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Publié dans le Petit Echo n° 1114 ce texte nous rappelle quelle a été la vie de Jean Yves

 

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Ce confrère allemand nous a quitté le 15 octobre 2020

 

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Comment l’influent Mahamadou Bonkoungou, magnat du BTP, est devenu l’ami des présidents (1/2)

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Mis à jour le 29 octobre 2020 à 11h08
Mousse/ABACA ; Hippolyte Sama ; Vincent FOURNIER/JA ; Eric Larrayadieu/ACF/JA

© Mousse/ABACA ; Hippolyte Sama ; Vincent FOURNIER/JA ; Eric Larrayadieu/ACF/JA

Bien qu’il s’en défende, Mahamadou Bonkoungou est proche de Faure Gnassingbé, Patrice Talon, George Weah, Alassane Ouattara ou encore Umaro Sissoco Embaló. « Jeune Afrique » vous dévoile le premier volet de sa grande enquête sur les réseaux de cet homme d’affaires burkinabè, aussi secret que puissant. 

À 54 ans, Mahamadou Bonkoungou appartient à l’élite du monde des affaires en Afrique de l’Ouest francophone. Ebomaf, son groupe de BTP fondé en 1989, réalise un chiffre d’affaires de plus de 1 milliard d’euros. Et, à la fin de 2019, son carnet de commandes affichait près de 1 000 milliards de F CFA de projets routiers et aéroportuaires. Si l’entrepreneur se défend d’entretenir des relations directes avec les chefs d’État de la zone, son agenda prouve le contraire.

À la mi-septembre, c’est par exemple Alassane Ouattara qui l’a convié à un rendez-vous à Abidjan pour lui demander de mettre à disposition pour sa campagne électorale les appareils de sa compagnie aérienne Liza Transport International (LTI). Bousculé par la crise malienne et par les tensions avec l’opposition, le président ivoirien a finalement demandé à son frère Téné Birahima, ministre des Affaires présidentielles, de rencontrer Bonkoungou avant de le retrouver le 10 octobre pour l’inauguration de la route Ferkessédougou-Nassian-Kong.

Alassane Ouattara, lors de l'inauguration des travaux de la route Ferkessédougou-Nassian-Kong, en présence de Mahamadou Bonkoungou, le 10 octobre 2020.
Alassane Ouattara, lors de l'inauguration des travaux de la route Ferkessédougou-Nassian-Kong,
en présence de Mahamadou Bonkoungou, le 10 octobre 2020. © Presidence CI

En juillet, Mahamadou Bonkoungou s’était également joint aux officiels ivoiriens réunis à Korhogo pour rendre un dernier hommage au Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, qui venait de décéder. Et c’est avec son Falcon X7 que Faure Gnassingbé Essozimna avait pu venir depuis Lomé assister à la cérémonie.

Fulgurante ascension

Au début de l’année, on a également vu Bonkoungou à l’investiture du président Umaro Sissoco Embaló, à Bissau, en février. Il était accompagné par Mahamadi Savadogo, dit « Kadhafi », fondateur du groupe Smaf et président de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso, qui a facilité le rapprochement entre les deux hommes. Ancien représentant du fonds souverain libyen pour l’Afrique, le chef d’État bissau-guinéen faisait de longs séjours à Ouagadougou dans l’hôtel Laico lorsque Blaise Compaoré était encore au pouvoir.

Mahamadou Bonkoungou entend profiter de cette connexion. Ses équipes étudient actuellement le projet de construction d’une route côtière entre Bissau et Dakar.

Sa fulgurante ascension hors de son pays depuis dix ans, le natif de Dédougou la doit – comme il le reconnaît lui-même en privé – à l’ex-président burkinabè. À la fin des années 2000, l’ancien capitaine (resté au pouvoir de 1987 à 2014) avait misé sur ce fils de commerçant que lui avait présenté le général Gilbert Diendéré. Convaincu de son potentiel, il l’avait alors recommandé à nombre de présidents de la région, à commencer par Faure Gnassingbé Essozimna.

