Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Ressources naturelles : comment éviter une nouvelle « ruée vers l’Afrique »

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Par  Rabah Arezki

Économiste en chef et vice-président chargé de la gouvernance économique et de la gestion des connaissances de la BAD

Mine de Phosphate dans le sud du Togo.

Mine de Phosphate dans le sud du Togo. © Jacques Torregano pour Jeune Afrique

Une nouvelle course vers les ressources naturelles du continent s’annonce, à l’orée des transitions énergétiques et numériques en cours. Aussi, un autre mode de gouvernance mondiale s’impose.

Les ressources naturelles, qu’elles proviennent de l’eau, de la terre, du sous-sol ou de l’air, doivent être considérées comme des biens communs, destinés à être partagés par tous. Cela signifie que leurs mécanismes de gouvernance doivent être harmonisés à tous les niveaux – local, national, régional et mondial – pour garantir une exploitation durable, respectueuse de l’environnement et des personnes qui en dépendent. Mais cela s’est avéré très complexe.

Des transitions simultanées

La course aux ressources naturelles pour alimenter les transitions énergétiques et numériques simultanées que connaît le monde fait rage parmi les grandes puissances. Ces deux transitions reposent fortement sur des technologies qui nécessitent des ressources telles que les terres rares pour les semi-conducteurs, le cobalt pour les batteries et l’uranium pour l’énergie nucléaire.

Mais ces évolutions signifient également que les ressources naturelles historiquement précieuses et leurs investissements associés – principalement liés au pétrole et à d’autres combustibles fossiles – finiront par se retrouver bloquées avec de graves conséquences pour les pays qui dépendent presque totalement de ces actifs, en particulier ceux dans lesquels les capacités de l’État sont faibles.

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UNE GOUVERNANCE TRANSNATIONALE EST ESSENTIELLE POUR PARVENIR À UNE EXPLOITATION ORDONNÉE, DURABLE ET INCLUSIVE

Le dernier « super-cycle » des prix du pétrole pourrait déjà être en cours, dont la fin pourrait annoncer une augmentation du nombre d’États en faillite.

Cette course s’est intensifiée à mesure que les grandes puissances sont entrées dans des rivalités stratégiques – en particulier entre les États-Unis et la Chine, mais aussi entre cette dernière et l’Europe. Cette fois, une gouvernance transnationale appropriée des ressources naturelles s’avère essentielle pour parvenir à une exploitation ordonnée, durable et inclusive afin que ces transitions ne laissent pas les gens de côté, en particulier ceux des pays en développement.

La volatilité, la perte de compétitivité, l’endettement excessif et même les conflits internes et externes sur l’accès aux ressources se sont révélés être à l’origine de la baisse de performance des pays qui en possèdent en abondance. La recherche a montré que les bonnes institutions, sans surprise, modèrent cette malédiction.

Il s’agit, d’une part, des politiques et des institutions qui régissent l’ouverture du secteur pour attirer les investissements et donc générer des revenus pour l’État. Et, d’autre part, des institutions de redistribution qui régissent la manière dont les produits de l’exploitation de ces ressources sont utilisés et profitent aux populations, y compris en matière de capital humain.

La mine de cuivre Frontier à Sakania, à la frontière avec la Zambie, à l’extrême sud-est de la province minière du Katanga,
en République démocratique du Congo, propriété de la multinationale d’origine kazakhe basée au Luxembourg ERG
(Eurasian Ressources Group), le 3 mars 2015

L’échec des réglementations nationales

Il se trouve que la réglementation au niveau national a souvent échoué à résoudre les problèmes de surexploitation des ressources naturelles ainsi que les problèmes de déplacement, de dégradation de l’environnement et de risque pour la biodiversité, qui sont souvent mieux traités au niveau local.

