Témoignages

 

3e dimanche ordinaire B  : Jésus appelle ses premiers disciples

Dès le début de sa prédication, Jésus se constitue une communauté. À son appel, Simon et André, puis Jacques et Jean, lâchent leurs filets, leurs barques et même leur père pour le suivre. Méditons et prions la parole de Dieu avec sœur Bénédicte Rollin, de la communauté des religieuses de l’Assomption de Vilnius (Lituanie).

3e dimanche ordinaire B  : Jésus appelle ses premiers disciples

L’évangile (Mc 1, 14-20)

Après l’arrestation de Jean le Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » Passant le long de la mer de Galilée, Jésus vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter les filets dans la mer, car c’étaient des pêcheurs. Il leur dit : « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes. » Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. Jésus avança un peu et il vit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque et réparaient les filets. Aussitôt, Jésus les appela. Alors, laissant dans la barque leur père Zébédée avec ses ouvriers, ils partirent à sa suite.

Autres lectures : Jon 3, 1-5.10 ; Ps 24 ; 1 Co 7, 29-31.

Comprendre

Après un bref prologue théologique où il annonce d’avance qui est Jésus – le Christ, le Fils bien aimé habité par l’Esprit, en qui s’accomplissent l’attente d’Israël et la vocation d’Adam –, Marc commence son récit proprement dit par une mise en route abrupte. À peine Jésus a-t-il inauguré l’annonce du Royaume qu’il s’adjoint aussitôt des compagnons, les quatre premiers disciples. Comme s’il ne pouvait pas vivre sans communauté ! À partir de ces versets, l’évangéliste va conduire son lecteur de page en page sur un chemin parfois exaltant, parfois ardu et bousculant. En route, à travers les yeux et l’expérience des disciples, le lecteur va peu à peu être introduit au mystère de Jésus jusqu’à pouvoir dire à la fin, avec le centurion : « Oui, cet homme était Fils de Dieu. » En ce dimanche de la Parole accueillons l’appel de Jésus qui porte son regard sur nous et nous convoque à redevenir ses disciples. Prenons l’évangile de ce jour comme une invitation au voyage.

Méditer

Se mettre en route avec le Christ, suivre le Christ, qu’est-ce que cela veut dire ? Écoutons Isaac de l’Étoile, moine cistercien du XIIe siècle, qui parle à ses frères de ce chemin, chemin à la fois intérieur et extérieur et qui fait de la vie tout sauf un long fleuve tranquille :

« Bienheureuse l’âme qui peut suivre partout le Seigneur Jésus, partout où il va, montant dans le repos de la contemplation, paisiblement occupée à voir qu’il est Dieu, et descendant par l’exercice de la charité, le servant lui-même jusqu’à s’abaisser dans le service, aimer la pauvreté et supporter la faim, la soif, la fatigue, le travail, les pleurs, la prière et finalement la compassion et la passion, lui qui est venu obéir jusqu’à la mort et servir, non pas être servi, et donner, non de l’or ou de l’argent, mais son enseignement et son assistance à la multitude, et donner sa vie pour la multitude.

Que ce soit donc pour vous le modèle de la vie ; telle est la règle véritable de la sainteté : vivre avec le Christ par la pensée et le désir dans cette patrie éternelle, mais au cours de ce laborieux pèlerinage ne refuser pour le Christ aucun exercice de charité ; suivre le Christ en montant vers le Père, s’affiner, se simplifier, s’unifier dans une paisible méditation ; suivre le Christ en descendant vers son frère, être distendu par l’action, se partager en mille morceaux, se faire tout à tous, ne rien sous-estimer de ce qui touche le Christ ; n’avoir soif que d’une chose, ne s’occuper que d’une chose, quand il s’agit du Christ unique ; vouloir être au service du Christ, quand il s’agit du Christ multiple » (Sermon 12).

Prier

Accueillir ton regard posé sur moi. Me laisser à nouveau surprendre au beau milieu de mes occupations quotidiennes, au beau milieu de ma médiocrité, de mes sécurités fragiles, de mes recommencements routiniers. Me laisser réveiller, étonner, séduire, mettre en route. Où vas-tu me conduire, au-delà de mes désirs, de mes peurs et de mes résistances ? Je ne sais pas, je renonce à le savoir. Mais j’accepte l’aventure puisque tu marches devant moi, ô toi, le Chemin.

