.

3. Homme de médias

À cette époque, il fonde Mayama Éditions, la société éditrice du quotidien Le Patriote. De 1993 à 2003, il dirige le groupe Radio Nostalgie Afrique.

4. Culotté

Hamed Bakayoko n’est pas homme à s’en laisser conter. En 1990, alors que le président Houphouët-Boigny mène campagne pour sa réélection, il choisit de lui apporter son soutien.

Il fait le siège des locaux de la Radiodiffusion-Télévision ivoirienne (RTI), jusqu’à convaincre Ally Coulibaly, alors directeur général de la chaîne, de le laisser passer à l’antenne.

5. Tribun

C’est aussi un enfant du peuple, dont il maîtrise les codes bien mieux que ceux de la grande bourgeoisie qui s’est construite sous Houphouët. Imposant, fonceur, il sait galvaniser la foule et a facilement été élu maire de la commune (populaire) d’Abobo, en 2018.

6. Soro

Il a jadis été proche de Guillaume Soro, l’ex-président de l’Assemblée nationale désormais en disgrâce. Il a fait partie des donateurs du Forum des associations du Nord (FAN), que dirigeait Soro, avant que ce dernier déclenche une rébellion, en septembre 2002.

En 2003, Ouattara veut le faire entrer au gouvernement de réconciliation nationale, et Soro insiste pour qu’on lui confie le ministère des Nouvelles Technologies de l’information.

7. « Petit Pasqua »

En 2011, Ouattara en fait son ministre de l’Intérieur – à l’époque, le président l’appelle son « petit Pasqua ». Six ans plus tard, après que des mutineries viennent d’ébranler le pays, il est nommé à la Défense.

En mai et en juin derniers, lorsque le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly est hospitalisé en France, c’est lui qui assure l’intérim.

8. Go-between

Stratège, il entretient ses relations avec l’opposition. Il est en contact aussi bien avec les proches de Laurent Gbagbo qu’avec ceux d’Henri Konan Bédié, le chef du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qui a annoncé sa candidature à la prochaine présidentielle.

9. Ambitions

Nombreux sont ceux qui lui ont prêté l’envie de succéder au chef de l’État, en particulier après le décès de Gon Coulibaly, dont Ouattara avait fait son dauphin.

C’est ce qui lui a valu l’hostilité d’une frange du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Mais il dément et affirme se consacrer entièrement à sa nouvelle mission.

10. « Deuxième maman »

Ce n’est pas un ami de trente ans, comme l’était Gon Coulibaly, mais Hamed Bakayoko est un proche du couple présidentiel. Il dit de la première dame qu’elle est sa « deuxième maman » et soutient la volonté de son mari de briguer un troisième mandat. Il est d’ailleurs pressenti pour diriger sa campagne.

Alexandre Men, l’ouverture au Christ 

Assassiné en 1990, le père Alexandre Men est une figure majeure de l’orthodoxie du XXe siècle. C’était un prêtre ouvert et missionnaire, dont toute la vie et l’engagement étaient centrés sur le Christ.

Portrait du P. Alexandre Men, par Eloïse Oddos.

Ce matin du 9 septembre 1990, il y a presque trente ans, le père Alexandre Men est en retard pour la messe qu’il doit célébrer dans sa petite paroisse de Novaïa Derevnia, à une trentaine de kilomètres au nord de Moscou. Son frère Pavel est inquiet. « Être en retard aux offices ne lui arrivait jamais dans la vie : je craignais que quelque chose de terrible se soit passé. » Au sortir de la messe, famille et paroissiens apprennent la terrible nouvelle : le père Men est mort, assassiné à coups de pelle de sapeur sur le petit chemin qui l’amenait vers la gare de Semkhoz où il allait prendre le train pour Novaïa Derevnia.

S’ils n’ont aucune preuve directe, les proches du père Men soupçonnent fortement le KGB d’être derrière cet assassinat destiné, en pleine perestroïka, à faire taire un homme charismatique, qui témoignait si bien de sa foi dans une société soviétique en pleine crise au moment où une partie de l’appareil communiste s’inquiète de la tournure des réformes.

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Fils de juifs non-pratiquants (sa mère s’est tournée vers le Christ sous l’influence d’un des héritiers des moines d’Optina, véritable centre spirituel de l’intelligentsia russe avant la Révolution), le père Men a en effet un don pour parler du Christ à une société en crise spirituelle, profondément marquée par des décennies d’athéisme officiel.

Sa paroisse devient le rendez-vous de l’intelligentsia

« À partir de la fin des années 1960, il y a en URSS une certaine désaffection par rapport à l’idéologie officielle : la société aspire à autre chose auquel le Parti est incapable de répondre, raconte Yves Hamant, professeur émérite d’études slaves à Nanterre et biographe d’Alexandre Men (1). Par sa formation intellectuelle de haut niveau, notamment scientifique, le père Men a su répondre à cette aspiration et s’adresser à la culture séculière de son temps. »

Peu à peu, sa paroisse des alentours de Moscou devient le rendez-vous de l’intelligentsia. Le père Men se lie avec Alexandre Soljenitsyne et accompagne sur le chemin de la foi la veuve du poète Ossip Mandelstam, la pianiste Maria Youdina ou encore le chanteur Alexandre Galitch. « Mais il était aussi à l’aise avec les babouchki (grands-mères) de son village », relève Yves Hamant.

Cette aura n’a pas échappé aux services soviétiques de sécurité qui s’inquiètent de retrouver ses livres tapés à la machine à travers toute l’Union soviétique. Jusqu’au milieu des années 1980, le KGB constituera sur lui un dossier en vue de l’emprisonner, mais son évêque lui évitera de justesse la prison.

