Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

[Tribune] Il y a plus de moyens de financer la biodiversité en Afrique que vous ne le croyez

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Par  Tine Fisker Henriksen

Responsable des Financements innovants, Bertha Centre for Social Innovation, université de Cape Town



Par  Wassa Cissé

Analyste en investissements, Bestseller Found

Conservation Capital a lancé le Rhino Impact Bond, un placement lié à la population de rhinocéros au Kenya et en Afrique du Sud.

Conservation Capital a lancé le Rhino Impact Bond, un placement lié à la population de rhinocéros au Kenya
et en Afrique du Sud. © Edwin Remsberg/ZUMA/REA

Greenbonds, swap « dette contre nature »… Des financements innovants émergent pour développer des modèles financièrement viables autour des enjeux de la biodiversité.

S’il quitte progressivement son statut de niche pour passer de la philanthropie à l’investissement, le secteur de la conservation de la biodiversité souffre toujours d’un déficit de financement de 598 à 824 milliards de dollars par an, soit entre 80 et 85 % des besoins, selon McKinsey et Credit Suisse.

Malgré quelques investissements dans l’écotourisme, l’aquaculture durable ou la reforestation, le privé y reste très marginal. Il est vrai qu’il est souvent difficile de développer des modèles financièrement viables et susceptibles de convaincre les banques autour des enjeux de la biodiversité. Mais des financements innovants émergent pour répondre à ce besoin.

Le fonds de capital-risque CI Venture, lancé par Conservation International, constitue un bon exemple d’acteur « non traditionnel » : il investit dans des PME en lien avec la forêt, la mer ou les pâturages. Lorsque c’est possible, il lie même le coût du capital à l’impact obtenu. De tels fonds ont besoin d’accéder à des capitaux concessionnels, ou à une combinaison de subventions et de capitaux « à prix de marché » permettant de contrebalancer les risques et les coûts associés à des investissements en phase de démarrage.

Seuls 5 à 10 % du produit des « green bonds » affectés à la biodiversité

Exigeant un appétit pour le risque nettement plus faible, les obligations vertes ont constitué ces dernières années l’un des principaux mécanismes de financement innovants. Mais à ce jour, 5 à 10 % seulement du produit de ces « green bonds » ont été affectés à la biodiversité.

Les obligations adossées à des initiatives de conservation (conservation bonds) peuvent générer des flux de trésorerie prévisibles et réguliers, au travers de contrats à long terme qui monétisent la vente de marchandises produites « durablement » et la rémunération des services écosystémiques.

Le fonds African Wildlife Capital (AWC) a même joué un rôle pionnier en matière de conservation bonds, en appliquant sur les intérêts obligataires une remise proportionnelle à l’atteinte d’objectifs de conservation quantifiables.

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LES PROJETS DE BIODIVERSITÉ ONT PEU DE CHANCES D’ATTEINDRE LES 150 MILLIONS DE DOLLARS D’UNE ÉMISSION OBLIGATAIRE MOYENNE

Mais ce marché souffre de plusieurs entraves, comme la difficulté de traduire la valeur des services écosystémiques en termes financiers, ou la rareté des projets de conservation susceptibles d’être financés par de tels investissements, qui conduit à une inadéquation entre la taille limitée des projets et le montant minimum d’une émission obligataire.

Les projets de biodiversité ou d’utilisation raisonnée des terres ont en effet peu de chances d’atteindre les 150 millions de dollars – la taille d’émission moyenne d’une obligation verte -, à moins d’être regroupés dans un véhicule d’investissement plus important.

Les « obligations de résilience » établissent quant à elles une corrélation entre primes d’assurance et projets de résilience, afin de monétiser les « pertes évitées » : elles créent une source de financement à partir de la réduction d’un risque. En 2019, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a ainsi lancé une obligation de résilience climatique.

« Dette contre nature »

Des initiatives récentes sont venues accélérer le changement et accroître les flux financiers sur certains marchés déjà établis. Le swap « dette contre nature » – qui consiste à annuler la dette d’un pays en développement contre l’engagement de ce dernier d’investir la même somme dans la conservation – s’est avéré efficace pour la protection d’importants réservoirs de biodiversité dans le monde.

Le Tropical Forest Conservation Reauthorization Act (TFCA) est l’un de ces dispositifs : il allège certaines dettes dues au gouvernement des États-Unis pour financer la préservation de la forêt tropicale et des récifs coralliens.