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LES CONSOMMATEURS DES ÉCONOMIES AVANCÉES SEMBLENT MODIFIER LEUR COMPORTEMENT VIS-À-VIS DE L’ENVIRONNEMENT

Certes, un certain nombre d’initiatives internationales axées principalement sur la transparence existent : l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) et la Charte des ressources naturelles. De même, plusieurs organisations non gouvernementales ont été très actives dans ce domaine. Enfin, la législation des États-Unis et de l’Union européenne s’efforce de responsabiliser leurs sociétés multinationales en exigeant qu’elles divulguent leurs pratiques dans leurs pays d’opération.

Les normes environnementales, sociales et de gouvernance d’entreprise (ESG) peuvent permettre aux investisseurs d’évaluer le comportement responsable d’une firme sur le plan environnemental. Mais on ne sait pas si les évaluations ESG sont suffisantes pour forcer les entreprises à internaliser les externalités – complexes à situer à différents niveaux – nécessaires pour parvenir à un comportement durable.

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DES TRANSFERTS DE TECHNOLOGIES DES ÉCONOMIES AVANCÉES VERS LES ÉCONOMIES EN DÉVELOPPEMENT SERONT NÉCESSAIRES

De plus, on ne sait pas non plus si et comment elles pourraient être appliquées. Par ailleurs, les consommateurs des économies avancées semblent modifier leur comportement vis-à-vis de l’environnement, ce qui est un signe encourageant.

Le défi de toutes ces initiatives est de surmonter la difficulté de les traduire dans le bon contexte et de favoriser l’appropriation, en particulier aux niveaux local et national. Il faut faire plus pour intégrer les acteurs locaux, nationaux, régionaux et mondiaux afin d’obtenir de meilleurs résultats.

Les interactions entre l’Union européenne, l’Afrique et la Chine sont cruciales

Les relations de l’Union européenne avec l’Afrique et la Chine seront cruciales pour façonner la gouvernance transnationale des ressources naturelles. Pékin devra, entre autres, tenir compte des interdépendances liées à la paix et à la stabilité, à la santé mondiale et aux problèmes climatiques dans un monde de plus en plus organisé en blocs.

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IL FAUDRA DES MOYENS POUR GARANTIR QUE LES IDE FOURNISSENT DES CONTENUS LOCAUX ET DES EMPLOIS

Pour autant, si les « externalités doivent être internalisées », il faudra d’une part des transferts de technologies des économies avancées vers les économies en développement pour leur fournir les outils nécessaires face à la menace du changement climatique et pour atteindre les objectifs climatiques. De la même façon, un accès facilité aux marchés internationaux des capitaux pour ces économies sera nécessaire, via, entre autres, des obligations vertes, naturelles ou bleues au lieu de prêts opaques garantis par des ressources avec des créanciers non traditionnels tels que la Chine.

De plus, il faudra des moyens pour garantir que les investissements directs étrangers fournissent des contenus locaux et des emplois pour répondre au mécontentement croissant des jeunes de plus en plus éduqués et terriblement sous-employés dans les pays en développement.

En définitive, l’approfondissement de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) devrait s’accompagner d’arrangements cohérents au niveau régional sur les politiques fiscales, commerciales, de concurrence et financières. L’exemple de l’Union européenne montre l’importance de mettre l’accent sur les secteurs de l’énergie, de l’agriculture et des ressources minérales en tant qu’éléments fondamentaux de cette intégration et de ce partenariat. Cela est nécessaire pour garantir la durabilité de ces investissements pour toutes les parties.

Une justice européenne aveugle aux crimes contre l’humanité?|Eurotopics

Un Iranien accusé d’avoir participé à des exécutions collectives en 1988 dans son pays a été traduit en justice à Stockholm. Il a été repéré et arrêté en 2019, alors qu’il était en vacances en Suède. La justice suédoise s’appuie sur le droit de sanctionner les crimes contre l’humanité dans n’importe quel pays du monde et sur leur imprescriptibilité. Les commentateurs espèrent que cette mise en accusation fera des émules.

