Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Mali : Soumeylou Boubeye Maïga, la chute du « Tigre »

Mis à jour le 24 septembre 2021 à 16:24


Soumeylou Boubèye Maïga à Bamako, le 25 Mai 2013.

Poursuivi dans l’affaire Air IBK, Soumeylou Boubeye Maïga est derrière les barreaux depuis le mois d’août. L’ancien Premier ministre réussira-t-il à se sortir de ce nouveau mauvais pas ?

Il est 8 heures à la maison centrale d’arrêt de Bamako. Alors que la plupart des prisonniers se réveillent à peine, Soumeylou Boubeye Maïga (SBM) s’active déjà. Il quitte ce dortoir « sans fenêtre ni bouche d’aération » qu’il occupe depuis le 26 août dernier avec 79 codétenus, et se rend dans un autre bâtiment, là où il partage un bureau avec les agents pénitentiaires. Fidèle à sa réputation, Boubeye ne chôme pas. Tout le jour durant, il reçoit les visites de ses enfants, de son épouse, de ses amis, et mobilise son réseau.

Ses proches ne cachent pas leur inquiétude quant aux conditions de détention de l’ancien Premier ministre, mais ils l’assurent : à 67 ans, le « Tigre » est « toujours un vieux combattant qui se bat et garde le moral ».

Ce n’est qu’une fois la nuit tombée qu’il rejoint sa cellule, cette chambre exiguë où il dort aux côtés de bandits. Ce n’est pas la panacée, mais le prévenu a préféré cela à la geôle individuelle qu’on lui avait proposée pour des raisons de sécurité.

Boubeye ronge son frein. Il ne cachait plus son ambition de porter haut les couleurs de l’Alliance pour la solidarité au Mali et la Convergence des forces patriotiques (ASMA-CFP) à l’élection présidentielle de 2022 et pensait ses ennuis judiciaires derrière lui.

Le fantôme d’Air IBK

Jamais il n’aurait imaginé voir ressurgir le fameux dossier Air IBK. L’affaire remonte à 2014, SBM est alors ministre de la Défense. L’achat par l’État malien d’un Boeing 737 pour près de 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros) fait scandale, et à l’époque le nom de Boubeye apparaît immédiatement.

Le 2 octobre 2014, alors qu’il se trouve à Paris pour une visite privée, il voit même sa suite du luxueux hôtel Intercontinental du quartier de l’Opéra investie par la police. Le ministre est conduit dans les locaux de la Direction centrale de la police judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine). Les enquêteurs sont convaincus qu’une transaction opaque a été effectuée grâce à l’intermédiaire de Michel Tomi, un sulfureux homme d’affaires français qui a oeuvré dans les salles de jeux en Afrique. Celui-ci est mis en examen pour corruption d’agent public étranger, abus de confiance et recel d’abus de biens sociaux.

Après quarante-huit heures de garde à vue, SBM est relâché sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui. Un ancien ministre d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) croit y voir la main de puissants soutiens : « Boubeye est très connecté avec les chancelleries. Lorsqu’il a été arrêté, Jean-Yves Le Drian [alors ministre français de la Défense] l’a soutenu en coulisses. » À l’époque, le ministre malien est surnommé « l’homme de Paris à Bamako ».

En 2018, le dossier finit par être classé sans suite. Définitivement, croit-on, jusqu’à ce qu’un procureur opiniâtre relance l’affaire. Mahamadou Timbo affirme être en possession de nouvelles preuves matérielles et du témoignage probant d’un « homme haut placé », des éléments suffisants pour rouvrir le dossier.

 

Le procureur près de la Cour suprême de Bamako a retenu cinq chefs d’inculpation contre SBM, parmi lesquels « atteinte aux biens publics par détournements » et « abus d’influence réelle ou supposée en vue d’obtenir des avantages ». Les détails ne sont pas connus par l’accusé : trois semaines après son incarcération, ses avocats assurent ne pas avoir accès au dossier malgré leurs demandes répétées auprès du juge d’instruction.

Les clés de la Défense

Intelligent et ambitieux, Boubeye « est un personnage que l’on doit avoir plutôt à l’oeil que dans son dos », confiait IBK au sujet de l’ancien chef de la sécurité d’État (1993-2000). Les deux hommes ont longtemps été ennemis, mais IBK fait confiance à SBM en lui donnant les clés de la Défense dès le début de son premier mandat, en 2013. Le défi est de taille dans un état en guerre où l’armée est en lambeaux.

