Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

 

        

 

                                                                      



Bonjour,

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, rejoignez-nous pour porter la voix de celles qui se battent, parfois au péril de leur vie et de leur propre liberté, pour que les droits des femmes soient une réalité !

L’Iran et l’Arabie saoudite sont tristement connus pour cibler spécifiquement les militantes défenseures des droits des femmes en raison de leur sexe et de leur engagement.

C’est le cas de Yasaman Aryani. Le 8 mars 2019, elle a distribué des fleurs aux femmes dans le métro avec sa mère, à visage découvert, pour militer contre la loi injuste qui impose aux femmes le port du voile. Elles ont été condamnées à 16 ans de prison ! Grâce à la mobilisation internationale, cette peine a été réduite à 9 ans. Mais c’est toujours 9 ans de trop !

Nous avons créé une page action 8 mars : vous  y trouverez plusieurs façons de vous mobiliser, même si vous n’avez qu’une minute !
- Participez à l’action : « Des fleurs pour Yasaman »
- Interpellez l’Iran et l’Arabie saoudite

Merci de votre engagement !

 
En Arabie saoudite, 11 défenseures des droits des femmes qui militaient pour la fin du système de tutelle masculine et la levée de l’interdiction faite aux femmes de conduire, ont été arrêtées en 2018. Loujain al-Hathloul et 8 autres militantes sont sorties de prison depuis, mais ne sont pas libres de circuler ni même de s’exprimer libremenent. Parmi les femmes toujours emprisonnées, Nassima al-Sada.

La place de ces femmes n’est ni en prison, ni en résidence surveillée ! Parce qu’elles ont eu le courage de défendre nos droits, défendons-les !

Ensemble, continuons à nous mobiliser pour les défenseurs des droits humains !

Audrey Boursicot
Chargée de campagne "Libertés"
chez Amnesty International France

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/02/23/au-burkina-faso-soigner-les-blessures-invisibles-des-victimes-des-violences_6070969_3212.html

Depuis 2015, plus de 1 600 personnes ont été tuées et un million déplacées, notamment dans le nord et l’est du pays, où sévissent les groupes djihadistes.

Asseta* ne se rappelle plus quand ni comment elle est arrivée dans la petite cour poussiéreuse du centre médical de Kongoussi, à une centaine de kilomètres de Ouagadougou, la capitale burkinabée. Il paraît que ses jambes et son corps décharnés ne répondaient plus. Que ses yeux ruisselaient de larmes. La jeune femme se souvient simplement qu’elle voulait « en finir ». C’est Joseph Badini, un infirmier spécialisé en psychiatrie, qui l’a accueillie, en novembre 2020, au sortir de l’ambulance. « Elle était en pleine crise de panique », confie-t-il.

Depuis qu’elle a survécu à l’attaque qui a visé son village, Gomdé, dans la région du Sahel, en 2018, Asseta a été déplacée trois fois à cause des violences. Une partie de sa famille a été massacrée. Son mari a fui le premier, « sans rien dire », avant de revenir après trois mois d’absence. Plus de bétail, plus de cultures.

Prostrée, Asseta est restée des nuits entières assise devant sa case. S’endormir, c’était risquer de revoir en rêve les djihadistes qui ont égorgé son beau-frère, son oncle, son voisin. Elle a cessé de manger, s’est mise à sursauter au moindre bruit.

« Dépression, idées suicidaires, insomnie, anorexie… Ce sont les signes typiques du trouble de stress post-traumatique », détaille Joseph Badini, assis derrière un bureau sur lequel s’entasse une pile de dossiers. Des cas comme celui-là, l’infirmier en a pris en charge 78 en 2020, 82 en 2019. Des femmes, pour la plupart, qu’il s’efforce d’écouter et de soigner.

Au total, plus de 20 000 déplacés ont trouvé refuge dans la ville de Kongoussi, entassés sous des tentes sur un coin de terre sableuse. Dans ces camps de fortune, une rumeur, un bruit suspect suffisent à semer la panique. Il arrive que les patients rebroussent chemin uniquement parce qu’ils ont aperçu un cordon militaire sur la route.

