Histoire

Histoire générale de l'Afrique

A propos du Projet

L’UNESCO a lancé en 1964 l’élaboration de l’Histoire générale de l’Afrique pour remédier à l’ignorance généralisée sur le passé de l’Afrique. Pour relever ce défi qui consistait à reconstruire une histoire de l’Afrique libérée des préjugés raciaux hérités de la traite négrière et de la colonisation et favoriser une perspective africaine, l’UNESCO a fait appel aux plus grands spécialistes africains et internationaux de l’époque. L’élaboration des huit volumes de l’Histoire générale de l’Afrique a mobilisé plus de 230 historiens et autres spécialistes pendant plus de 35 années.

L’Histoire générale de l’Afrique est une œuvre pionnière, à ce jour inégalée dans son ambition de couvrir l’histoire de la totalité du continent africain, depuis l’apparition de l’homme jusqu’au enjeux contemporains auxquels font face les Africains et leurs Diasporas dans le monde. C’est une Histoire qui ne laisse plus dans l’ombre la période précoloniale et qui insère profondément le destin de l’Afrique dans celui de l’humanité en mettant en évidence les relations avec les autres continents et la contribution des cultures africaines au progrès général de l’humanité.

La collection complète est publiée en huit volumes. Les chapitres des différents volumes sont abondamment illustrés de cartes, figures, chiffres et diagrammes et de sélection de photographies en noir et blanc. Les textes sont, pour la plupart, complétement annotés et sont tous complétés par une importante bibliographie et un index.

Ces dernières années, l'UNESCO a entrepris la préparation et la rédaction de trois nouveaux volumes de la HGA (volumes IX, X et XI).

 

ACTUALITÉS

Sénégal: l’extraordinaire histoire de clichés de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme

 

C’est un pan de l’histoire du Sénégal qui vient de resurgir du passé. Six photos, jaunies par le temps et sur lesquelles on peut voir Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de l’importante communauté Mouride, décédé en 1927. La découverte est importante, car une seule image du leader religieux était jusqu’ici connue et reproduite d’ailleurs partout dans le pays. Ces photos ont été achetées à Lyon début mars lors d’une vente aux enchères, après de multiples péripéties, par un collectif de la communauté mouride

Format 7 centimètres sur 4. Dans la marge en bas, il est écrit à l’encre « Le Serigne Amadou Bamba ». Le chef religieux, souvent nommé Sérigne Touba, se tient debout, les mains dans le dos. Son turban, le « kaala » en wolof, ne laisse voir que ses yeux, mais on devine un sourire.

Sur une autre image, Cheikh Ahmadou Bamba, une truelle à la main, est en train de sceller une pierre. Ce second cliché est capital, car il a permis de reconstituer l’histoire de ces clichés, de confirmer que c’est bien le fondateur de la confrérie mouride qui apparait sur ces photos. L’enquête ouverte en 2020 a été d’ailleurs organisée et menée par le collectif qui a acheté les photos.

 

Ci-dessous, un cliché de Cheikh Amadou Bamba, debout, portant un turban rappelle la seule photo connue de lui durant des années.
 © Maison De Baecque

 Le Serigne phot 1


Une grande enquête

16 avril 2020. Les clichés sont mis en vente sur un site réputé pour la cession de cartes postales anciennes. Le vendeur, un marchand français, Matthieu Robelin, est respecté dans le domaine. Mais dans un premier temps, il n’a aucune notion de la valeur de ces clichés. « J’ai acheté cet album de photographies à un brocanteur qui se trouvait dans le sud de la France, explique-t-il à RFI. Elles n’étaient pas mises en valeur ». Chaque tirage est donc mis aux enchères avec un prix de départ de cinq euros. Ces prix vont s’envoler lorsque des membres de la communauté mouride découvrent la mise en vente. « La photo du chef religieux debout de face est montée jusqu’à 46 000 euros. Les autres autour de 500 euros », ajoute le vendeur. Au bout de trois semaines, le site internet préfère annuler toute transaction. S’engage alors une polémique, car certains estiment que ces photos ne représentent pas Cheikh Ahmadou Bamba. 

