Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Côte d’Ivoire, Sénégal, Nigeria… Comment la cocaïne trace son chemin en Afrique de l’Ouest

Pour répondre à une demande en plein boom en Europe, la production de coca a plus que doublé en Amérique du Sud. L’Afrique de l’Ouest, point de passage presque obligé de la poudre blanche, renforce encore son statut de plaque tournante. Décryptage en infographies.

Mis à jour le 7 avril 2023 à 15:19
 
 
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l faut beaucoup de poudre blanche pour alimenter l’addiction des 4 millions d’Européens qui, en 2022, ont consommé de la cocaïne. Pour répondre à cette demande sans cesse croissante, c’est toute une chaîne de valeur qui s’est adaptée. D’année en année, les cartels sud-américains, alliés aux mafias européennes et africaines, ont fait de l’ouest du continent une plaque tournante du trafic vers L’Europe. Quelles sont les techniques utilisées par les trafiquants ? Quels sont les pays principaux pays de transit ? Qui, des cartels sud-américains, des « cults » nigérians ou des groupes jihadistes, est impliqué dans ce vaste trafic ?
 
À LIRE[Enquête] Côte d’Ivoire : sur la piste des narcotrafiquants entre Abidjan et San Pedro  

Depuis quelques années, le port d’Abidjan vit au rythme des saisies records de cocaïne. Après la « Spaghetti Connection » en 2019, c’est un autre vaste réseau transnational – mettant en cause des Espagnols, Colombiens, Ivoiriens, Libanais et Portugais – qui a été démantelé, en avril 2022. Après une accalmie, Bissau semble de nouveau être tombée dans le giron des narcotrafiquants. Début février, près d’une tonne de cocaïne y été dérobée dans les locaux de la police. Et, tandis que Dakar continue d’occuper une place centrale sur la feuille de route des cartels, de nouveaux acteurs semblent émerger, y compris au Bénin,  3,9 tonnes de « blanche » ont été découvertes entre 2019 et 2022.

Sur le continent, une myriade d’acteurs internationaux et locaux profitent de ce trafic. Outre les sulfureuses mafias italiennes que sont la Camorra et la ‘Ndrangheta, de nombreux groupuscules opérant comme « sous-traitants » au niveau local se sont constitués le long des côtes ouest-africaines.

À LIRECocaïne, héroïne, tramadol… L’Afrique plus que jamais à l’épreuve du trafic de drogues

Des groupes criminels nigérians ont étendu leur présence à une large partie du golfe de Guinée et supervisent désormais une partie du transit vers la Méditerranée en passant par le désert du Sahara. Certains « barons igbos » peuvent même se targuer de gérer « en toute autonomie des importations de cocaïne grâce à leur bonnes relations avec les narcotrafiquants de São Paulo » rapportent Célia Lebur et Joan Tilouine dans leur livre-enquête Mafia Africa (Flammarion, mars 2023).

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Chez le premier producteur et exportateur de cacao, la Côte d'Ivoire, plus de la moitié des fèves ne sont pas traçables.

C'est ce que montre une étude, à l'heure où la règlementation européenne devient de plus en plus exigeante en termes de durabilité et de traçabilité du cacao importé.

 
cacao
 

Un manque « criant » de traçabilité et de transparence dans la filière cacao ouest-africaine, c'est ce qui ressort de l'étude de plusieurs chercheurs de l'université de Louvain publiée dans la revue Environmental Research Letters.

Ces scientifiques ont remonté les chaînes d'approvisionnement des exportateurs via des données collectées par Trase, une initiative de transparence basée sur une cartographie du commerce international et du financement des produits agricoles de base.