Faure Gnassingbé vole très régulièrement à bord des avions de LTI
Faure Gnassingbé vole très régulièrement à bord des avions de LTI © PIUS UTOMI EKPEI/AFP

Blaise Compaoré et le fils du général Gnassingbé Eyadéma s’apprécient de longue date et s’étaient encore rapprochés lorsque le chef de l’État burkinabè avait aidé son homologue togolais à pacifier ses relations avec l’opposition après sa victoire contestée à l’élection de 2005, qui l’avait vu succéder à son père.

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RAPIDEMENT, IL ACCUMULE POUR PLUS DE 200 MILLIARDS DE F CFA DE CONTRATS

Au Togo, Mahamadou Bonkoungou décroche dès 2009 les contrats de construction de quelques ouvrages, puis, l’année suivante, de gré à gré, deux projets routiers, dans le nord et le centre du pays. Début 2011, il emporte, cette fois sur appel d’offres, le chantier de réhabilitation du boulevard du 13-Janvier, à Lomé. Rapidement, il accumule pour plus de 200 milliards de F CFA (près de 305 millions d’euros) de contrats.

Ces chantiers sont financés par des prêts qu’Ebomaf a contractés auprès des banques locales grâce à une garantie d’État, lequel reprend ensuite les traites à son compte. Ingénieux, le modèle permet de s’affranchir de l’aide des bailleurs de fonds internationaux très scrupuleux sur les procédures à suivre dans ce type de projets. Ce sera désormais l’une des marques de fabrique d’Ebomaf.

À la même période, le groupe de travaux publics burkinabè a l’opportunité de poursuivre son expansion régionale au Bénin, de nouveau grâce aux relations de son fondateur avec la présidence. Selon une anecdote confiée par Mahamadou Bonkoungou lui-même, le président d’alors, Thomas Boni Yayi, aurait d’abord été impressionné par l’hélicoptère Agusta A109, que le patron avait mis à disposition de Faure Gnassingbé Essozimna pour qu’il vienne assister à la cérémonie d’investiture du chef de l’État béninois, réélu pour un second mandat en 2011. Et c’est par le biais de son directeur de cabinet militaire, le général Robert Gbian, que le dirigeant se serait renseigné afin de le louer, avant de solliciter les services d’Ebomaf pour plusieurs projets.

Réseau d’influence

Flairant le bon filon, Mahamadou Bonkoungou a alors décidé d’investir dans des jets privés et, en 2013, a transformé la société LTI, qui proposait jusque-là des services de transport par autobus entre Ouagadougou et Dédougou, en une compagnie d’aviation d’affaires. En août dernier, LTI a réceptionné un second hélicoptère Agusta Westland (AW) 139, dont la valeur avoisinerait 10 millions d’euros.

Elle possède aujourd’hui l’une des plus belles flottes du continent, avec également un hélicoptère AW 109, un Airbus Corporate Jets (ACJ) 319, un ACJ 318, un Falcon 900 Ex Easy et, depuis la fin de 2019, un Falcon 8X, dernier né du groupe Dassault dont le prix sur catalogue est d’environ 60 millions d’euros.

Pour le constructeur français, qui lui vend aussi des services de maintenance, la compagnie dirigée par Abel Sawadogo, ex-directeur général de l’Agence nationale de l’aviation civile (Anac) du Burkina Faso, et Moussa Diarra, ancien d’Asky Airlines et d’Air Mali, est d’ailleurs devenue l’une de ses vitrines africaines. D’autres acquisitions sont en cours, dont celle d’un Boeing 737-Cargo destiné au fret aérien.

À bord des appareils de LTI, on retrouve le plus souvent des VIP politiques, dont de nombreux chefs d’État, comme Roch Marc Christian Kaboré, Patrice Talon ou George Weah. La compagnie de Mahamadou Bonkoungou détient d’ailleurs une forme d’exclusivité sur cette clientèle, qu’elle transporte souvent hors du continent, vers Dubaï, Paris, Londres ou New York. « C’est le moyen idéal pour se rendre indispensable aux yeux de ces décideurs », sourit un expert du secteur aérien.

LTI réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ 200 milliards de F CFA, selon Ebomaf. Son PDG affirme que toutes les prestations sont facturées. Il a d’ailleurs transmis à JA des ordres de virement qui correspondraient à des vols effectués en 2020 pour les présidences du Bénin et du Togo, mais ces documents ne permettent pas de confirmer ses dires. La fourniture des équipages, l’obtention des autorisations de décollage et d’atterrissage est opérée par la société suisse Global Jet, via son bureau de Monaco.

