Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

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L’Union africaine lance un ultimatum aux militaires nigériens

L’Union Africaine exige le « rétablissement de l’autorité constitutionnelle » sous 15 jours au Niger et menace la junte de sanctions, après le coup d’État contre le président Mohamed Bazoum.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 29 juillet 2023 à 11:50

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Des partisans des putschistes nigériens, à Niamey, le 27 juillet 2023. © AFP

Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) « exige des militaires le retour immédiat et sans condition dans leurs casernes et le rétablissement de l’autorité constitutionnelle, dans un délai maximum de quinze jours » au Niger, selon un communiqué publié après une réunion de l’organisation vendredi 28 juillet.

« Libération immédiate »

Le Conseil « se déclare profondément préoccupé par la résurgence inquiétante des coups d’État militaires » sur le continent et condamne « avec la plus grande fermeté » la prise de pouvoir des militaires à Niamey contre un président « démocratiquement élu », dont elle réclame la « libération immédiate ». L’organisation panafricaine se dit prête à prendre « toutes les mesures nécessaires, y compris des sanctions punitives, à l’encontre des auteurs, au cas où les droits des détenus politiques ne seraient pas respectés ».

À LIRECoup d’État au Niger : quel rôle a joué Mahamadou Issoufou ?

Cette déclaration survient alors qu’« un sommet spécial » de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), à laquelle appartient le Niger, doit avoir lieu dimanche à Abuja pour évaluer la situation, avec de probables sanctions à la clé.

(Avec AFP)

Au Mali, tueur en série et meurtres par décapitation

En l’espace de trois ans, dix personnes ont été tuées dans la petite commune de Fana, dans le sud du Mali. Une onzième à Bamako. Des assassinats sordides sur fond de superstitions.

Mis à jour le 28 juillet 2023 à 08:09
 
 
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La ville de Fana, dans le sud du Mali, où ont eu lieu dix assassinats, avec dix têtes coupées. © MONTAGE JA : MICHELE CATTANI/AFP

 

CES AFFAIRES CRIMINELLES QUI ONT PASSIONNÉ L’AFRIQUE (5/5) – Il y avait​​ bien eu quelques saisies de cannabis, des soupçons d’abattage illégal d’ânes pour revendre leur viande, parfois même des vols de bétail. Mais, à en croire les journaux locaux, rien, en matière de criminalité, ne distinguait Fana des autres communes du Mali.

À LIRE[Série] Évasions, meurtres, tueurs en série… Ces affaires criminelles qui ont passionné l’Afrique

Jusqu’en 2018 du moins. À partir du 13 mai de cette année-là, cette localité de 36 000 âmes, située au bord de la nationale, à 130 km à l’ouest de Bamako, fait la une de la presse. L’affaire, reprise dans les médias internationaux, verse dans l’horreur : onze assassinats, onze têtes coupées – dont deux n’ont jamais été retrouvées. Des victimes de tous âges, dont le sang aurait parfois été prélevé, à en croire les enquêteurs.

Pendant trois ans, Fana a vécu au rythme de ces assassinats sordides, jusqu’à l’interpellation, en août 2021, d’un homme d’une quarantaine d’années. Dans l’attente de son jugement, il est détenu à la maison d’arrêt centrale de Bamako.

À LIRESalif Keïta rend hommage à une fillette albinos assassinée lors d’un concert à Fana, au Mali

Les atrocités commencent avec le meurtre de Ramata Diarra. La fillette, âgée d’à peine cinq ans, est la première de la série macabre. Son assassinat provoque une onde de choc au Mali. Aux premières heures de l’enquête, la thèse d’un crime rituel est privilégiée. Ramata était en effet atteinte d’albinisme, une affection génétique qui suscite craintes et superstitions sur le continent. La mort de l’enfant fait réagir des personnalités, comme le musicien Salif Keïta, très engagé dans la défense des albinos. Mais l’hypothèse est vite abandonnée car la seconde victime, elle, n’est pas porteuse de ce trouble de la pigmentation. L’enquête reprend à zéro.

Une fillette, un réparateur de radio, un gardien

Pendant que les décapitations se succèdent, la police peine à identifier des suspects. Les éléments matériels retrouvés sur les scènes de crime ne donnent rien. Et il n’y a pas de lien apparent entre les victimes (dont les noms n’ont pas tous été rendus public à ce jour). Rien, donc, qui permette de remonter jusqu’au tueur.