Plusieurs organisations se sont récemment efforcé de catalyser de nouvelles évolutions sur les marchés du carbone. L’une d’entre elles, Emergent Forest Finance Accelerator achète par exemple des crédits carbones de pays forestiers et les revend à des acheteurs privés.

Financement mixte public-privé

Le financement mixte public-privé, qui associe prêts concessionnels et subventions aux financements privés permet de réduire le risque supporté par l’investissement et canalise des capitaux privés vers des opérations ou des régions qui pourraient, sans cela, être considérées comme moins attrayantes.

Il peut s’appliquer de multiples façons :

Les garanties financées par les bailleurs de fonds : en 2014, Althelia Ecosphere s’est associé à Credit Suisse pour l’émission de Nature Conservation Notes, visant à dynamiser le financement par le secteur privé de la préservation des écosystèmes dans une douzaine de pays. Le fonds produit un rendement pour ses investisseurs via la vente de biens labellisés « développement durable » et via les revenus des services écosystémiques.

Grâce à une garantie partielle accordée par l’Agence américaine pour le développement international (USAID), le risque est réduit de moitié, et les capitaux sont orientés vers des programmes d’utilisation durable des terres.

Les fonds mixtes d’investissement à impact : Land Degradation Neutrality est un fonds d’investissement à impact pour l’utilisation durable des terres, qui s’accompagne d’une facilité d’assistance technique. En jouant sur l’effet de levier de financements à long terme exempts de subventions, ce fonds investit dans des projets privés viables, pour la réhabilitation des sols et la gestion durable des terres – notamment en agriculture durable, gestion du bétail, agroforesterie et gestion forestière – et ce dans le monde entier.

Le financement fondé sur les résultats : United for Wildlife est un partenariat qui réunit sept des plus grandes ONG mondiales de protection de la vie sauvage. Aux côtés de banques d’investissement et de cabinets d’avocats, il a conçu et lancé le premier instrument financier de « rémunération au résultat » pour la conservation des espèces : le Rhino Impact Bond (RIB). Il s’agit d’une obligation à cinq ans, dont les paiements se fondent sur des résultats. Le RIB transfère ainsi des bailleurs vers les « investisseurs à impact » le risque relatif au financement des actions de conservation.

Une approche collaborative requise

De manière analogue, le Green Outcomes Fund propose à des gestionnaires d’actifs sud-africains des incitations « fondées sur les résultats » pour faire progresser leurs investissements dans des entreprises vertes. Le fonds – conjointement développé par le Programme Climate Technology de la Banque mondiale, le Bertha Centre UCT GSB, GreenCape et le WWF Afrique du Sud – vise à obtenir des résultats écologiques tangibles, encourage les gestionnaires d’actifs à allouer davantage de capital à des entreprises vertes, et suscite une information cohérente et d’excellente qualité dans la communication des impacts écologiques.

Tout en assurant des rendements financiers, environnementaux et sociaux et une diversification des portefeuilles, toutes ces initiatives permettent de dégager des fonds pour la biodiversité. Mais pour aller plus loin une approche collaborative est requise, associant investisseurs, bailleurs de fonds, organismes philanthropiques et institutions gouvernementales.

Ce texte est adapté d’un article paru dans le dernier numéro consacré aux banques publiques de développement de la revue trimestrielle Secteur privé & développement éditée par Proparco, filiale de l’Agence française de développement. Il est repris ici avec l’autorisation expresse de SP&D et de ses auteurs.

Mauritanie, l’étau se resserre autour de l’ancien président Aziz inculpé pour corruption

L’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz et dix personnalités politiques et hommes d’affaires ont été inculpés pour corruption.

  • Marie Verdier, 

Lecture en 2 min.

                                Mauritanie, l’étau se resserre autour de l’ancien président Aziz inculpé pour corruption
 
     L’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz le 2 juillet 2018.LUDOVIC MARIN/EPA/MAXPPP

La rupture est bel et bien consommée entre le président mauritanien Mohammed Ould Ghazouani et son proche et mentor, l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz.

L’ancien général putschiste et président de la Mauritanie de 2009 à 2019 a été inculpé jeudi 11 mars, entre autres, pour « octroi d’avantages indus dans des marchés publics, trafic d’influence, abus de fonctions, enrichissement illicite, recel de produit du crime, entrave à la justice, blanchiment d’argent ». Il a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter la capitale Nouakchott.