Quelle que soit la gouvernance réelle de LTI, elle lui permet d’entretenir un réseau d’influence impressionnant. En Côte d’Ivoire, par exemple, ses appareils ont transporté Hamed Bakayoko, que Bonkoungou connaît, selon ses dires, depuis les études du Premier ministre ivoirien à l’Institut de mathématiques et de physiques de Ouagadougou dans les années 1980 – quand nos sources nous indiquent que la connexion est beaucoup plus récente –, feu Amadou Gon Coulibaly, Téné Birahima Ouattara et le président lui-même.

Connecté par Blaise Compaoré à Alassane Ouattara, Bonkoungou a bénéficié en Côte d’Ivoire, comme au Togo et au Bénin, de garanties de l’État pour financer ses chantiers. Actuellement, outre les travaux routiers, il rénove cinq aéroports à l’intérieur du pays pour un montant d’environ 50 milliards de F  CFA. Auparavant, il avait participé à la réhabilitation de l’aéroport de San Pedro pour un montant de 17 milliards de F CFA, somme qu’un excellent connaisseur du secteur et de la Côte d’Ivoire nous a assuré être largement supérieure à ses estimations. À Abidjan, il a aussi investi en 2018 dans le terminal d’affaires de l’aéroport. Il détient au moins 30 % du capital, aux côtés de la société émiratie Jetex, et figure, avec Moussa Diarra et sa fille Alizèta, parmi ses administrateurs.

Rares désillusions

Porté par une stratégie bien rodée, le patron d’Ebomaf n’a finalement connu que de rares désillusions. S’il a fait pour le moment chou blanc au Tchad et en Guinée équatoriale, sa plus importante déconvenue reste sans doute la Guinée, où l’État a annulé par manque de moyens le contrat pour la réalisation d’une route de 140 kilomètres.

Selon nos informations, c’est Djibrill Bassolé, l’ex-ministre des Affaires étrangères et apparatchik du système Compaoré, qui l’avait introduit auprès d’Alpha Condé. Lui affirme avoir plutôt profité du soutien d’Alpha Barry, qui était à l’époque conseiller du président guinéen.

Au Liberia, en revanche, où l’on a dit ses plans tombés à l’eau, Mahamadou Bonkoungou n’a pas dit son dernier mot. Si le FMI a mis son veto à l’émission d’un emprunt obligataire pour financer la construction de 256 kilomètres de route à Monrovia et dans le nord-est du pays, le patron espère désormais pouvoir lancer les travaux grâce à l’exploitation des deux mines d’or que son « frère » George Weah lui a concédées.

Le 26 décembre 2017, la star du football a été élue président du Liberia.
Le 26 décembre 2017, la star du football a été élue président du Liberia. © EPA/AHMED JALLANZO

L’entrepreneur affirme qu’il a rencontré l’ex-footballeur dans les années 1990 par l’intermédiaire de Silvio Berlusconi. Et c’est l’ancien président du Conseil italien, longtemps propriétaire de l’équipe du Milan AC, où jouait George Weah, qui les aurait remis en contact après la victoire électorale de ce dernier, en 2018. Cette connexion peu évidente entre Mahamadou Bonkoungou et le dirigeant italien aurait un lien avec la banque panafricaine de financement du commerce, basée au Caire, AfreximBank. Une source met surtout en avant le rôle une nouvelle fois joué par Blaise Compaoré.

Au Bénin, son soutien à la campagne de Lionel Zinsou, à qui il avait consenti un prêt de 23 millions d’euros à la demande de Thomas Boni Yayi, aurait pu lui coûter cher. Mais l’intervention d’Alassane Ouattara, puis d’Olivier Boko, bras droit et conseiller du président, lui a permis de rétablir le contact avec Patrice Talon. D’abord écartée au bénéfice d’un prestataire d’Air France, LTI a repris du service au profit de la présidence béninoise un peu plus d’un an après l’élection présidentielle de mars 2016. C’est d’ailleurs, selon l’une de nos sources, pour revenir dans les bonnes grâces du chef de l’État béninois qu’il aurait entamé une procédure judiciaire à l’encontre de l’ancien Premier ministre.