 

 

Une copie (pas très réussie !)

des voeux de l'équipe provinciale de la PAO
voeux

Kiye 2020
L’hebdomadaire de la paroisse de Dyou n°93 du lundi 11 janvier 2021 de la première semaine des Temps ordinaires, de l’année B: Rendez-vous avec les amis de Dieu

Textes du jour :

Première Lecture : (Hébreux 1, 1– 6)

Évangile : (Marc 1, 14–20)

 

Bien-aimés dans le Seigneur, recevez nos salutations depuis la paroisse de Dyou dans le diocèse de Sikasso au Mali.

« Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ! » (Mc 1, 14-20)

Bien-aimés dans le Seigneur, Jésus ne nous associe pas à sa mission pour nous construire des projets de destruction massive, ni de haine ou d’injustice mais plutôt pour des projets de paix, d’amour et de justice. Il nous associe à lui et nous investit de la mission d’annoncer la proximité du Royaume des Cieux parmi les hommes et cela par nos témoignages d’amour de chaque jour. Ainsi, Dieu pourra trouver sa joie en nous et nous confirmer comme ses fils bien-aimés, comme il l’a fait avec Jésus son Fils, à son baptême. C’est pour cela qu’il te maintient en vie, c’est pour cela qu’il a fait de toi ce que tu es aujourd’hui. Jésus n’a pas appelé Simon et André, Jacques et Jean à lui pour l’annonce de la mauvaise nouvelle ni pour construire des projets machiavéliques. Il les a appelés pour annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume. Et toi, quelle est ta mission  dans ce monde ? Pourquoi veux-tu verser les larmes, briser les cœurs des enfants de Dieu ? Pourquoi veux-tu verser le sang ? Celui ou celle que tu veux détruire, recaler, qu’a-t-il fait ? Pourquoi vouloir nuire à la vie d’un de l’autre ? Pourquoi ce projet de haine, de colère mieux, de destruction de la vie des autres ? Simplement pour satisfaire des appétits sensoriels ! Convertis-toi. Le temps de Dieu est proche.

Frères et sœurs en Christ, hier nous célébrions la solennité du baptême du Seigneur, événement unique en son genre, tant par l’identité du baptisé que par ce qui s’y passa séance tenante. Saint Marc nous dit que lorsque que Jésus «remontait de l’eau, il vit les Cieux entrouverts : l’Esprit descendait sur lui comme une colombe, et du ciel une voix se fit entendre: “Tu es mon Fils, le Bien-Aimé, c’est en toi que je me complais.” (Mc 1, 10-11)

            Ce miracle trouve son paroxysme dans ce qu’affirme l’épitre aux hébreux ce lundi 11 janvier 2021, attestant que « dans le passé Dieu avait parlé à nos pères par les prophètes de façon diverse et toujours fragmentaire, mais en ces jours qui sont les derniers, il nous a parlé par son Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par lui, il a créé le monde. » Il était bien la parfaite expression de l’amour  du Père pour les hommes. En lui, la volonté du Père prend un visage humain. Voilà pourquoi, en lui, Dieu se complait. Voilà pourquoi, « ...en ces jours qui sont les derniers, il choisit de nous parler par ce Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui, il a créé le monde. » Quel message Dieu veut nous transmettre par ce Fils qu’il a confirmé comme son Bien-aimé et en qui il se complait ? Le contenu de ce message n’est pas sorcier. Il est juste lié à sa mission sur terre : Faire de nous des enfants de Dieu par adoption, par la qualité de notre engagement chrétien. Pour cela, il nous faut faire un voyage spirituel, quitter l’homme ancien en nous pour nous revêtir de l’homme nouveau. Ce passage n’est possible que par la conversion. D’où, cet appel à la conversion qu’il nous lance dans l’Evangile de ce lundi de la première semaine du temps ordinaire de l’Année liturgique B : « Les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ! » (Mc 1, 14-20)

 

Deux aspects de l’Evangile de ce jour retiennent notre attention et nous interpellent.

  1. Jésus nous lance un appel à la conversion parce que, nous dit-il, les temps sont accomplis. De quels temps parle-t-il ? Et sont-ils accomplis par rapport à qui?