→ À LIRE. Mauritanie : les crimes économiques de l’ancien président Aziz en attente de jugement

Douze autres personnalités, deux anciens premiers ministres, trois anciens ministres, six hommes d’affaires et dirigeants d’établissements publics ont également été inculpés pour cette série de crimes économiques dans le dossier dit « de la décennie », en référence aux deux mandats du président.

Le vent a rapidement tourné entre le mentor et son dauphin

L’enquête judiciaire a été ouverte en août 2020, après qu’une commission d’enquête parlementaire a remis ses conclusions sur les attributions de marchés publics, la vente de foncier public et la gestion de secteurs clés de l’économie, sous l’ère Aziz.

Le parquet a annoncé avoir identifié, gelé ou saisi, rien qu’en Mauritanie, des biens immobiliers, des sociétés, des parcs de véhicules et des sommes d’argent pour un montant évalué à 96 millions d’euros, dont 67 millions revenant à l’un des suspects et 21 millions à son gendre, sans mentionner explicitement l’ex-président Aziz et son gendre, l’homme d’affaires Mohamed M’Sabou.

Le vent a rapidement tourné entre le président Mohammed Ould Ghazouani, élu en juin 2019, et son prédécesseur Mohamed Ould Abdel Aziz, alors même qu’il était le dauphin désigné que chacun imaginait durablement sous la coupe de son mentor.

Des amis de 40 ans

Les deux généraux, tous deux âgés de 64 ans, sont des amis de quarante ans, depuis qu’ils ont, ensemble, fait leurs classes à l’académie royale militaire de Meknès au Maroc. Mohammed Ould Ghazouani a été un fidèle compagnon de route de Mohamed Ould Abdel Aziz. Il était à ses côtés lors des coups d’État de 2005, qui destitua le président Taya, et celui de 2008, qui renversa le président Abdallahi et permit à Aziz de s’installer à la tête d’un haut conseil d’État, avant d’être élu président l’année suivante.

Mohammed Ould Ghazouani sera pendant dix ans chef d’état-major de l’armée, avant de devenir ministre de la défense lors de la dernière année du deuxième mandat Aziz.

« Les deux hommes ne se sont jamais séparés. Ghazouani, l’un des plus proches d’Aziz, a aussi profité du système de corruption », relève une source. Selon celle-ci, cette inculpation pour faits de corruption cache autre chose. « Ces derniers mois, il y a eu beaucoup de négociations avec l’entourage d’Aziz pour trouver une solution et refermer ce dossier. Celles-ci portaient sur des questions de sécurité. Elles ont d’évidence échoué », poursuit la source.

Les possibles accords secrets d’Aziz avec les groupes armés

Le président Aziz a participé à la création du G5 Sahel et a joué un rôle clé dans la lutte contre les groupes armés dont son pays est resté à l’abri depuis 2011, alors même qu’il avait connu une série d’attentats les années précédentes.

→ DÉBAT. Faut-il retirer nos troupes du Sahel ?

«Il a noué des contacts avec les groupes armés du Sahel. En 2014, il s’était rendu à Kidal dans le nord Mali et avait servi de médiateur entre les groupes rebelles et les autorités maliennes, rappelle la source. Il y a, depuis lors, l’idée que la Mauritanie a été épargnée grâce aux accords qu’il a personnellement conclus avec les groupes djihadistes ».

[Tribune] Covid-19 en Afrique : qu’attendons-nous pour faire confiance aux jeunes ?

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Par  Cheikh Fall

Président d'AfricTivistes, la Ligue africaine des blogueurs et web activistes pour la démocratie

Des personnes font la queue pour recevoir des subventions sociales dans un bureau de poste de Port Elizabeth, en Afrique du Sud, le vendredi 13 novembre 2020.

Des personnes font la queue pour recevoir des subventions sociales dans un bureau de poste de Port Elizabeth,
en Afrique du Sud, le vendredi 13 novembre 2020. © Theo Jeptha/AP/SIPA

Il y a un an aujourd’hui, le Covid-19 était officiellement requalifié en « pandémie » par l’OMS, qui reconnaissait ainsi son caractère mondial. Un an et plus de 100 000 morts plus tard, il est plus que temps pour l’Afrique de reconnaître – et surtout d’encourager – le rôle joué par sa jeunesse dans la lutte contre le virus.