 

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Un gendarme malien, le 30 juin 2020, devant la maison où le corps d'un ancien soldat a été retrouvé décapité vingt jours plus tôt. © MICHELE CATTANI/AFP

Que peuvent bien avoir en commun une fillette albinos, un ancien soldat, un électricien et le gardien d’une antenne relais ? Il faudra attendre la dixième victime pour obtenir une ébauche de réponse. Dans la nuit du 1er au 2 août 2021, Aghibou Bagayoko, un vendeur ambulant âgé d’une vingtaine d’années, est retrouvé décapité, chez lui, à Fana.

Les services de police, qui connaissaient bien le jeune homme, passent au crible ses fréquentations. Le procureur de la ville, Boubacar Moussa Diarra, fait procéder à l’interpellation de tous les membres de son grin – au Mali, ce terme désigne un groupe informel qui se réunit pour discuter et prendre le thé dans un lieu donné.

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Parmi ses fréquentations, banales, se distingue un certain Aldiouma Djibo. Ce quadragénaire isolé, sans profession ni domicile fixe gravite autour du groupe de jeunes. À l’époque, il partage la chambre d’Aghibou Bagayoko, qui a accepté de l’héberger temporairement. Les habitants du quartier de Badialan, dont sont originaires plusieurs des victimes, le connaissent bien. Il traîne ses guenilles dans le coin, « a l’air d’un fou », rapportent certains témoins, mais « s’exprime très bien », et personne ne le pense dangereux.

Depuis la mort d’Aghibou Bagayoko, Djibo a pourtant disparu. Les services de police croient dans un premier temps qu’il est mort, victime lui aussi du décapiteur en série. Mais, quelques jours plus tard, on l’aperçoit dans une station-essence de la capitale, où il est appréhendé. Niant toute implication, le suspect affirme d’abord avoir pris la fuite en entendant les assassins arriver. Son récit ne convainc pas les enquêteurs : pourquoi n’a-t-il pas pris soin de prévenir son voisin de chambrée, afin qu’il puisse également se sauver ?

Colère et vengeance

Les mois passent. Enfermé entre les quatre murs d’une cellule, Djibo refuse de passer aux aveux devant le procureur. Il commence toutefois à se confier à ses codétenus, leur confesse ses crimes et dit sa crainte d’en subir les conséquences. Il finira par reconnaître tous les faits, le 22 décembre 2022. Objets emportés, description précise des lieux… Il donne des détails « que seul l’assassin pouvait connaître », confie une source judiciaire.

Ses aveux permettent de comprendre son mobile. « L’ensemble des meurtres ont été commis à la suite d’altercations avec les futures victimes », explique notre interlocuteur. Le meurtre de Ramata n’échappe pas à la règle. « Il visait la mère de l’enfant. Quelques jours plus tôt, il aurait eu une querelle avec elle au marché. Mais, lorsqu’il s’est rendu dans leur maison, elle était absente. Il s’en est donc pris à sa fille pour se venger », poursuit-il.

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Les autres décapitations s’expliqueront, à quelques détails près, de la même manière. « Il passe à l’acte quand on le menace, résume une source qui a enquêté sur l’affaire. Il tue de peur d’être tué. »

Le meurtre de Bemba Traoré, électricien ? Ce dernier aurait mal réparé la radio que Djibo lui avait confiée, et aurait refusé de le rembourser. La onzième et dernière victime, un marginal qui vivait dans la rue, à Bamako ? Il aurait menacé Djibo, pensant que celui-ci tentait de lui dérober ses effets.

Zones d’ombre

 

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Devant l'entrée de la Maison centrale d'arrêt de Bamako, le 3 juillet 2020. © MICHELE CATTANI/AFP

Le meurtrier présumé, qui risque jusqu’à la peine de mort (elle n’est cependant plus appliquée au Mali), n’a pas encore livré tous ses secrets. Une information judiciaire est en cours. Son état de santé mentale sera évalué afin qu’il soit jugé en conséquence.

Autre point à élucider : a-t-il bénéficié de complicités ? Pour le savoir, les autorités judiciaires devront déterminer si le sang des victimes a bien été recueilli par le ou les tueurs. « Si elles avaient été égorgées tandis qu’elle étaient encore en vie, ce qui reste à établir, il aurait dû y avoir beaucoup de sang sur les scènes de crime. Or ce n’était pas le cas. Cela pourrait signifier que le sang a été récupéré et que le suspect avait des complices », précise une source proche du dossier.