L’homme d’affaires chercherait maintenant à s’implanter en RDC, où il s’est rendu en 2019 pour rencontrer André Kimbuta Yango, gouverneur de Kinshasa. En dépit d’un portefeuille de commandes bien rempli, 2020 sera néanmoins pour le groupe une année sans. En raison du coronavirus, les chantiers ont été interrompus et les expatriés renvoyés chez eux pendant plusieurs semaines. Certains projets déjà en souffrance, comme le tronçon Calavi-Kpota-Ouèdo-Hêvié-Cococodji, prévu pour fluidifier la circulation dans la commune béninoise d’Abomey-Calavi, en ont déjà fait les frais. Attribué en 2015 sous la présidence de Thomas Boni Yayi et modifié en 2017, le chantier de 21 kilomètres, qui devait être livré à la fin de 2019, n’est toujours pas achevé à ce jour.

Le cimetière, un lieu pour les vivants

Autour de la Toussaint, les vivants se rendent au chevet des morts. La visite au cimetière les aide à entretenir les liens complexes
qu’ils continuent d’avoir avec leurs défunts. Pour les chrétiens, ce lieu s’éclaire par la foi en la résurrection.

Le cimetière, un lieu pour les vivants


Photo  : Une grand-mère et ses petites-filles viennent se recueillir au cimetière. © Corinne Simon/Ciric

Lorsque le temps est clément et qu’un doux soleil réchauffe le ciel de novembre, les jours qui entourent la Toussaint font mentir les saisons. Dans les cimetières, les tombes se parent de fleurs. Il flotte un petit air de printemps à l’approche de la fête de tous les saints, devenue en raison du jour de prière pour les défunts qui la suit un moment privilégié du souvenir des morts.

Florence, 45 ans, catholique, aime voir ainsi le cimetière se réveiller. « En temps ordinaire, les gens pensent à leurs morts mais cela reste invisible. Autour de la Toussaint, ce lien devient tangible, palpable, souligne-t-elle. Quand je vois une tombe fleurie, je me sens reliée à d’autres, avec lesquels je partage le fait d’aimer un proche par-delà son absence. Le cimetière est un lieu qui marque publiquement la place des morts que nous aimons toujours. »

Ces liens qui unissent les vivants et les morts

Pour la philosophe Vinciane Despret, auteure de l’ouvrage Au bonheur des morts. Récits de ceux qui restent (1), les fleurs offertes en ces jours portent plusieurs significations. « Dans notre culture, le bouquet de fleurs est d’abord lié à l’hospitalité, c’est ce que l’on offre quand on est invité. C’est aussi le geste de l’amoureux, qui dit que l’on aime. Enfin, c’est un geste de l’ordre de la célébration. Toutes ses significations se mêlent dans une offrande sur une tombe. »

La philosophe ne voit pas dans le cimetière le lieu où l’on viendrait « faire son deuil », une expression qu’elle critique, estimant qu’elle appauvrit la compréhension des liens qui unissent les vivants et les morts. Pour elle, ce lieu fait partie « du long processus d’instauration de nos liens avec les morts »« Les morts ont des choses à accomplir mais eux-mêmes doivent faire l’objet d’un accomplissement qui nous engage », écrit-elle, attentive à la manière dont les vivants se rendent capables d’accueillir la présence des morts.

Prier au cimetière, c’est important

Pour l’Église catholique, c’est un lieu important. « Les gens ont des rapports très variés au cimetière qui dépendent de leur histoire familiale et de leur lien à l’Église », précise le père Jean-Marie Tschann, ancien responsable du service des funérailles du diocèse de Nice (Alpes-Maritimes). « Certains les fuient, beaucoup sont marqués par la peur de la mort et son occultation, mais on a bien vu au moment du confinement que l’absence de rassemblements lors des funérailles et au cimetière avait pesé. »