Les catastrophes sont des événements qui permettent aux jeunes de faire ressortir leur esprit et leur pouvoir de création, de même que leur sens des responsabilités. Un an après le début de la pandémie de Covid-19, alors que les États continuent de s’adapter à ce nouveau mode de vie, les jeunes ont su rivaliser d’ingéniosité afin d’apporter des réponses contre la progression de la maladie.

Au moment où la pandémie a frappé le monde, l’Afrique de l’Ouest était l’une des régions les moins préparées à lutter contre ce fléau. La Covid-19 a mis à nu les limites des États à gérer une telle crise sanitaire et ses impacts socio-économiques. Déjà confrontée à des problèmes de sous-financement des soins de santé, la région faisait aussi face à l’absence de systèmes de protection sociale décents tel que l’indiquait Oxfam en 2019 dans son indice sur l’engagement des États ouest-africains à réduire les inégalités.

Résultat : la pandémie de Covid-19 et le virus des inégalités accélèrent leur progression dans la région. Pour inverser la tendance, freiner l’évolution de la pandémie et réduire ses effets socio-économiques, les États ont préféré miser sur les acteurs et partenaires traditionnels. Mais la lutte contre la pandémie aurait certainement été plus efficace s’ils avaient fortement impliqué les jeunes comme acteurs de premier plan de la stratégie de riposte.

La jeunesse est une solution et non un problème

En 2018, 64 % de la population ouest-africaine avait moins de 24 ans. Si d’aucuns perçoivent ces jeunes comme des propagateurs supposés de la maladie, c’est pourtant en partie grâce à eux que la région a enregistré moins de victimes qu’ailleurs dans le monde. Véritablement engagés à lutter contre la pandémie, ils ont été au cœur du dispositif de riposte.

Ces derniers mois, AfricTivistes – qui défend les droits des jeunes en Afrique – a cartographié un échantillon de plus d’une centaine d’initiatives portées par des jeunes ouest-africain-e-s (de 10 pays), individuellement ou collectivement et de manière spontanée, pour contribuer et compléter l’effort des pouvoirs publics dans la lutte contre la Covid-19. L’analyse de ces données récoltées a permis de mieux cerner la question et de produire un rapport analytique qui démontre l’engagement des jeunes à faire face à cette crise sanitaire.

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L’ENGAGEMENT DE LA JEUNESSE EST UN INDICATEUR QUI VIENT DÉCONSTRUIRE LES PRÉJUGÉS ET IDÉES REÇUES

Nous avons constaté que dans la majorité des cas, les activités menées (74 %) portent sur l’accès aux kits d’hygiène, le renforcement de la connaissance sur la maladie, la déconstruction des fausses informations, l’adoption des gestes barrières, la mobilisation des communautés et la mobilisation de ressources au service de celles-ci.

D’autres initiatives très novatrices ont porté sur l’utilisation de la technologie (23 %) afin de mettre au point des prototypes pour la prévention (unités de désinfection). C’est dans cette logique que l’innovation de la jeunesse nigérienne – notamment la structure IPREN Energy – a créé une « machine d’assistance respiratoire » qui utilise des composants intelligents et un algorithme d’intelligence artificielle pour contrôler et réguler automatiquement les différents paramètres respiratoires d’un patient. Elle consiste à procurer au patient du gaz mélangé à l’oxygène à dose bien déterminé avec une pression et un volume bien calculé.

Sans oublier les initiatives majoritairement centrées sur la transparence, la redevabilité mais aussi la gestion des fonds publics alloués à la lutte contre la pandémie (3 %). Par exemple, l’organisation « Gambia Participates » a mené une étude sur la gestion des fonds Covid-19 et la prestation efficace des services de santé publique. Elle a aussi tenu des discussions sur le rôle de la société civile dans la transparence budgétaire, notamment la redevabilité du gouvernement dans l’utilisation des fonds Covid-19.

L’engagement de la jeunesse, à travers ces initiatives développées face à la Covid-19, est un indicateur, objectivement vérifiable, qui vient déconstruire les préjugés et idées reçues relatives au rôle et à la place des jeunes dans la conduite des affaires de la cité.

Un manque de moyens

Pour autant, les appareils étatiques semblent ne pas accorder trop d’importance à cet engagement de la jeunesse. En effet, on constate que 62 % de ces initiatives cartographiées ont eu recours à l’autofinancement (propres ressources, crowdfunding), faute d’avoir pu obtenir un soutien de leur gouvernement.