Oui chers frères et sœurs en Christ, il s’agit bien du temps de Dieu dans la vie de chacun de nous. Dieu veut entrer dans ton histoire teintée des blocages, des frustrations, d’échecs, de douleurs, des blessures, des soucis, des déceptions de tout genre et à tous les niveaux. Dieu veut entrer dans ta vie pour te délivrer de tout ce qui t’empêche de vivre heureux. Dieu veut entrer dans ta vie pour te délivrer de tout lien impur, de toute malédiction qui te poursuit, de toute peur, de toutes ces relations démoniaques qui étouffent ta liberté d’enfant de Dieu. Pour ce faire, Il te demande de lui ouvrir ton cœur pour qu’il y entre et élise domicile en toi. Il te demande d’abandonner tout ce qui empêche la grâce de Dieu sur toi. C’est là le sens de cet appel à la conversion dont nous parle Jésus dans l’Evangile. Abandonne toutes ces pratiques mauvaises qui t’empêchent de t’ouvrir à la grâce de Dieu, qui te coupent de la grâce de Dieu. C’est à cela qu’il t’appelle. Oh Seigneur Jésus, pourquoi es-tu venu si tard dans l’histoire de l’humanité ? Combien de milliards d’êtres humains ont existé avant de savoir ce que tu viens apprendre aux hommes ? Malgré tout, Jésus sait que tout homme peut obtenir la grâce du salut par la fidélité à sa conscience droite. Qu’il en soit ainsi pour chacun de nous.

Qu’à cela ne tienne, Jésus est cependant conscient que cette mission est énorme et abondante. Il faut alors s’associer des hommes, des envoyés pour cela, pour prêcher à la conscience de l’homme de notre temps. Il s’associe des hommes. C’est le deuxième aspect de notre méditation.

  1. Comme Jésus passait le long de la mer de Galilée, nous dit Saint Marc, il y avait là Simon et André, le frère de Simon. Il les vit qui jetaient leurs filets dans la mer, car ils étaient pêcheurs. Jésus leur dit : “Venez, suivez-moi ! Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes.” Un peu plus loin il appellera encore dans des circonstances similaires, Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère. Jésus appelle des hommes tout simples qui sont là sur son chemin : Viens, suis-moi ! Sommes-nous conscients qu’il s’adresse à tout croyant, à chacun de nous, pas simplement à celui qui est appelé à une vocation exceptionnelle de prêtre ou de consacré, mais que tout croyant est appelé par Jésus pour être témoin de son amour dans le monde, pour être avec lui, porteur de la Bonne Nouvelle ! Oui chers frères et sœurs en Christ, ce Simon et André, ce Jacques fils Zébédée et Jean son frère c’est toi, c’est moi. Il a besoin de notre spontanéité et de notre disponibilité. « Laissant là leurs filets, ils le suivirent. » (Mc 1, 18). C’est là, l’expression de la conversion de ces pécheurs du lac pour devenir pêcheur d’hommes. Abandonne toi aussi tes assurances, ton autosuffisance, tes pensées méchantes pour entrer dans le projet de Dieu. Pour laisser le temps de Dieu sonner dans ta vie. Pourquoi muris-tu un projet de nuire ou de détruire la vie de l’autre ? Jésus ne nous appelle pas à nous construire des projets de destruction massive mais des projets de paix, d’amour et de justice. Il nous investit de la mission d’annoncer la proximité de son Royaume de Dieu par les témoignages d’amour de chaque jour. Ainsi, Dieu trouvera sa joie en nous et nous confirmera comme ses fils bien-aimés.

Le Seigneur soit avec vous !

✍🏽 Père KIYE M. Vincent, Mafr

Paroisse de Dyou dans le diocèse de Sikasso au Mali

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Soeur Marie Stella : « Par l’espérance, nous sommes proches de vous ! »

Nos lecteurs connaissent bien cette religieuse infirmière qui se bat depuis vingt ans contre l’épidémie de sida au Togo.
Dans son deuxième livre, Notre combat nous grandit (éditions Bayard), elle raconte comment elle trouve, dans la prière et l’amitié, l’énergie de mener ses nombreux combats.

 

Mis à jour le 7 janvier 2021 à 4:09

Publié le 6 janvier 2021 à 3:35

Sœur Marie Stella à la maison Sainte-Monique, qui fait partie de l'orphelinat, à Dapaong (Togo). © JULIEN PEBREL/M.Y.O.P.
Sœur Marie Stella à la maison Sainte-Monique, qui fait partie de l’orphelinat, à Dapaong (Togo). © JULIEN PEBREL/M.Y.O.P.
 

