Léonce ZinzereLéonce Zinzere (ordonné prêtre en 2010 à Ouagadougou) en mission à Tunis.

Un vent de liberté souffle sur le pays qui nous accueille et l’heure est à l’établissement d’une vraie démocratie. Nous sommes confiants et optimistes quant à la réussite de cette démarche. Il est vrai que beaucoup de Tunisiens même sont un peu sceptiques voire pessimistes quant à la capacité du nouveau gouvernement à relever les nombreux défis auxquels leur pays fait face. Mais je pense personnellement qu’il faut être patient et offrir une chance au parti islamiste qui est aux commandes.

En ce qui me concerne personnellement, je continue (ensemble avec mes confrères en communauté) le travail de restauration du bâtiment, des livres et du système informatique de l’institut des belles lettres arabes. (C’est dans cet institut que je passe le plus clair de mon temps!) Cela nous occupe encore actuellement car les choses ont vraiment tourné au ralenti après la révolution de Janvier dernier. Si vous vous rappelez bien, la bibliothèque de recherche avait été incendiée et le bâtiment endommagé. C’était le 5 Janvier 2010. La réhabilitation du bâtiment qui est en train d’être faite par le gouvernement tunisien (l’Institut National du Patrimoine) prend beaucoup plus de temps que prévu. Nous demeurons alors patients  tout en réfléchissant sur l’avenir de cet institut qui nous est chère et qui est aussi chère à la société en général.

Nous prions encore pour le Père Gianbattista Maffi qui avait perdu la vie dans l’incendie.

En plus de tout cela, je suis aumônier de certaines communautés de religieuses, à temps partiel, ainsi que d’un groupe de " femmes de couples mixtes " (femmes étrangères mariées à des Tunisiens.)

De temps-en-temps, je dois aller dans les quelques paroisses de Tunis et de Hammamet (ville balnéaire touristique située à une soixantaine de kilomètres de Tunis) pour les messes de Dimanche.

Je n’oublie pas aussi les multiples rencontres avec des amis dans le cadre du dialogue interreligieux.

Voilà en gros ce que je fais.

Noël s’est bien passé et nous espérons qu’il y aura de plus en plus de liberté de culte. Nous en avons été rassurés à plusieurs reprises par le premier ministre actuel qui est du parti islamiste Ennahdha. Je note en passant qu’à l’occasion de la fête de Noël, le nouveau président de la république tunisienne, Mr Moncef Marzouki a adressé un message de félicitations et de meilleurs vœux à l’archevêque de Tunis Mgr Maroun Lahham et à toute la communauté chrétienne de Tunisie. Nous en avons été très ravis. Auparavant, quelques jours seulement après son investiture au palais de Carthage, le président de la république avait reçu l’un après l’autre, le grand Mufti de la république, le grand Rabin de Tunisie et l’archevêque de Tunis. Voilà qui est encourageant et nous appelle à être reconnaissant et à manifester notre soutien au processus actuel.

Allez à bientôt inshallah!

 

                                             Père Léonce Zinzere

 

Le bulletin « Relais PB Maghreb de février 2012 » nous parle de deux stagiaires burkinabè travaillant en Tunisie. Merci pour leurs articles qui nous permettent d'écrire ces quelques lignes. Merci aussi pour les photos qu'on nous a envoyées mais que nous ne sommes pas encore à même de mettre sur le site pour des raisons techniques imprévues.

    1 –Jérémie Ouédraogo, à partir d'extraits de son interview


« Faire comprendre que je suis un homme de tous les hommes »

Je m’appelle Ouédraogo Wennémagdé Jérémie. Je suis l’aîné de 6 enfants : 3 garçons et 3 filles. Je suis né dans mon village du nom de Oualogtenga à 25 km de Kaya au nord de Ouagadougou, au Burkina Faso.
En 6e (1re année de l’école secondaire) lorsque l’aumônier de la Jeunesse Étudiante Catholique a demandé au cours d’une réunion si des élèves voulaient devenir prêtres ou religieuses, c’est là que je me suis décidé à aller aux réunions du groupe de vocation. Mais je voulais aller chez les Camilliens car j’étais attiré par l’aide aux malades et aux pauvres.
Après le Brevet d’Études du Premier Cycle je suis allé dans une autre ville pour poursuivre les études. Puis de retour à Ouagadougou, j’ai rencontré Ignace, un ancien candidat qui m’a parlé des Missionnaires d’Afrique et d’une rencontre mensuelle au Pélican.à Ouagadougou. Et tout commença là chez les Pères Blancs. J’ai suivi les rencontres et mon accompagnateur spirituel m’a proposé de travailler à la bibliothèque du Pélican pour le reste de l’année. Après cette année, j’ai eu le Baccalauréat en série D (Maths, SVT Physique-Chimie) et j’ai fait une année d’Université en faculté de Géographie pour compléter les deux années d’accompagnement requises pour commencer le cycle de Philosophie à la Maison Lavigerie. Puis j’ai fait l’Année Spirituelle (noviciat) et me voici au Maghreb, en Tunisie.