Selon Hamani Moussa Boureima de l’Association des jeunes actifs (AJC) au Niger, « les autorités ne sont pas à l’écoute des jeunes et ne pensent pas que notre activité puisse être une réussite ». En revanche, il apparaît clairement qu’en termes d’accessibilité, de disponibilité et de réceptivité face aux initiatives des jeunes, les autorités locales et coutumières ont répondu plus présentes que les autorités administratives et politiques. Les synergies réussies ont donné les résultats les plus probants sur le terrain.

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PRÉPARER L’AVENIR AFRICAIN POST-COVID, C’EST AUSSI REBÂTIR UN CONTRAT SOCIAL DANS LEQUEL LA JEUNESSE A TOUTE SA PLACE EN TANT QU’ACTEUR-CLÉ

Le financement n’a pas été un frein à la mobilisation de la jeunesse africaine, même si la faiblesse des moyens et le manque de reconnaissance a limité la couverture et l’envergure des actions. Ainsi, une amélioration de l’accès des jeunes aux financements impacterait positivement sur leurs actions.

Préparer l’Afrique de demain

Les jeunes sont les plus durement impactés par la pauvreté en période de pandémie. Préparer l’avenir africain post-Covid, c’est aussi rebâtir un contrat social dans lequel la jeunesse a toute sa place en tant qu’acteur-clé.

Ce contrat social et de confiance accompagnera aussi les gouvernants à mieux protéger les populations et à construire un avenir inclusif. Les activistes et les mouvements sociaux devraient être en mesure d’agir dans un espace civique qui garantit leurs droits, les valorise et leur permette de se renforcer. Alors, qu’attendons-nous pour faire plus confiance aux jeunes ?

[Tribune] Parité : le secteur privé africain ne peut pas attendre 141 ans

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Mis à jour le 08 mars 2021 à 18h14
 
 

Par  Bénédicte Janine Kacou Diagou

Directrice générale du Groupe NSIA

 

Par  Dominique Diagou-Ehilé

Directrice générale du pôle assurances de NSIA

Rencontre Women in business, à Paris.

 

Rencontre Women in business, à Paris. © François Grivelet pour JA

 

Pour accélérer le développement du continent, la gouvernance des entreprises africaines doit être plus inclusive, défendent Bénédicte Janine Kacou-Diagou, directrice générale du groupe NSIA, et Dominique Diagou-Ehilé, directrice générale du pôle assurances.

Alors que le développement de nos économies est mis à mal et que toutes et tous s’affairent à trouver les solutions pour redynamiser la croissance de nos marchés, ne reproduisons pas les erreurs du passé.

Plus de la moitié de la population du continent africain est féminine, et pourtant les progrès vers l’égalité des sexes stagnent. Dans un contexte sanitaire où les gouvernements et acteurs de la société civile ont, face à l’urgence, donné la priorité à la gestion de la pandémie, ces inégalités ont aggravé la vulnérabilité des femmes et des jeunes filles.

De meilleurs rendements et des résultats plus satisfaisants

Selon un rapport du Cabinet McKinsey paru en 2019, à ce rythme, il faudra 141 ans aux sociétés africaines pour être paritaires.

Pourtant, si seulement chacun de nos pays s’alignait sur son voisin régional le plus performant en matière de parité, ce sont 10 % de croissance supplémentaires que le continent pourrait gagner d’ici à 2025.

En adoptant des mesures qui libèrent le potentiel des femmes, l’Afrique a les moyens de s’assurer une santé économique à long terme. Cela est d’autant plus vrai au sein des entreprises africaines : dans celles où les femmes occupent des postes à responsabilité, les rendements sont meilleurs et les résultats plus satisfaisants.

Égalité des chances, des rémunérations et des perspectives de carrière

En Afrique plus que nulle part ailleurs, les femmes travaillent. Mais ne nous y trompons pas, elles occupent des emplois aux rémunérations et perspectives d’évolution plus restreintes que les hommes.

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AU SEIN DE NSIA, PRÈS DE 30 % DES MEMBRES DU COMITÉ DE DIRECTION SONT DES FEMMES

Pourtant, selon les données de l’Organisation mondiale du travail, en créant une culture plus inclusive et en encourageant la diversité au sein de leurs effectifs, les entreprises ont une probabilité de 9 % supérieure d’avoir de meilleurs résultats opérationnels que celles qui n’en ont pas.

