Missionnaires d'Afrique
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Réal Doucet
M.Afr
Recteur, PGF Kinshasa


Comment être heureux pendant toute la vie ?

Encore aujourd’hui, il me semble que le jeune confrère, malgré toutes ses années passées dans nos maisons de formation, aura à relever les mêmes défis que j’ai rencontrés au fil des ans comme missionnaire, pour trouver sa place dans le Royaume de Dieu. 25 ans après mon ordination, je me suis retrouvé dans un style de mission que jamais ni moi, ni mes “formateurs” du temps, les Pères Yves Gaudreault, Guy Martin, Walter Vogels, pour ne mentionner que ceux-là, n’auraient pu imaginer. Comment en suis-je arrivé là ? Ou mieux dit, comment Dieu a-t-il réussi à me prendre par la main, souvent à mon insu, pour me conduire là où je ne voulais pas aller.

Comme étudiant en théologie à Ottawa, je rêvais de pastorale paroissiale loin des villes, proclamant cette Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu pour chacun et chacune. Pendant 9 ans, j’ai été heureux en Tanzanie, dans le pays des Wasukuma et à Ng’wangika dans le diocèse de Geita. Que d’aventures ! Et j’espérais y demeurer toute ma vie. Un jour, tout a basculé : finie la belle vie d’un missionnaire de brousse ! J’avais pourtant fait tout en mon pouvoir pour éviter de me retrouver dans l’animation missionnaire vocationnelle ou, pire encore, dans une maison de formation. Mais j’avais oublié, inconsciemment ou non, qu’être missionnaire, c’est avant tout être envoyé et non “s’envoyer”. Quand Dieu appelle, c’est parce qu’il a un projet qu’il m’invite avec vigueur à faire mien. Il est patient, même un peu têtu, car lorsqu’il a une idée en tête, il ne la lâche pas facilement et le missionnaire finit souvent par l’accepter.

J’aime beaucoup lire le résumé de la vie de nos confrères décédés, tel que rédigé dans le Petit Écho. C’est notre spiritualité incarnée dans des hommes de chair et de sang comme moi que je lis et ces récits me nourrissent pour continuer, dans la confiance et dans la joie, ma route vers Jérusalem. La grande majorité de nos confrères ont vécu au fil des jours leur don à Dieu et à la Mission à travers les différents services qu’on leur a demandé d’offrir. La clef de leur “succès”, je la vois dans leur disponibilité, leur capacité d’accueillir comme appel de Dieu chaque mort à un projet du moment, et chaque renaissance-résurrection à un autre projet, parfois n’ayant aucun lien avec le précédent.

Accepter de donner mon “oui”, même dans des pleurs et des déchirements intérieurs, et croire que Dieu saura me combler de son amour et de signes de son amour même là où il m’en coûte d’être et de vivre, voilà une attitude saine, source de paix et de vie. Donner mon “oui”, cela veut dire accepter au fil des jours de me laisser prendre par la Parole, de l’assimiler et de me donner entièrement à la tâche, sans trop me soucier d’un rayonnement possible ou non. Donner mon “oui”, peu importe mon âge, c’est accepter de renaître ici ou là, dans un pays ou dans un autre, dans une communauté ou une autre avec le même désir de servir le Christ et le Royaume.

La Tanzanie n’aura été pour moi qu’une page de ma vie, comme le Canada, le Mexique et d’autres pays et responsabilités en ont été. Dans chacune de ces pages, en donnant avec confiance mon “oui” au Seigneur et en m’y engageant, corps et âme, Dieu m’a comblé de ses grâces, et, même si j’avais tout fait pour éviter ce que je fais maintenant depuis 15 ans, je dois avouer que Dieu savait mieux que moi ce qui était bon pour moi (et mon salut !!!). En fin pédagogue, Il m’y a préparé en se servant de mes attraits pour ceci ou pour cela. Et aujourd’hui, dans ma prière, je le vois souvent en train de me regarder en souriant et en disant avec un clin d’œil : “N’avais-je pas raison de te dire de me faire confiance et de me laisser te guider vers des pâturages dont tu n’avais aucune idée de leurs richesses humaines et spirituelles ?”

Oui, les jeunes d’aujourd’hui auront à relever le même grand défi, celui de renoncer à eux-mêmes et à leurs projets personnels pour accueillir ceux que le Seigneur leur proposera à travers les responsables de notre petite Société. S’ils Lui font confiance, s’ils relèvent le défi, ils ne le regretteront pas. Ils se sentiront bénis du Seigneur et ils pourront régulièrement chanter leur magnificat. N’est-ce pas pour ceci que nous avons choisi d’entrer chez les Missionnaires d’Afrique dans notre tendre jeunesse : “Me voici, Seigneur, pour accomplir ta volonté… ?”

Réal Doucet M.Afr.

Tiré du Petit Echo N° 1053 2014/7