« Le christianisme ne fait que commencer »

« L’activité missionnaire débordante de ce prêtre “hors-norme” irritait ceux qui avaient promis “la mort de la religion”, raconte dans la revue œcuménique Irenikon (1) le père Serge Model. Outre les tracasseries administratives, des tentatives de discréditer le père Alexandre auprès des croyants furent entreprises : des pamphlets anonymes l’accusèrent de sionisme ou d’antisémitisme, de crypto-catholicisme ou de protestantisme, d’arianisme ou de nestorianisme, de monophysisme et d’autres hérésies. On le vilipendait comme orthodoxe obscurantiste ou dissident occidentalisé, voire comme collaborateur du KGB ou simplement comme “juif”. »

À partir de 1988, pourtant, la perestroïka portée par Gorbatchev permet au père Men de s’exprimer plus ouvertement. Le 9 octobre, il est le premier prêtre à parler dans une école soviétique. Il sera invité ensuite dans des usines, des clubs, à la radio et à la télévision. À Pâques 1990, il participe à un grand rassemblement religieux au stade olympique de Moscou. La télévision lui commande même une émission.

Alexandre Men multiplie aussi les conférences, comme ce soir du 8 septembre 1990, à la veille de sa mort, à la Maison de la technique de Moscou où il exprime ses grandes intuitions sur la foi, l’Église, le lien entre religion et culture. « Le Christ appelle l’homme à la réalisation de l’idéal divin, explique-t-il ce soir-là. En réalité, le christianisme n’a fait que ses premiers pas, des pas timides dans l’histoire du genre humain (…) L’histoire du christianisme ne fait que commencer. Tout ce qui a été fait dans le passé, tout ce que nous appelons maintenant l’histoire du christianisme, n’est que la somme des tentatives – les unes habiles, les autres manquées – de le réaliser. »

Contre la « tentation essénienne »

« L’enseignement du père Men était fondé sur une dynamique de la Bonne nouvelle, de l’annonce de l’Évangile, dont il ne se faisait pas d’illusion sur le fait qu’elle ne s’était pas encore réalisée et qui n’était pas obsédé par une nostalgie du passé figée dans le ritualisme », résume Yves Hamant, qui insiste aussi sur le « christocentrisme absolu vécu » du père Men.

« L’enseignement du père Alexandre est profondément christocentrique, confirme le père Model. Pour lui, “Jésus-Christ est le cœur de la foi. C’est par le Christ que le chrétien mesure et apprécie tout”. (…) Le christianisme, répétait-il, ce n’est pas d’abord un ensemble de dogmes et de préceptes moraux, c’est Jésus-Christ lui-même. » Une expérience du Christ « qui peut s’acquérir aussi bien dans la contemplation que l’action, dans la prière ou l’engagement dans la cité ».

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« Celui qui a toujours transmis à ses disciples une grande liberté intérieure mettait aussi en garde contre ce qu’il appelait la “tentation essénienne”, c’est-à-dire le risque, notamment pour les nouveaux convertis, de se considérer comme des “immigrés de l’intérieur” vivants comme retranchés du monde extérieur », ajoute Yves Hamant qui souligne combien, aujourd’hui, ce clivage entre retrait du monde et engagement dans le monde surpasse aujourd’hui les différences confessionnelles.

Le pape François et le père Men : de nombreux points communs

On le retrouve ainsi dans « le pari bénédictin » de l’Américain Rod Dreher, passé justement du méthodisme au catholicisme avant de se tourner vers l’orthodoxie et qui affiche désormais des positions très hostiles au pape François qu’il accuse de ne pas être à la hauteur pour faire face à la crise que traverse l’Église. Estimant qu’il n’est plus possible de vivre en chrétien dans le monde, l’auteur américain prône un retrait, à rebours de l’ouverture et de la mission encouragées par François.

Yves Hamant trouve à l’inverse beaucoup de points communs entre le prêtre russe et le pape argentin qui se sont tous deux donné comme tâche principale « d’amener les gens au Christ », en témoignant sans idéologie « de la présence vivante de Dieu en nous ».

« Il ne peut s’agir ici d’influence réciproque, concède-t-il. On ne saurait suspecter le père Men de “cryptobergoglisme”, ni penser que François est familier de l’œuvre du père Alexandre. Il s’agit d’une coïncidence, qui n’est pas fortuite, entre deux pasteurs de milieux différents, mais confrontés aux mêmes défis de notre temps. »

Il relève néanmoins que « ce dont parle François, le père Alexandre l’a mis en œuvre voici plusieurs décennies. C’est pourquoi son expérience pastorale mérite d’être prise en compte et étudiée par les chrétiens de diverses confessions. Ne peut-on voir dans le père Men un modèle de pasteur pour notre temps ? »

Burkina Faso : l’espoir s’amenuise

devant l’horizon de la famine et des violences

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican |29 juillet 2020

Conception, Ouagadougou, le 12 avril )

Pays pauvre et enclavé de l’Afrique de l’Ouest, en proie à des attaques djiha-distes entremêlées à des affrontements intercommu-nautaires, le Burkina Faso est désormais confronté à un important risque de famine. Mgr Théophile Naré, évêque de Kaya, dans la région du Centre-Nord, nous livre son témoignage.

Le 1er juillet dernier, Caritas Internationalis lançait un appel d'urgence pour aider les personnes déplacées au Burkina Faso à survivre à la crise alimentaire. Et pour cause: selon l’organisation catholique, si aucune aide n'est fournie, plus de 2,2 millions de Burkinabè – soit 11% de la population - risquent de mourir de faim dans les mois à venir en raison des conflits en cours et des conditions climatiques extrêmes.

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Burkina Faso: les chrétiens ont le cœur «broyé», le Pape proche des victimes

La saison des pluies, qui a déjà commencé, s’annonce abondante cette année, et des pertes humaines et matérielles sont à redouter. Par ailleurs, depuis maintenant quatre ans, des groupes armés opérant le long de la frontière nord et dans l'est du pays continuent de tuer et de terroriser les habitants. La communauté chrétienne a été visée à plusieurs reprises, comme dans le diocèse de Kaya, qui a pour évêque Mgr Théophile Naré depuis mars 2019.

Une grande instabilité résulte de ces fréquentes attaques, se traduisant par l'une des vagues de déplacement les plus rapides au monde, avec des centaines de milliers de personnes manquant de nourriture, d’eau et d’un toit.