Avec Vivre dans l’espérance, l’association que vous avez fondée, Soeur Marie Stellavous soignez les malades du sida au nord du Togo. Et voici une nouvelle pandémie…

Soeur Marie Stella: À Dapaong, la ville où nous nous trouvons, dans la région des Savanes, les cas de Covid-19 restent rarissimes. Mais ce qui nous a éprouvés, surtout au printemps dernier, c’est la panique de la population. Nous suivons plus de 1 500 patients atteints du VIH. Et ils n’osaient plus venir chercher leur traitement à notre centre de soins. Résultat : nous avons déploré 50 décès parmi eux contre une douzaine l’an dernier. C’est un terrible retour en arrière d’au moins cinq ans !

La fermeture des frontières et les mesures barrière ont aussi été catastrophiques pour l’économie, très pauvre, de la région. Les marchés ont été fermés longtemps. Or, chez nous, les paysans et les artisans vendent leur production au jour le jour et achètent ce dont ils ont besoin avec le produit de cette vente. La malnutrition a augmenté dans les villages, les soins médicaux n’ont pas été donnés, des enfants ont cessé d’aller à l’école… Bref, un recul social préoccupant.

Dans votre ouvrage, vous revenez sur votre travail auprès des 1 500 orphelins de parents morts du sida, rejetés par leur famille. Le regard sur cette « maladie honteuse » a-t-il évolué ?

Énormément. Il y a vingt ans, je passais mes journées à enterrer les morts, à expliquer aux familles, aux villageois qu’ils devaient se montrer tolérants envers les malades car la réalité du sida n’était ni honteuse ni un acte de sorcellerie. Aujourd’hui, au centre de soins Maguy –  construit grâce aux dons des lecteurs du Pèlerin –, les malades du paludisme côtoient ceux du VIH. Dans notre toute nouvelle maternité, inaugurée le 1er  décembre, les femmes enceintes séropositives et les autres s’assoient sur le même banc et fraternisent. C’est une grande victoire ! Le fruit du travail de notre équipe qui fait sans cesse de la prévention. J’ai seulement peur que l’augmentation actuelle de la précarité ne jette beaucoup de personnes dans la prostitution ou l’alcoolisme et que l’on observe à nouveau une augmentation des contaminations.

Sœur Marie Stella dans le service de la maternité qui vaccine les bébés et contrôle leur poids. © JULIEN PEBREL/M.Y.O.P.
Sœur Marie Stella dans le service de la maternité qui vaccine les bébés et contrôle leur poids. © JULIEN PEBREL/M.Y.O.P.

Vous entraînez beaucoup de monde derrière vous. Où trouvez-vous l’énergie ?

Je puise ma première source d’énergie dans la prière. Je me lève tous les jours à 4 heures pour une demi-heure au moins de prière personnelle, avant la messe. Si je prie, j’abandonne mes soucis à Dieu et, par sa grâce, je trouve la force de continuer. Chacun de nous doit écouter l’ange Gabriel qui dit à Marie, pendant l’Annonciation : « Ne crains pas, Dieu est avec toi. » En recevant ces mots avec confiance, tout chrétien peut, comme Marie, s’engager dans une mission difficile.

Ma seconde source d’énergie vient, bien sûr, de tous ces amis qui m’entourent. Depuis l’an dernier, je remarque avec fierté que des familles togolaises aussi nous soutiennent : six parrainent des orphelins et plusieurs nous ont envoyé des sacs de riz et de maïs pour que les enfants aient de bons repas de fêtes. Et quand je vois nos jeunes qui, devenus adultes, se battent à leur tour pour leurs frères et sœurs, je me sens portée !

Tout de même, n’avez-vous pas parfois envie de baisser les bras ?

Dans les années 2000, aux débuts de Vivre dans l’espérance, nous étions écrasés par les malheurs : des familles entières ravagées par la maladie, des enfants jetés à la rue, des grands-mères qu’on laissait mourir de faim… Aujourd’hui, je suis parfois affectée par les rumeurs suscitées par la jalousie : « La sœur a de l’argent », concluent beaucoup de gens, ici. Ils voient les belles réalisations que nous avons pu mettre sur pied en convainquant les donateurs du bien-fondé de notre action.