L’homme a des atouts, et notamment sa relation « quasi filiale » avec Abdelaziz Bouteflika, décédé le 17 septembre dernier. SBM était gamin lorsqu’il a connu l’Algérien. Celui-ci venait se planquer à Gao pour préparer la guerre d’indépendance de son pays. Il logeait alors chez le gouverneur de la ville, dont le père de Boubeye était le chauffeur. L’affection que SBM porte à Bouteflika est intacte au point qu’il envisage de transformer la maison de son ami, à Gao, en musée. Ces liens se révèlent stratégiques face au bourbier du nord du pays.

C’EST UN PERSONNAGE QUE L’ON DOIT AVOIR PLUTÔT À L’ŒIL QUE DANS SON DOS

En septembre 2013, IBK est à Paris pour rencontrer son homologue, François Hollande, lorsque le Mali s’embrase. À Kidal, des échanges de tirs opposent l’armée malienne à des membres du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Puis, le 30 septembre, une mutinerie éclate à Kati. Des bérets verts proches de l’ex-putschiste Amadou Haya Sanogo réclament une promotion. IBK est tenu informé des soubresauts, mais c’est Boubeye qui est sur place.

À Bamako, le ministre de la Défense s’illustre dans ses nouvelles fonctions. Il lance l’opération Saniya (« propreté », en bambara) et réussit en quelques heures à mettre la main sur les mutins. Quelques mois plus tard, il arrête le général Sanogo. Grâce à Boubeye, le calme règne de nouveau à Kati, et IBK prononce une phrase restée célèbre : « Kati ne fera plus peur à Bamako, en tout cas pas à Koulouba. » L’avenir le démentira, mais, à l’époque, le régime a effectivement repris la main.

Le président ne tarit alors plus d’éloges envers son ministre de la Défense et répète souvent : « Boubeye est un homme efficace. » L’intéressé, qui préfère la rigueur à l’oisiveté, n’est pourtant guère tendre envers son président. « IBK est un ignare, lance-t-il souvent. Il ne travaille pas, et dort beaucoup. »

Une première rupture a lieu en mai 2014. Lorsqu’à Kidal l’armée malienne essuie une lourde défaite face à des groupes armés menés par le MNLA. Il faut un responsable : le ministre démissionne. Mais Boubeye sait se relever. En 2018, alors que l’élection présidentielle ne s’annonce pas facile, IBK le rappelle. Cette fois, l’enfant de Gao deviendra Premier ministre. « Il sait mettre ses troupes au travail. Il est rodé à la machine politique et connaît tout le monde », indique un ancien ministre.

Ambitieux et travailleur

SBM a le bagout du journaliste sportif qu’il fut, jeune, à Podium. Rien ne le prédestinait à la politique et, à 67 ans, il a une trajectoire singulière dans le marigot malien. Son engagement remonte aux années 1980, lorsqu’il rencontre Alpha Oumar Konaré lors d’un congrès du Parti malien du travail (PMT), à Dakar. Konaré voit en Boubeye un jeune militant ambitieux et travailleur. Quand il prend les rênes du pays, en 1992, il nomme SBM à la tête de son cabinet. Puis en 1993, alors que le pays est toujours sous la menace de putschs, il croit en lui et lui confie les clés de la sécurité d’État (DSE). Boubeye obtient là l’un des postes les plus importants de sa carrière et sans doute celui qui va lui apporter le plus d’ennemis.

À LA DSE, IL SE MUE TRÈS VITE EN DÉTECTIVE ET S’ADONNE À DES PRATIQUES PARFOIS DOUTEUSES EN CONSTITUANT DES DOSSIERS

Boubeye est très ouvert, il n’a pas peur de rencontrer les gens. Il aime serrer les mains, mais aussi scruter ses interlocuteurs. À la DSE, il se mue très vite en détective et s’adonne à des pratiques parfois douteuses en constituant des dossiers. « Il avait des fiches sur tout le monde. Dès que vous lui donniez un nom, vous pouviez être sûr que dès le lendemain il connaissait déjà l’identité et les activités de la personne », confie un observateur de la vie politique malienne. À Bamako, il se dit même que le patron des services des renseignements connaît tout sur les bouquinistes qui traînent à l’entrée de l’université de Bamako.