Et le bilan se résume en un chiffre : en 2019, seulement 45% des exportations de cacao étaient tracées jusqu'aux coopératives de producteurs et encore moins jusqu'aux cacaoculteurs ou aux plantations. L'origine du reste des fèves commercialisées, soit plus de la moitié, était inconnue à la date de l'étude : soit parce que les négociants s'approvisionnent auprès d'intermédiaires, soit parce qu'ils ne divulguent pas d'information sur leur fournisseur. « Or la traçabilité ne vaut que si elle est publique », explique Cécile Rénier, la coordinatrice de l'étude, en réponse à ceux qui avancent un besoin de confidentialité.

Traçabilité insuffisante pour répondre à la règlementation européenne

Les données obtenues par les chercheurs reflètent une moyenne et diffèrent selon les exportateurs et les destinataires : si l'on ne s'intéresse qu'au cacao exporté vers l'Europe, une plus grande proportion est issue de plantations cartographiées. Mais dans tous les cas, la traçabilité était en 2019 et est encore très largement insuffisante pour répondre aux nouvelles exigences européennes de ne plus importer de cacao issu de zones déforestées depuis le 31 décembre 2020. 

La campagne de traçabilité « ambitieuse » lancée depuis trois ans dans le pays, va dans le bon sens, selon la coordinatrice de l'étude, mais n'est pas un gage automatique de transparence de la filière.

Tracer pour freiner la déforestation

Vingt-cinq pour cent des cacaoyères se trouvent aujourd'hui dans des forêts classées ivoiriennes qui continuent d'être détruites, et les fèves qui y sont cultivées trouvent de facto leur chemin jusqu'aux exportateurs et chocolatiers. Selon les données compilées par les chercheurs belges, entre 2000 et 2019, près de 2,5 millions d'hectares de forêt ont été remplacés par des plantations de cacao en Côte d'Ivoire.

Selon cette étude scientifique, l'exploitation incontrôlée de cacao menace en particulier les forêts frontalières du Liberia : dans cette zone, 80 à 100% du cacao exporté n'est pas traçable jusqu'à son premier acheteur et encore moins jusqu'à son planteur. Un cacao 100% tracé serait en théorie le gage d'une filière zéro déforestation. Mais les experts du secteur ne sont pas dupes : le cacao n'a pas de couleur, rappelle l'un d'eux, et rien ne ressemble plus à une fève issue d'une parcelle défrichée récemment qu'une fève issue d'une ancienne plantation.

► À lire aussi : Côte d'Ivoire: le FMI débloque 3,5 milliards de dollars pour accompagner le plan de développement

Tchad: les 380 rebelles du Fact graciés par la transition ont été libérés

 

Au Tchad, 380 combattants du Fact (Front pour l'alternance et la concorde au Tchad), condamnés à la perpétuité le 21 mars dernier et graciés il y a une dizaine de jours par le président de transition, ont été libérés mercredi 5 avril au matin. Selon le porte-parole du gouvernement, il s’agit d’un signe que Mahamat Idriss Déby veut agir pour la paix et la réconciliation définitive du Tchad.

Une cérémonie officielle a eu lieu mercredi 5 avril au matin à la prison de Klessoum, dans la périphérie de Ndjamena, en présence de nombreux officiels et parents des graciés, ainsi que de très nombreux journalistes. Elle n'a pas duré longtemps : une quarantaine de minutes à peine.

Une trentaine de combattants représentant symboliquement les 380 graciés ont reçu des mains du ministre de la Justice Mahamat Ahmat Alhabo un certificat de libération qui leur ouvre les portes de la prison. Entre-temps, les graciés attendaient des bus qui devaient les ramener chez eux, selon les autorités pénitentiaires.

Il y avait des larmes et de la joie. De nombreuses familles étaient heureuses de retrouver un fils, un mari qu’elles n’espéraient plus revoir il y a quelques semaines comme témoignent ces quelques parents, rapporte notre correspondant au Tchad, Olivier Monodji. « Ça fait presque trois ans, je ne comptais pas revoir mon époux aujourd'hui. Dieu merci, je suis vraiment contente », raconte une femme. 