Pourtant, tout ce que nous faisons, c’est pour aider la communauté à se prendre en charge. Nous avons ouvert cette maternité pour que moins de femmes meurent en couches et nous laissent leurs enfants à élever. Ce n’est pas que « de l’argent » mais de l’amour, de la fraternité que nous passent ces donateurs qui vont équiper aujourd’hui nos apprenties couturières en machines à coudre. Ils les aident ainsi à démarrer dans la vie ! Il nous faut poursuivre notre chemin. Quand le Christ est venu, il n’a pas été accueilli par tout le monde et il n’a pas cherché à se défendre.

Vous écrivez : « Apporter l’espérance au malade, c’est s’abaisser. » Que voulez-vous dire ?

J’ai longtemps pensé que c’était moi qui aidais l’autre. En réalité, pour vraiment l’aider, il faut se faire plus petit que lui, comme le Christ qui lave les pieds de ses disciples. Les pauvres m’apportent bien plus que je leur donne. Ainsi, tous les mois, je vais faire la toilette d’une vieille dame qui vit seule. Quand j’arrive, elle m’accueille avec un grand sourire et pendant que je la lave, elle me bénit, me dit que sa prière m’accompagnera encore lorsqu’elle aura rejoint le Très-Haut.

Je n’ai pas une grande formation théologique mais je sais que l’écoute des personnes fragiles me fait grandir. Un jour, un SDF m’a interpellée alors que je courais, perdue dans Paris : « Ma sœur, n’oubliez pas les pauvres ! » Je me suis arrêtée et je me suis dit que le Seigneur m’envoyait par sa bouche un message essentiel : oui, les pauvres doivent toujours passer d’abord. Ils sont le visage du Christ.

Vous vous montrez très attentive à l’éducation des jeunes filles. C’est par les femmes que peut venir le changement au Togo ?

Traditionnellement, en Afrique, les femmes sont soumises au bon vouloir des hommes. Et elles ont été les premières victimes, directes et indirectes, du sida. À Vivre dans l’espérance, nous avons tout de suite compris que pour juguler les ravages de l’épidémie, il fallait soutenir les mères de famille et donner aux jeunes filles une bonne éducation. Avec un métier, elles sont indépendantes économiquement, se font mieux respecter et apprennent à dire non à un homme… ou oui. Mais alors, c’est un grand « oui », prononcé en connaissance de cause ! D’ailleurs, nos étudiantes ne vivent pas de grossesses non désirées et ne sont pas devenues séropositives. Je crois que les Africaines peuvent faire ainsi beaucoup évoluer la société.

Ces petites, ici à l'orphelinat Sainte-Monique, ont perdu leur maman à la naissance. Elles sont prises en charge par l'association Vivre dans l'espérance. © JULIEN PEBREL/M.Y.O.P.
Ces petites, ici à l’orphelinat Sainte-Monique, ont perdu leur maman à la naissance. Elles sont prises en charge par l’association Vivre dans l’espérance. © JULIEN PEBREL/M.Y.O.P.

Pour faire naître uCn nouveau projet, vous avez demandé l’exclaustration à votre congrégation. De quoi s’agit-il ?

J’ai obtenu la permission de passer trois ans dans une maison que l’on appelle la Fraternité, afin de bien entourer une dizaine de jeunes filles contaminées. Il est difficile pour les jeunes porteuses du VIH de se marier. D’autre part, les communautés religieuses ne les acceptent pas. Et leur famille a disparu ! Elles peuvent se sentir désemparées. Mais elles souhaitaient vivre ensemble et se mettre au service des pauvres, au sein de l’association. Je pars du principe que l’Église ne doit exclure personne, surtout pas les fragiles, les handicapés, les malades… Le projet m’a été inspiré par les communautés de l’Arche.

Dans le livre, je fais le point sur « mes combats ». Eh bien, le principal, aujourd’hui, consiste à faire acquérir à tous nos jeunes une dignité d’adulte responsable.

Comment se déroule la vie quotidienne là-bas ?

À la Fraternité, nous partageons des tâches ménagères, puis chacune part travailler. Nous portons dans la prière les peines et soucis de nos partenaires. C’est notre façon de leur rendre leur générosité. Les musulmanes prient à côté des catholiques. Et c’est une maison ouverte. En ce moment, par exemple, nous accueillons au repas du soir une trentaine de nos enfants atteints du VIH pour mieux surveiller la prise des médicaments qui leur devient pénible à la longue.