Des méthodes qui dérangent

Reste que ces méthodes dérangent. À la fin des années 1990, il fait arrêter l’homme d’affaires Aliou Boubacar Diallo pour une affaire de corruption présumée, la veille du mariage de sa fille. Le businessman, qui est entré en politique en créant L’Alliance démocratique pour la paix-Maliba, ne lui a jamais pardonné.

« Quand il a été nommé à la DSE, Boubeye a eu des pratiques abusives. Son nom était cité dans toutes les sales affaires », glisse un cadre de Bamako. À l’époque, Alpha Oumar Konaré protège son petit poucet. Pour faire taire les critiques, il indique qu’il est son compagnon de lutte et qu’il ne doute pas de sa moralité.

« C’est lorsqu’il a passé la main à Amadou Toumani Touré que Konaré a vu l’ampleur des magouilles dans lesquelles Soumeylou était trempé », ajoute notre source, qui a côtoyé l’ancien président. C’est la rupture entre le mentor et son protégé. Quand IBK nomme SBM Premier ministre, en 2017, Konaré confie au chef de l’État qu’il vient de se tirer une balle dans le pied.

EN AVRIL 2019, OPPOSITION ET MAJORITÉ S’ACCORDENT POUR DÉPOSER UNE MOTION DE CENSURE CONTRE LE PREMIER MINISTRE

Certains diront que l’avenir lui a donné raison. Pour la première fois dans l’histoire du Mali, en avril 2019, opposition et majorité s’accordent pour déposer une motion de censure contre le Premier ministre. Les députés pointent du doigt son bilan mitigé. Ils lui reprochent son manque de résultats dans la lutte contre l’insécurité et son incapacité à faire face au front social, alors que la grève des enseignants fait planer le spectre d’une année blanche. Boubeye sort la tête basse et laisse seul un IBK qui ne réussira jamais à reprendre totalement le contrôle.

Des griffes acérées

Le régime a été renversé. Assimi Goïta et ses hommes ont pris le pouvoir à deux reprises, en août 2020 et en mai 2021. Leur relation avec Boubeye a d’abord été bonne, Malick Diaw, le président du Conseil national de transition, le connaît de longue date. Un temps, il se disait même que Boubeye leur servait de médiateur à l’international. Ont-ils finalement eu peur de ce sécurocrate ? Voilà en tout cas l’ancien puissant derrière les barreaux.

Selon ses proches, SBM n’a pourtant pas dit son dernier mot. Il croit en sa bonne étoile, en son sens politique et en son réseau. Partout en Afrique de l’Ouest, l’ancien ministre des Affaires étrangères (2011-2012) a des amis. Lorsqu’il a été arrêté, à la fin d’août, le président Alassane Ouattara – qu’il connaît depuis le début des années 1990 – s’est ainsi enquis de ses conditions de détention auprès des autorités maliennes.

En plus de trente ans de carrière politique, plusieurs fois Soumeylou Boubeye Maïga est tombé. Mais il s’est toujours relevé. À chaque fois, il est revenu plus fort. Ces jeunes militaires, que SBM a si longtemps dirigés et surveillés, vont-ils définitivement l’écarter ? Il faut se méfier des vieux tigres, ils gardent longtemps des griffes acérées.

Pollution : vers un traité mondial pour contrer le plastique ?

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Par  Awa Traoré

Militante océan de Greenpeace Afrique, Dakar 

Sur les rives du fleuve Sénégal, à Saint-Louis, en février 2019.

Sur les rives du fleuve Sénégal, à Saint-Louis, en février 2019. © Anita BACK/LAIF-REA

 

Attrayant pour les industriels, le plastique est un produit particulièrement nocif dont il faut stopper la production à grande échelle, si l’on veut éviter un désastre environnemental.

Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (Unep), la pollution est, avec la crise climatique et le recul de la nature, l’une des trois menaces auxquelles notre planète fait face. Et, parmi toutes les sources de pollutions et de déchets, le plastique occupe la première place. Chaque année, les humains produisent 300 millions de tonnes de détritus en plastique, et 11 millions d’entre elles finissent dans les océans. Sans action rapide menée à grande échelle, ces volumes devraient presque tripler d’ici à 2040.