Un collectif se forme, nommé la plateforme de recherche sur le mouridisme, « Dîwânul Mahaârif » en wolof. En tout, près de cinquante personnes : des professeurs, chercheurs, spécialistes des sciences religieuses, de l’histoire de l’islam et du Mouridisme, des sociologues décident de mener l’enquête. Ils découvrent que les clichés de Cheikh Ahmadou Bamba sont issus d’un album plus important dans lequel ils découvrent des photos de Dakar et de Diourbel. Ils apprennent également que cet album appartenait à un certain Jean Geoffre. Ce dernier vivait en 1915 à Dakar et était architecte. C’est lui qui serait aussi à l’origine des plans de la mosquée de Diourbel. Les clichés de son album sont datés du 11 mars 1918, date indiquée par l’architecte pour la pose de la première pierre de la mosquée. Après analyse, le comité d’experts confirme le lieu et la présence de Cheikh Ahmadou Bamba avec à ses côtés justement l’architecte français, casque de colon sur la tête.

À écouter aussi : La marche du monde - Au Sénégal, partager les archives, construire la mémoire

 

Ce 11 mars 1918, Cheikh Amadou Bamba est venu poser la première pierre de la mosquée de Diourbel. À ses côtés, l’architecte Jean Geoffre qui a dessiné le bâtiment et fait prendre les clichés. © Maison De Baecque

Photo2 2



« Ça replace Cheikh Ahmadou Bamba au cœur de l’histoire et des choses à transmettre »

Pour le professeur de l’université de Dakar, Massamba Guèye, la découverte de ses clichés apporte une notion d’extraordinaire : « Dans les récits oraux sur Cheikh Ahmadou Bamba, la part d’extraordinaire était plus importante que la part d’humanité. Dans la photo, la part d’humanité vient installer une base d’extraordinaire de Serigne Touba. Donc ça le replace au cœur de l’histoire et des choses à transmettre. »

Après l’échec de la vente en ligne, une importante maison d’enchères est contactée.

La maison De Baecque, basée à Paris et Lyon, organise chaque année d’importantes ventes de photos d’époque. Pour éviter toute complication, les acheteurs potentiels doivent déposer une caution de 5 000 euros pour participer. Le LOT 93 est intitulé : « Exceptionnelle et rarissime suite de six épreuves albuminées d'époque, montrant le Serigne Amadou Bamba. Avant la découverte de cet ensemble, une seule et unique photographie du grand homme, père du Mouridisme, était réputée connue. »

Marteau en main, le 8 mars dernier, c’est le commissaire-priseur Etienne de Baecque qui mène la vente. En trois minutes, l’enchère atteint 48 000 euros et c’est le collectif de la communauté Mouride qui décroche le lot. Pour Etienne de Baecque, « c’est rare et très particulier. Ce sont des documents qui ont une importance majeure pour cette confrérie. Ces photos retournent au Sénégal, cela a du sens. C’est une belle histoire ».

Le collectif de responsables mourides a également acheté l’album complet de l’architecte Jean Geoffre, car il permet de contextualiser les photos de Cheikh Ahmadou Bamba. Ces clichés inédits du leader religieux seront présentés officiellement prochainement puis légués à la confrérie Mouride.

►À voir aussi : 19 juillet 1927, mort d’Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme

La Tunisie et l’Afrique, une si longue histoire

Africaine, la Tunisie ? Les propos polémiques que son président, Kaïs Saïed, a tenus le 21 février ont pu semer le doute. Sa géographie, son histoire, sa culture et ses valeurs disent pourtant, et sans équivoque, son africanité.

Par  - à Tunis
Mis à jour le 11 mars 2023 à 11:03

 
blancnoir 
 
 

L’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny accueille son pair tunisien Habib Bourguiba à Abidjan, en décembre 1965. © Archives Jeune Afriqu

 

Même si la récente polémique née des propos du président Kaïs Saïed peut amener à s’interroger sur l’africanité de la Tunisie, cette question n’en est pas vraiment une. Car non seulement la Tunisie est géographiquement située en Afrique mais elle a donné son nom au continent. Les Romains n’appelaient-ils pas, déjà, ce territoire « Ifriquiya » ?