Mgr Naré fait le point sur la situation sécuritaire dans son diocèse, en particulier depuis le 12 mai 2019, où six personnes, dont un prêtre, étaient tuées pendant la messe dans une église catholique à Dablo.

Entretien avec Mgr Théophile Naré

La situation évolue en dents de scie. Quelquefois, nous avons l’impression que cela va s’arrêter, mais d’autres fois on a envie non pas de désespérer, mais de se décourager, parce que les périodes d’accalmie sont toujours suivies de grandes attaques qui font beaucoup de victimes, des attaques qui provoquent le déplacement d’un nombre encore plus grand de personnes. Je ne sais pas quand on va sortir de ce tunnel, vraiment pas.

Comment cette situation influe-t-elle sur la vie du diocèse et des fidèles?

Il y a toute une partie du diocèse qui n’est plus accessible à la pastorale ordinaire. Il y a deux paroisses pratiquement fermées. Les catéchistes eux-mêmes ont dû quitter leur village parce que la population est partie, donc s’ils restaient, il n’y aurait personne à «animer». Cela influe aussi sur la vie du diocèse dans la mesure où nos structures d’accueil, par exemple l’Ocades-Caritas, sont très fortement sollicitées pour accueillir les nombreux déplacés qui arrivent à Kaya et dans d’autres localités. Et ils arrivent en grand nombre.

À cette menace sécuritaire s’ajoute depuis quelques mois la pandémie de coronavirus. Dans quelle mesure votre région est-elle touchée?

Nous devons rendre grâce à Dieu, car il n’y a pas eu un seul cas avéré, du moins dans le territoire du diocèse, on a enregistré aucun cas. Si le coronavirus devait s’ajouter à ce que nous vivons déjà, je ne sais pas ce que nous deviendrions. Nous continuons à prendre les dispositions et à observer toutes les mesures pour, justement, nous préserver.

Au début du mois, la Caritas a alerté à propos de la menace de la famine qui pèse sur le Burkina Faso, et Kaya est cité. Que percevez-vous de cette réalité dans votre diocèse?

La menace est réelle dans la mesure où les gens ne peuvent plus cultiver leurs champs, parce qu’ils sont en train de fuir leur village. Ils ne peuvent plus accéder à leurs terres pour cultiver. Il faut savoir que la population ici est à 90-95% paysanne. Les gens vivent des travaux des champs ou des travaux d’élevage. Mais tout cela n’est plus possible dans les campagnes, car les villages ont été désertés à cause des attaques terroristes. Ceux qui voulaient y retourner pour ensemencer leurs champs ont été dissuadés par de nouvelles attaques qui ont eu lieu récemment. Ils sont donc entassés dans les centres urbains, mais ce n’est pas là qu’ils vont trouver des champs à cultiver !.. Etre là, à ne rien faire, en ayant besoin de manger, de se soigner… c’est difficile. Et cela veut dire qu’il y a effectivement une menace de famine si l’on ne fait rien pour aider.

Et de quels moyens disposez-vous pour faire face à ce risque de famine?

Tout le monde est démuni. Le peu que l’Ocades- Caritas diocésaine avait fait a déjà été dépensé, donné. Cela a été comme une goutte d’eau, on a senti que ça n’a pas soulagé grand-chose. Mais il y a l’intervention des organismes internationaux, comme le PAM [Programme Alimentaire Mondial], et d’autres bonnes volontés qui sont là et qui aident. Autrement, comme moyens endogènes, on n’a pratiquement rien.

Ici, au niveau de l’évêché, j’ai par exemple essayé de développer quelques activités pour l’auto-prise en charge des femmes déplacées. On leur accorde de petits crédits pour qu’elles puissent faire quelque chose, parce que ce n’est pas bon pour leur dignité de passer leurs journées à mendier. C’est parfois un sentiment d’impuissance qui nous saisit devant l’immensité des besoins, et la précarité de nos moyens.

Dans quel état d’esprit envisagez-vous les prochaines semaines?

Nous appréhendons car il y a la saison des pluies qui s’installe, avec des pluies diluviennes. Les pluies ont déjà causé beaucoup de dégâts. Pour les déplacés, ça va être une saison hivernale particulièrement difficile à vivre. On ne sait pas comment on va tenir jusqu’à la fin de cette saison hivernale. Et après la saison, comment faut-il faire pour vivre? L’avenir est donc assez sombre. Bon, il y a des promesses d’aide nationale et internationale. Je ne désespère pas, mais j’avoue que je suis inquiet, sérieusement inquiet.

Est-ce que vous avez un dernier message à faire passer?

Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui prient pour nous, et ce n’est pas une contribution indifférente, car si Dieu n’y met pas la main, je ne sais pas comment nous allons nous en sortir. Et merci à toutes les bonnes volontés qui mettent la main au porte-monnaie, parce que vraiment, sans leur aide, nous serions bientôt réduits à ne savoir que faire. Mais avec la solidarité internationale, l’espoir reste permis. Donc merci à tous pour la solidarité, merci à tous pour la sollicitude. Restons en communion de prière, et gardons cet esprit de solidarité chrétienne.

 

 

« Ce qu'a abandonné l'homme politique malien,

c'est véritablement la morale et l'éthique »

ENTRETIEN. Ex-ministre de la Justice, Me Mamadou Ismaïla Konaté livre au « Point Afrique » ce que lui inspire la situation actuelle du Mali, la relation entre populations et politiques.

Propos recueillis par Olivier Dubois, à Bamako | Le Point.fr, le 23/07/2020

Mamadou Ismaïla Konaté, avocat aux barreaux de Bamako et Paris, a été ministre de la Justice du Mali. 

C'est peu dire que la situation qui prévaut actuellement au Mali est grave. Entre un président affaibli par une forte contestation de la population appuyée par des partis politiques, une grande partie de la société civile et l'aura morale d'un chef religieux à la tête d'un mouvement hétéroclite dont on ne sait pas vraiment la finalité institutionnelle visée, le Mali doit faire avec un front social interne dans un environnement où les terroristes islamistes ont peu à peu distillé un très fort sentiment d'insécurité. Ancien garde des Sceaux du Mali, Me Mamadou Ismaïla Konaté s'est confié au Point Afrique au moment où une délégation de chefs d'État de la Cedeao est passée à Bamako pour trouver une solution à la crise.

