Sur le site du journal "La Croix" le 18 novembre 2016

La retransmission du discours improvisé du pape François auux responsables de Caritas hier, a été soudainement coupée au moment où il abordait ses lliens avec la Curie.

 Caritas

Mgr Tagle, président de Caritas Internationalis, en visite auprès des survivants du tremblement de terre à Kitar (Népal), en avril dernier. / Trócaire/Shahid Khan/Caritas Internationalis

Rome

De notre envoyé spécial permanent

« Vous pouvez écouter sagement mon discours puis je pars, ou je peux entendre d’abord ce qui est dans vos esprits et parler. » Laissant le discours qu’il avait préparé, le pape François a créé la surprise, hier, lors de sa rencontre au Vatican avec les responsables mondiaux de Caritas. Engageant un dialogue libre et ouvert avec eux, comme il aime à le faire régulièrement, le pape s’est alors lancé dans une conversation à bâtons rompus. « Que le plus courageux commence », a-t-il lancé, alors que les participants semblaient hésiter à le questionner.

Au fil de ses réponses, le pape a parlé de « laboratoire de la cruauté » à propos de la situation en Syrie. Il a appelé, comme il l’avait fait en Suède, déjà devant Caritas, à une « révolution de la tendresse ». « Face à la culture du déchet, à l’idéologie du dieu argent, je crois que la grande maladie est la sclérose du cœur », a-t-il affirmé.

Puis le pape François s’est exprimé sur le statut de Caritas Internationalis, sujet qui avait été à l’origine d’une crise entre la fédération et la Curie sous le pontificat de Benoît XVI. « Je ne voudrais pas que Caritas soit une institution dépendant du pape, du Saint-Siège, de Cor unum, de Justice et Paix. Non, a-t-il lancé. C’est une fédération de Caritas diocésaines, liée au Saint-Siège, aux côtés du Saint-Siège… »

La suite des propos de François, le Vatican ne l’a pas diffusée, la retransmission entre la Salle clémentine du Palais apostolique, où se tenait la rencontre, et la Salle de presse ayant alors été brutalement coupée. Aucun texte du pape n’a ensuite été diffusé pour la raison que cette audience, pourtant annoncée dès la veille dans l’agenda officiel du pape s’était soudainement transformée en « audience privée » dont la Secrétairerie d’État, a-t-on fait savoir aux journalistes, ne souhaitait pas diffuser le texte. Seul celui que devait prononcer le pape, mais qu’il avait renoncé à lire, a été diffusé, considéré comme « remis » aux participants, ce qui dans le langage du Vatican signifie qu’il doit être considéré comme lu.

C’est que, en s’exprimant comme il l’a fait, le pape François s’est exprimé à rebours de son prédécesseur Benoît XVI qui avait tenu à renforcer les liens entre la Curie romaine et Caritas Internationalis. En 2011, le Saint-Siège avait même refusé de renouveler le mandat de la secrétaire général, l’Américaine Lesley-Ann Knight.

À l’époque, une sourde rivalité opposait le cardinal Oscar Maradiaga, président de Caritas, au cardinal Robert Sarah, alors président du Conseil pontifical « Cor unum ». Celui-ci souhaitait que Caritas affirme plus clairement son identité catholique. Il l’avait alors emporté et, en mai 2012, un décret du secrétaire d’État avait précisé l’articulation entre la fédération et le gouvernement de l’Église. Le Conseil pontifical « Cor unum » avait alors reçu une véritable tutelle sur Caritas. Celle-ci sera prochainement exercée par le futur dicastère pour le développement humain intégral.

Sans aller aussi loin que dans son libre propos, le pape François rappelait d’ailleurs, dans son texte initial, que les Caritas « ne sont pas des organismes sociaux, mais des organisations ecclésiales qui partagent la mission de l’Église » et dont la mission est d’« aider le pape et les évêques dans leur ministère de la charité ». Il les appelait alors non seulement à « l’efficacité des aides », « mais surtout à se faire proche, à accompagner, avec une attitude fraternelle et de partage, les plus défavorisés ».

Nicolas Senèze