La Suède montre ce qui est possible

Ce genre de coup de filet est bien trop rare dans l’UE, déplore Süddeutsche Zeitung :

«Le prince héritier saoudien qui ordonne au Yémen des crimes de guerre à la petite semaine possède un château en France, où il passe l’été à se reposer des tourments qu’il inflige à l’humanité le reste de l’année. Le roi de Thaïlande, qui fait passer à tabac, torturer et emprisonner les dissidents, jouit de plusieurs résidences en Bavière, notamment le Grand Hotel Sonnenbichl, à Garmisch. Les grands du régime iranien aiment venir à Hanovre quand ils ont besoin de soins médicaux. … Succombant au pouvoir séducteur de l’argent, l’Europe n’hésite pas à dérouler le tapis rouge aux personnages les plus douteux de la planète. En vertu du principe juridique dit de compétence universelle, rien n’empêcherait les Européens de traduire en justice bien plus souvent les auteurs de crimes contre l’humanité. La Suède nous en apporte la preuve. »

Un avertissement aux dictateurs de ce monde

Dagens Nyheter salue la demande de mise en accusation, dont elle souligne l’importance :

«Le mal est fait, et aucune accusation au monde ne saurait y changer quoi que ce soit. Mais toute plainte pour crime contre l’humanité qui aboutit équivaut à une prise de position importante en faveur des valeurs fondamentales de l’humanité. Du reste, l’accusation émet un signal fort à l’adresse des dictateurs actuels aux mains entachées de sang ainsi qu’à leurs larbins : vos crimes ne passent pas inaperçus. Un message qui s’adresse aussi au régime iranien actuel.»

Source: Steinke dans Eurotopics.net, 12.08.21

Même si le Mali ne ressemble pas à l'Afghanistan,

la France a choisi l'intransigeance du "tout sécuritaire".

Les autorités locales négocient avec les djihadistes


(un dossier pris dans le "Monde Diplomatique" du mois de septembre
2021)

 

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Une carte d'identité numérique universelle contre l'exclusion sociale en Afrique ?

Une carte d'identité dans un bureau de vote soudanais en 2à10 (image d'illustration).

Une carte d'identité dans un bureau de vote soudanais en 2à10 (image d'illustration).
 AFP - TIM MCKULKA

Plus d’un milliard de personnes dans le monde, dont la moitié réside en Afrique n’ont pas de documents d’identité. Des individus qui se retrouvent alors exclus des aides et des services publics fournis par leur État. La solution pour remédier à cette fracture sociale serait de mettre en place une identité numérique universelle, préconise une ONG.

Sans aucun document officiel prouvant son identité, un humain sur huit sur notre planète se retrouve de facto exclu d’une quelconque assistance des services administratifs et d’assistance que son gouvernement a mis en place. Ces citoyens « invisibles » n’ont d’autre choix que vivre en marge de la société. Ces éternels abonnés absents des systèmes de santé ou encore privés de scolarité, ne peuvent ni ouvrir de compte bancaire, ni changer de pays faute de passeport ou encore ne sont pas autorisés à voter.

Une fracture identitaire qui, sur le continent africain, est synonyme d’extrême pauvreté, constate depuis 2014 l’organisation non gouvernementale ID4Africa. L’ONG s’est donnée pour mission d’aider les pays d’Afrique à « adopter une identité numérique de manière responsable et pour le bien commun » et milite dans le cadre de l’Objectif de développement durable de l'ONU pour instaurer une Journée Internationale de l’Identité tous les 16 septembre.

Appel aux gouvernements africains

« Ces personnes invisibles survivent en passant dans le secteur informel, souligne Joseph Atick, le président-directeur et fondateur de l’association. Sans identité, ces gens se retrouvent totalement exclus de la société. Cela représente un problème majeur pour les pays dits en voie de développement, qui doit absolument être résolu. Notre ONG à un rôle de facilitateur pour donner à ces personnes une identité sous forme numérique et recréer du lien entre eux et les services sociaux et économiques dans chaque pays. »