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Le Point Afrique : Dans cette crise sociopolitique qui secoue le Mali et plus particulièrement sa capitale Bamako, on constate une grande fracture entre la population malienne et les politiques. Comment l'analysez-vous ?

Mamadou Ismaïla Konaté : Cette situation n'est pas propre qu'au Mali. Dans des pays comme le Togo, le Sénégal, comme le Tchad ou la Côte d'Ivoire, on est aussi dans la défiance vis-à-vis des politiques, parce que le monde citoyen se trouve en rupture totale avec l'autorité, que celle-ci soit politique issue des élections, publique comme les fonctions publiques, locales ou même religieuses. Les comportements de l'humain vis-à-vis de la quête de pouvoir et les comportements de cet humain une fois investi de pouvoirs sont en rupture avec la morale publique, avec la légalité, en rupture avec la régularité. On n'a absolument aucune gêne aujourd'hui à mettre la main dans la caisse du Trésor public pour puiser dedans, à créer des marchés publics pour multiplier ses gains et financer l'action politique ou l'action publique.

C'est l'ensemble des comportements de ce genre qui font qu'aujourd'hui le citoyen défie l'autorité. Il voit l'autorité dans son attitude flagrante de violation du droit, de violation de la loi et de rupture totale concernant son intervention vis-à-vis de l'intérêt général. C'est tout cela qui fait qu'aujourd'hui les citoyens ne se retrouvent pas dans les actions qui sont entreprises en leur nom par les autorités politiques ou publiques, et la justice n'est pas tout à fait la bonne réponse parce qu'elle-même se trouve dans un contexte d'instrumentalisation totale. Les gens n'ont pas d'autres possibilités que d'aller occuper les rues, et malheureusement souvent la violence n'est pas loin. Lorsqu'on a tout cela, on ne doit plus s'étonner d'avoir des foules dans la rue qui s'en prennent aux ouvrages publics, aux personnalités publiques avec qui la confiance est totalement rompue. Voilà la réalité de l'Afrique aujourd'hui, du point de vue de la démocratie, voilà la situation de l'État de droit et la situation de la justice.

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Les contestataires qui veulent mettre en place un « Mali nouveau » sont dirigés par des hommes politiques, d'anciens ministres pour certains, donnant l'impression qu'on est plus dans une guerre entre anciens amis qui ont du mal à faire leur bilan. Ils sont très incisifs à l'endroit du chef de l'État en place et de son gouvernement. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Je crois que la démarche de tout individu vis-à-vis du pouvoir doit passer par le suffrage, et le suffrage doit permettre aux gens qui l'exercent d'ouvrir les yeux, les oreilles et de regarder là où ils mettent les pieds. La question fondamentale aujourd'hui, c'est que l'identification de l'individu doit se faire au regard non seulement de ses capacités intrinsèques, mais surtout de la morale et de l'éthique. Ce qu'a abandonné l'homme politique malien, c'est véritablement la morale et l'éthique. Voler aujourd'hui n'est pas une tare, se retrouver en situation de conflit d'intérêts n'est pas non plus une difficulté, une prise de participation illégale dans les marchés publics n'est pas non plus un problème, parce que l'on est assuré qu'en amont on est protégé par l'auteur du décret qui vous a nommé et qu'en aval on a le contrôle de la justice. Entre les deux, il y a un vide absolu et ce vide, il est perçu par les citoyens qui sont les voisins du ministre, qui sont membres de sa famille ou qui sont simplement des employés de son ministère. Ainsi, le fossé s'élargit.

On a vu une personne arriver au pouvoir avec un patrimoine global de 100, et douze mois après, lorsqu'il quitte le pouvoir, son patrimoine est de 10 000. Les gens sont offusqués par cela. Cela envoie le message que le meilleur moyen de s'enrichir, c'est aussi de mettre un pied en politique et d'être nommé ministre. Il faut que la morale et la rigueur de la morale reviennent dans le champ politique et public, que nous puissions mettre en œuvre un certain nombre de mécanismes qui permettent de dissuader d'y aller pour les raisons invoquées.

Quand j'étais ministre de la Justice, nous avons déployé cette mécanique de déclaration du patrimoine qui s'est arrêté dans des conditions inacceptables. Le chef de l'État m'avait donné son aval, mais il a freiné des quatre fers parce que son entourage pouvait être concerné. La chose publique doit être sacrée. Elle ne doit se faire que dans les conditions de la loi, d'une part, et dans l'intérêt général, d'autre part. Tant qu'on n'aura pas une justice profondément indépendante, composée de juges quasi irréprochables, on sera toujours dans un contexte de hiatus entre ce que l'on dit et ce que l'on fait. Cela fera dire au citoyen : « Ce sont tous les mêmes. »

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Que pensez-vous de la mission composée de chefs d'État de la Cedeao qui négocie une sortie de crise après une autre mission qui n'est pas parvenue à un accord ?

La médiation, dans le cadre de la Cedeao, ne vient pas pour imposer son opinion aux autres. Elle vient prendre la température de la situation réelle. Je pense que la chose à ne pas faire est de venir imposer un point de vue. Il faudrait plutôt chercher à connaître les opinions des uns et des autres. La première mission a échoué à cause de l'impréparation et aussi parce que cette mission a été totalement absorbée par l'opinion que lui a sans doute indiquée le chef de l'État, et du coup, les rôles ont été inversés, la contestation s'est retrouvée à subir les offres du chef de l'État, alors même que la contestation était en train d'imposer ses vues dans le cadre de son mémorandum. Je ne suis pas sûr que la deuxième mission qui négocie va être capable de régler le problème parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il aurait fallu que cette mission fût précédée d'un certain nombre de personnes qui descendent dans la rue pour aller prendre le pouls des uns et des autres, une mission de prospection. Les chefs d'État au lieu de faire de la médiation, ils vont mettre en avant les qualités dont sont pourvus les Maliens : la solidarité, la religion, l'intérêt national. Des énonciations qui ne permettront pas de régler les difficultés.

