A la Une: au Niger, épilogue provisoire dans l’affaire du trafic de bébés

 
© AFP/Pius Utomi Ekpei

Le principal opposant nigérien Hama Amadou, en exil en France, a donc été condamné hier lundi par la Cour d’appel de Niamey à un an de prison ferme pour son implication dans cette désormais tristement célèbre affaire de trafic international de bébés. Une affaire qui empoisonne le climat politique nigérien depuis deux ans et qui suscite bien des commentaires dans les médias de la sous-région.

Ainsi, pour le quotidien Le Pays au Burkina, « si l’objectif du président Mahamadou Issoufou était de détruire politiquement son adversaire Hama Amadou, on peut dire qu’il l’aura atteint. Car, non seulement il a réussi à nuire à la réputation de l’homme, mais aussi à mettre du sable dans son couscous lors de la dernière présidentielle. Ainsi va la politique en Afrique. Quand on entre en dissidence avec le régime en place, il faut s’attendre à tout. (…) Cela dit, tempère Le Pays, s’il est vrai que d’aucuns ont vite fait de parler de cabale politique contre Hama Amadou qui fut un allié de Mahamadou Issoufou, il faudrait cependant savoir raison garder. Car, à tout point de vue, Hama Amadou n’a pas non plus présenté un comportement qui laissait peu de place au doute dans ce dont on l’accuse. En effet, s’interroge le quotidien burkinabé, pourquoi avoir, dans un premier temps, fui son pays alors même que son épouse était déjà en prison ? Pourquoi avoir refusé le test d’ADN qui, à lui seul, suffisait pour établir ou non sa culpabilité ? Ne s’agit-il pas là d’une stratégie visant à donner une dimension politique à l’affaire pour finalement jouer les victimes ? Cela y ressemble fort, tant Hama Amadou n’a, selon toute vraisemblance, rien fait pour prouver son innocence, si ce n’est crier au complot. »

Exil définitif ?

« Véritable scandale sociopolitique ou simple cabale pour liquider une personnalité qui a toujours été le trublion de la scène politique nigérienne ? », s’interroge L’Observateur Paalga, toujours au Burkina. « Quoi qu’il en soit, le jugement a eu lieu, mais on ne saura jamais la vérité, pointe le quotidien burkinabé. Les enfants supposés sont-ils oui ou non ceux d’Amadou et d’Hazida Hama ? Le couple et le Bon Dieu le savent, l’opposant s’étant toujours refusé à se plier au test de paternité (…). A-t-il donc préféré que tout le monde reste dans le doute, ce qui laisse bien sûr libre cours à toutes sortes de spéculations ? C’est la question qu’on est en droit de se poser. Dans tous les cas, estime encore L’Observateur Paalga, il faudra bien que l’ancien prisonnier de Filingué rentre un jour au pays pour affronter courageusement son destin, s’il ne veut pas, au-delà de la condamnation judiciaire, se condamner lui-même à un exil définitif. Ce qui serait la pire des sentences et équivaudrait à une mort politique. »

Acharnement ?

Pour Ledjely.com en Guinée, il s’agit d’un « verdict-acharnement contre Hama Amadou : la sentence prononcée hier s’inscrit dans la logique de ce constant travail de sape destiné à pourrir la vie de l’opposant et à le ruiner politiquement, estime le site guinéen. Déjà, en le contraignant à rester loin du pays, le pouvoir de Niamey le prive du très indispensable contact avec ses potentiels électeurs. (…) Et avec le verdict d’hier, il pourrait avoir délivré l’estocade à son adversaire le plus en vue. Son casier judiciaire étant désormais entaché par cette condamnation, c’est l’éligibilité de Hama Amadou qui demeure en suspens… »

Question éthique

Règlement de compte politique ou pas, ce qui est sûr, estime pour sa part Aujourd’hui à Ouaga, c’est que « le trafic de bébé devient un problème sous-régional sur lequel il faut se pencher. Au-delà de Hama, dont l’affaire a inhibé sa carrière politique, que ce soit dans les rues de Ouaga, Niamey, Cotonou, Lomé ou Abidjan, les histoires de bébés qu’une certaine bourgeoisie s’offre à coup de millions sont contées, des noms d’acheteurs cités. Des histoires invérifiables du reste, en tous cas pas au niveau du profane même si quelques fois, le fait de ne jamais voir une femme enceinte et subitement de la voir tenant des jumeaux fait sourire. Le trafic des bébés selon des témoignages aurait sa source à Ore, une ville du Nigéria où les femmes se rendent pour revenir 'cadeautées' de ces petits êtres si chers. »

Alors, conclut Aujourd’hui, « au-delà de l’emblématique Hama, dont le cas intéresse pour des raisons politiques, il y a lieu peut-être d’investiguer en profondeur. Car la question éthique se pose : (…) un bébé ne s’achète pas au marché (…). Pourquoi diantre ne pas aller adopter en bonne et due forme dans une pouponnière ? »