Assaut contre les océans

Dans mon pays, le Sénégal, les artisans pêcheurs et les femmes qui transforment le poisson n’ont pas besoin des rapports de l’ONU pour savoir que cette crise est bien réelle. Les plages et les eaux, qui étaient vierges il n’y a pas si longtemps, sont maintenant infestées de sacs en plastique, d’emballages alimentaires, d’équipements médicaux, de bouteilles et de bouchons d’eau, de déchets provenant de cargos…

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ENVIRON 99 % DU PLASTIQUE DANS LE MONDE EST DÉRIVÉ DE COMBUSTIBLES FOSSILES SALES ET NON RENOUVELABLES

Le Sénégal n’est pas le seul pays dans ce cas : en quelques décennies seulement, chaque recoin urbanisé d’Afrique s’est retrouvé envahi par le plastique. Cette pollution frappe de manière disproportionnée les groupes marginalisés et les pays à faible revenu.

Cet assaut contre nos océans est directement lié au changement climatique et à l’acidification, qui dégradent l’écosystème marin. Environ 99 % du plastique dans le monde est dérivé de combustibles fossiles sales et non renouvelables. D’ici à 2050, le secteur du plastique pourrait représenter 20 % de la consommation mondiale totale de pétrole, et la pollution qu’il engendre, 3 % du budget carbone total de la planète.

La durabilité et le faible coût de ce matériau le rendent attrayant pour les industries. Mais cette résistance au temps fait qu’il est également néfaste à notre santé. Le plastique ne disparaît jamais vraiment. Il se transforme en fines particules, lesquelles sont avalées par les poissons ou les animaux de ferme et éventuellement consommées par les humains à travers leur nourriture et l’eau du robinet.

Colonisation par les déchets

Un océan rempli de plastique signifie donc également des corps humains remplis de plastique. Car l’océan fournit leur principale source de protéines à plus d’un milliard de personnes dans le monde. Au Sénégal, le poisson couvre environ 70 % des besoins en protéines animales de la population. Avaler du plastique peut augmenter le risque de cancer et causer des problèmes hormonaux, qui affectent aussi bien les fruits de mer que ceux qui les consomment.

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LE GÉANT ALLEMAND DU TRANSPORT MARITIME HAPAG-LLOYD A ÉTÉ PRIS EN FLAGRANT DÉLIT ALORS QU’IL TENTAIT D’INTRODUIRE ILLÉGALEMENT 25 CONTENEURS DE DÉTRITUS EN PLASTIQUE

La pêche est le deuxième secteur de l’économie et la principale source de devises étrangères. Les déchets en plastique nuisent à un écosystème déjà fragilisé par la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, la surpêche, la fraude, l’industrie de la farine de poisson, etc.  Le plastique s’écoule parfois dans l’océan avec les courants. Dans d’autres cas, il est volontairement importé en Afrique. Récemment, le géant allemand du transport maritime Hapag-Lloyd a été ainsi pris en flagrant délit de fraude par les douanes sénégalaises alors qu’il tentait d’introduire illégalement 25 conteneurs de détritus en plastique dans le pays.

Il est grand temps de mettre fin à cette colonisation par les déchets, qui touche à la dignité humaine. Elle devrait être remplacée par un engagement inébranlable en faveur du développement durable et, donc, par une grande détermination des pays à lutter contre cette pollution.

Certains s’y essaient. En  2015, le gouvernement sénégalais a décidé d’interdire les sacs en plastique, puis, en 2020, les sachets d’eau et les gobelets en plastique. Bien que les autorités locales n’aient montré que peu d’empressement à mettre en pratique ces mesures, elles ont le mérite d’avoir conduit les ministres de l’Environnement des quinze pays de la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] à envisager  l’interdiction des emballages en plastique dans la région d’ici à 2025.

Vraies fausses solutions

Une prise de position qui mériterait d’être saluée, mais que certaines grandes industries considèrent comme une réelle menace et tentent de contrecarrer en proposant de vraies fausses solutions qui ne favorisent ni le passage d’une économie à usage unique à une économie de réutilisation, ni la réduction des matières en plastique produites. Certaines promettent par exemple de recycler, alors qu’elles se contentent de jeter leurs ordures dans d’autres pays. D’autres placent trop d’espoir dans des technologies immatures. Or ces fausses solutions créent une diversion et font oublier les causes profondes de la crise due aux déchets en plastique. Et permettent à la production de plastiques à usage unique – marchandise préférée des entreprises pollueuses – de perdurer.

Il n’y a qu’une seule vraie solution pour surmonter la crise due à ce produit chimique toxique : mettre fin à sa production de masse. Les gouvernements doivent être concentrés et implacables : l’adoption d’interdictions des plastiques à usage unique et le renforcement de leur application là où elles existent sont essentiels pour que nous puissions demander des comptes aux grandes entreprises. D’autres mesures positives incluent l’investissement dans la recherche et le développement d’autres substances réutilisables comme les bouteilles en verre, les pailles en acier inoxydable ou les cabas, ainsi que l’incitation à les utiliser.

