Ngozi Okonjo-Iweala : femmes de pouvoir, VIP africains…
la galaxie éclectique de la patronne de l’OMC

 | Par - à Londres
Mis à jour le 03 mai 2021 à 10h49
Ngozi Okonjo-Iweala et ses fidèles.

La nouvelle patronne de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’appuie sur un solide réseau tissé de Washington à Abuja.

Économiste nigériane diplômée de Harvard puis du Massachusetts Institute of Technology (MIT), où elle obtient son doctorat, Ngozi Okonjo-Iweala connaît d’abord une longue carrière au sein de la Banque mondiale, dont elle finit par être la numéro deux, avant de se faire un nom en politique.

Ministre au profil de technocrate, elle est la première femme ministre des Finances puis (brièvement) des Affaires étrangères du Nigeria. À 66 ans, elle est également la première femme et la première Africaine à diriger l’OMC.

Chikwenye Okonjo Ogunyemi

Tante de Ngozi Okonjo-Iweala, l’universitaire et autrice, qui remercie sa nièce pour son aide dans plusieurs de ses ouvrages, est l’une des inspirations familiales de la patronne de l’OMC. Théoricienne du « womanism » – concept qui inscrit le combat pour les droits des femmes dans un contexte racial – elle inspire à Ngozi Okonjo-Iweala l’usage de ce terme.

Celle-ci se revendique ainsi « womanist » dans son dernier livre, Women and Leadership, au nom de son militantisme pour l’égalité des genres.

Uzodinma Iweala

Son fils aîné est une autre figure familiale qui compte dans son parcours personnel et professionnel. Ce médecin, PDG du Africa Center de New York, centre culturel hyper-connecté et financé entre autres par Aliko Dangote, est aussi l’auteur du roman à succès Beasts of No Nation, adapté au cinéma par Netflix avec notamment l’acteur britannique Idris Elba. La mère de Ngozi souhaitait lui offrir un livre inspirant sur un héros africain, mais n’en trouva aucun qui vaille.

C’est ce qui a poussé  la dirigeante nigériane à écrire elle-même un livre sur le grand romancier nigérian Chinua Achebe (Chinua Achebe: Teacher of Light, publié en 2003). Le projet, réalisé avec Tijan Sallah, poète et économiste gambien passé comme elle par la Banque mondiale, l’a occupé pendant huit ans.

Julia Gillard

L’ex-Première ministre de l’Australie rencontre Ngozi Okonjo-Iweala en 2011 à l’occasion d’une réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth. De conférences en sommets, les deux femmes échangent sur le sexisme qu’elles subissent et se lient d’amitié.

Elles finiront par écrire un livre ensemble sur les femmes de pouvoir (Women and Leadership: Real Lives, Real Lessons), paru chez Bantam Press l’an dernier. « Ce qui m’a attiré chez elle, c’est qu’elle était une femme qui avait également traversé des épreuves », y écrit Ngozi Okonjo-Iweala à propos de Julia Gillard.

Christine Lagarde

Les parcours des deux femmes se ressemblent. Toutes deux font carrière pendant vingt-cinq ans au sein d’une organisation à dimension internationale dont elles gravissent tous les échelons – la Banque mondiale pour l’une, le cabinet d’avocats Baker & McKenzie pour l’autre – avant d’être chacune nommée première femme ministre des Finances de leurs pays respectifs, pour finir à la tête d’institutions multinationales de premier ordre.

La présidente de la Banque centrale européenne vante les méthodes de Ngozi Okonjo-Iweala – « une main de fer dans un gant de velours » – et la présente comme une amie. L’économiste nigériane était d’ailleurs présente au dîner d’adieu de Christine Lagarde au FMI.

Zeti Akhtar Aziz

Elles se sont connues au début des années 2000, quand Zeti Akhtar Aziz était gouverneure de la Banque centrale malaisienne et Ngozi Okonjo-Iweala s’occupait des dossiers de l’Asie du sud-est au sein de la Banque mondiale. Les deux femmes travaillaient alors étroitement ensemble pour sortir la Malaisie de la crise financière qui frappait la région depuis 1997.

Restées amies depuis, elles collaborent à nouveau à partir de 2016, quand elles sont toutes les deux nommées au prestigieux comité consultatif de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, une institution multilatérale (12 milliards de dollars investis à la fin de 2019).

Molly Toomey et Tim Sculthorpe

« Aucune agence de relations publiques ne travaille pour moi », déclarait en juillet dernier celle dont la candidature à la direction générale de l’OMC se voulait populaire et non portée par les lobbyistes de Washington. Il suffit pourtant de consulter le registre des lobbies du Sénat des États-Unis pour y voir inscrite l’agence de communication internationale Mercury, qui a agi pour le compte de Ngozi Okonjo-Iweala dès le mois de juin.