Reste une ultime question, sans doute la plus délicate : pourquoi le tueur en série a-t-il décapité ses victimes ? « Il a expliqué qu’il avait choisi ce mode opératoire pour être sûr qu’elles seraient bel et bien mortes et ne pourraient pas le dénoncer », confie notre interlocuteur.

C’est aussi par superstition que le meurtrier présumé a emporté certaines têtes, convaincu que l’image d’un assassin reste imprimée sur l’iris de sa victime. Deux fois, alors, il s’est assuré que personne ne pourrait voir son visage dans les yeux des défunts.


Une série en cinq épisodes :

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Haine en ligne : le bilan en demi-teinte de l’Arcom

Analyse 

L’Arcom (ex-CSA) a publié, lundi 24 juillet, un bilan sur la lutte contre la diffusion de contenus haineux en ligne. Si les très grandes plateformes semblent avoir anticipé certaines des nouvelles obligations auxquelles elles seront soumises d’ici à un mois sur le sol européen, leur politique de modération manque toujours de transparence.

  • Mélinée Le Priol, 
Haine en ligne : le bilan en demi-teinte de l’Arcom
 
L’Arcom attire notamment l’attention sur TikTok, qui est depuis des mois dans le viseur des autorités.SOMMERSBY/STOCK ADOBE

C’est « souvent avec un certain succès » que les réseaux sociaux ont conçu, ces derniers mois, des solutions pour « modérer et atténuer les usages abusifs les plus manifestement préjudiciables de leurs services ». Telle est l’une des conclusions, en forme d’encouragement, du dernier bilan de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA) sur les moyens mis en œuvre par ces opérateurs pour lutter contre la haine en ligne.

Rédigé à partir d’observations de l’Arcom et des déclarations de treize plateformes (Twitter, YouTube, Dailymotion, TikTok, ou encore Instagram et Facebook, du groupe Meta), ce bilan a été rendu public lundi 24 juillet, à un mois de l’entrée en vigueur du Règlement sur les services numériques (RSN, ou DSA en anglais). Cela sera le 25 août prochain pour les plus grandes plateformes, et en février 2024 pour celles de moins de 45 millions d’utilisateurs européens.

Fin août, « l’heure de vérité »

En présentant ce rapport à la presse, le président de l’Arcom, Roch-Olivier Maistre, a insisté sur le fait qu’il paraît « dans une période de transition » : « Nous sommes en train de passer d’une réglementation nationale à une réglementation européenne. » Jusqu’ici, en effet, les réseaux sociaux s’autorégulaient, éventuellement encadrés par de premiers textes législatifs dans certains États membres. En France, la loi confortant le respect des principes républicains (adoptée à l’été 2021) réglementait la lutte contre la haine en ligne. Elle disparaîtra en février 2024, au profit du RSN.

En présentant leur bilan, les porte-parole de l’Arcom ont fait état d’une « certaine fébrilité » des plateformes, apparemment soucieuses de se mettre en conformité avec le texte européen déjà « plusieurs mois » avant son application. Les sanctions seront, de fait, autrement plus dissuasives qu’aujourd’hui : si ces entreprises ne respectent pas leurs obligations en matière de désinformation, de piratage en ligne et de discours de haine, elles pourront écoper d’amendes allant jusqu’à 6 % de leur chiffre d’affaires mondial. En tout dernier recours, une suspension temporaire de leurs services est possible.

En attendant « l’heure de vérité » du 25 août, selon le mot de Roch-Olivier Maistre, que font déjà ces opérateurs contre la haine en ligne ? Le nerf de la guerre reste la modération des contenus. Si les réseaux sociaux ne sont pas tenus de surveiller les contenus publiés sur leurs services (car ils ne sont pas considérés comme des éditeurs, mais de simples « hébergeurs »), ils doivent néanmoins retirer ceux d’entre eux qui sont manifestement illicites dès lors qu’ils leur ont été signalés.

Combien de modérateurs ?

Pour cela, des outils de signalement existent, mais y accéder est trop souvent conditionné « au clic sur un bouton dont l’intitulé est peu explicite », déplore l’Arcom. Sur YouTube, il faut se rendre sur une page intitulée « À propos » : pas très intuitif. Quant à Snapchat, l’utilisateur souhaitant signaler un compte auquel il est abonné en raison d’un comportement illicite doit d’abord cliquer sur l’intitulé « Gérer l’amitié » !