Le Ghana à l’origine de l’appel à un traité mondial

Grâce aux nombres croissants de personnes exigeant une Afrique sans plastique et de pays champions à travers le continent, les avancées sont positives. Avec le Ghana à l’origine de l’appel à un traité mondial sur le plastique, nous pouvons partager les progrès réalisés en Afrique avec le reste du monde. Et alors que le continent ouvre la voie à un avenir sans plastique, nous espérons que la planète se rendra compte que nous refusons le statut de dépotoir mondial. Au lieu de raccourcis colonialistes, les pays devraient investir dans le développement et l’adoption de systèmes d’élimination des déchets et de solutions réutilisables.

Afrique subsaharienne : existe-t-il un marché pour les « constructions durables » ?

Mis à jour le 24 septembre 2021 à 15:11


Construire durablement signifie prendre en compte trois dimensions essentielles : une dimension humaine, puisque le bâtiment doit garantir le confort des utilisateurs ; une dimension environnementale, qui privilégie l’usage de matériaux naturels et renouvelables. Enfin, une dimension énergétique, c’est-à-dire la réduction de la consommation d’énergie.

Résistance aux changements climatiques, optimisation énergétique, amélioration des conditions de vie… Le secteur de la construction multiplie les projets « durables » sur le continent africain, mais leur coût élevé demeure un obstacle. Tour d’horizon.

Les chiffres du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) publié le 9 août sont inquiétants : le réchauffement climatique pourrait atteindre le seuil de +1,5 °C autour de 2030. Plus encore, en 2100, le niveau de la mer aura augmenté de 69 cm à Dakar et de 79 cm à Takoradi (Ghana).

Face à ces défis climatiques – en particulier les inondations et la sécheresse –, le secteur de la construction en Afrique doit s’adapter. Construire durablement signifie prendre en compte trois dimensions essentielles : « Une dimension humaine, puisque le bâtiment doit garantir le confort des utilisateurs ; une dimension environnementale, qui privilégie l’usage de matériaux naturels et renouvelables. Enfin, une dimension énergétique, c’est-à-dire la réduction de la consommation d’énergie », détaille à Jeune Afrique Missira Keita, directrice qualité et développement durable d’Eiffage Sénégal.

POUR LUTTER CONTRE LA CHALEUR, IL FAUT PRIVILÉGIER LA VÉGÉTALISATION

Concrètement, pour construire durablement, plusieurs procédés peuvent être utilisés : des briques à base d’argile plutôt que des parpaings, de la paille pour mieux isoler les constructions – et lutter contre l’entrée de chaleur – ou encore la mise en place de végétalisation « Je crois beaucoup aux toitures végétales. Cela amène une fraîcheur sans aucun coût supplémentaire à l’utilisation », conseille Frédéric Flacassier, directeur Tchad et Centrafrique de Razel Bec.  « Pour cela, il faut construire en béton armé, ce qui est plus cher et plus complexe. Cette solution nécessite d’entretenir la végétation avec un système de goutte-à-goutte mais c’est formidable », explique-t-il.

Le cas du Sénégal

Pour Eiffage Sénégal, « le sujet est plus qu’actuel ». « Quand on répond à la demande d’un client, nous leur proposons différentes solutions dont certaines plus durables », explique Franck Monpate, directeur général délégué d’Eiffage Sénégal.

Plus concrètement, à Dakar, la filiale du groupe français propose désormais le « recyclage » des routes existantes sans recourir à de nouveaux matériaux issus de carrières « Nous sommes les premiers à le faire au Sénégal », se félicite le DG délégué d’Eiffage Sénégal. Autres projets : la pose de panneaux photovoltaïques sur les toits des bâtiments ou encore un système de récupération de l’eau des climatisations.

EN MATIÈRE D’ISOLATION, DE GESTION DES EAUX PLUVIALES, IL Y A ENCORE BEAUCOUP DE CHEMIN À FAIRE

Pour rappel, en 2017, la ville de Dakar s’est dotée d’un Plan climat énergie territorial, conformément aux engagements pris par le Sénégal lors des accords de Paris en 2015. L’objectif étant de réduire de 25 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025 et de 55 % d’ici à 2050. Aussi, dans le cadre du Plan Sénégal émergent (PSE), l’État organise des consultations public-privé afin de réfléchir aux villes durables.