Plus de 1 600 morts et un million de déplacés

Sans prise en charge rapide, un stress aigu devient un stress post-traumatique, qui peut à son tour dégénérer en maladies chroniques sévères, telles que l’épilepsie et la schizophrénie. Joseph Badini a vu certains patients sombrer dans la psychose. Marginalisés, sans suivi, la plupart se retrouvent « à errer dans les rues et même enchaînés dans les villages, et là on ne peut plus les récupérer », s’attriste le soignant.

Depuis qu’elle est au centre médical, Asseta a, elle, retrouvé le sommeil et l’appétit. Un long foulard rose autour des épaules, la jeune femme de 28 ans ne flotte plus dans son pagne, noué à la taille. L’infirmier, qui l’a fait monter sur une balance mécanique, peut se réjouir. « 63 kg ! 15 kg de plus qu’il y a quatre mois », constate-t-il, avant de fouiller dans un tiroir et de saisir un sachet de pilules. Il les tend à la jeune mère. « Ce sont des antidépresseurs et des anxiolytiques, ça donne de bons résultats », assure le soignant, même si, « au-delà du traitement médicamenteux, c’est surtout un soutien moral dont ont besoin ces victimes ».

Depuis 2015, les violences ont fait plus de 1 600 morts et un million de déplacés au Burkina Faso. Une situation particulièrement alarmante dans le nord et l’est du pays, où sévissent les groupes djihadistes. Pour les populations touchées, les séquelles psychologiques sont immenses. Mais, dans un pays qui ne compte que six psychologues et huit psychiatres pour 20 millions d’habitants, les maladies mentales restent taboues.

Mal recensés, ces troubles sont souvent relégués au rang de « malédiction » ou de « sorcellerie ». Même les mots font défaut : « Traumatismes psychologiques » n’existe pas en langue moré, on dit que « la tête tourne ». « On me répondait que tout le monde était dans la même situation, qu’il fallait que je me ressaisisse », se rappelle Asseta. Une incompréhension qui stigmatise et contribue à isoler les malades.

C’est pour mieux les identifier et leur venir en aide qu’une clinique mobile déployée par Médecins du monde sillonne quatre fois par semaine le district de Kongoussi. En 2020, l’ONG a enregistré plus de 1 300 personnes en état de « détresse psychologique » dans la zone. Certains sont des rescapés de tueries qui souffrent du « syndrome du survivant ». « Ils se sentent coupables de n’avoir pas pu protéger leur famille et d’être encore en vie », explique Yacouba Ouédraogo, l’un des membres de l’équipe.

Il est 10 heures, ce matin de février, quand la clinique mobile arrive à Boulounga, un village situé à 30 kilomètres de Kongoussi. Le médecin décharge les caisses de médicaments du pick-up. Yacouba Ouédraogo installe deux chaises en plastique à l’ombre d’un arbre éloigné des habitations. « On se met un peu à l’écart, dans un endroit discret, pour que les personnes soient à l’aise », souffle l’infirmier, son carnet de notes à la main.

C’est à Boulounga que les praticiens reçoivent le plus de patients atteints de stress post-traumatique. Ici, la plupart des hommes sont partis ou ont été tués. Des cadavres ont longtemps jonché le sol aride de la brousse, obligeant certaines habitantes à aller récupérer le corps de leurs maris décapités sur une brouette pour les enterrer, seules, à la force de leurs bras. Les femmes sont restées au milieu de ce champ de bataille où convergent groupes d’autodéfense et forces de sécurité, exposées à toutes sortes d’abus. « On entend parler de violences physiques et de viols. Certaines ont aussi recours au “sexe de survie”, elles se prostituent contre un peu d’argent », observe Yacouba Ouédraogo.

« Je n’en peux plus, j’aimerais mourir »

Entre deux consultations, une ombre se présente aux soignants. Maïmouna*, silhouette amaigrie, un petit dans les bras, est venue chercher une boîte d’antidépresseurs. Depuis que son mari l’a « abandonnée pour refaire sa vie ailleurs avec une autre », elle a treize enfants à sa charge. Les quelque 3 000 francs CFA (4,50 euros) récoltés chaque semaine en ramassant du bois ne suffisent pas à nourrir la famille. « Je n’en peux plus, j’aimerais mourir », murmure la quinquagénaire d’une voix faible. L’infirmier tente de la réconforter. « Elle a surtout besoin d’un soutien financier », reconnaît-il.