Pour les chrétiens, la prière au cimetière est une manière de signifier, au plus près des effets de la mort, l’espérance qu’elle n’a pas le dernier mot. Des paroisses y proposent chaque année une prière commune au moment de la Toussaint. « Nous invitons les familles endeuillées dans l’année et les membres de la paroisse à prier ensemble sur la tombe de leur défunt et nous proposons aussi de bénir les nouvelles tombes », explique le père Hubert Louvet, curé des paroisses du Haut-Plateau à Montfermeil (Seine-Saint-Denis), où ce type de prière existe depuis une quinzaine d’années. « C’est une manière de signifier le lien par-delà la mort avec ceux qui nous ont quittés et notre foi au Christ vainqueur de la mort. »

Philippe Mellet, diacre du diocèse de Nice, célèbre chaque année une telle prière. « C’est un peu paradoxal car je ne suis moi-même “pas très cimetière”, sourit-il. Mes parents ne l’étaient pas non plus et j’ai hérité d’eux ce rapport distendu aux tombes. Chaque année, je vois en revanche des familles très fidèles à ce rendez-vous. Quand je célèbre dans ce cimetière où mes parents ne sont pas enterrés, je prie pour eux comme si j’étais près de leur tombe. »

Si elle considère avec respect ces lieux, l’Église n’en maximise cependant pas l’importance. « Pour l’Église, c’est au cours de la messe et de la prière eucharistique, qui comprend une prière pour les défunts, que nous sommes le plus proches d’eux », rappelle le père Tschann. Le lieu du repos des morts est moins fort que la communion vivante dans la prière. Saint Augustin le rappelle dans ses Confessions, lorsqu’il rapporte les mots de sa mère, sainte Monique, demandant à ses fils à la veille de mourir : « Enterrez ce corps n’importe où. Ne vous troublez pour lui d’aucun souci. Tout ce que je vous demande, c’est de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur, où que vous soyez », (Livre IX).

Un lieu de passage et de stabilité

Le cimetière est un lieu chargé de sens, surtout pour les vivants. « Il est un lieu qui aide les vivants. Nous y allons pour nous replonger dans les liens si nombreux qui nous unissent aux morts », analyse le sociologue et théologien Jean-Pierre Fragnière. Mais, pour ce dernier, les cimetières « physiques » deviennent une modalité « parmi d’autres » de ce lien aux défunts. La dissolution des communautés villageoises, la mobilité géographique, le développement de concessions courtes, inscrivent le cimetière dans une « tendance au provisoire », souligne-t-il.

« Le cimetière était le grand témoin de l’existence de nos proches et de la collectivité. Aujourd’hui, dans n’importe quelle famille, on dispose de quantité de photos, de films, d’archives pour se plonger dans le souvenir des défunts », constate le sociologue. Ces différentes manières de se rapporter aux morts peuvent se compléter : « On peut aller vers les cimetières qui accueillent nos défunts à la Toussaint et poursuivre cette démarche en allant voir ceux, magnifiques, que sont les souvenirs et les lieux domestiques qui matérialisent leur présence. Sans doute quand on feuillette ensemble un album de photos au salon peut-on moins tricher avec la vie du défunt que lorsque l’on se tient simplement côte à côte au cimetière. »

Pour Vinciane Despret, le cimetière a beau s’être « excentré », il reste un « lieu de rendez-vous avec les morts »« Quand quelqu’un ne s’est pas occupé d’un mort pendant des années, c’est souvent par une visite au cimetière que se rétablit le lien et que s’engage un processus de réconciliation et de paix. Il reste un lieu de passage et un lieu de stabilité. »

Fréquenté de manière individuelle, il est devenu un « lieu collectif privatisé », « le lieu du deuil privé », constate Jean-Pierre Fragnière. Il est, de ce fait, devenu plus discret, mais sans doute pas moins important. « Les gens ne parlent pas de leurs visites aux cimetières, il y a une forme de pudeur, constate le père Jean-Marie Tschann. On pourrait donc croire que ça n’existe plus, que ça n’a plus d’importance, alors que cela en a toujours. »

(1) La Découverte.

Les réseaux sociaux bruissent d’indignations, de condamnations de ce meurtre abject, exprimées par des musulman-e-s, anonymes ou connu-e-s |Michael Privot

Il y a 3 jours, j’étais à Valentigney, dans l’agglomération de Montbéliard, pour évoquer avec plusieurs centaines de lycéen-ne-s et d’adultes, la question de la radicalisation. Lors d’une séance débat qui suivait la très belle pièce de théâtre “Vague à Larmes”, j’ai été à nouveau interpellé: “pourquoi faire appel à un islamologue?”, sous-entendu que cela entretient la stigmatisation des musulman-e-s.