Absence de normes environnementales

Pour autant, la transition vers des constructions plus durables se fera sur le long terme. « En Afrique, on est encore très loin des normes environnementales RT 2000 [norme française dont l’objectif est de réduire les consommations d’énergie de 20 % dans les logements]. On se rapproche plus des méthodes constructives des années 1950. On n’isole même pas. Certes, on utilise de jolis matériaux, on ne fait pas du vieux, mais en matière d’isolation, de gestion des eaux pluviales, des eaux usées, il y a encore beaucoup de chemin à faire », observe Frédéric Flacassier, de Razel Bec.

TRÈS SOUVENT, LES MAÎTRES D’OUVRAGES VONT AU PLUS SIMPLE

De fait, pour que les choses avancent « il faudrait progressivement mettre en place des normes. Par exemple, imposer un tiers de la toiture en panneaux solaires ou des chauffe-eaux solaires partout », avance l’ingénieur français.

Pour Eiffage Sénégal, l’évolution de la situation passe également par la formation des différents acteurs de la filiale. « Nous travaillons activement aujourd’hui pour que nos clients prennent en compte les normes environnementales dans leurs appels d’offres », souligne Missira Keita.

Manque de ressources

En réalité, la mise en place d’infrastructures durables coûte cher. « Tout problème est avant tout économique. Prévoir des bâtiments avec une couverture végétale ou avec des pare-soleil ou des panneaux solaires, c’est coûteux. Très souvent, les maîtres d’ouvrages vont au plus simple car ils veulent gagner un maximum au mètre carré avec un budget restreint », souligne Frédéric Flacassier.

MÊME POUR LES MINISTÈRES OU DES BÂTIMENTS DE PRESTIGE, IL N’Y A PLUS DE MARCHÉ

Aussi, les clients sont favorables aux constructions durables dans la mesure où cela n’engendre pas de coûts supplémentaires « Si demain nous avons une offre qui est 20 % plus chère avec des normes environnementales, elle ne passera pas », regrette le directeur général délégué d’Eiffage Sénégal. Par exemple, les revêtements de couleurs plus claires font baisser la température du sol. Mais, « comme ils coûtent plus cher que le bitume noir, les clients n’y ont pas recours », déplore le directeur général délégué Eiffage Sénégal.

« Même pour les ministères ou des bâtiments de prestige, il n’y a plus de marché », remarque Frédéric Flacassier, de Razel Bec. Dans les années 2010, il y avait les moyens mais pas de volonté. Aujourd’hui, « il y a la volonté mais pas les moyens ».

Face à une croissance démographique qui ne fléchit pas – la population en Afrique subsaharienne devrait doubler d’ici à 2050 – et des besoins massifs en logements, la construction durable ne figure pas en haut de l’agenda public. Pour combien de temps encore ?

Hassoumi Massaoudou: au Mali, pour la Cédéao, «les élections sont notre priorité»

L'actuel ministre des Affaires étrangères nigérien, Hassoumi Massaoudou, en février 2016. Il était à l'époque ministre de l'Intérieur du Niger.

L'actuel ministre des Affaires étrangères nigérien, Hassoumi Massaoudou, en février 2016. Il était à l'époque ministre de l'Intérieur du Niger.
 © ISSOUF SANOGO / AFP

« Si les militaires maliens ne rendent pas le pouvoir en février prochain, les sanctions internationales contre Bamako seront sévères », annonce le ministre des Affaires étrangères du Niger, Hassoumi Massaoudou, à l'issue du sommet extraordinaire de la Cédéao qui s'est tenu jeudi 16 septembre à Accra. Le chef de la diplomatie du Niger dénonce aussi avec force tout projet de faire  venir des mercenaires russes au Mali. Au micro de Christophe Boisbouvier, le ministre nigérien s'exprime en premier lieu sur la mort du chef du groupe terroriste EIGS, annoncée jeudi par le président français.  

RFI : Comment réagissez-vous à l’annonce de la mort d’Adnan Abou Walid al-Sahraoui ?

