Missionnaires d'Afrique

Bruno Ssennyondo M.Afr
Mali


Le stage apostolique :
un moment précieux !

Durant son stage, le stagiaire est considéré comme “un confrère”, membre à part entière de sa communauté de stage. Étudiant en formation initiale, il jouit des privilèges de ses confrères “aînés” ! Cet état d’âme est souvent source d’ambiguïté chez ce dernier comme aussi chez les membres de sa communauté d’accueil.

Des communautés “stagiables”
On entend couramment dire que l’on cherche des “communautés stagiables”, ou encore “des communautés idéales”, c’est-à-dire aptes à accueillir des stagiaires. Pour être logique, à mon avis, il faudrait aussi chercher “des stagiaires idéaux”. Mais, pour être réaliste, il ne faut même pas en chercher, car il n’existe ni communauté ni stagiaire idéaux !

Tout d’abord, la présence d’un stagiaire dans une communauté bouscule la vie de ses membres. Ayant, dans la communauté, un “amateur” enquête du savoir-faire, on est régulièrement obligé de se mettre à son écoute et à son service afin de l’initier dans les tâches pastorales et apostoliques. À deux reprises durant son séjour, la Société exige que sa communauté d’accueil fasse une évaluation de son stage. Mais, ce qui pèse le plus est le fait que la présence d’un stagiaire dans la communauté interroge ses membres. Car il n’est pas possible que l’on initie quelqu’un et qu’on participe à son évaluation sans être intérieurement interpellé. Cela dérange et peut même révolter les confrères. En réplique, soit on se laisse interroger, soit on s’entête, et cela, à la frustration du stagiaire. Pour ainsi dire, accepter d’accueillir un stagiaire est un service que l’on rend à la Société, mais c’est aussi un véritable défi.

Le défi de l’insertion pastorale
Le stage apostolique ne date pas de la fondation de la Société des M.Afr. D’ailleurs, il existe encore un bon nombre de confrères qui ne sont pas passés par cette étape, bien que plusieurs d’entre eux aient fait l’équivalent autrement : la coopération française, le service militaire, etc. Aucune époque n’est semblable à une autre. Les défis d’autrefois n’étaient pas les mêmes que ceux d’aujourd’hui. Le monde d’aujourd’hui, moins réceptif à la réalité religieuse, nécessite une période de stage appropriée, un temps qui donne un avant-goût de ce que l’on veut embrasser toute sa vie.

Ne nous voilons pas la face non plus sur le fait que les confrères d’hier étaient “plus obéissants”, une attitude qui favorisait leur initiation à des tâches pastorales nouvelles. Ce n’est pas le cas aujourd’hui avec une jeunesse qui est moins disposée à écouter et à s’adapter aux circonstances du milieu d’accueil. D’où le besoin d’un temps de stage qui donne lieu à un discernement plus approfondi.

On peut mieux faire
Ces remarques un peu pessimistes par rapport au climat général du stage apostolique ne remettent aucunement en question la nécessité de ce temps de formation. J’ai voulu simplement démontrer qu’il y a toujours possibilité de rendre cette expérience plus fructueuse pour les stagiaires et pour leurs communautés d’accueil.

Expérience de la Province de l'Ouest (PAO)
Avec la restructuration des Provinces et l’heureux accroissement du nombre des stagiaires, il est devenu laborieux d’accompagner ces stagiaires. Pour obtenir de meilleurs résultats, la PAO a jugé bon de déléguer ce service d’accompagnement aux responsables des secteurs (Supérieurs délégués). Cela rend plus faciles les contacts interpersonnels avec les stagiaires.

Le Conseil provincial y attache aussi une grande importance. Il étudie soigneusement le cas de chaque stagiaire et s’efforce de consulter les communautés d’accueil. En plus du livret des orientations, normes et procédures du stage apostolique établi par la Société, des directives d’accompagnement des stagiaires ont été mises en place par la PAO. Un tel esprit contribue à éclaircir les ambiguïtés inhérentes à ce temps de stage.

L’utilité d’un cahier de stage
Au noviciat, on invite les futurs stagiaires à tenir un cahier de stage où chacun inscrit les expériences vécues. Cependant, pour certains jeunes, il est de plus en plus difficile de rester fidèles à l’écriture. On se fie tellement aux gadgets modernes qu’on n’a guère le temps de se préoccuper de ces détails. Les effets de cette défaillance se manifestent surtout dans les incohérences des rapports de stages. Plusieurs rapports, étant faits à la hâte, ne reflètent pas une expérience d’ensemble. Il est grand temps que les stagiaires reprennent leurs cahiers de stage !

Des communautés plus fraternelles
L’acteur principal du stage est le stagiaire, mais sa communauté d’accueil a aussi un rôle à jouer. La responsabilité de celle-ci ne se limite pas aux évaluations de l’expérience faite par le stagiaire. Elle comprend aussi l’accompagnement du stagiaire. Ses “aînés” sont censés être plus expérimentés, voire exemplaires. Il est donc capital que chaque membre d’une communauté d’accueil se dessaisisse de son “chapeau de formateur” pour porter celui de “frère collaborateur”. Il arrivera ainsi à considérer le stagiaire comme un “jeune confrère” plutôt que comme un “apprenti”. Et le stagiaire saura alors plus facilement montrer son vrai visage.

Pour une mission plus dynamique et adéquate
Au cours de son stage, le stagiaire apprend des choses qu’il n’aurait jamais apprises durant ses classes de philosophie ou de théologie. Ce sont pourtant ces petites expériences, presque insignifiantes, qui l’aideront à répondre véritablement aux aspirations de ses contemporains. Elles sont en fait des lubrifiants pour notre mission.

Afin de rendre notre mission plus dynamique et appropriée, il faudra valoriser et développer davantage les expériences positives vécues durant le temps de stage. Notre insertion pastorale et notre mission en général porteront ainsi plus de fruits.

Bruno Ssennyondo

Tiré du Petit Echo N° 1049 2014/3