La frustration fait partie du travail. Joseph Badini, son collègue, a lui aussi appris à composer avec sa peine. Il sait que certaines histoires vont continuer longtemps à le hanter. Comme celle de cet éleveur réfugié à Kongoussi avec sa femme et ses enfants, qui s’est pendu après avoir perdu son bétail lors des inondations de 2019.

Au Burkina Faso, les traumatismes n’épargnent personne, pas même l’armée et les groupes d’autodéfense. Certains combattants sont venus consulter en civil à Kongoussi, trahis par leurs blessures ou la trace laissée par le gilet pare-balles aux épaules. Selon plusieurs sources sécuritaires, des suicides auraient été enregistrés chez les militaires burkinabés.

Vivant dans un pays longtemps considéré comme un îlot de paix et de stabilité, beaucoup de Burkinabés n’avaient jamais connu la guerre. « Vingt ans de service, mais c’est la première fois que je vois autant d’atrocités, certains collègues sont choqués », souffle Amidou Koro, un infirmier, en fumant une cigarette dans la cour, l’air épuisé.

Malgré le sentiment d’impuissance face à « ceux qui ne s’en remettront jamais », les soignants de Kongoussi ont aussi leurs « victoires », des patients qu’ils ont « ramenés à la vie ». Comme cet homme de 55 ans souffrant de stress post-traumatique, arrivé en ambulance, à la suite de l’assassinat de ses quatre frères, à Silgadji (Sahel), en janvier 2020. Pendant trois jours, Joseph Badini a veillé sur lui dans une salle, à côté de son bureau, pour qu’il « ne se tue pas ». « Je lui donnais à manger, on causait, on regardait la télévision ensemble. Le quatrième jour, il pouvait marcher dans la rue », rapporte-t-il. Depuis, le rescapé est devenu « un ami », « un psy » auprès des autres déplacés, et s’est reconverti comme jardinier.

Chaque jour, assise devant sa tente, guettant l’arrivée des dons de vivres, Asseta prie pour ses deux filles de 9 et 6 ans. Dans le camp, certains jeunes désœuvrés jouent déjà « à la guerre avec des fusils fabriqués en tiges de mil ». Ses enfants à elle ont été témoins des massacres. Peu à peu, pourtant, les cauchemars s’éloignent. La jeune mère rêve d’une « carrière d’enseignante ou d’infirmière » pour l’aînée, réaffectée dans une école de Kongoussi.

*Les prénoms ont été changés

Mali – Sy Kadiatou Sow : « Personne, au sein de la transition,
ne peut tenir tête aux militaires »

| Par - à Bamako
Sy Kadiatou Sow, du M5-RFP, en 2018 à Bamako.
Sy Kadiatou Sow, du M5-RFP, en 2018 à Bamako. © Nicolas Réméné pour JA

Figure de proue du Mouvement du 5 juin, Sy Kadiatou Sow n’a pas de mot assez durs pour critiquer les autorités de la transition, qu’elle accuse d’être soumise aux militaires qui ont mené le coup d’État contre IBK.

Le Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), principale composante de la contestation qui a précédé la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), fait figure de grand perdant de la transition. Ses principaux membres exclus du gouvernement comme du Conseil national de transition (CNT), qui fait office d’organe législatif en attendant l’élection d’une nouvelle Assemblée nationale, le M5 a engagé le bras de fer avec les nouvelles autorités de Bamako dès les premières semaines suivant la prise du pouvoir par la junte.

Une posture que le mouvement maintient encore aujourd’hui. Dimanche 21 février, deux jours après que le Premier ministre, Moctar Ouane, a dévoilé son plan d’action gouvernemental devant le CNT, le M5-RFP a ainsi dénoncé « une complicité objective et une convergence d’intérêts et d’objectifs entre l’ancien régime officiellement déchu et les autorités militaires de la transition ». Une déclaration de défiance qui, si elle vise le chef du gouvernement et son équipe, cible tout particulièrement les « hauts gradés des Forces de défense et de sécurité qui ont usurpé la victoire du peuple », selon les termes de ce communiqué au vitriol.