Une partie de ma réponse a consisté à dire que les attentats qui secouent nos états ces dernières années ne sont pas commis par des bouddhistes ou des disciples de Krishna, mais bien par des gens qui se revendiquent de l’islam, même si l’on doit rester attentif à la montée en puissance d’actes de violence et d’attentats par d’autres formes d’extrémisme dans nos sociétés.

Il y a une réalité objective, encore rappelée par l’attentat commis par un jeune Pakistanais il y a trois semaines.

J’ai précisé que peu avait été fait, depuis 2015, pour travailler sur les causes de ce phénomènes. Si certaines dépendent de la société dans son ensemble (renforcer la participation démocratique, réduire les inégalités patentes dans nos sociétés, recréer un horizon de progrès commun, un désir et un imaginaire de “faire ensemble” société), d’autres dépendent prioritairement des musulman-e-s, voire relèvent de leur seule responsabilité collective, ce que je martèle depuis des années, avec quelques coreligionnaires, souvent à contre-courant.

Lors de ma réponse, j’avais en tête cette vidéo qui a circulé dans les réseaux musulmans et que j’avais reçue mercredi soir cette semaine, juste avant mes interventions – où l’on voyait l’appel par le père d’une jeune élève de monsieur Paty, d’un imâm qui n’a pas hésité à plusieurs reprises à le qualifier de voyou en diffusant de fausses informations à son égard. Tous ces gens qui ont monté cette vidéo, tous ces gens qui l’on diffusée largement, mettant, une fois de plus, le feu à la plaine, en jouant sur la corde identitariste, la désinformation et la victimisation, ont une responsabilité dans l’horrible assassinat de ce prof qui faisait son devoir: éveiller ses élèves au sens critique, s’interroger sur les questions de société, s’équiper à être confronté-e à des opinions qui nous déplaisent…

Il n’a pas demandé à devenir un héros de la liberté d’expression, il faisait juste son travail. Comme ses collègues, comme mes collègues chercheurs et chercheuses, artistes, écrivain-e-s, nous qui remettons en question la vulgate islamique d’un prophète devenu plus sacré que Dieu au point qu’il soit considéré licite, par certain-e-s, de faire couler le sang pour “le” défendre, alors que le Coran lui-même, auquel il-elle-s prétendent croire, n’incite à rien si ce n’est à passer son chemin face à l’insulte.

Mes ami-e-s et collègues qui nous nous engageons sur le chemin de la critique de cette vulgate, qui nous faisons excommunier par certains imams, nous savons que nous prenons un risque mesuré, car un-e déséquilibré-e peut nous frapper n’importe où, mais un-e prof. qui fait un travail d’éducation à l’intelligence critique ne devrait pas avoir à faire ce genre de calcul, mais juste son travail, à l’abri des pressions en tous genres.

La responsabilité du leadership musulman est écrasante dans ce drame et ceux qui ont précédé, mais aussi celle des petites mains qui relayent complaisamment des incitations à la division en jouant la victimisation: il est plus facile de crier à l’islamophobie que de travailler sa théologie, transformer sa religion pour faire comprendre à nos coreligionnaires – pour qui l’islam est devenu plus une identité totalitaire et aliénante qu’une spiritualité – que leur liberté d’être musulman-e est concomitante à et indissociable de la liberté d’autres de critiquer, d’enseigner l’esprit critique et la distanciation, de blasphémer. Il est plus facile de crier au loup, que de trouver un chemin nouveau pour “ses moutons”.

La responsabilité du leadership musulman est écrasante car elle continue, aujourd’hui encore au nom “ce n’est pas l’islam”, à refuser de voir comment la plupart des oulémas de l’islam classique ont travaillé à donner aux musulman-e-s les outils pour les transformer en une horde vengeresse, à coup d’abrogation de versets du Coran (typiquement: le verset de l’épée abrogerait TOUT le Coran, ou encore que tout qui insulterait le prophète mériterait la mort), de telle sorte que les djihadistes n’ont qu’à se baisser pour collecter les arguments pour justifier leurs actions et revendiquer d’être le cœur battant du sunnisme, voire de l’islam tout court.