Quel message adresseriez-vous à nos lecteurs qui comptent aussi, pour beaucoup d’entre eux, parmi vos donateurs ou parrains ?

Ce moment très difficile à vivre dans le monde entier est aussi un moment où l’on peut être appelé, par de petits gestes, à montrer espérance et amour. Sachez que nous vous portons tous dans nos prières, que malgré la pandémie, la distance, la fermeture des frontières entre nos pays, nous n’avons jamais été aussi proches de vous.

>>> À lire aussi sur Lepelerin.com : Le chemin de croix de sœur Marie Stella


Livre Soeur Marie Stella

Notre combat nous grandit, Éd. Bayard, 240 p. ; 16,90 €. Préface du Pr Marc Gentilini.
L’action de sœur Marie Stella avec les pauvres l’entraîne de défi en défi. Des pages d’une rare intensité humaine et spirituelle.

Pour suivre et soutenir Soeur Marie Stella et l’action de Vivre dans l’espérance

Visitez le site enfantsdelespoir.org et retrouvez Soeur Marie Stella pour un entretien « live » sur la page Facebook du Pèlerin le 20 janvier 2021, à 19 heures.

Père Jean Bevand

Jean Bevand

 

1945 - 2020

Le Père Jean Bevand est né le 14 août 1945 à Oyonnax en France, dans le diocèse de Belley-Ars, diocèse où se trouve la cure du grand curé d’Ars, mondialement connu comme patron de tous les prêtres.

Après ses études secondaires, Jean entre au Grand séminaire du diocèse de Belley et il y séjourne de 1963 à 1965. Il effectue son service militaire en coopération à Beleko, une paroisse dans le diocèse de Ségou. Il fait même une année de plus (1965 – 1968) pour mettre en route le 2nd cycle (6e à 3e du système français) de l’école fondamentale de la paroisse. Il y est en communauté avec son oncle Joseph Bevand et le Père Josef Stamer, avec lequel il collaborera plus tard dans le domaine du dialogue islamo-chrétien. C’est là qu’il décide d’engager sa vie comme missionnaire d’Afrique.

En 1968, il entre à Gap pour son année spirituelle. En 1969, il est à Strasbourg, au Foyer des Missionnaires d’Afrique de la rue de Neuwiller, pour ses études théologiques. Il obtient en 1973 une maîtrise en théologie. Entre temps, le 28 octobre 1972, à Strasbourg, il prononce son Serment Missionnaire et il est ordonné diacre. Le 23 juin 1973, il est ordonné prêtre à Oyonnax dans sa paroisse natale.

Il est nommé au Mali où il retrouvera son oncle, le Père Joseph Bevand (+1988). Ils seront tous les deux missionnaires au Mali, et tous les deux passeront le plus clair de leur vie missionnaire dans les diocèses de Ségou et de Bamako, où ils ont laissé un grand souvenir. Jean avait été marqué par la vocation de son oncle, et il voudra lui aussi se consacrer pour la mission.

Jean arrive à Falajè le 1er janvier 1974. Il y apprend la langue bambara, qu’il maîtrisera très bien, et s’initiera aux us et coutumes des bamanans. Il est alors nommé à Niono, dans le diocèse de Ségou, où il restera une année. D’août 1975 à octobre 1978, il est nommé à Ségou, où il est vicaire, puis très vite, il devient le curé.

En 1981, il est nommé à l’IPEA à Rome qui en 1980 avait changé de nom en PISAI (Pontificio Istituto di Studi Arabi e d’Islamistica). Les responsables ont très vite perçu chez Jean un intérêt pour la rencontre avec les musulmans et sa capacité à poursuivre des études en sciences islamiques. L’IPEA était installé à Rome depuis 1964 et conférait la licence en études arabes et en islamologie. Jean profitera bien de ces études approfondies de l’islam et il sera en mesure d’enseigner, plus tard, à l’IFIC quand cet Institut (Institut de Formation Islamo-chrétienne) ouvrira ses portes à Bamako en 2007. Le Directeur, le Père Josef Stamer, fera appel à lui pour y dispenser des cours et accompagner les étudiants. 