À cela s’ajoute le fait que les femmes réinvestissent jusqu’à 90 % de leurs revenus dans l’éducation, la santé et l’alimentation de leur famille et de leur communauté, contre 40 % au maximum pour les hommes. Ainsi, que ce soit en matière d’impact sur la performance d’une entreprise ou sur la société, une plus grande inclusion des femmes dans la gouvernance des entreprises est bénéfique.

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UNE PRÉSENCE FÉMININE ACCRUE AU SEIN DES CA A UN IMPACT POSITIF SUR LES RÉSULTATS DES ENTREPRISES

Les politiques de genre des entreprises doivent impérativement aller au-delà de la parité et s’attaquer à l’égalité des chances, des rémunérations et des perspectives de carrière. C’est l’engagement qu’a pris NSIA : aujourd’hui, au sein du groupe, près de 30 % des membres du comité de direction sont des femmes et nous ne comptons pas nous arrêter là.

Déterminées à défendre leurs intérêts

La mixité au sein des instances dirigeantes exécutives est nécessaire pour s’ériger en modèle de la politique de genre globale de la firme. Alors qu’au niveau mondial, seulement 17 % des sièges des comités exécutifs des entreprises sont occupés par des femmes, en Afrique cet indicateur atteint 25 %.

Certes, les comités exécutifs et de direction des entreprises africaines comptent plus de femmes que la moyenne mondiale, mais ce résultat n’est pas satisfaisant. À plusieurs reprises, des études ont démontré qu’une présence accrue des femmes au sein des conseils d’administration avait un impact positif sur les résultats des entreprises.

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LES FEMMES QUI S’UNISSENT PROPOSENT DES MODÈLES INSPIRANTS AUX NOUVELLES GÉNÉRATIONS

Depuis plusieurs années, des solutions ambitieuses se développent sur le continent. Que ce soit des réseaux tels qu’Africa Femmes Initiatives Positives Afrique (AFIP-Afrique) qui réunit des femmes aux compétences variées ou le Women’s Investment Club, premier club d’investissement féminin au Sénégal, les femmes africaines sont plus que jamais déterminées à défendre leurs intérêts.

L’influence de ces réseaux est double : d’une part, en se réunissant, les femmes ont plus d’impact et, de l’autre, elles proposent des modèles inspirants aux nouvelles générations.

Exigence saine et constructive

Notre continent est en pleine émergence, mais beaucoup reste à construire. Pour participer pleinement aux objectifs de développement, les entreprises africaines doivent permettre aux femmes d’accéder à de plus hauts niveaux de compétence.

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LA LÉGISLATION DOIT CONTRAINDRE LES ENTREPRISES RÉFRACTAIRES À TRANSFORMER LEUR APPROCHE

Pour autant, il serait idéaliste de compter uniquement sur la bonne volonté de chacun pour insuffler un changement profond. Trop de nominations au sein des conseils d’administration sont encore effectuées par le biais de processus informels à forte dominance masculine et manquent de transparence.

Dans de plus en plus de secteurs d’activité, les attentes de l’ensemble des parties prenantes concernant la parité évoluent. Cette exigence est saine et constructive. Elle doit être accompagnée par une évolution de la législation qui contraigne les entreprises réfractaires à transformer leur approche vis-à-vis des questions de genre.

S’engager concrètement

L’Afrique ne peut se développer durablement en laissant de côté ses femmes. Elles doivent être impliquées au même titre que les hommes aux plus hauts niveaux de décision.

Aujourd’hui, les outils pour parvenir à une réelle parité sont à la disposition des entreprises, et diverses études en prouvent les bénéfices. En s’engageant concrètement vers une parité à tous les niveaux, le secteur privé africain a les moyens de se doter d’un avantage concurrentiel clé pour son succès.

Les femmes africaines ont-elles (enfin) brisé le plafond de verre ?

| Par 
Mis à jour le 08 mars 2021 à 09h53
Jon Berkeley pour JA
© Jon Berkeley pour JA

Victoire Tomegah Dogbe au Togo, Rose Christiane Ossouka Raponda au Gabon, Nialé Kaba en Côte d’Ivoire, Ngozi Okonjo-Iweala au Nigéria… Les Africaines montent en puissance dans les sphères politique et économique.

