Dans la revue des Pères Blancs, le "Petit Echo", le témoignage du père James Ngahy, originaire de Tanzanie, et qui travaille au Nigéria.

Honneur et dignité de la Vocation Missionnaire

Toute vocation dans l’Église catholique est un don ; c’est un honneur qui nous est offert par Dieu lui-même, et non pas un droit mérité. Comme c’est un don, nous devons y répondre de manière positive. La vocation missionnaire, révélée et exprimée dans le ministère d’un prêtre, d’un frère ou d’une sœur, fait partie de l’éventail des vocations présentes et honorées dans l’Église. Comme nous le savons bien, ce n’est pas un travail, c’est un appel à une vocation spécifique et particulière (réf. Ignatius A. Tambudzai et Chikere C. Ugwuanyi dans “The priestly ministry in Africa” p.204: «Personne ne prend cet honneur pour lui-même, mais reconnait seulement qu’il est appelé par Dieu» (Hébreux 5 : 4). Quand nous regardons la prêtrise dans la lettre aux Hébreux, nous trouvons qu’elle renvoie à la prêtrise de l’Ancien Testament nous conduisant à une compréhension du mystère du Christ prêtre.

«Ce n’est pas le Christ qui s’est glorifié lui-même en devenant le grand prêtre, mais plutôt celui qui lui a dit : vous êtes prêtre pour toujours selon l’ordre de Melchisédek» (Hébreux 5: 5-6).

La vocation missionnaire n’est donc pas une profession, c’est un appel. Les gens dans le monde séculier se conduisent professionnellement, mais ne peuvent pas considérer leur travail comme un appel. La vie missionnaire comme vocation tire sa dignité et son honneur d’une motivation intérieure qui permet de s’identifier à ses fonctions plutôt que de simplement les exécuter. Le missionnaire ne cherche pas la reconnaissance publique, une plus grande autonomie ou une récompense. La dignité et l’honneur dans la vie missionnaire trouvent leur expression dans l’obligation d’être avec et de servir le peuple de Dieu. Par conséquent, l’Église nous envoie comme missionnaires surtout comme membres d’une congrégation missionnaire. Nous devons devenir Eucharistie pour le peuple qui nous est confié. Nous devons être mangés dans le sens que nous devons vraiment et sincèrement nous mettre à la disposition du peuple de Dieu.

Visiter les malades et les personnes âgées, être à la disposition de ceux qui ont besoin de notre service ministériel et partager le peu que nous avons avec ceux qui ont besoin ne peut pas être pris pour acquis. Il est triste et décourageant de voir un prêtre ou un confrère faire le minimum dans son ministère en attendant seulement son allocation mensuelle accordée par son évêque ou son supérieur ou, dans notre cas, par notre Société. Cependant, il se peut qu’un confrère ne s’intéresse qu’aux choses matérielles. L’évêque Kukah du diocèse de Sokoto au Nigéria a déclaré : «Dieu sait ce que vous professez et certainement les gens savent ce que vous professez, mais sans doute aujourd’hui, les gens questionnent votre façon de le vivre. Alors que de nombreuses personnes au Nigeria souffrent aujourd’hui de la pauvreté et de la misère, les dirigeants de l’Église et les hommes de Dieu qui ont fait le vœu de pauvreté profitent d’un confort matériel adéquat et vivent souvent dans des maisons très confortables, ont des autos et profitent de la technologie moderne des téléphones et ordinateurs. (Discussion au symposium en l’honneur de l’archevêque Charles Heerey, 1er archevêque d’Onitsha, Nigeria).

Cependant, la vie missionnaire comme un appel ou une vocation est un mystère. Par conséquent, c’est ouvert à la discussion, et il est nécessaire d’en discuter. Nous ne pouvons jamais arrêter une discussion sur un mystère, que ce soit un mystère aussi élevé que la Trinité, l’Incarnation ou le Salut, ou un mystère d’un autre ordre comme l’Église, l’Eucharistie, la vie humaine, la souffrance et la mort. L’exposé d’un mystère apporte des éclaircissements et peut rendre son contenu pertinent pour le monde contemporain. Le récit du mystère de la vie missionnaire, le sacerdoce en particulier restera ouvert jusqu’à la venue de la Parousie. Cependant, la dignité et l’honneur de cette vocation se réalisent et se concrétisent dans un missionnaire qui est un leader, un presbyteros, un aîné au sens d’un bon berger qui est prêt à partager son leadership avec les fidèles. Il n’est pas un chef « omnipotent » ni un demi-dieu. C’est très différent du leadership politique ou mondain avec ses prix et ses récompenses ! Un bon berger doit embrasser le ministère collaboratif en encourageant les fidèles à prendre des initiatives dans l’Église puisque les fidèles partagent le sacerdoce commun par leur baptême. Bien que nous, en tant que dirigeants de l’Église, ayons de l’autorité, nous ne devons pas réclamer la domination ou le pouvoir pour nous-mêmes. En fait, nous devons être crédibles et responsables dans notre leadership pastoral et notre ministère basé sur l’amour et le service, à l’exemple du grand prêtre Jésus-Christ. Quel sens y-a-t-il pour un missionnaire de quitter son propre pays pour la mission que le Christ lui a confiée par l’Église et de rendre la vie pénible au peuple de Dieu dont il doit prendre soin et qu’il est censé servir et ne pas être servi ?

Quelle joie ou bonne nouvelle un missionnaire, qui se lamente toujours, se plaint, voit tout de façon négative, apporte-t-il à son témoignage missionnaire ? Est-il vraiment un instrument de «la Joie de l’Évangile » ?

Il est évident que tout prêtre, tout missionnaire, motivé par un désir de pouvoir, est enclin à mettre davantage l’accent sur son autorité que sur son service du troupeau qui lui est confié. Dans ce scénario, les décisions sont facilement prises sans compréhension et sans compassion surtout lorsque le presbyteros est considéré comme un titre personnel et ignore son sens original comme une vocation et une responsabilité donnée par Dieu. Cela finit par équivaloir le leadership politique qui favorise l’esprit de «l’égoïsme, la cupidité, la possessivité et le matérialisme.» C’est l’esprit de Moi, Moi et Moi. Cela devient un honneur que le missionnaire s’est approprié et n’est pas de Dieu. Cet esprit éradique la dignité et l’honneur de la vie missionnaire ou du sacerdoce. Jésus était en colère contre les scribes et les pharisiens, parce qu’ils étaient trop occupés par l’honneur, et par la célébrité (voir George Manalel, «Priest as a Man : Counselling for the Clergy», pp. 64-70). Le sacrement du sacerdoce communique une «puissance sacrée» qui n’est autre que celle du Christ Lui-même. L’exercice de cette autorité doit donc être mesuré contre le modèle du Christ qui, par amour, s’est fait le plus petit et le serviteur de tous.

Dans l’ensemble, toute vocation doit être soutenue positivement par les responsabilités et les tâches qui nous sont confiées. Elle doit faire ressortir pleinement la «Joie de l’Évangile», sinon, cette dignité et cet honneur perdent leur sens. En d’autres mots, en tant que missionnaires ou prêtres, nous devrions être heureux et fiers de notre ministère pastoral. Misérable missionnaire, misérable ministère, donc misérable mission! Nous sommes appelés à être et à apporter une Bonne Nouvelle et non vice versa!

Fr. James Ngahy