Mes premières impressions en Tunisie :

J’étais impressionné quand j’entendais parler de l’apostolat auprès des Musulmans et surtout du Maghreb. En plus, dans ma famille maternelle, beaucoup sont musulmans et s’opposaient déjà à ma vocation contrairement à la famille paternelle qui m’encourageait à cela. Pour moi, travailler au Maghreb pourrait leur faire comprendre que je suis un homme de tous les hommes quelque soit leur religion, leur race et que Dieu ne fait pas non plus de différence entre nous mais c’est nous qui nous séparons les uns des autres. Lorsque j’ai reçu ma nomination pour la Tunisie, j’étais content parce que j’avais demandé le Maghreb. J’ai demandé le visa au Mali et je l’ai reçu deux jours après la demande. Mon voyage a été agréable même si je suis resté à Casablanca pendant 6 heures pour attendre le vol Casa-Tunis. L’accueil à Tunis m’a impressionné. Les membres de ma communauté : Simon, Moïse et Léonce étaient là et m’attendaient. J’ai été impressionné aussi par le niveau de développement dans le pays, surtout le réseau routier. C’était pendant le Ramadan et j’ai pu me promener la nuit et voir les gens, même les bébés, éveillés en ce moment. J’étais très étonné !

Ma perception de la population.

Je trouve que les gens ici sont sympathiques. Cela m’a frappé car beaucoup surtout les médias donnent une image des Maghrébins comme des islamistes radicaux. Alors qu’il n’en est rien. Ils ont leur culture différente des nôtres. Et c’est normal que chacun agisse comme il a appris, jusqu’à ce qu’il découvre qu’il y a d’autres manières de faire. La langue pour moi est agréable et un peu difficile. Mais souvent Jérémie Ouedraogoje m’amuse à rechercher des mots dans ma langue maternelle d’origine ou proche de l’Arabe.

L'apprentissage de la langue

Très vite j’ai pris goût à la langue car j’ai commencé l’écriture avec Simon et il m’a appris 13 lettres des 28 de l’alphabet. J’étais content de savoir déjà écrire ainsi avant les premiers cours proprement dits à Sidi Saber avec le Père Paco. Je suis content de parler avec les gens surtout à l’association le peu de mots que je connais. Même si on parle en français, si je connais la réponse je réponds en Arabe.

Ma vie dans la communauté de Sfax ?

Je me sens très bien ! Je trouve que les confrères sont intéressés par ce que je fais et ils me soutiennent. Lorsque je partage avec eux mes expériences de l’association ils sont très contents et m’encouragent pour cela. Je me sens membre de la communauté.

Mon travail à Sfax

Ici à Sfax, je travaille dans une association, l’UTAIM (Union Tunisienne d’Aide aux Insuffisants Mentaux). Je trouve que les gens sont contents de ma présence dans cette association, la directrice, les enfants, les éducateurs, les cuisinières. Je travaille principalement dans trois ateliers à tour de rôle (photo infra) : le cartonnage où on fabrique des boîtes d’archives, l’imprimerie et la salle d’informatique où les enfants (les tout-petits) s’initient au dessin par ordinateur et aux jeux vidéo. Je fais aussi la catéchèse à quelques étudiants subsahariens.

                                         Jérémie Ouédraogo

 

2. - Moïse NACOULMA, autre stagiaire burkinabè à Sfax

« Les gens s'intéressent à ma culture »

La fête de l’Aïd Kbir, on le sait, est d’une très grande importance pour tous les fidèles musulmans. C’est un moment de grande joie, de communion, de prière et de partage. C’est aussi quelque fois le moment par excellence des retrouvailles en famille. Ainsi, il n’est pas rare que certains citadins ici en Tunisie, retournent en campagne pour y fêter avec tous les leurs. C’est donc avec joie que j’ai accepté d’accompagner mon ami Fayçal au Kef afin d’y célébrer cette fête de l’Aïd avec sa famille au grand complet. Le Kef est une ville située au Nord Ouest de la Tunisie, plus précisément à une centaine de kilomètres à l’Ouest de Tunis.