De l’incrédulité au doute en passant par l’angoisse, la fierté, mais aussi la reconnaissance… Elle dessine à grands traits la palette infinie de sentiments qui, dit-elle, en une fraction de seconde, l’ont assaillie dans l’humidité de cette fin de septembre, à Lomé. Le président Faure Gnassingbé venait d’officialiser sa nomination à la primature. Décliner sa proposition de devenir la première femme chef de gouvernement au Togo ? Victoire Tomegah Dogbe n’y a même pas songé. « Un réel honneur pour les femmes togolaises », explique-t-elle simplement.*

Fonctionnaire internationale formée en Europe et aux États-Unis, véritable animal politique, passionnée par son travail, selon ses admirateurs, la native de Badougbé (Sud) confesse ne pas savoir pourquoi elle a été choisie. Fausse modestie ? Il y a sans doute un peu de cela chez elle, qui se dit persuadée, malgré tout, de n’être « pas là par hasard ».

Reconnues dans leur domaine

Des propos que ne renierait pas Rose Christiane Ossouka Raponda, la cinquantaine élégante, ex-ministre de la Défense et ex-maire de Libreville, première femme portée à la tête de la primature gabonaise, en juillet. Avec la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, considérée comme l’un des meilleurs ministres des Finances que le Nigeria ait connus et qui dirige l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Tomegah Dogbe et Ossouka Raponda font partie de cette caste de femmes africaines qui, dans leur trajectoire professionnelle, parviennent à briser le plafond de verre.

On rappellera aussi l’itinéraire de la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, qui a rendu possible l’alternance à un pouvoir masculin en s’appuyant sur le vote féminin. Celui de la présidente éthiopienne Sahle-Work Zewde, bien que son titre soit honorifique. Ou encore celui de Charity Ngilu, ostracisée en 2015 par Uhuru Kenyatta – son père avait ravivé un mythe ethnique historique fondé sur l’inaptitude des femmes à gouverner -, qui a bataillé ferme pour devenir l’une des premières femmes gouverneures élues en 2017.

Ancrées dans le quotidien, bien dans leur vie, ces femmes s’épanouissent et sont reconnues dans leur domaine. De mieux en mieux formées et fortes de leurs acquis, elles visent les mêmes opportunités que les hommes. « Tout se passe comme si elles avaient osé se révéler en se débarrassant du complexe de l’imposteur qui parfois paralyse les femmes et les pousse à s’autocensurer », analyse la chercheuse camerounaise Viviane Ondoua, spécialiste des questions de gouvernance.

Les manuels de développement personnel diront que ces femmes ont aussi vaincu les croyances limitantes propres à engendrer des peurs. Peur d’oser prendre le pouvoir, d’assumer leur position de leader, de passer pour ambitieuses et potentiellement de prendre des coups.

Ministères stratégiques

« Si l’Afrique en est encore à compter les Premiers ministres femmes, c’est que le compte n’y est pas », persifle Fatou Sow Sarr, directrice de l’Institut du genre et de la famille, au Sénégal. « Ceux qui pavoisent se contentent de très peu », renchérit de son côté Alioune Sall, directeur de l’Institut des futurs africains, pour qui le Togo et le Gabon ne font que rattraper leur retard.

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C’EST LA FIN DES MINISTRES ALIBIS CANTONNÉES AUX AFFAIRES FAMILIALES, À LA CONDITION FÉMININE OU À L’ENFANCE

Certes, la présence des femmes africaines à la tête des gouvernements n’est pas une nouveauté. On doit à l’ex-président centrafricain Jean Bedel Bokassa la première nomination d’une femme, Elisabeth Domitien, au poste de Premier ministre, en 1975. L’aventure tournera court pour cette presque analphabète, grande pourfendeuse du franc CFA avant l’heure, qui ne s’exprimait qu’en sangho. Pour s’être opposée au couronnement de Bokassa en tant qu’empereur, elle sera limogée puis interdite de politique. Le Sénégal a quant à lui déjà connu deux cheffes du gouvernement, Mame Madior Boye, entre 2001 et 2002 et, plus récemment, en 2013, Aminata Touré.