Les autorités ont libéré les éléments du front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact) arrêtés en avril 2021. Pour rappel, ces hommes font partie d'un groupe de plusieurs centaines de combattants du Fact qui avaient été faits prisonniers lors de l’offensive qui avait coûté la vie à l'ex-président Idriss Déby Itno. 

Quelque 450 membres du FACT avaient été condamnés il y a deux semaines à une peine d'emprisonnement à vie, notamment pour « actes de terrorisme » ou encore « atteinte à la vie du chef de l'État ». Cela avant que le président de transition n'accorde sa grâce à 380 d'entre eux, comme il s'y était engagé à la fin du dialogue national de 2022. Le leader du Fact, ainsi que 54 autres condamnés par contumace, n'en a pas bénéficié. Pour lui, « c'est un geste humanitaire, pas plus, comme nous l'avions déjà fait en libérant depuis deux ans les soldats de Ndjamena qui étaient entre nos mains » : Mahamat Mahdi Ali en appelle donc à « des négociations pour une paix définitive au Tchad ».

Rétablissement de la paix sociale

Les autorités ont également libéré un deuxième groupe composé essentiellement de manifestants opposés à la prolongation de la transition et au maintien de Mahamat Idriss Déby Itno au pouvoir pour deux ans.

Ces mesures, selon les autorités tchadiennes, participent à apaiser le climat politique tendu depuis plusieurs mois. Mahamat Ahmat Allabo, ministre de la Justice : « En ce mois béni du ramadan, le président de la République, en plus des 380 prisonniers de guerre, amnistiés 259 autres condamnés. Ces démarches constituent un gage du rétablissement de la confiance entre les fils et filles du Tchad dans la paix sociale ».

Le parti les transformateurs de Succès Masra affirme qu’un quart seulement des personnes bénéficiant de cette grâce sont ses militants. Il reste donc, selon ce parti, à faire la lumière sur le cas de nombreux disparus dont les noms n’apparaissent pas.

► À lire aussi Tchad: l’opposition salue les grâces présidentielles mais appelle à plus d'actes d'apaisement

Le « consommer local », bientôt une réalité en Afrique ?

Sur le continent, les vieilles habitudes de consommation ont la peau dure. En dépit des initiatives prises par les pouvoirs publics pour rendre visibles les produits locaux, les populations privilégient les produits importés, au détriment de l’économie de leur pays et au grand dam des artisans.

Mis à jour le 6 avril 2023 à 18:05
 
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Par Sandra Idossou

Consultante et Formatrice en qualité de service - Activiste pour la protection de l'environnement

 

 

 

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Le « consommer local » ne concerne pas que l’alimentation. Le Covid-19 a fait comprendre à beaucoup l’urgence de développer ce que les Africains produisent localement afin de ne plus dépendre de ce qui vient d’ailleurs. Ici de l’artisanat béninois. © Sandra IDOSSOU

 

 

Je vous invite à un jeu d’imagination. Dans un premier scenario, Patrice Talon, président de la République du Bénin, est vêtu d’une magnifique tenue teintée d’indigo entièrement Made in Benin. Il doit  recevoir un chef d’État européen en visite au Bénin, accompagné d’une délégation d’investisseurs prêts à saisir les nombreuses opportunités qu’offre le pays.

Allons plus loin dans ce scénario: pour cette rencontre, aucun des ministres n’est habillé d’un costume importé. Lors du grand banquet qui réunit de nombreuses personnalités du pays, le président Talon arbore cette fois-ci une magnifique guayabera, cousue au Bénin avec du coton cultivé et effilée localement, agrémentée de touches de kanvo, le pagne tissé national. Cette chemise authentique, empreinte de nos traditions est d’une élégance intemporelle.