Autre mauvais signal : la plupart des plateformes continuent de refuser de divulguer publiquement leur nombre de modérateurs francophones. Autorités et associations soupçonnent ces « nettoyeurs du Web » employés par des sous-traitants d’être trop peu nombreux pour faire face à la masse de contenus en circulation. Les seuls à avoir autorisés l’Arcom à publier leurs chiffres sont Dailymotion, Linkedin, Wikipédia et Twitter. Ce dernier, rebaptisé « X » le 24 juillet, déclare disposer de 149 modérateurs, « dont des francophones ».

L’Arcom attire aussi l’attention sur TikTok, qui est depuis des mois dans le viseur des autorités. Quand un utilisateur conteste une décision de modération, le réseau social finit par infirmer le choix initial du modérateur dans 40 % des cas. « Est-ce le signe d’une surmodération, de modérateurs insuffisamment formés, ou d’un manque de clarté dans les règles de TikTok ? » s’interroge Benoît Loutrel, membre du collège de l’Arcom.

Le rapport souligne en tout cas la « bonne coopération » des plateformes avec les autorités judiciaires et administratives : dans près de 85 % des cas, ces entreprises répondent aux demandes d’information des autorités françaises afin d’identifier l’auteur potentiel d’un contenu haineux en ligne.

En Mauritanie, le coton du Mali est-il vraiment promis à un avenir radieux ?

Si la réactivation du corridor Bamako-Nouakchott en 2022, à la suite des sanctions de la Cedeao contre le régime d’Assimi Goïta, avait suscité de grands espoirs pour les exportations d’or blanc, beaucoup reste à faire pour pérenniser cette voie.

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Mis à jour le 23 juillet 2023 à 10:01
 
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Vue générale du port autonome de Nouakchott, le 22 mars 2023. © MARCO LONGARI/AFP

 

Malgré l’espoir suscité, le soufflé est retombé. Tel est l’état des lieux concernant le corridor mauritanien, utilisé en 2022, en pleine période de sanctions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) contre Bamako, pour exporter le coton malien issu de la campagne 2021-2022.

À LIREMali : crainte pour le coton après les sanctions de la Cedeao

Très médiatisée et présentée comme une preuve de la solidarité entre les deux pays voisins, l’opération a permis l’évacuation de l’or blanc du Mali via Nouakchott, la Mauritanie, sortie de la Cedeao depuis 2000, s’étant dissociée des sanctions. Cette opération cotonnière devait aussi marquer une nouvelle ère des échanges bilatéraux. Plus d’un an a passé, et le bilan est mitigé : le corridor, bien que prometteur, peine à décoller.

Réussite logistique

L’élan était pourtant réel au début de 2022. Connu de longue date mais en sommeil, le canal Bamako-Nouakchott est réactivé en réponse aux sanctions régionales imposées au Mali du colonel Assimi Goïta. Après des discussions en haut lieu, des rencontres ministérielles et des missions techniques, un premier convoi de 53 camions transportant 1 600 tonnes d’or blanc de la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT) quitte Kati, à 15 kilomètres de Bamako, le 25 février.

Une semaine plus tard, le 4 mars, après avoir parcouru 1 500 kilomètres en passant par Nioro du Sahel, en franchissant la frontière à Gogui et en empruntant la « route de l’espoir » qui relie Néma à la capitale mauritanienne, il arrive au port autonome de Nouakchott en fanfare. Et pour cause.

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Au-delà de la réussite logistique, l’opération, suivie d’autres, offre un regain d’activité au port de Nouakchott, et permet au Mali d’envoyer un signal à la Cedeao : la fermeture des deux canaux historiques d’exportation de son or blanc, Dakar et Abidjan, n’empêche pas Bamako d’honorer ses contrats de fourniture via deux autres corridors, Nouakchott et Conakry, à hauteur de 30 000 tonnes chacun.