Figure de la scène politique malienne – elle a notamment été l’une des principales actrices du mouvement An tè a banna ! (« Touche pas à ma Constitution ! »), qui, en 2017, avait fait échouer le projet d’IBK de réviser la Constitution – Sy Kadiatou Sow a été l’une des porte-voix du M5-RFP dès le début du mouvement. Pour l’ancienne ministre des Affaires étrangères, la mainmise des militaires sur le CNT rend sa dissolution nécessaire.

Regrettant l’absence d’un cadre de dialogue avec les autorités, elle doute de la réelle marge de manœuvre dont bénéficient les civils au sein du gouvernement de transition, dont elle juge qu’il « privilégie le soutien de la communauté internationale et, donc, la politique de la France plus que celle du Mali ».

Jeune Afrique : Que pensez-vous du Plan d’action présenté par Moctar Ouane ? 

Sy Kadiatou Sow : Les annonces du Premier ministre constituent un catalogue de tout ce qui a déjà été évoqué lors des différentes assises, sans réelle vision.

Il ne suffit pas de dire ce qu’il faut faire, il faut savoir comment on le fait et avec qui. Même s’il y a eu un effort pour classer les propositions en axes prioritaires, les questions évoquées ne sont pas véritablement approfondies.

Rationalisation des dépenses publiques, lutte contre la corruption, assainissement du processus électoral… Plusieurs des annonces du Premier ministre ne vont-elles pourtant pas dans le sens des revendications du M5-RFP ?

On se demande de quels délais le gouvernement dispose pour mettre en œuvre ces actions et il semble difficile de tenir le délai des dix-huit mois après le début de la transition impartis pour organiser des élections.

Il aurait fallu associer les principaux acteurs politiques et la société civile au processus dès le mois d’août. Là, on leur propose de discuter des réformes électorales ou de la réorganisation territoriale sur la base de documents qui ont été préparés sans qu’ils aient été associés à la réflexion. Il y a des gens qui réfléchissent à ces questions depuis longtemps, et il aurait été utile de les mettre à contribution dès septembre. Cinq mois après le début de la transition, on navigue encore à vue.

L’équipe gouvernementale n’est-elle pas à la hauteur des enjeux, selon vous ? 

Je ne doute pas qu’il y a au gouvernement des individus de bonne foi. Mais le pouvoir est aux mains des militaires et la transition ne peut pas se faire de cette manière.

Si les Maliens ne se sentent pas inclus dans l’élaboration des réformes, leur mise en œuvre sera compliquée et le gouvernement, même s’il est de bonne volonté, s’expose à une nouvelle gronde populaire.

Le M5-RFP a saisit la Cour suprême pour réclamer la dissolution du CNT. Pourtant, le mouvement y a obtenu huit sièges. N’est-ce pas paradoxal ? 

Il faut être très clair : les personnes issues du M5-RFP qui siègent au CNT n’y sont pas au nom de notre mouvement. Ils ont pris une décision individuelle et se sont démarqués de la position du M5-RFP. Et ils s’en sont eux-mêmes exclus. Ils ne participent d’ailleurs plus à nos activités.

Dès le début des discussions, les militaires ont mis cartes sur table et ont proposé de nous laisser la primature s’ils obtenaient la présidence et quelques postes stratégiques. Ils souhaitaient la Défense et la Sécurité, ce qui peut sembler logique, mais également les Mines, les Transports ou l’Administration territoriale. Nous, nous n’avons pas combattu le régime d’IBK pour obtenir des postes, mais pour changer de gouvernance. Or les militaires font la même chose que ceux qu’ils sont prétendument venus renverser.

Que reprochez-vous concrètement aux militaires dans la conduite de la transition ? 

En premier lieu, le procédé de désignation des membres du CNT n’a pas été respecté. Il est préoccupant que ce soit le vice-président, Assimi Goïta, qui ait choisi les futurs membres parmi les noms soumis par les différents mouvements ou partis. Ce n’était pas aux militaires de choisir les représentants du CNT. Plusieurs grands partis, comme l’Adéma ou le Rassemblement pour le Mali (RPM, le parti d’IBK, ndlr) ont d’ailleurs désapprouvé la méthode.