Et la proximité n’est pas seulement géographique, elle est aussi – et a toujours été – culturelle. L’archéologie démontre que des échanges existaient entre le nord et le sud du Sahara dès le Néolithique : certains artéfacts, comme la céramique, portent l’empreinte d’une influence saharienne. Quelques siècles plus tard, le navigateur carthaginois Hannon entreprit un périple le long de la côte ouest de l’Afrique jusqu’au golfe de Guinée, selon les récits d’explorateurs grecs.

À LIRETunisie : Kaïs Saïed et l’Afrique, le grand malentendu ?

Certaines traditions tunisiennes sont très clairement imprégnées de réminiscences africaines. On songe, par exemple, à la légende de Bou Saadia, ce roi du Mali qui ne cesse de chercher sa fille, Saadia, en errant au rythme des tambourins et des crotales. Il emprunte les routes caravanières pour faire du commerce mais aussi pour se livrer à la traite négrière organisée pour le compte, entre autres, de l’Empire ottoman. Une pratique qui marginalisera la communauté noire de Tunisie, y compris après l’abolition de l’esclavage, en 1846, et engendrera un malaise persistant sur fond de déni de racisme.

À LIRE« J’assume » de Béchir Ben Yahmed : Bourguiba, Lumumba, Che Guevara… Les Mémoires du fondateur de Jeune Afrique

Des traces d’africanité, on en déniche aussi dans les stambélis ou les bangas – des cérémonies rituelles saturées d’encens et de ferveur mystique, de coups de cymbales et de percussions, lorsque des marabouts comme Sidi Lasmar donnent un ton profane à l’islam. Écartées, à l’époque de l’indépendance, au nom de l’unité nationale et du progrès, ces pratiques semblables au rite des Boris, né chez les Haoussas du Niger, connaissent aujourd’hui en Tunisie un regain sans précédent.

Musique et rituels communs

Au-delà des rituels, la musique aussi tisse un lien entre la Tunisie et le sud du Sahara. À Tunis, on sait que « dimanche à Bamako est jour de mariage », on revendique sur des paroles d’Alpha Blondy, et les plus jeunes découvrent Fela et les éternels Miriam Makeba ou Manu Dibango. Tous ces musiciens, et tant d’autres, ont évolué sur les scènes tunisiennes. Le cinéma africain est, lui, au cœur des Journées théâtrales de Carthage, et les Tunisiens collaborent activement au Fespaco, à Ouagadougou.

L’Afrique n’est pas une terre inconnue de l’homo tunisianis version 2023. Leurs rapports se sont simplement distendus, avec une mise à l’écart de l’africanité tunisienne sous le régime de Ben Ali, qui penchait plus volontiers vers le Moyen-Orient ou vers l’Europe.

À LIREPersécution des étudiants noirs en Tunisie : il faut que cela cesse !

Pourtant, la séquence des indépendances, sur fond de panafricanisme, avait engendré de nouveaux liens fondés sur la coopération et la fraternité, surtout avec les pays de l’Afrique de l’Ouest. Le statut de pays fondateur de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), ancêtre de l’actuelle Union africaine, a donné une crédibilité supplémentaire à la Tunisie.

Bourguiba, Senghor et Houphouët

Initiateur de cette politique, le président Habib Bourguiba estimait qu’une solidarité et des rapports étroits entre pays affranchis de la colonisation permettraient d’avoir plus de poids pour traiter, notamment, avec le général de Gaulle.

Son amitié avec le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, son admiration pour l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, sa tournée d’un mois, en 1966, qui l’a conduit dans neuf pays du continent, son adhésion active au groupe de Monrovia, la fondation de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), puis la fondation de la Francophonie lui conférèrent une stature africaine ainsi qu’une grande popularité.