Hassoumi Massaoudou : Nous sommes bien sûr contents, nous sommes satisfaits de cette annonce, parce que cela va désorganiser l’EIGS, Daesh, dans cette région-là. Cela va l’affaiblir considérablement. C’est une grande victoire, c’est très important, ce qui s’est passé. Et c’est le début de la fin pour l’EIGS. Donc, il y a lieu de saluer les forces armées françaises et de voir les effets importants du sommet de Pau, parce que c’est au sommet de Pau qu’il a été décidé de concentrer les efforts sur cette zone, sur l’EIGS et je crois que les résultats sont plus que satisfaisants. C’est un grand criminel qui est mort et c’est une grande joie pour nous. Et je pense qu’il y a lieu de saluer la coopération entre nos forces et les forces françaises. C’est avec soulagement que nous accueillons sa mort.

Est-ce que le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), le groupe armé de Iyad Ag Ghali pourrait en profiter ?

Je pense que, quand l’un est affaibli, ce n’est pas évident que ce soit le renforcement de l’autre. Dans un premier temps, je  ne sais pas, mais il se peut que le GSIM puisse considérer qu’un de ses adversaires est mort. Mais de toute façon, il y a un continuum entre les deux : l’affaiblissement de l’un ne renforce pas l’autre. Ce n’est pas des vases communicants.

À l’issue de ce sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), quelles sont les décisions ?

Les décisions, c’est la volonté réaffirmée et encore renforcée de la Cédéao de lutter contre ces prises de pouvoir de manière non-constitutionelle, par la force, notamment en Guinée. On demande une transition très courte et la libération immédiate d’Alpha Condé. Donc, on renforce les décisions qui ont été prises. En ce qui concerne le Mali, il y a un renforcement de la volonté de mettre ces militaires-là au ban de la société. Nous considérons que l’évolution actuelle de la situation au Mali ne préjuge rien de bon, parce qu’ils marquent leur volonté, lorsqu’ils disent que les élections ne sont pas leur priorité. Pour la Cédéao, et cela a été réaffirmé : les élections, c’est notre priorité. En février 2022, les élections doivent avoir lieu, sinon nous allons associer l’ensemble de la communauté internationale aux sanctions contre les militaires maliens. Donc, nous exigeons une feuille de route claire pour qu’on aille aux élections. Deuxièmement, nous n’acceptons pas que, dans notre sous-région, des mercenaires viennent s’impliquer, viennent dégrader davantage encore la situation sécuritaire. Donc, par conséquent, la Cédéao condamne cette velléité de vouloir signer un accord avec cette société Wagner de mercenaires russes. Cela est très clair. Donc, là aussi, on tire la sonnette d’alarme. Nous ne pouvons pas accepter que les militaires maliens nous amènent un autre élément hétérogène constitué de mercenaires étrangers dans notre zone. Donc, la Cédéao tient à ce que des mercenaires russes ne soient pas dans notre région pour dégrader davantage la situation sécuritaire.

Est-ce que l’arrivée d’un groupe militaire Wagner au Mali pourrait remettre en cause la Coalition du G5 Sahel ?

Mais certainement. Puisque nous n’acceptons pas la présence de ces gens-là. Et les militaires maliens doivent renoncer sans délai, si cela s’avère, à ce type d’accord, parce que nous n’accepterons pas que des irréguliers étrangers, des mercenaires viennent dans notre sous-région pour davantage dégrader la situation sécuritaire qui est déjà assez grave.

Les autorités de la transition malienne affirment qu’il faut organiser des assises nationales avant d’aller aux élections ?

Non, non… Justement, nous n’acceptons pas. La Cédéao refuse tout autre agenda qui ne soit pas l’organisation des élections pour la fin février 2022. Donc, c’est très clair, tout autre agenda de diversion, parce qu’il s’agit pour nous d’une diversion, et en cela, nous pensons la même chose que la plupart des forces politiques du Mali, nous n’acceptons pas de diversion pour détourner les objectifs qui sont bien assignés à cette transition : la fin des élections à fin février. C’est très clair. Cette diversion ne sera pas acceptée.

Et sur la Guinée. Toujours pas de sanctions économiques. Vous restez sur une position a minimum, juste la suspension…

Elle n’est pas seulement a minimum, elle est juste une transition très courte de six mois. Sinon, nous allons associer, aussi bien pour la Guinée que pour le Mali, toute la communauté internationale et les bailleurs de fonds multilatéraux, les organisations de l’Union européenne, la Banque mondiale, le FMI [Fonds monétaire international], nous allons associer toute la communauté internationale pour qu’elle s’associe à des sanctions sévères contre les contrevenants, contre la volonté de se maintenir au pouvoir, qu’il s’agisse de la Guinée ou qu’il s’agisse du Mali. Donc, cette fois-ci, c’est cela le message, il est beaucoup plus fort. Ensuite, il y a une troisième décision importante, c’est que ce sommet de la Cédéao a décidé de revisiter l’acte additionnel sur la bonne gouvernance de la Cédéao pour prendre en compte toutes ces autres formes de prise de pouvoir, de maintien au pouvoir de manière anticonstitutionnelle.