Quels sont aujourd’hui les cadres de discussions entre le M5-RFP et le CNT ?

Il n’y en a absolument plus aucun !

Participerez-vous aux concertations annoncées sur les différentes priorités de la transition ?

Si l’on nous appelle pour valider un programme élaboré sans nous, comme cela a été fait jusqu’ici, nous n’irons pas. Le M5-RFP ne servira pas de faire-valoir aux autorités de la transition.

Les militaires ont menti aux Maliens. Ils promettaient de parachever les propositions du M5-RFP, mais le mouvement a été mis de côté. Ils promettaient une transition civile, elle est militaire.

Il y a pourtant bel et bien des civils au sein du gouvernement. Leur nombre n’est pas suffisant ? 

À la présidence et à la primature, les militaires ont choisi des personnalités qui ne les dérangeraient pas trop. Les membres du CNT ont été cooptés et la plupart des membres du gouvernement ont été désignés par les militaires.

Lorsque l’on doit sa nomination à quelqu’un, on lui rend davantage de comptes qu’au chef du gouvernement lui-même. Je ne suis pas sûre que le Premier ministre soit considéré comme le véritable chef d’équipe. Après la chute d’Amadou Toumani Touré, les militaires et les civils co-géraient la transition. Il n’y a personne, au sein de la transition, pour tenir tête aux militaires.

Moctar Ouane a évoqué la possibilité de discuter avec les « groupes radicaux maliens ». Quel est le point de vue du M5-RFP sur la question du dialogue avec les jihadistes ?

De la même façon que l’on a accepté de parler avec les rebelles touaregs, il faut parler avec les Maliens qui ont pris les armes. Il faut d’ailleurs souligner qu’il est étonnant que le Premier ministre fasse cette annonce à peine quelques jours après le sommet de N’Djamena.

Quand Emmanuel Macron a assuré qu’il n’y aurait pas de dialogue avec les jihadistes, le président malien était présent et on ne l’a pas entendu contredire le chef de l’État français. Les autorités de la transition, comme les régimes précédents, privilégient le soutien de la communauté internationale et, donc, la politique de la France plus que celle du Mali.

Ce dialogue doit-il déboucher sur la réinsertion d’anciens combattants des groupes armés dans les forces militaires ou dans la fonction publique comme cela a été annoncé par Moctar Ouane ?

La réinsertion des anciens combattants est une autre question. Le Mali a une expérience malheureuse en la matière. Beaucoup d’anciens combattants réinsérés ont déserté et ont retourné les armes contre l’armée. Il faut en tirer les leçons et se demander si, dans certains cas, la réinsertion ne fait pas la promotion de l’impunité. Je ne suis pas contre la réinsertion en soi, mais il faut pouvoir filtrer le processus et, en premier lieu, avoir un calendrier de désarmement et de réintégration tenable.

Les blessures indélébiles des victimes d’abus sexuels

Analyse 

Durant trois jours, l’assemblée des évêques réfléchit à la responsabilité de l’Église dans les agressions sexuelles, en faisant notamment participer des victimes à leurs discussions. Pour ces hommes et ces femmes, se relever est un parcours très long, douloureux, qui passe souvent par des années de thérapie.

  • Christophe Henning et Céline Hoyeau, 

Lecture en 3 min.

Les blessures indélébiles des victimes d’abus sexuels
 
Les victimes soulignent l’importance de l’accompagnement psychologique dans leur reconstruction.NATALIE MILLER/PLAINPICTURE

« On ne peut revenir “comme avant”, on ne peut donc réparer. En revanche, on peut inventer quelque chose de nouveau. » Forte de son expérience auprès de centaines de patients, Isabelle Chartier-Siben en est convaincue : si l’on ne peut effacer l’agression sexuelle subie, les victimes peuvent toutefois « vivre avec ce qu’elles sont devenues »« Il y faut du courage et de l’audace », ajoute la médecin, psychothérapeute et victimologue.