LES CIRCUITS COURTS DE PROXIMITÉ CONTRIBUENT À SAUVEGARDER NOTRE PLANÈTE

Pour ce même banquet, la nourriture, les boissons, la musique mises à l’honneur sont toutes locales et africaines, et ceci dans un cadre chic : la salle est construite avec beaucoup de goût par des entreprises locales, les meubles, la décoration, le service… tout est juste parfait et fièrement de fabrication 100 % béninoise ! Mais, vous l’aurez compris, ce monde parfait n’existe pas. En donnant libre cours à mes rêves, j’essaie simplement de me convaincre que certaines scènes imaginées sont probablement une réalité à certains égards.

À LIRELes mères africaines appelées à la rescousse sur le front de la souveraineté alimentaire

Grands discours

Depuis quelques années, les 8 pays de l’espace Uemoa consacrent tout le mois d’octobre à la promotion du « consommer local ». C’est une excellente initiative, qui suscite l’intérêt de nos populations pour nos productions locales. Mais, hélas, passé le mois d’octobre, tout s’arrête. Les grands discours entendus lors de ces manifestations n’ont plus d’écho, et aucun changement concret n’est visible dans la consommation au quotidien des populations, au grand désespoir des entrepreneurs et des artisans locaux.

À LIREEmmanuel de Tailly (ex-Castel) : « L’Afrique doit devenir un champion de la production locale »

Le « consommer local » que je défends ne concerne pas que l’alimentation. D’ailleurs, grâce au Covid-19, beaucoup ont compris l’urgence de développer ce que nous produisons localement afin de ne plus dépendre de ce qui vient d’ailleurs. Le « consommer local » comporte de multiples avantages, aussi bien  économiques, qu’environnementaux, sociaux, culturels et identitaires.

IL FAUT NOUS DÉFAIRE DE CETTE ALIÉNATION CULTURELLE QUI NOUS CONDUIT À CROIRE QUE CE QUI VIENT D’AILLEURS EST MEILLEUR

Le saviez-vous ? Les circuits courts de proximité de nos achats participent à limiter leur impact carbone et contribuent à sauvegarder notre planète. Lorsque nous achetons un meuble, un sac, des draps ou même un cadeau importé, c’est à peine 20 % du coût de notre achat qui reste dans notre pays. Je pourrais multiplier les exemples mais, ce qui compte, c’est de rappeler qu’acheter des produits importés revient tout simplement à enrichir les autres, à développer leurs économies.

Patriotisme économique

Récemment, j’ai vu, dans les rayons d’un de nos supermarchés, de l’eau de coco importée vendue à plus de 5 000 F CFA le litre. Je ne trouve pas de mot exact pour qualifier cette aberration, au regard du prix des noix de coco et de leur quantité disponible dans le pays. Figurez-vous que ce produit « trône » aussi dans certains caddies de Béninois ! Un exemple parmi tant d’autres qui montre que le « consommer local » est également une opportunité d’affaires pour les Africains.

Adhérer au concept du « consommer local » et l’appliquer au quotidien est possible, à condition que nous en saisissions les enjeux. Mais, avant toute chose, il nous faut travailler à changer de mentalités et nous défaire de cette aliénation culturelle qui nous conduit à croire que « ce qui vient d’ailleurs est meilleur ».

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Consommer local, c’est avant tout faire le choix conscient de développer d’abord les compétences locales tout en donnant l’opportunité aux nôtres de grandir. Je l’admets : nous avons encore du chemin à parcourir avant de satisfaire pleinement à la qualité, à la constance, aux délais, aux quantités… mais ce n’est qu’en nous astreignant à consommer nos produits et services locaux – et rigoureusement à ce prix-là seulement – que nous réussirons à pousser les nôtres à s’améliorer.

En attendant de voir un jour le Made in Africa prendre son envol dans tous les aspects au quotidien, je continue d’espérer que davantage de Béninois et d’Africains feront l’effort de comprendre les enjeux du patriotisme économique et son impact sur le développement local au travers de nos artisans et entrepreneurs locaux.