Bourguiba n’était pourtant pas un « mordu » d’Afrique, mais un pragmatique : en montrant son implication en matière de partenariat et d’assistance, il tissait des liens forts. Il mettait l’expertise tunisienne à la disposition des pays amis, à défaut de pouvoir leur offrir un appui financier. Ainsi, des décennies plus tard, les ophtalmologues mauritaniens ne tarissent pas d’éloges sur l’apport de leurs confrères tunisiens, qui ont contribué à implanter la spécialité dans le pays. Et la Guinée se souvient encore que c’est la Banque centrale de Tunisie, la BCT, qui a contribué à la création de la Banque centrale de Guinée.

Ces initiatives étatiques se sont élargies, dès les années 2000, aux entreprises privées. Abderrazak Lejri, le fondateur du Groupement informatique (GI), a ainsi été parmi les pionniers du secteur bancaire africain en travaillant au Rwanda, au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Congo.

 

kas

 

Kaïs Saïed, au palais de Carthage, à Tunis le 2 septembre 2022. © Fethi Belaid/AFP

 

Parallèlement, les entreprises se lançaient à l’assaut de secteurs tels que le BTP ou l’agro-alimentaire. Cette nouvelle dynamique a rendue la Tunisie plus proche, plus attrayante pour des milliers d’Africains dans les domaines de l’enseignement supérieur et de la santé. Le président Moncef Marzouki a, d’ailleurs, tenté de reprendre le flambeau de Bourguiba lors d’une visite officielle au Mali, au Niger, au Tchad et en Guinée équatoriale. Son successeur, Béji Caïd Essebsi, a également adopté un discours volontariste lors des sommets de l’UA.

À LIREMali, Guinée, Sénégal… Les appels au boycott des produits tunisiens se multiplient

L’installation de la Banque africaine de développement (BAD) à Tunis, de 2003 à 2014, a donné de la visibilité à « l’africanité économique » de son pays hôte. Simultanément, la diplomatie économique a pris le relais de la diplomatie classique, grâce notamment au Tunisian African Business Council (TABC), qui rassemblait des chefs d’entreprise et qui a conduit de nombreuses délégations d’affaires sur tout le continent.

Épisode fâcheux

Ce conseil s’est imposé comme une interface entre les gouvernements. Ce fut ainsi le cas, en 2017, lors du voyage qu’entreprit Youssef Chahed, le chef du gouvernement tunisien, au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Le TABC est aussi un organisme militant, qui souhaite aider les entreprises tunisiennes à conquérir des marchés africains – ces derniers représentent 3% des exportations du pays – et qui rappelle que le gouvernement doit accompagner cet objectif en mettant en place des conditions douanières, administratives, bancaires et de transport, minimales.

Car le constat est là : bien que le pays soit membre du Comesa (le marché commun de l’Afrique orientale et australe), membre observateur de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), le repli de la présence tunisienne en Afrique est une réalité. Certains l’expliquent par une sous-représentation diplomatique. En effet, cinq postes d’ambassadeurs de Tunisie sur le continent sont vacants depuis plus d’un an (il y a au total 26 ambassades). Un manque à combler d’urgence si la Tunisie veut faire en sorte que sa présence soit plus visible et si elle veut renouer la confiance avec ses partenaires africains.

La diplomatie semble l’avoir compris et veut tourner la page de l’épisode fâcheux des propos du président Kaïs Saïed. Mais, pour y parvenir, il faudra que les autorités tunisiennes y mettent du leur, notamment par une présence au plus haut niveau lors du prochain sommet de l’UA. La Tunisie a tous les atouts pour réaffirmer son africanité et marquer son retour dans le sud du Sahara. Encore faut-il qu’elle décide de s’en donner les moyens.

Niger : Ali Saïbou à l’heure de la conférence nationale souveraine (5&6)

Publié le : 

En cette fin d’année 1991, le chef de l’Etat nigérien Ali Saïbou est confronté à une importante crise politique qui l’oblige à s’expliquer devant son peuple lors d’une houleuse conférence nationale. Il est directement mis en accusation par un officier de son armée, devant les caméras de télévision…

 

foccart           

Jacques Foccart1né Jacques Koch-occarta le  à Ambrières-les-Vallées (Mayenne)
et mort le 
 à Paris 17e2, est un homme d'affaires et un homme politiquefrançais.