J'ai bien peur que cette mission n'arrive à colmater que quelques brèches et qu'ensuite les problèmes se représentent encore. Ce sont des questions fondamentales qui sont posées. C'est la qualité de la gouvernance du chef de l'État et ce qui apparaît comme une irresponsabilité totale du chef de l'État. Pour ses engagements et les actes qu'il doit prendre, il est en retrait, il exerce ses prérogatives via des personnes, ce qui crée des décalages. Le premier concerne les détournements de l'argent public et les crédits de l'État, l'absence de justice, une hyperdomination des pouvoirs occultes néfastes pour la justice et le pays. C'est tout cela qu'il faut régler. N'oublions pas que chacun de ces chefs d'État connaît autant de difficultés chez lui. La responsabilité directe des chefs d'État et celle de la Cedeao sont posées. S'ils n'arrivent pas à régler cette crise malienne dans des conditions optimales et conformes au droit, à la Constitution et à nos traditions, ils prendront un risque dont eux seuls répondront.

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La dissolution de la Cour constitutionnelle, une des exigences des contestataires, annoncée par IBK, contrevient à la loi. Dans ces conditions, comment le président peut-il prononcer sa dissolution ?

Nous sommes face à un flagrant délit qui montre qu'un certain nombre de chefs d'État, dont le nôtre, n'ont cure du droit et de la loi. Quand vous voyez les conditions par lesquelles le chef de l'État est intervenu pour prendre un décret après un discours où il a dit qu'il va abroger le décret de nomination des membres de la Cour constitutionnelle non démissionnaires… C'est le genre d'impair qu'il ne faut jamais commettre. Même dans des États ultradictatoriaux, on ne verrait pas ça. Personne de sensé ne prendrait un décret pour abroger la nomination d'un juge et, de surcroît, un juge constitutionnel. C'est un crime de lèse-majesté, c'est de la haute trahison, un abus de pouvoir excessif qui n'a aucun fondement légal ou constitutionnel.

Les trois magistrats restants lui ont adressé un recours gracieux, en droit, cela donne la possibilité au président de rectifier la faute qu'il a commise. Mais il ne semble pas prendre la mesure de la faute énorme qu'il a commise pour rectifier. Au bout de quatre mois, la décision du président peut être attaquée devant la section administrative de la Cour suprême dans un délai de deux mois.

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L'ampleur des mobilisations que l'imam Dicko lance fait-elle de lui, actuellement, le premier opposant politique au Mali alors que Soumaïla Cissé, le chef de file de l'opposition, a disparu depuis plus de 100 jours ?

C'est une originalité malienne qu'il faut peut-être analyser sous bien des angles : sociologique, juridique, constitutionnel, et même de la mobilisation citoyenne dans le champ de l'action publique. C'est vrai qu'on a comme une confusion des rôles à ce niveau-là. La société civile qui était jusque-là en alliance avec la société politique a toujours été sur le champ politique pour faire des revendications politiques. Mais on se rend compte aujourd'hui que la société cultuelle, car la communauté musulmane est l'une des communautés les plus importantes au Mali, est présente dans cet attelage qui a donné l'occasion à un chef musulman de donner de la voix, notamment l'imam Dicko. Quand une occasion comme celle-ci se présente, il y a toujours une autre société qui prend le relais, c'est la société religieuse. Sauf que l'imam Dicko a pris bien soin de créer une association politique qui est d'ailleurs présidée par son plus proche lieutenant.

Ce qui est sous-jacent, c'est réellement la question de la laïcité. Nous sommes tous imbus du concept de la laïcité occidentale qui dit que le champ politique ne doit pas être pris d'assaut par les sociétés religieuses. Pour autant, est-ce qu'on a le droit d'interdire aux sociétés religieuses dans leur composante humaine d'exprimer leur opinion publique ? C'est le cumul des deux qui posent des difficultés. Mais tant que les hommes politiques se départissent de la morale, il se trouvera toujours des religieux, qu'ils soient musulmans, catholiques ou autres, pour rappeler un certain nombre de valeurs. C'est l'absence de valeur dans l'action politique justement qui donne l'occasion aux gens d'être en rupture de confiance et de favoriser d'autres phénomènes de surgir. Je pense qu'il faut encore questionner la laïcité au regard de nos réalités, politiques, sociales ou institutionnelles.

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Pensez-vous que la contestation aurait été différente si Soumaïla Cissé avait été présent dans sa fonction de chef de file de l'opposition ?

Incontestablement. Parce qu'il a quand même une plus grande aura politique que tous les autres. Il a déjà un parti politique assez fort et il a été deux fois le challenger du chef de l'État lors des élections présidentielles. Il avait aussi le plus grand nombre de députés à l'Assemblée nationale. S'il était physiquement présent, la présence de l'imam Dicko aurait sans doute été moindre. Il aurait été mieux à même de coordonner l'ensemble des acteurs politiques qui sont aujourd'hui sur-le-champ et qui n'apparaissent pas véritablement comme des politiques, si ce n'est derrière l'imam Dicko. Il aurait été aussi sans doute un très bon interlocuteur vis-à-vis de la communauté internationale. L'absence de Soumaïla Cissé a été un gros déficit, un gros manque dans les événements de ces dernières semaines au Mali.

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Le président IBK avait annoncé à la mi-juin la libération pour « bientôt » de Soumaïla Cissé. Il n'en est toujours rien. Comment expliquez-vous ce manque de communication et de clarté sur les initiatives gouvernementales visant à faire libérer Soumaïla Cissé ? Dans quelle mesure êtes-vous impliqué vous-même pour amener tout l'éclairage sur cette affaire ?