« Lors de notre assemblée générale en 2018 au Nigéria nous avons lancé un appel aux gouvernements africains et aux représentants de la société civile pour instaurer une Journée internationale de l’identité le 16 septembre de chaque année dans le cadre de l’Objectif de développement durable de l'ONU, poursuit Joseph Atick. De nombreux pays sur le continent qui ont compris les enjeux de l’identité numérique participent depuis à cette journée de sensibilisation et mettent en place des solutions pour lutter contre l’exclusion des invisibles. Pour ID4Africa, le mot d’ordre est une identité numérique responsable et respectueuse des données des citoyens. »

La crainte de la surveillance de masse

Mais cette identification biométrique, qui est souvent couplée aux dispositifs de surveillance de masse de la reconnaissance faciale, inquiète les associations de défense des droits humains. C’est la raison pour laquelle ID4Africa, qui concentre son action dans 48 pays du continent, exige de chacun de ses partenaires, qu’ils soient institutionnels ou technologiques, de mettre en place un cadre juridique approprié dans le strict respect des données à caractère privées des citoyens.

« Des informations comme la caste ou la religion, par exemple, ne doivent jamais être enregistrées sur ces documents dématérialisés », insiste le responsable de l’ONG. Ce qui est loin d’être le cas ! Certains gouvernements, avec la collecte des données biométriques des individus, ont tendance à dévoyer les systèmes d’identifications numériques pour exercer un contrôle constant de leurs populations.  

Sahel : quand le GSIM recrute des enfants

| Par 
Mis à jour le 13 septembre 2021 à 16h46
Située entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, Menaka est considérée comme un épicentre de la présence de l’État islamique dans la région du Sahel.

Située entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, Menaka est considérée comme un épicentre de la présence de l'État islamique
dans la région du Sahel. © SOULEYMANE AG ANARA / AFP

Dans un rapport publié ce lundi 13 septembre, Amnesty International s’inquiète du fait que les groupes jihadistes enrôlent de plus en plus de jeunes garçons, notamment dans la zone dite des trois frontières.

Assiste-t-on à une inflexion de la stratégie de certains groupes jihadistes dans le Sahel, et plus particulièrement au Niger ? L’ONG Amnesty International révèle dans un rapport publié ce lundi 13 septembre que, prospérant sur la pauvreté, les pénuries alimentaires et le manque de perspectives économiques, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) recrute de plus en plus d’adolescents.

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BEAUCOUP VONT SERVIR DE GUETTEURS À DES COMBATTANTS PLUS AGUERRIS

Il s’agit le plus souvent de jeunes garçons déscolarisés, selon Ousmane Aly Diallo, chercheur pour l’Afrique de l’Ouest au sein d’Amnesty International et auteur du rapport, qui explique que dans la seule région de Tillabéri, très éprouvée par la violence des groupes armés, plus de 300 écoles ont fermé. Ce qui n’est pas sans conséquences.

Jeune Afrique : De plus en plus d’enfants sont recrutés par le GSIM. Pourquoi ?

Ousmane Aly Diallo : On parle d’enfants qui ont entre 15 et 17 ans, que les groupes armés vont former pour qu’ils participent à ce qui est, à leur yeux, une forme de résistance à l’autorité des États nigérien, malien ou burkinabè. Beaucoup vont jouer le rôle d’auxiliaires et servir, par exemple, de guetteurs à des combattants plus aguerris.

Depuis 2020, le GSIM entraîne ainsi de plus en plus d’enfants au maniement des armes lors de formations qui peuvent durer jusqu’à deux semaines. Et l’État islamique au grand Sahara (EIGS) comme le GSIM, utilise des combattants assez jeunes lorsqu’il mène des attaques pour ramener le bétail : les enfants ne participent pas directement aux opérations, mais ils sont chargés de s’occuper des bêtes volées dans les villages.

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DANS LA SEULE RÉGION DE TILLABÉRI, PRÈS DE 30 000 ENFANTS SONT DÉSCOLARISÉS

Mis à part le fait que ces enfants sont exposés à la violence et qu’ils risquent d’y perdre la vie, ceux qui survivent, ceux qui assistent aux attaques, ceux qui ont vu leurs parents ou leurs amis être blessés ou même tués, subissent un stress qui ne sera pas pris en charge.