Et si Alpha Condé est libéré. Dans quel pays d’accueil pourrait-il se retrouver ?

Je n‘en sais rien. Il y a plein de pays qui sont prêts à l’accueillir. Il y a déjà beaucoup de pays qui ont déjà annoncé qu’ils sont prêts à l’accueillir. La question n’est pas celle-là. La question, c’est qu’il soit immédiatement libéré et je pense qu’il n’y aura pas de problème pour l’accueillir. Tous les pays sont prêts pour l’accueillir a priori.

British American Tobacco : corruption sans filtre en Afrique ?

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Mis à jour le 17 septembre 2021 à 11h53



Par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Damien Glez

Une ONG américaine accuse le géant du tabac d’avoir abusivement influencé les politiques de santé d’une dizaine de pays africains, en distribuant plus de 600 000 dollars…

Dur, dur d’être un cigarettier au XXIe siècle ! Quand des soupçons de maltraitance sociale dans les plantations ne déstabilisent pas les manufacteurs de nicotine et quand le sponsoring d’activités sportives censément antinomiques avec la consommation de cigarettes ne crispent pas les gestionnaires de la jeunesse, les géants de la tige à fumer sont accusés de profiter de politiques de prévention laxistes dans de nombreux pays africains. Ceci pour compenser le marasme de leur business dans l’Occident hygiéniste. Et si les géants du tabac ne faisaient pas que profiter des législations ?

Pots-de-vin et financements électoraux

Si l’on en croît l’ONG Stopping Tobacco Organizations and Products (STOP), un délit politique pourrait s’ajouter aux indélicatesses sociales et sanitaires. Dans un rapport publié ce 14 septembre, l’organisation créée par l’ancien maire de New York Michael Bloomberg accuse le géant mondial British American Tobacco d’avoir mis en place un véritable système d’influence illégitime des politiques de santé en Afrique. Bien au-delà du lobbying, la distribution douteuse de 600 000 dollars, dans dix pays africains, entre 2008 et 2013, s’apparenterait à de la corruption…

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CES LARGESSES AURAIENT ÉTÉ SAUPOUDRÉES AU BURUNDI, EN RDC, AU RWANDA, AU SOUDAN…

Ces largesses auraient été saupoudrées au Burundi, aux Comores, en RDC, au Kenya, au Malawi, au Rwanda, au Soudan, en Tanzanie, en Ouganda et en Zambie, sous forme d’espèces sonnantes et trébuchantes, mais aussi de voitures ou de dons lors de campagnes électorales.

Les bénéficiaires seraient des responsables politiques, des employés d’entreprises concurrentes ou des fonctionnaires chargés de réguler l’industrie du tabac. Le présumé corrupteur aurait eu accès à des projets de lois qu’il aurait influencé en suscitant secrètement des amendements.

L’ONG STOP emboîte le pas aux productions journalistiques, notamment celle de la BBC et d’un consortium de journalistes britanniques qui accuse le même cigarettier d’avoir payé, en 2013, 500 000 dollars de pots-de-vin au parti de l’ancien président zimbawéen Robert Mugabe. Pour l’heure, British American Tobacco nie, mettant en avant les résultats d’une récente enquête de l’organisme britannique anti-fraude qui avait classé sans suite une procédure pour suspicion de corruption.

L’Afrique, nouvel eldorado

Corruption ou pas ? De nos jours, le groupe des sixties The Nashville Teens écrirait sans doute son titre Tobacco Road en Afrique. Un rapport de l’OMS démontre que l’Afrique, depuis deux décennies, est le nouvel eldorado des cigarettiers. La production de feuilles de tabac y est croissante, notamment en Afrique de l’Est, alors même qu’elle recule à l’échelle mondiale. Entre 2000 et 2018, le nombre de fumeurs africains est passé de 64 à 73 millions, alors qu’il diminuait de 60 millions à travers le monde.

Les pratiques marketing agressives de l’industrie de la cigarette ont beau jeu de surfer sur cette tendance qui s’appuie de surcroît sur la croissance démographique du continent. Tant qu’elles ne franchissent pas la frontière de la corruption…