Ma première démarche était tout à fait amicale à l'endroit de Soumaïla Cissé que je connais bien. Ce lien d'amitié et de fraternité que j'ai toujours eu avec lui depuis près de 30 ans m'a donné l'occasion d'être présent et de me battre comme les gens de son parti politiques, ses amis politiques et ses proches. Je suis aujourd'hui l'un des avocats des enfants de Soumaïla Cissé qui ont décidé de saisir un comité spécialisé au niveau du système des Nations unies pour justement déférer cette question-là, et je pense que ce comité a dû à son tour saisir l'État du Mali qui doit faire la preuve, dans un certain nombre de situations qui lui ont été présentées, des actions évidentes et pertinentes qu'il a mises en œuvre pour retrouver Soumaïla Cissé.

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Depuis quelques semaines émergent sur la Toile des articles qui tendent à soutenir la thèse d'un enlèvement pour raison politique de Soumaïla Cissé. Qu'en pensez-vous ?

Forcément, l'enlèvement de Soumaïla est politique. D'abord, parce que Soumaïla a été enlevé dans des conditions inadmissibles pendant qu'il était en campagne pour les élections législatives. L'État lui a donné toutes les assurances qu'il ne risquait rien en allant battre campagne dans le cercle de Niafunké. Soumaïla Cissé n'est rien d'autre qu'un homme politique. Il est un chef de parti, un député réélu et le chef de file de l'opposition. Ce n'est pas une moindre chose que de signaler qu'il a été deux fois candidat à l'élection présidentielle. Pour quel autre motif Soumaïla Cissé a-t-il été enlevé si ce n'est pour des motifs politiques ? C'est d'ailleurs parce que c'est politique qu'on a tendance à demander des comptes à l'État, parce que, dans tout ce comportement de l'État, il y a des défaillances, des manques, des fautes. C'est tout cet ensemble qui permet aujourd'hui à la famille de Soumaïla Cissé de se retourner vis-à-vis de l'État pour lui demander des comptes, afin d'aller au-delà des discours, et visiblement, pour l'instant, les comptes qui sont rendus sont loin d'être satisfaisants. C'est pour cette raison que nous avons saisi ce comité spécial pour savoir ce qui est réellement entrepris en ce moment pour faire libérer Soumaïla Cissé. Nous attendons, d'ailleurs, les preuves que doit nous donner l'État malien aujourd'hui.

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Hubert Julien-Laferrière :

«Avec les Burkinabè, contre le terrorisme!»

TRIBUNE. Qui peut encore imaginer qu'un État pourrait, en fermant ses frontières, ne pas subir dans son pays les dérèglements que connaîtrait le voisin ?

Par Hubert Julien-Laferrière député secrétaire du groupe d'amitié France-Burkina Faso

 

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Le Point.fr | 07/08/2020

Pour le député du Rhône Hubert Julien-Laferrière, à partir des histoires humaines entre Français et Burkinabè, on peut construire une coopération efficace.

La crise que nous traversons nous a démontré, s'il en était encore besoin, à quel point nous vivons dans un monde interdépendant. Santé, sécurité internationale, biodiversité… « Le monde d'après » ne peut donc s'affranchir de la perspective d'un nouvel équilibre dans les relations internationales, d'une refondation de la solidarité entre les nations, entre les continents. Tout en abandonnant paternalisme et misérabilisme, la France, l'Europe et l'Afrique doivent devenir des partenaires qui se respectent, se comprennent et tirent profit de ce qui les relie. Pour le développement comme pour la sécurité collective.

Burkina : « une partie de notre cœur là-bas »

Élu local à Lyon en charge de l'international et de la coopération avec la capitale Ouagadougou pendant des années, j'ai connu, comme de nombreux Français, élus locaux ou nationaux, ONG, entreprises…, le Burkina Faso, havre de paix. Nous sommes nombreux en France à avoir une partie de notre cœur là-bas, au « pays des hommes intègres », où nos coopérations, nos relations professionnelles, ont forgé des amitiés profondes.

Alors quel déchirement de constater que ce pays qui nous est si cher lutte désormais contre un terrorisme meurtrier, depuis ce 15 janvier 2016, jour des attaques terroristes couplées du restaurant Capuccino et de l'hôtel Splendid de Ouagadougou, qui avaient fait 30 victimes. Une double attaque qui a marqué les esprits et les cœurs, et qui reste gravée dans la mémoire des Burkinabè et de tous les amoureux de ce pays si attachant. Ces attentats ont plongé le pays dans une spirale meurtrière qui se propage. En cinq ans, le Burkina Faso a subi au moins 580 attaques djihadistes, pour la plupart entre 2019 et 2020. Près de 359 d'entre elles ont été dirigées contre des civils, entraînant la mort de plus de 1 500 personnes.

Solidarité militaire française

La France est présente, comme au Mali et au Niger, par son aide au développement, et avec le G5 Sahel et la force conjointe dans une stratégie militaire qui intègre les forces de sécurité locales. Cette présence est indispensable, pour la sécurité des populations du Sahel et la stabilité de la région. Mais, alors que nos militaires, avec les armées sahéliennes, assurent une lutte de tous les instants contre le terrorisme qui frappe les populations locales, on voit monter au Burkina Faso, comme chez ses voisins du Sahel, un « french bashing », une remise en cause de la présence militaire française qui serait pour certains Africains le paravent d'un néocolonialisme. Pendant ce temps, d'autres grandes puissances accroissent leur influence économique sur le continent. Il est donc impératif, dans le même temps, d'encourager les stratégies locales d'endiguement du terrorisme grandissant qui impliquent les populations.

Une stratégie intégrant grandement les populations

Avec les moyens qui sont les siens, le Burkina Faso a tenté de mettre en place de nombreuses politiques pour assurer aux populations des régions les plus touchées à la fois des perspectives économiques et la sécurité. Avant même que l'hydre terroriste ne s'abatte sur les populations, le pays avait décidé d'agir. Le président Roch Kaboré s'était même rapproché des services israéliens afin de mettre en œuvre une stratégie qui remonte à la pré-indépendance de l'État d'Israël. Cette stratégie, dans les zones rurales de ce qui devint par la suite l'État d'Israël, se fondait sur l'édification de fortifications simples mais efficaces, une formation militaire pour les civils et l'installation sur les terres cultivables, lesquelles aideront plus tard à la définition des frontières israéliennes.