À son retour de Rome, en 1985, Jean est à nouveau nommé dans le diocèse de Ségou et il va devenir curé de Markala, la paroisse qui se trouve au bord du fameux barrage sur le fleuve Niger. Il est toujours, à ce jour, le plus grand barrage de retenue d’eau du Mali. Le barrage a été construit à l’époque coloniale dans le but de favoriser l’irrigation pour le développement de la culture du riz, de la canne à sucre et du coton. C’est le fameux Office du Niger. Sa réalisation a été rendue possible, grâce, en grande partie, à la main d’œuvre constituée de milliers d’Africains, dans le cadre des travaux forcés. Pour cultiver les terres inondables dans l’Office du Niger, des populations ont été massivement déportés de force de la Haute-Volta (le Burkina Faso aujourd’hui) et du Soudan (le Mali aujourd’hui). Aujourd’hui encore, on y dénombre des villages mossis, gourounsi, samos, etc. Des Pères venus de la Haute-Volta, ont d’ailleurs été sollicités à plusieurs reprises pour venir travailler dans cette zone et animer des communautés dont ils parlaient la langue et connaissaient les coutumes.

En 1985, Jean est nommé curé de Kolongotomo. C’est une vaste paroisse où se côtoient des ethnies très diverses, aux langues tout aussi diverses. Jean y reste quelques années. En 1988, Jean participe à la grande Session-Retraite à Jérusalem en Terre Sainte. Il en gardera de très beaux souvenirs. En 1992 il quitte le diocèse de Ségou et il est appelé à Falajè comme directeur du Centre de langue. Il dispense avec compétence son cours de bambara et ses étudiants l’apprécient. Très vite, en 1998, il devient aussi le curé de la paroisse de Falajè, une des plus anciennes paroisses du Mali. Les confrères apprécient Jean, son bon sourire et son bon sens. En 2002, il est choisi comme Conseiller, dans le conseil provincial du Mali à l’époque. Un confrère qui a vécu avec le Père Jean Bevand écrit ceci : « J’ai connu Jean à Falajè ; c’est lui qui m’a initié au bambara, puis je l’ai connu comme délégué de Secteur, alors que j’étais à Konatebugu. Puis il est venu nous rejoindre au presbytère. J’ai aimé ce confrère, très disponible, discret, qui avait une très profonde amitié pour le peuple malien et son église. Il parlait toujours des maliens avec respect, souvent avec cet humour léger et amical qui le caractérisait. Je me sens privilégié d’avoir partagé ces moments avec lui… »

En 2003, il devient curé de Kolokani et il est choisi comme Délégué au Chapitre de 2004 à Rome. À son retour, en août 2004, il est à nouveau choisi comme curé de Falajè. Il va y rester trois ans puisqu’en 2007. Il est alors appelé comme professeur à l’IFIC qui vient d’ouvrir ses portes sur la colline de Hamdallaye à Bamako. Le premier Directeur, le Père Josef Stamer, connaissait bien Jean Bevand pour avoir été très proche de lui dans tout son cheminement de jeune missionnaire. Il savait que Jean pourrait accompagner avec compétence et sérieux les étudiants qui allaient se présenter pour se former dans le dialogue interreligieux. Jean se donne à fond pour cette tâche, enseignant et accompagnant les étudiants, participant aux voyages dans le Nord Mali, à Djenné et Tombouctou, quand c’était encore possible. Il avait une grande expérience dans le domaine de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux. Il participera à plusieurs reprises à des sessions de formation organisées par la Commission épiscopale de la CERAO pour le dialogue interreligieux dans toute 3 la sous-région. En 1991, il remplacera le Père Josef Stamer comme secrétaire de cette Commission. Plus tard il sera encore choisi par l’archevêque de Bamako pour être à la tête du secrétariat pour le dialogue interreligieux et l’œcuménisme sur le plan national.

Au niveau de la Province de la PAO, il lui sera demandé de participer à la commission du même nom. Tout le monde connaissait ses compétences en ce domaine. Jean ne s’imposait jamais mais si on faisait appel à lui, il savait se rendre disponible. Un confrère remarque : « Jean était d’une disponibilité incroyable ! » En 2008, il est élu Supérieur Délégué du Secteur Bamako, dès la fondation de la nouvelle Province de la PAO. Là encore, il va développer ses talents pour aider les confrères à entrer dans cette nouvelle configuration provinciale. C’est une des qualités de Jean de savoir écouter, conseiller et aussi réconcilier quand c’est nécessaire. Les confrères feront souvent appel à lui quand il y aura des situations un peu délicates à résoudre. Son bon sens, son calme et sa patience dénoueront souvent des problèmes épineux. Il avait une disposition à être un bon facilitateur.