Comme la plupart des leaders religieux en Europe se contentent de petits sermons sur la prière et les mille façon de ne pas rompre son ramadan, ils ne connaissent pas leur tradition et sont en incapacité de répondre au défi de cette violence, car aussi incapable de porter un regard critique sur leur propre histoire, depuis Muhammad jusqu’à aujourd’hui. Incapables d’analyser les conditions de production de ce à quoi ils croient, ils sont fatalement incapables de les mettre à distance, de les retravailler pour produire de l’intelligence pour aujourd’hui.

La responsabilité du leadership musulman est écrasante car elle refuse de voir que la façon dont elle a transmis l’islam ces dernières décennies est aliénante, déstabilisante, qu’elle atteint la psyché individuelle et collective en profondeur – soit en générant des troubles psychologiques (pour ne pas dire psychiatriques) chez un certain nombre de ses disciples, soit en catalysant des troubles préexistants chez un certain nombre de personnes. L’islam qu’ils ont enseigné repose sur la trouille de l’enfer, la vengeance, la punition, cultive la dissonance identitaire et cognitive avec son environnement sociétal, voire familial, encourage aux comportements de rupture, de sécession, entretient des confusions de loyautés et empêche l’harmonie avec tout ce qui lui est construit comme étranger.

Or, cet étranger, en Europe, c’est le tout proche, c’est soi-même – nourrissant des conflits internes puissamment problématiques.

En tant que leader, quand on a un auditoire aussi fragile, on redouble de précautions, on apaise, on n’appelle pas à la vindicte, ni à la victimisation identitariste. Mais leur logiciel ne leur permet pas de faire ce travail, trop occupés qu’ils sont à tirer les rentes pécuniaires, symboliques et culturelles de ce logiciel qui, pour un certain nombre, est leur seule raison d’exister.

Je me réjouis du nombre grandissant d’initiatives par des musulman-e-s de tout bord, pour se réapproprier leur “islam”, refuser cette fatalité. Avec d’autres, j’ai le privilège de contribuer modestement à cet effort, et je continuerai tant que le Seigneur m’offrira la vie pour le faire – car nous gagnerons, inéluctablement, mais nous pleurerons encore bien des morts injustes, des attentats, des assassinats au nom d’un islam d’un autre temps, déconnecté du monde, du réel, un fantasme mortifère qui cherche à nous entrainer vers une confrontation qui n’a pas lieu d’être.

Je suis heureux de voir que les réseaux sociaux bruissent d’indignations, de condamnations de ce meurtre abject, exprimées par des musulman-e-s, anonymes ou connu-e-s. Si vous ne les voyez pas, questionnez-vous quant à vos réseaux et à qui vous connaissez dans cette société. Un signe à sortir de son isolement et à s’engager, plus que jamais, dans le “faire ensemble”.

Ces voix musulmanes finiront par noyer ces autres voix musulmanes, toxiques, qui incitent à “les laisser pleurer leurs morts, qui ne nous concernent pas”. Je revendique que ces morts nous concernent, bien au contraire.

Car ces victimes sont les nôtres, nous sommes dans le même bateau, nous sommes uni-e-s. Et nous allons reprendre possession de l’islam, l’arracher des mains de ceux et celles qui veulent en faire un bréviaire de haine à l’encontre de toutes celles et ceux qui ne leur ressemblent pas.

Et ça commence par de petits gestes: s’indigner de qui est fait au nom de “l’islam”, dénoncer ces visions mortifères, vaincre ses peurs, sortir de sa solitude pour se rendre compte que nous sommes nombreux-euses à refuser ce hold-up permanent de notre religion, ne pas diffuser certains messages incitant à la victimisation et au repli sur soi, se donner le droit de suivre sa propre voie, fondée sur le bon sens, l’esprit critique et la bienveillance et le respect. C’est à nous de nous réapproprier l’islam selon nos termes. Personne ne le fera à notre place.

Source: texte de Michael Privot, publié sur son compte facebook le 18 oct. 2020.

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Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)