Nous quittions Sfax avec Fayçal, sa femme, sa sœur et ses deux enfants le samedi veille de la fête. Déjà la ville de Sfax était en pleine activité extraordinaire ; en effet les gens se pressaient pour les derniers préparatifs dans un trafic routier encombré et malgré les klaxons, la joie se lisait sur les visages des uns et des autres qui déjà se souhaitaient : Aïdkom mabrouk… La traversée a duré environ trois heures et ce fut une très belle occasion pour moi de découvrir certaines villes de la Tunisie telles que : Kairouan, Sidi-Bouzid, Siliana, Sbitla. Les villes deviennent de plus en plus modestes et le paysage est assez varié avec un froid et un vent qui deviennent de plus en plus intenses.

La concession familiale se trouve dans les montagnes de Ksour, qui est une ville située à quelques dizaines de kilomètres avant le Kef. La montée dans la montagne fut pour moi une très belle expérience même si je dois avouer que j’ai eu des sueurs froides, vu l’étroitesse du sentier et aussi du fait qu’il fallait aller à une certaine vitesse.

Moïse NacoulmaLes retrouvailles sont émouvantes, sa mère, sa sœur et ses frères nous ont réservé à tous un accueil très chaleureux et courtois. On est tout content d’être là et moi je suis très content de faire la connaissance de sa famille. Après le repas du soir, c’est le temps de partager les nouvelles et de se faire connaître. Mon petit répertoire d’arabe est vite mis à profit pour me faire comprendre et poser des questions. Souvent on se comprenait facilement et parfois il fallait mimer, faire des gestes et bien prononcer les mots et tout cela dans une très belle ambiance.

Après une nuit bien reposante et bien froide, on se réveille en ce jour sacré de l’Aïd Kbir et la première chose à faire c’est de souhaiter à tous et à toutes une très belle fête à travers des souhaits et bénédictions propres à cette fête. Je fais un tour rapide et je constate que les habitations sont éloignées les unes des autres. Chacun possède un champ, un potager autour de sa concession et parfois du petit bétail. J’assiste avec toute la famille à l’immolation des moutons, j’aide à dépecer et à couper la viande. On se met ensuite à table avant de repartir à Ksour rendre visite et partager des morceaux de viandes à ses deux soeurs qui y sont mariées. Au retour nous mangeons tous ensemble le grand plat de couscous traditionnel, fruit du travail et de la générosité des femmes. Dans l’après-midi nous visitons le potager familial où poussent des tomates, des poivrons et d’autres légumes.

Dans l’après-midi, nous sommes restés tous ensemble autour de la musique religieuse que distillait la télévision en ce jour de fête. C’est en ce moment que j’ai aussi appelé ma grand-mère musulmane pour lui souhaiter une bonne fête. Très tard dans la nuit nous avions continué à causer autour du café et du thé à la menthe.

Le lendemain on s’est tous reposés et j’ai pu ensuite visiter ses oncles paternels et maternels qui habitent non loin de leur concession. Ce qui m’a le plus marqué chez les habitants de ce village, c’est leur très grande simplicité, leur sympathie et leur hospitalité. Contrairement à mes expériences passées, les gens s’intéressaient plus à mon pays, ma culture, ma langue qu’à ma religion. J’ai appris beaucoup de mots et quelques éléments de la culture propre du terroir du Kef.

Nous avons aussi participé le soir au mariage de sa cousine, c’était vraiment émouvant de voir comment tout le village s’est réuni bravant le froid pour communier à la joie d’une des leurs. C’était aussi la première fois que je participais à un mariage tunisien. Nous avons repris la route le mardi pour Sfax, et je garde en moi une expérience indélébile et une reconnaissance inexprimable à Fayçal et à sa famille qui m’ont permis de vivre la fête de l’Aïd Kbir dans une très grande joie et simplicité. C’est évidemment avec joie que j’y retournerai, tant le beau paysage, la vie de la montagne et la simplicité des personnes sont restés gravées dans mon esprit.

                                             Moïse Nacoulma