En Algérie, les libertés comprimées

chronique
  • Jean-Christophe PloquinRédacteur en chef

L’élection présidentielle de 2024 provoque déjà de fortes crispations en Algérie. La récente condamnation du journaliste Ihsane El Kadi montre que le pouvoir veut empêcher toute forme de contestation. La France, qui prépare la visite du président Abdelmadjid Tebboune, doit plaider en faveur d’une démocratie réelle.

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En Algérie, les libertés comprimées
 
Jean-Christophe Ploquin.BRUNO LEVY POUR LA CROIX

Un esprit libre est en prison. Arrêté en décembre dernier, le journaliste Ihsane El Kadi a été condamné le 2 avril en première instance par un tribunal d’Alger à cinq ans de prison dont trois ferme. La justice lui reproche en substance d’avoir reçu de l’argent de l’étranger – venant de sa fille, vivant à Londres – « pour accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la stabilité ou à la sécurité de l’État ».

Si on prend le verdict au pied de la lettre, on comprend que la direction de médias indépendants est considérée comme une activité menaçant le pouvoir algérien. La somme d’environ 28 500 € visait en effet à soutenir l’activité d’Interface Médias, société regroupant le site Maghreb émergent et Radio M, dont le tribunal a ordonné la dissolution, plongeant dans l’angoisse ses 25 salariés.

La sentence frappe un homme de presse confirmé qui suscite l’admiration. Ihsane El Kadi est, depuis quarante-cinq ans, sur la brèche de l’information en Algérie. Son exigence professionnelle se double d’un engagement inlassable pour la liberté d’expression. Son goût pour débusquer les intrigues du pouvoir est doublé d’une attention constante aux aspirations du peuple, dans sa diversité. Après avoir ferraillé contre Abdelaziz Bouteflika, il a maintenu sa vigilance envers le nouveau président Abdelmadjid Tebboune, élu fin 2019.

Sa condamnation frappe un des derniers groupes de presse indépendant du pays. Elle ajoute un tour de vis contre les libertés. Depuis la fin du « Hirak », le mouvement de contestation pacifique qui mobilisa tous les secteurs de la société il y a quatre ans, les poursuites s’enchaînent contre les journalistes, activistes des droits de l’homme, travailleurs sociaux, syndicalistes. Le pouvoir veut éradiquer toute contestation d’ici à l’élection présidentielle de 2024. Nul n’est à l’abri. Trois ex-premiers ministres de Bouteflika sont derrière les barreaux après des procès pour corruption.

Cette stratégie de la main de fer confirme l’ancrage de l’Algérie dans un modèle politique autoritaire. Depuis l’indépendance, elle est dirigée par un système dont le noyau se niche au sein de l’armée (1). Cultivant l’opacité, il se juge seul capable de définir l’intérêt national et seul légitime pour décider de changements politiques, au gré des luttes de pouvoir et des contraintes socio-économiques. Ce monopole absolu ne rend pas la conduite de l’État efficace.

Alors que sa situation géographique en fait un acteur incontournable au Maghreb et au Sahel et que ses réserves d’hydrocarbures lui assurent des revenus considérables, l’Algérie piétine sur la voie du développement. Face au Maroc, qui bénéficie du soutien des États-Unis et d’Israël, elle s’adosse à Moscou – triste parrain – pour garantir sa sécurité. Elle souhaite aussi rejoindre les Brics, coalition constituée par le Brésil, la Russie, la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud afin de peser face à « l’hégémonie occidentale ».

Pour la France, qui prépare une visite d’État d’Abdelmadjid Tebboune le mois prochain, la relation reste extrêmement complexe. La promotion des valeurs démocratiques ne saurait, quoi qu’il en soit, être oubliée. Il est probable que, de sa prison, Ihsane El Kadi ne pourra pas suivre l’événement. On préférerait qu’il soit dans son bureau, à commenter avec toute son expertise ce nouvel acte diplomatique.

(1) Lire L’énigme algérienne, de Xavier Driencourt, éditions de l’Observatoire, 256 p., 21 €