Vous expliquez dans ce rapport que les écoles sont particulièrement visées…

Oui, parce que l’EIGS ou le GSIM considèrent que l’éducation qui y est donnée est occidentale et non conforme aux valeurs traditionnelles et islamiques. Et puis détruire les écoles, c’est s’en prendre aux symboles de l’autorité de l’État. C’est pour cela que les infrastructures scolaires sont fortement ciblées dans tout le Sahel central.

À l’heure actuelle, dans la seule région de Tillabéri, près de 30 000 enfants sont déscolarisés, la moitié étant de jeunes écolières. On estime aussi que près de 700 enseignants ne peuvent plus exercer à cause de l’insécurité. Ne reste plus, pour les populations, que l’éducation islamique traditionnelle.

Mais la stratégie des groupes armés est plurielle : en plus des écoles, les attaques ciblent délibérément les centre de santé, où les combattants s’approvisionnent en médicaments. Les ambulances et les véhicules des dispensaires, quant à eux, sont volés et réutilisés pour attaquer les forces de défense et de sécurité [FDS], notamment dans la zone dite des trois frontières.

Peut-on parler d’une nouvelle stratégie des groupes armés ?

D’une nouvelle stratégie ou en tout cas d’une nouvelle phase dans leur stratégie. Avant, ils attaquaient en priorité les postes avancés des FDS. Aujourd’hui, ils détruisent systématiquement les greniers et les moyens de production alimentaires dans la région de Tillabéri, dans les départements d’Abala, de Banibangou et d’Ayorou près de la frontière avec le Mali. Cela crée des pénuries et contraint des populatio.................s qu’ils jugent hostiles ou trop proches de l’État à se déplacer.

On dit souvent que l’EIGS se rend davantage coupable d’exactions contre les populations civiles que le GSIM…

C’est vrai que l’EIGS est le groupe qui commet le plus de violences, dans la région de Tillabéri en particulier. Depuis le début de l’année, des massacres ont été commis notamment à Tchoma Bangou et à Zaroumdarey, où 103 personnes sont mortes le 2 janvier dernier. En mars, des attaques ont été perpétrées entre Banibangou et Chinagodrar – et 58 personnes ont été tuées –, ainsi qu’à Wiye et à Darey-Daye, dans la commune de Tillia. À chaque fois, il y a eu beaucoup de victimes parmi les femmes et les enfants.

Toutes ces violences répondent à une volonté de casser net tout désir d’émancipation des communautés, qui tentent de résister aux taxes que prélèvent l’EIGS et à l’ordre social ou islamique que ses combattants leur imposent.

Mais dans cette même région de Tillabéri, le long de la frontière avec le Burkina Faso, on a constaté ces derniers mois l’activisme accru et l’influence grandissante du GSIM, dont des membres organisent des prêches réguliers dans les villages. De l’autre côté de la frontière toutefois, le GSIM s’est rendu coupable d’informations similaires, notamment contre les localités et communautés perçues comme hostiles ou soupçonnées d’abriter des VDP [Volontaires pour la défense de la patrie] à Kodieri ou encore à Solhan.

Quelles réponses les autorités du Niger ont-elles apportées à ce stade ?

La réponse a été très sécuritaire, mais cela ne suffira pas. Il faut absolument satisfaire les besoins des communautés et des personnes déplacées en matière de santé et d’éducation.

Il faut toutefois reconnaître que l’État nigérien a été très innovant dans sa manière d’appréhender la question de l’enfance dans les conflits armés. Un protocole a été signé entre l’État et les Nations unies, en 2017, qui prévoyait que tous les enfants pris lors d’opérations militaires seraient remis aux services de protection de l’enfance. Grâce à cela, beaucoup d’enfants ayant connu la violence dans le bassin du lac Tchad ou dans le Tillabéri ont été redirigés vers ces services. Ils ont pu bénéficier de formations professionnelles durant leur phase d’orientation, avant d’être réunis avec leurs familles. Le Mali ou le Burkina Faso pourraient s’en inspirer.