C’EST UN AXE SUR LEQUEL POURRAIENT TRANSITER DES DIZAINES DE MILLIERS DE CAMIONS, MAIS CE N’EST PAS LE CAS AUJOURD’HUI

Même si, in fine, ces volumes n’ont pas été atteints et même si des balles ont continué à transiter par les ports habituels, l’opération reste un succès qui ouvre la voie à un accroissement des échanges mauritano-maliens. L’avancée est non négligeable alors que les relations bilatérales auraient pu se tendre, des assassinats de Mauritaniens (commerçants et éleveurs venus ravitailler leur bétail) étant intervenus à la même époque au Mali.

Accords bilatéraux

Sauf qu’une fois les sanctions de la Cedeao levées, en juillet 2022, l’enthousiasme est vite retombé. Si le flux de produits maliens (coton, manganèse…) n’a pas disparu, il s’est fortement réduit. La fièvre, qui a un temps animé l’entrepôt malien créé à côté du port de Nouakchott, s’est estompée.

Les six accords bilatéraux de coopération signés en 2016 et celui paraphé en février 2022 par les chambres de commerce des deux pays pour faciliter les transactions transfrontalières n’y ont rien changé. « C’est un axe sur lequel pourraient transiter des dizaines de milliers de camions, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui », commente un connaisseur du sujet côté malien.

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Ainsi, les importations mauritaniennes en provenance des pays voisins émanent principalement du Maroc, du Sénégal et de l’Algérie mais pas du Mali, selon les statistiques officielles (pour le quatrième trimestre 2022) du commerce extérieur.

« Depuis la crise ivoirienne de 2002, l’essentiel des échanges extérieurs du Mali transite par le port de Dakar », à hauteur de 70 % des importations des marchandises solides et liquides en 2018, quand la liaison Bamako-Abidjan « constitue le deuxième corridor d’approvisionnement du Mali tant à l’importation qu’à l’exportation avec plus de 20 % du trafic », peut-on lire dans les rapports 2020 du vérificateur général malien sur la gestion des entrepôts du pays au Sénégal et en Côte d’Ivoire.

Dakar et Abidjan en force

De fait, les corridors historiques, Dakar et Abidjan-San Pedro, conservent leur force, en particulier sur le coton. Lors de la dernière campagne 2022-2023, la récolte malienne, par ailleurs en forte baisse avec un volume de 390 000 tonnes contre 770 000 en 2021-2022, a été majoritairement exportée via ces deux ports.

Le patron de la CMDT, Nango Dembélé, qui avait fait le trajet Kati-Nouakchott en 2022 à grand renfort de communication, a mis l’accent cette année sur son déplacement en Côte d’Ivoire. En avril, après une rencontre avec la direction du port autonome d’Abidjan, il s’est rendu à San Pedro pour visiter les entrepôts AGL (ex-Bolloré), Movis et Atelog, utilisés jusqu’à présent, et, surtout, les nouveaux Entrepôts maliens en Côte d’Ivoire (Emaci) en construction, preuve de l’avenir de cette voie.

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Et, s’il y a un nouvel entrant à signaler, il n’est pas mauritanien mais guinéen. Ouverte un mois après celle de Nouakchott en mai 2022, avec un convoi inaugural de 30 camions transportant 1 000 tonnes de coton, la voie Bamako-Conakry (environ 900 km) s’est installée, ayant à nouveau été utilisée lors de la dernière campagne.

Bureaucratie et sécurité

Plus courte et praticable (la route est en train d’être réhabilitée) que l’axe Bamako-Nouakchott, elle débouche sur le port autonome de Conakry dont le terminal vraquier, géré par le groupe turc Albayrak, affiche de bonnes performances en matière de stockage et d’empotage. Sans oublier les efforts pour s’aligner sur les tarifs pratiqués entre Bamako et Abidjan ou Dakar.

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Autrement dit, le corridor mauritanien doit réagir s’il veut prendre sa part du trafic. Plusieurs points jouent en sa défaveur : la barrière de la langue (arabe contre français ailleurs) qui complique les démarches administratives, la question sécuritaire alors que la région frontalière est placée en zone rouge, ce qui n’est pas le cas du Sénégal et de la Guinée, la persistance de la bureaucratie au niveau des douanes et du port, l’importance des échanges informels transfrontaliers qu’une structuration des flux viendrait déranger.

Pour autant, les opérateurs privés de la logistique se disent prêts à investir dans un port sec à Gogui, convaincus du potentiel à exploiter. « Cette route a un avenir, assure l’un d’entre eux, ne serait-ce que parce que le Mali et tous les pays de l’hinterland ont besoin de flux logistiques diversifiés. »