Deux pontes de Mercury ont porté sa parole de campagne : la directrice générale Molly Toomey, qui a participé à la campagne victorieuse d’Akinwumi Adesina pour la présidence de la Banque africaine de développement (BAD) en 2015, et le vice président Tim Sculthorpe, qui a été journaliste au sein de la presse tabloïde anglaise puis porte-parole de l’ex-ministre des Finances du pays, Sajid Javid.

Deux soutiens expérimentés qui froissent l’image d’outsider de la candidate et lui attirent les foudres de certains journaux nigérians. Ces derniers remarquent que Mercury travaille également pour le compte de Nnamdi Kanu, militant séparatiste pro-Biafra et opposant virulent au président Muhammadu Buhari. Ce dernier a pourtant soutenu la candidature de Ngozi Okonjo-Iweala.

Paul Nwabuikwu

Déjà à ses côtés quand elle devient ministre des Finances en 2011, Paul Nwabuikwu a annoncé au public les événements les plus marquants de son parcours, de l’enlèvement de sa mère en 2012 à la mort de son père en 2019. Ce fidèle parmi les fidèles, dont Ngozi Okonjo-Iweala vante l’intégrité et la ténacité, la défend sans relâche contre toutes les critiques.

Récemment, il a ainsi éteint la polémique liée à l’utilisation des services de l’agence Mercury, un fait un temps nié par Ngozi Okonjo-Iweala, en déclarant que certains salariés de Mercury ont bel et bien participé à la campagne pour la présidence de l’OMC mais en tant que bénévoles.

Muhammadu Buhari

Le président nigérian n’est pas un soutien de la première heure, tant s’en faut. En juin 2020, il donne pourtant vie à la campagne pour l’OMC de Ngozi Okonjo-Iweala en la déclarant candidate officielle du géant ouest-africain. Un coup dur pour Yonov Frederick Agah, représentant permanent du Nigeria au sein de l’organisation, qui se croyait assuré du parrainage de son pays. C’est par pur pragmatisme que Buhari aurait fini par prendre fait et cause pour l’ancienne ministre d’Olusegun Obasanjo et de Goodluck Jonathan, ses rivaux historiques, les chances de victoire de Ngozi Okonjo-Iweala étant jugées les meilleures.

Ce mariage de circonstance, souhaité dit-on par le chef de cabinet de Buhari, Ibrahim Gambari, est consolidé en mars lors du premier voyage officiel de la nouvelle patronne de l’OMC au Nigeria. À la Villa Aso, résidence officielle du président, elle remercie les deux hommes pour l’aide qu’ils lui ont apportée tout au long de sa campagne.

Akinwumi Adesina

Le président de la BAD est un allié historique. Tous deux ministres sous la présidence Jonathan, dans la première moitié des années 2010, Ngozi Okonjo-Iweala et Akinwumi Adesina s’apprécient et se soutiennent en toute circonstance. En 2015, ce dernier va jusqu’à dire qu’il n’aurait pas remporté la présidence de la BAD si Ngozi Okonjo-Iweala n’avait pas œuvré en coulisse pour lui obtenir le soutien des gouverneurs de l’institution panafricaine. En 2020, elle soutient la réélection d’Adesina malgré les critiques dont il fait l’objet, et l’ancien ministre de l’agriculture du Nigeria lui renvoie l’ascenseur en appuyant sa campagne pour diriger l’OMC.

Seth Berkley

Genève, où se trouve le siège de l’OMC, n’est pas pour Ngozi Okonjo-Iweala une terre inconnue. De 2016 à 2020 elle a en effet été la présidente du conseil d’administration de Gavi, l’Alliance mondiale du vaccin, qui a son siège à deux pas du lac Léman. Elle y a travaillé étroitement avec Seth Berkley, qui dirige Gavi depuis 2011 et est notamment connu pour son engagement contre le virus du sida.

Tedros Adhanom Ghebreyesus

Ce rôle lui a également permis de tisser des liens avec le milliardaire Bill Gates et le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, tous deux très proches de l’organisation genevoise. José Manuel Barroso, l’ex-président de la Commission européenne passé depuis par la banque d’affaires Goldman Sachs, a pris la relève d’Okonjo-Iweala à la tête de Gavi en début d’année. Reste à savoir qui de ses fidèles lieutenants l’accompagneront à Genève, où elle serait encore en train de composer son cabinet.