Conjuguer sécurité et développement économique

C'est cette politique, adaptée à la réalité locale, qui est actuellement utilisée dans les zones rurales frappées par le terrorisme au Burkina Faso. Une politique qui comprend le renforcement sécuritaire et le développement agricole comme moteur d'une relance de l'activité économique.

Premier volet, le défi sécuritaire, avec la formation d'une véritable réserve civile, les Volontaires pour la défense de la patrie : formation de deux semaines, fourniture d'équipement et coordination avec les forces de sécurité nationales, indispensable pour éviter les risques d'autonomisation de milices privées. Nombreux sont les affrontements au cours desquels les volontaires ont contribué à repousser les attaques, souvent au prix de leur vie.

Second volet, les perspectives économiques pour les populations vulnérables, par la mise en place d'un programme de développement de l'agriculture dans les zones rurales, avec à l'étude de nouvelles techniques d'irrigation, d'élevage… pour aboutir à l'autosuffisance alimentaire et au développement des exportations. Car on ne mobilise pas les populations si l'on n'est pas capable de leur offrir des perspectives de développement et de revenus.

Augmenter la confiance des populations

Dans cette lutte du Burkina Faso contre le terrorisme, c'est non seulement la sécurité du pays qui est en jeu, mais également la confiance de la population dans ses autorités publiques et donc la cohésion de toute une nation. Sans les populations, sans cette confiance, les forces de sécurité ne seront jamais suffisantes pour vaincre les djihadistes.

La France agit au Burkina et au Sahel. Elle est présente militairement, son aide publique au développement augmente dans la région et implique davantage qu'auparavant les acteurs locaux. Malgré tout, son influence recule en Afrique au profit d'autres grandes puissances, en premier lieu la Chine, dans sa stratégie de maîtrise des infrastructures, en particulier minières et portuaires…

Continuer à enrichir nos histoires humaines

Le rapport que nous avons à ce pays et à ce continent est pourtant différent à bien des égards de celui qu'entretiennent avec lui d'autres puissances internationales, il s'inscrit dans un respect mutuel et dans la volonté qu'il puisse s'engager dans le progrès pour toutes et tous et la stabilité. Et notre relation avec le Burkina Faso est riche également de ces histoires humaines auxquelles elle doit beaucoup. L'Histoire a lié nos deux peuples et nos deux nations. La lutte contre le terrorisme doit être notre priorité et elle ne sera possible que si les populations locales comprennent que c'est avec elles et pour elles que nous travaillons.

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François de Gaulle : 1922-2020

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          François est né le 13 février 1922 à Montceau-les-Mines, où son père, un frère du Général de Gaulle, était ingénieur. Son père appartenait à une famille parisienne et avait épousé une Grenobloise. Dès 1927 son père fut atteint d’une encéphalite léthargique qui l’obligea à quitter son travail. Il devait passer les vingt dernières années de sa vie alité, et de plus en plus handicapé. C’est donc la maman qui dût élever les 4 fils, dont François était l’ainé. La famille dut quitter Montceau-les-Mines pour s’installer à Maisons-Laffite, puis à Grenoble, où la maman avait une nombreuse famille. Et c’est là que François a passé sa jeunesse dans un environnement très religieux, partageant son temps entre sa famille, l’externat Notre Dame et une troupe scoute. C’est dès l’âge de douze ans qu’il a pensé au sacerdoce.

          Peu à peu il entend l’appel de la mission en Afrique, et en septembre 1940, à l’âge de dixhuit ans, il part pour la Tunisie pour y débuter sa formation de Père Blanc à Thibar. En juin 1942 François est mobilisé, et envoyé au Chantier de jeunesse de Tabarka, où il apprend le métier de couvreur. Après le débarquement anglo-américain au Maroc (novembre 1942), les troupes françaises présentes au Maghreb se joignirent aux alliés, et François fut envoyé à l’école d’officiers de Cherchel pour être initié à l’artillerie. Puis, il est affecté au 67e régiment d’artillerie, à Constantine. C’est le 21 décembre 1943 que le jeune officier débarque à Naples. Il participe à l’avancée des armées alliées, à la bataille de Monte Cassino, à la libération de Rome, jusqu’à Sienne. De là son régiment fut dirigé vers Tarente, sur la côte adriatique. Au mois d’août 1944 ils embarquèrent pour la France, libérèrent Toulon et Marseille, continuèrent à se battre contre la wehrmacht jusqu’à l’Alsace, et entrèrent en Allemagne le 19 mars 1945. Ses états de guerre lui ont valu trois citations avec attributions de croix de guerre, et plus tard la légion d’honneur.

          Tous ceux qui ont vécu avec François savent combien ces années de guerre l’ont profondément marqué, et comment il aimait en parler jusqu’à la fin de sa vie Après l’armistice il est démobilisé en Algérie et entre aussitôt au noviciat de Maison-Carrée. Presque tous les novices étaient d’anciens soldats et d’anciens prisonniers. Il découvre aussi que vingtsept des aspirants qu’il avait connus à Thibar avant la guerre étaient morts au combat. On peut deviner que ce noviciat qui comptait 67 novices fut un peu spécial ! Puis, ce fut le retour à Thibar pour trois ans et à Carthage pour la dernière année de théologie. On comprend que se remettre aux études théologiques n’a pas dû être de tout repos. François se révèle néanmoins un bon élément, calme, docile et simple. Il a un jugement solide et est agréable en communauté. Il prononce son serment missionnaire le 29 juin 1949 et reçoit l’ordination presbytérale le 1er février 1950. Il est aussitôt nommé pour ce qui est alors la Haute Volta. Le voyage se fait en bateau avec escales à Alger, Dakar, Conakry et Abidjan, et arrivée à Bobo-Dioulasso après 37 heures de train. C’est à bord d’un camion qu’il arrive à Koudougou, puis à Ouahigouya où il est enfin à pied d’œuvre. Il découvre avec émerveillement le pays et ses habitants. Il apprend le mooré, et très vite on lui demande de construire une salle de classe, puis une église… C’est le début d’une longue série de constructions.