Ces dernières décennies ont été marquées par une rupture : la fin des ministres alibis cantonnées aux Affaires familiales, à la Condition féminine ou à l’Enfance, ces postes qu’Aïssatou Dosso, spécialiste des questions de genre à la BAD (Abidjan), qualifie de « plutôt “soft skills”, pas très techniques ou scientifiques. »

Le Nigeria a ainsi accordé sa confiance à Ngozi Okonjo-Iweala dès 2003, la nommant à la tête du ministère des Affaires étrangères, avant de la placer, entre 2011 et 2015, aux Finances. Si l’on salue aujourd’hui l’arrivée de la nouvelle ministre de l’Énergie au Togo, on se souvient aussi avec bonheur qu’en 2016, en l’espace d’une semaine, trois fortes personnalités avaient décroché des ministères stratégiques pour le développement de leur pays : la Burkinabè Rosine Sori-Coulibaly, la Guinéenne Malado Kaba et l’Ivoirienne Nialé Kaba – à qui l’on attribue cette année le mérite d’avoir empêché l’implosion de la Banque africaine de développement.

Petite percée dans le privé

Dans les entreprises aussi, les femmes font bouger les lignes. Peut-être plus aisément dans le public et dans les organisations intergouvernementales, où, lois sur la parité obligent, elles savent se faire entendre et sont présentes dans les conseils d’administration. Comme à l’agence sénégalaise de promotion de l’investissement et des grands travaux, dirigée pendant une dizaine d’années par une femme.

La percée féminine est moins spectaculaire dans le secteur privé. « Si la Sud-Africaine Maria Ramos est devenue en 2019 la dirigeante du groupe Absa (Amalgamated Banks of South Africa), propriété à 56 % de Barclays, il reste difficile d’imaginer une femme à la tête d’une major pétrolière », confie Alioune Sall.

Quoi qu’il en soit, difficile de bouder son plaisir de voir les Africaines gagner autant en visibilité quand on sait d’où elles sont parties. « Le modèle d’éducation colonial, très patriarcal, a fortement entravé leur présence dans l’espace public, analyse Fatou Sow Sarr. Les formations supérieures ne leur étaient pas accessibles. Il y a vingt-cinq ans d’écart entre la création de l’École normale William-Ponty [1915] et celle de l’École normale des jeunes filles Abdoulaye-Sadji de Rufisque [1938], deux institutions dont sont issus quelques-uns des profils africains les plus pointus. Les filles mettront beaucoup de temps à rattraper leur retard. »

Action collective

Si les trajectoires individuelles doivent être saluées, elles ne peuvent à elles seules entraîner une réelle conquête des lieux de pouvoir. La révolution demande une action collective. Fatou Sow Sarr imagine ainsi des alliances entre femmes issues de mondes différents : ­politique, affaires, monde associatif. « Les possibilités sont énormes, mais il faut conduire une réflexion permettant de réaliser une jonction entre ces différentes actrices. »

Elle milite donc pour l’élaboration d’une pensée politique liée à la lutte des femmes. » On les retrouve activistes, sans que leur activisme soit en adéquation avec un projet précis. Il faut donc une production théorique pour accompagner l’action. Pour leur faire comprendre que tout ce qui les concerne s’inscrit dans les enjeux de développement des nations. »

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DEPUIS 2012, ON NE COMPTE QUE 8 % À 14 % DE FEMMES DANS LES HAUTES FONCTIONS DE L’ÉTAT

Son Institut du genre et de la famille scrute chaque semaine le relevé des nominations intervenant en conseils des ministres et entend inciter l’État à améliorer significativement le très faible taux (de 8 % à 14 %) de femmes appelées aux hautes fonctions de l’État depuis 2012. « Il faut une politique volontariste », insiste-t-elle.

Opter pour la discrimination positive est une autre solution. Pour l’ouverture de sa première franchise de l’enseigne KFC au Sénégal, Anta Babacar Ngom, directrice générale du groupe agroalimentaire Sedima, avait par exemple parié sur le recrutement d’un personnel 100 % féminin. « C’est un choix que certains pourraient trouver discriminant. Mais peut-être faut-il en passer par là et accepter qu’à compétences égales, on offre plus de chances aux femmes », suggère Alioune Sall.

Le directeur de l’Institut des futurs africains estime que derrière la conquête féminine de l’espace public, c’est tout un combat pour une autre société qui doit être mené. Plus qu’une lutte féminine ou féministe, un combat général « pour un ordre plus juste », qui concerne tout l’espace social.

(*) Cet article a été initialement publié le 10 octobre 2020. Nous le republions à l’occasion de la journée internationale des droits de la femme.