→ ANALYSE. Face aux abus sexuels, l’Église approfondit son examen de conscience

Se reconstruire après une agression sexuelle relève d’un parcours long, douloureux, parfois sur toute une vie. Les victimes invitées à l’assemblée extraordinaire des évêques sur les abus sexuels, cette semaine, en témoignent depuis des mois auprès des responsables d’Église. À l’évidence, un suivi thérapeutique joue un rôle indispensable, certaines personnes abusées durant l’adolescence étant, à plus de 60 ou 70 ans, encore en thérapie.

Surmonter la paradoxale culpabilité de la victime

Libérer la parole est la toute première étape, d’autant que l’agression peut être enfouie dans les tréfonds de la conscience : surmonter la honte, l’angoisse, la paradoxale culpabilité qu’éprouve la victime quand l’horreur de l’abus remonte à la mémoire, surgit de plein fouet à la conscience, et trouver une oreille neutre, prête à entendre la vérité, aussi crue qu’elle puisse être.

Sans un tel accompagnement, le père André (1), violé dans le cadre de sa communauté religieuse, ne s’en serait pas sorti. « Je me suis battu dans toutes les directions pour essayer de sortir de la dépression. Sessions de guérison, art-thérapie… c’est finalement grâce à mon psychothérapeute que tout ce que j’ai vécu a pris sens. »

Rencontres avec d’autres victimes

Pour Alice (1), sortie au bout de vingt ans d’une communauté nouvelle où elle a été abusée sexuellement par son père spirituel, l’accompagnement psychologique a été essentiel. « Je m’en voulais énormément : comment n’ai-je pas eu la force de dire non ? Pourquoi suis-je restée si longtemps dans cette communauté ? Ce chemin m’a permis de mieux comprendre pourquoi j’avais été une “proie”. Non pas tant en raison de failles psychologiques que par mon profil même, avec un idéal très fort, faisant d’emblée confiance. »

→ ÉDITO. Comprendre le passé

Participer à des rencontres avec d’autres victimes, lire des témoignages et des analyses sur les mécanismes de l’emprise, l’ont aidée également à reprendre pied. Alice cite encore l’écoute bienveillante de quelques amis qui « n’ont pas minimisé la gravité des actes et surtout, leurs conséquences », ainsi que le regard de ses collègues qui, tout en sachant globalement ce qu’elle avait vécu, ne l’ont « pas accueillie uniquement en tant que victime » mais ont fait confiance en sa « capacité à repartir dans la vie ».

« L’argent ne répare rien mais fait partie de la reconnaissance »

La parole ne doit d’ailleurs pas enfermer la personne dans son état de victime mais bien désigner l’agresseur et le mal qui a été infligé. Si une reconnaissance collective est capitale, « il faut que pour chaque victime, l’Église reconnaisse que “c’est vrai”, et qu’il y a bien eu agression », glisse une victime. Pour Alice, la rencontre de responsables d’Église, « sans langue de bois », a beaucoup compté : « J’avais besoin d’entendre une parole de vérité sur la réalité dont je venais : “Oui, ce que vous avez vécu n’est pas normal”. »

Sur ce long chemin de restauration, il s’agit aussi de « dégager en soi cette pépite de vie qui attend, dans les décombres », souligne Isabelle Chartier-Siben. « Il a fallu inventer, découvrir ce qui pouvait me faire renaître », témoigne le père André. Beaucoup reprennent ainsi pied grâce à une pratique artistique ou un engagement sportif. Certains ont gardé la foi, qui leur est d’un vrai secours.

La vie amoureuse et familiale est évidemment un soutien précieux même s’il faut apprendre à gérer « le chahut affectif » provoqué par l’agression. Pour Jean-Pierre Sautreau (2), victime à 12 ans de deux prêtres vendéens, l’écriture a été le déclencheur d’une renaissance, là où les dégâts étaient « considérables – entrée dans la vie chaotique, perte de confiance, addictions… » « Si la vie nous a fait don d’une passion, cela peut nous aider à survivre… Mais il reste une fragilité, une marque indélébile. »

Un processus d’indemnisation pas encore établi

En novembre 2019, les évêques s’étaient accordés sur le principe d’un forfait unique pour chaque victime, qui aurait été financé par la création d’un fonds spécifique.