          Cela ne l’empêche pas, bien au contraire, de se lancer dans le ministère apostolique et de commencer les tournées dans les villages, dont il dira plus tard que "les tournées sont le cœur de la vie missionnaire". C’est au retour d’une de ces tournées qu’il apprend sa nomination de trésorier du diocèse en formation, ce qu’il accepte tout en considérant qu’il s’agit d’un travail de "rond de cuir" ! Il quitte donc Ouahigouya pour Koudougou où réside Mgr Bretault. Heureusement, à sa tâche de trésorier, on ajoute la fonction de vicaire à la cathédrale et de directeur de l’école paroissiale. Il va se dépenser sans compter au service de l’Eglise, et il s’y épanouit pleinement. En 1958 il souffre d’une hépatite qui le contraint à prendre un temps de repos en France avant de repartir pour Koudougou où on vient de le nommer curé de la cathédrale.

L’avenir lui sourit, mais les moments heureux ont une fin, et, en 1960, François reçoit sa nomination pour la France. On lui avait d’abord mentionné l’éventualité d’une nomination à Lyon au service de l’animation missionnaire. Mais en fait c’est l’économat de la Province qui lui est confié. Il va occuper ce poste pendant une douzaine d’années. La charge est importante : il y a alors 900 Pères Blancs français dont près de deux cents sont en France, dans une vingtaine de communautés. En plus de l’administration ordinaire de cette province, François va devoir gérer des dossiers importants comme celui de la reconnaissance officielle de la Société, celui de l’intégration des confères dans le régime général de la Sécurité Sociale et à l’Entraide Missionnaire Internationale, celui des maisons de formation à construire, acheter, ou vendre à Altkirch, Bonnelles, Vals et Strasbourg, et celui de la fondation de la maison pour les confrères âgés à Bry sur Marne. A cela il faut ajouter des travaux importants dans plusieurs maisons comme Billère. Il s’acquitte de tous ces travaux avec compétence. Son entregent et sa disponibilité sont appréciés de tous. Il faut ajouter que pendant ces années son oncle est président de la République, ce qui lui vaut de célébrer souvent la messe à l’Elysée. Il se rend aussi compte que son nom ne passe pas inaperçu, mais il n’en tire aucune gloriole, même s’il le trouve parfois un peu lourd à porter.

          Après un stage de recyclage à l’Arbresle, l’année 1973 le voit repartir au Burkina, toujours au diocèse de Koudougou. Après quelques années comme curé de Mukasa, il est nommé curé de la cathédrale, Il se réadapte assez facilement et sa simplicité le fait vite estimer des chrétiens, des catéchistes et des abbés. Son sens de l’organisation l’aide à mettre d’aplomb les dossiers et les finances de la paroisse. En communauté il est simple, chaleureux et fraternel, même s’il adopte parfois un air supérieur et protecteur. Mais ses propos sont toujours savoureux et sympathiques. Il aime aussi travailler physiquement. Son Régional en parle comme d’un ‘excellent missionnaire’. En 1986 il est nommé curé de Kokolgho où il va rester jusqu’en 2001. C’est une paroisse de 15 000 chrétiens. Il comprend vite que le travail des catéchistes est fondamental. Leur formation et leur animation deviennent sa priorité. Il collabore aussi étroitement avec les Sœurs. Il sait également mobiliser les laïcs non seulement pour la vie paroissiale, mais aussi pour les nombreux chantiers qu’il entreprend : églises, maisons de catéchistes, dispensaires, barrages, forages de puits…Il est aidé par le Père Joseph Billot, ingénieur des Arts et métiers. Son nom et ses nombreuses relations lui facilitent l’accès aux sources de financement. Ses confrères le taquinent en disant qu’il a "la maladie de la pierre" Il se dépense aussi pour améliorer les conditions de vie des gens en les aidant à améliorer leur agriculture.

          Mais François est avant tout un pasteur qui a le souci de ses brebis qu’il aime beaucoup, et qui le lui rendent bien. C’est un homme de prière qui a le souci de sa vie spirituelle. Il aime recevoir et ils sont nombreux ceux qui s’arrêtent à Kokolgho pour profiter de son hospitalité Les Supérieurs lui confient des coopérants ou des stagiaires, qui garderont tous un excellent souvenir de leur passage à Koudougou ou à Kokolgho. Plusieurs d’entre eux entreront au séminaire et certains sont devenus Pères Blancs, comme le P. Georges Jacques. Mais la vie avance et en 2000 il célèbre son jubilé de cinquante ans de sacerdoce, pour lequel les paroissiens et le clergé organisent une grande fête. L’année suivante, il part pour Ouagadougou, à la Maison Lavigerie, qui est la première étape de formation. Les séminaristes apprécient sa présence toujours chaleureuse. Il donne des cours au noviciat des Soeurs de l’Immaculée Conception. On le demande pour le sacrement de la Réconciliation, et il continue à faire un peu de ministère dans les environs du séminaire.

          En 2008, c’est le retour définitif en Europe. Sa famille lui propose d’assurer l’aumônerie de la ‘Fondation Anne de Gaulle’ pour les enfants trisomiques. Mais il refuse car il tient à vivre en communauté Père Blanc. Il demande toutefois d’être nommé en région parisienne, car il y a toute sa famille à laquelle il est très attaché. Il va donc passer cinq ans à Mours avant de rejoindre Bry sur Marne. Il y vit dans l’action de grâces et la sérénité, pouvant écrire : "Je suis très serein, et à la fois content du devoir accompli pendant ma longue vie, et heureux d’avoir vu se lever l’Eglise d’Afrique". Les ans s’ajoutant aux ans, sa santé se détériore lentement et c’est à l’âge de 98 ans qu’il s’éteint, le 2 avril 2020. Malheureusement c’est alors le confinement total dû à la pandémie du covid 19, et il est inhumé solitairement sans présence ni de famille ni de confrères.

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Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)