En 2012, il participe à la session de transition à Rome et même si l’âge commence à compter, il accepte d’être de nouveau vicaire à la paroisse des Saints Martyrs de l’Ouganda à Jelibugu, en ville de Bamako. En 2016, suite à plusieurs mouvements dans la communauté, il accepte d’être le curé, mais dès qu’il le peut, en 2018, il accepte, avec l’accord de l’archevêque, de confier sa charge de curé à un confrère plus jeune. Très simplement, comme à son habitude, il reste sur place et devient un vicaire. En 2016, le pape avait appelé Jean à Rome pour lui confier le ministère de « missionnaire de la miséricorde ». Il a accepté cette charge avec une grande discrétion et une grande générosité.

Ce que l’on peut retenir de Jean, en plus de sa grande disponibilité, c’est d’une part sa précision et le soin dans la préparation de son travail aussi bien intellectuel que pastoral et, d’autre part, sa fidélité dans les relations amicales et l’étendue immense du réseau de connaissances qu’il s’était constitué tout au long de sa vie missionnaire. Sa communauté souligne que Jean motivait toujours à respecter le projet communautaire. Il tenait à rendre visite aux voisins pour les saluer, même s’il n’était pas toujours bien accueilli.

Le dimanche 22 novembre 2020, pendant qu’il célébrait la messe dans l’église des Saints martyrs de l’Ouganda, il eut un malaise. Il a reçu les soins nécessaires et semblait se remettre de cette fatigue lorsqu’il a subitement rendu l’âme le jeudi 26 novembre au matin, à l’hôpital de Bamako.

Les confrères l’avaient accompagné pour faire quelques analyses et il s’est éteint alors que les médecins commençaient tout juste à l’ausculter. La nouvelle de son décès s’est répandue à la vitesse d’un éclair. Très vite le Cardinal archevêque de Bamako se rend dans la communauté de Konatebugu pour dire toute son émotion et ses encouragements devant un décès si rapide qui laisse tout le monde dans la stupeur. Rien ne nous préparait à un départ si brusque. Tout récemment encore, c’est lui qui avait prêché pour la messe d’action de grâce de notre jeune confrère François d’Assise Diarra, de Kolokani, une paroisse où Jean avait laissé de grands souvenirs.

Les funérailles se sont déroulées le jeudi 3 décembre 2020, dans la paroisse des Saints Martyrs de l’Ouganda. Elles ont été précédées par une belle veillée de prière le mercredi dans la soirée. Luc Kola, le Provincial, avait fait le déplacement de Ouagadougou. Il a parlé au début et à la fin des obsèques. Le Cardinal présidait, entouré de deux évêques : Monseigneur Jonas Dembélé, évêque de Kayes et président de la Conférence Épiscopale du Mali et de Monseigneur Augustin Traoré, évêque de Ségou et vice-président de la Conférence Épiscopale du Mali.

Une trentaine de prêtres concélébraient et une foule compacte de fidèles, de religieux et religieuses et d’amis étaient là pour traduire toute l’affection qu’ils portaient au Père Jean Bevand. Une très grande photo du Père se trouvait au-dessus de l’autel avec ces mots : « À jamais dans nos cœurs, Père Jean Bevand, intercède pour nous auprès du Seigneur ».

Un tel départ, précipité, à quelques jours de Noël, a marqué tout le monde. Ce confrère zélé, plein d’humour et de compétence, un homme de Dieu, un vrai missionnaire, nous quitte mais nous laisse un grand souvenir. C’est sûr, avec son oncle, également missionnaire d’Afrique, Jean ne nous laisse pas seuls. Ils vont tous les deux intercéder pour le Mali, pour son Église et pour tout ce peuple qu’ils ont aimé et servi sans compter. Selon la formule qu’on aime prononcer au Mali, dans de pareilles circonstances, que la terre leur soit légère !

Josef Stamer et Alain Fontaine.

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La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)