Face aux protestations d’une partie des fidèles, ils ont suspendu cette décision.

L’assemblée extraordinaire de cette semaine va leur permettre de réfléchir de nouveau à la question. Pour certains, l’investissement de l’Église devrait aller jusqu’à la prise en charge très concrète des frais engagés dans une psychothérapie.

Des décisions sur un dispositif de « reconnaissance de la souffrance vécue » par les victimes devraient être prises lors de l’assemblée de printemps, qui se réunira du 23 au 26 mars.

(1) Les prénoms ont été changés.

(2) Criez pour nous, Nouvelles Sources, 2021, 300 p., 18 €.

Côte d’Ivoire : devenu ministre, KKB « ne regrette rien »

RÉSERVÉ AUX ABONNÉS | | Par 
Kouadio Konan Bertin, alias « KKB », le 23 septembre 2013 à Abidjan.
Konan Bertin, alias « KKB », le 23 septembre 2013 à Abidjan. © NABIL ZORKOT pour JA
  

Seul candidat à avoir affronté Alassane Ouattara dans les urnes lors de la présidentielle, Kouadio Konan Bertin a été nommé ministre de la Réconciliation nationale, le 15 décembre, et prêche depuis la bonne parole. Il devrait bientôt se rendre en Belgique pour rencontrer Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé.

Il y a quelques semaines encore, des drapeaux violets floqués des initiales « KKB » flottaient au sommet des lampadaires et sur certains ronds-points d’Abidjan. Vestiges de la campagne électorale du mois d’octobre, abîmés par la pollution et les intempéries, ils ont aujourd’hui disparu. Kouadio Konan Bertin – dit « KKB » – n’a pas connu le même sort.

Unique candidat face à Alassane Ouattara le 31 octobre, tandis que l’opposition faisait bloc et boycottait le scrutin pour dénoncer un troisième mandat présidentiel qu’elle jugeait anticonstitutionnel, cet ancien cadre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) a été nommé, le 15 décembre, à la tête du nouveau ministère de la Réconciliation nationale. Une consécration pour ce quinquagénaire dont le parcours politique illustre l’irrépressible ambition.

« Je ne le connais pas personnellement, mais il m’a toujours impressionné par son sens de l’État, son engagement pour la paix, pour la réconciliation et je suis sûr qu’il fera un excellent travail dans ce portefeuille qui vient à point nommé », dira de lui le président ivoirien pour expliquer son choix.

Un « homme du peuple »

KKB est désormais omniprésent dans les médias. Il multiplie les rendez-vous – dans les salons dorés de la résidence d’Alpha Blondy, avec les chefs religieux, chez la reine des Baoulés à Sakassou, avec la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) après la nomination de son ancien secrétaire général, Eugène Kouadio Djué, au poste de conseiller… – et les annonces.

« Je suis un homme de terrain, un homme du peuple, martèle-t-il. Ce qui compte en politique, c’est la légitimité et cette légitimité s’acquiert sur le terrain » Avec son équipe, il a investi le 22 janvier le huitième étage de la tour A de la cité administrative du quartier du Plateau à Abidjan, mais il reçoit encore à sa permanence des Deux-plateaux à Cocody, dans une maison blottie au fond d’une impasse.

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LE 31 OCTOBRE, LA CÔTE D’IVOIRE AVAIT À CHOISIR ENTRE LE PIRE ET LE MAL. J’AI FAIT LE CHOIX DE LA PAIX ET JE L’ASSUME

« J’ai tout de suite accepté d’assumer mes nouvelles fonctions. J’ai trouvé la démarche d’Alassane Ouattara emprunte de beaucoup d’humilité et de respect à l’égard de ma modeste personne », explique-t-il, assis derrière son bureau, masque de rigueur sur le visage. Quitte à alimenter un peu plus la machine à soupçons, lui qui a été accusé tout au long de la campagne électorale de servir de faire-valoir à la majorité, voire d’être le « partenaire de combat » d’Alassane Ouattara.

« Le 31 octobre, la Côte d’Ivoire avait à choisir entre le pire et le mal, entre des élections mal organisées ou le chaos. J’ai fait le choix de la paix et je l’assume. Je ne regrette rien, je suis fier de mon acte. Aucun esprit éclairé ne peut me condamner pour cela. Si c’était à refaire demain, je ferai la même chose », assure l’ancien député de Port-Bouët.

« Soldat perdu »

Sa relation avec ses anciens camarades du PDCI, dont il dirigea la section jeunesse entre 2003 et 2013, se serait apaisée depuis l’élection : « Je n’ai aucun problème avec les cadres du parti. Si vous restez longtemps ici, vous les verrez défiler. Le président Bédié m’a dit que ce qui s’était passé entre nous, ce n’était rien d’autre que des divergences de vue, que ce n’était pas une crise profonde. » Les deux hommes se sont rencontrés brièvement fin janvier. Une entrevue organisée « à la demande expresse du président sénégalais Macky Sall », n’avait pas manqué de souligner l’ancien chef de l’État.

En 2013, pour avoir prôné un renouvellement générationnel au sein du PDCI, KKB s’était vu qualifier de « soldat perdu » par Bédié. Le début d’une période orageuse. Deux ans plus tard, le « soldat » partait au combat présidentiel, en indépendant, et récoltait moins de 4 % des suffrages avant de rentrer dans les rangs. Nouvelle rupture l’année dernière alors qu’il espère porter les couleurs du parti à l’élection. Bédié ayant été désigné, KKB se résout à se présenter une nouvelle fois en indépendant et est exclu par le conseil de discipline pour défiance et atteinte à l’unité et aux intérêts du parti. Il ne récoltera que 1,99 % des suffrages exprimés.

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J’AI LA VISION DU CHEF DE L’ÉTAT, MAIS IL ME FAUT QUAND MÊME AVOIR CELLE DE LAURENT GBAGBO

« Nous n’allons pas remuer le couteau dans la plaie, insiste aujourd’hui Valentin Kouassi, président des jeunes du PDCI et candidat aux législatives de mars à Bongouanou, dans le centre du pays. Le constat est là : il a été nommé ministre de la Réconciliation nationale et sa tâche est immense. »

Rencontre avec Gbagbo et Blé Goudé

Cette semaine, KKB doit aller au Ghana pour rencontrer les exilés. Il prévoit ensuite de se rendre en Belgique pour s’entretenir avec Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Ce voyage est encore au stade de « projet », précise-t-il. « J’ai la vision du chef de l’État [sur la réconciliation], mais il me faut quand même avoir celle de Laurent Gbagbo, qui est un acteur majeur dans la crise. Son souhait, qui est aussi le mien, c’est qu’il regagne son pays. Son retour, que nous souhaitons tous, doit aider à consolider la pays », explique le ministre.

Depuis sa nomination, il est associé au dialogue politique piloté par le Premier ministre, Hamed Bakayoko (en France depuis jeudi pour raisons médicales), un dialogue qui pour l’heure n’a pas abouti à un accord formel entre le pouvoir et l’opposition. Malgré tout, le nouveau ministre de la Réconciliation nationale garde bon espoir que les élections législatives de mars se déroulent dans de bonnes conditions. « Si je m’en tiens aux échanges que nous avons eus jusque-là, j’ai des raisons de penser que tout va bien se passer », avance-t-il, alors que tout le monde garde en mémoire les violences qui ont fait 85 morts et 500 blessés entre août et novembre 2020, selon un bilan officiel.

« Le moment est propice pour se réconcilier », assure KKB, qui constate que « tout le monde est fatigué de la crise ». « J’ai l’impression profonde que le chef de l’État est dans cette disposition d’esprit. C’est une opportunité à saisir. Voyez Assoa Adou [secrétaire général du Front populaire ivoirien, FPI] : il était au Ghana, il est rentré et il exerce aujourd’hui tranquillement des fonctions politiques. Simone Gbagbo était en prison, elle en est sortie et elle continue d’exercer. Bien sûr, certains sont encore en prison. Mais mon souhait est que le président de la République finisse en beauté ce qu’il a si bien commencé. »