Ancien résistant, gaulliste historique, il a mené diverses activités commerciales avant de devenir secrétaire général de l'Élysée aux affaires africaines et malgaches de 1960 à 1974 sous le général de Gaulle puis sous Georges Pompidou, devenant un personnage central de cette politique qui sera désignée plus tard sous le nom de « Françafrique ».

Considéré comme un des hommes de l'ombre du gaullisme, il est aussi l'un des fondateurs du SAC.

  

Biographie

Origines familiales et enfance

Jacques Foccart naît en Mayenne en 1913. Il est le fils de Guillaume Koch-Foccart (1876-1925) — planteur-exportateur de bananesconsul de Monaco en Guadeloupemaire de Gourbeyre (Guadeloupe) de 1908 à 1921 — et d'Elmire Courtemanche de la Clémandière, une Béké guadeloupéenne issue d'une famille très fortunée.

Jacques Foccart grandit dans le château du Tertre mayennais jusqu'à l'âge de 3 ans alors que ses parents sont repartis en Guadeloupe. En 1916, son père, revenu en France pour la mort de son propre père, emmène son fils avec lui en Guadeloupe. Il a 6 ans lorsqu’il revient en métropole avec ses parents. Jacques Foccart conserve ensuite des liens forts avec cette colonie, devenue département d'outre-mer en 1946. Son père meurt l’année de ses 12 ans. Élève du lycée de l'Immaculée-Conception à Laval d' à , il entre dans la vie professionnelle comme prospecteur commercial chez Renault. Il est ensuite employé dans une société commerciale d'import-export qui traite avec l'outre-mer.

Seconde Guerre mondiale

Après son service militaire effectué dans les années 1930, Jacques Foccart devient sergent de réserve. Il est mobilisé à la caserne Chanzy de Châlons-sur-Marne en  comme sous-officier à l'état-major de l'aviation. Démobilisé en  à Agen à la suite de l'armistice de juin, il regagne Paris.

 

Liens avec l'Organisation Todt

En 1941, Jacques Foccart fonde avec une de ses relations de service militaire, Henri Tournet, une importante affaire d'exploitation de bois à La Forêterie, lieu-dit de la commune de Rânes (Orne). Pour la coupe de soixante hectares de bois, il fait travailler une équipe importante : le bois est en particulier destiné à la production du charbon de bois, carburant des véhicules à gazogène, indispensable pendant cette période de restriction. L'entreprise travaille d'abord avec Citroën afin d'alimenter ses gazogènes, étend ensuite son domaine forestier avec cent hectares, achetés à un minotier à l’automne 1942, puis avec l'achat d'une grande coupe de bois, vendue par le châtelain local Claude Richardb,3.

À l'automne 1942, il commence, par l'entremise de Georges Desprez, à travailler pour les Allemands : deux convois sont livrés chaque semaine — grâce à des intermédiaires — à l'Organisation Todt, avec laquelle il a établi des relations commerciales.

En 1943, l'Organisation Todt suspecte Jacques Foccart, Henri Tournet et Georges Desprez d'escroqueriec. Foccart et son associé sont écroués en  à Argentan et à Saint-Malo. Ils sont libérés après quelques jours de détention moyennant le paiement d’une caution4 d'un million de francs de l’époque ; leur entreprise est en outre réquisitionnée.

Ultérieurement, la police judiciaire de Rouen enquête sur la possible implication de Jacques Foccart et d'Henri Tournet dans l'assassinat en 1944 de François Van Aerden, ancien agent consulaire de Belgique au Havre, qui aurait été témoin d'un trafic entre leur entreprise et un officier de l'Organisation Todt. En l'absence d'éléments matériels probants, le dossier est classé sans suite5.

 

Résistance

En 1942, Jacques Foccart prend contact avec la Résistance sur sa terre natale en Mayenne. Adjoint de Régis des Plasd pour le réseau Action Plan Tortue pour la zone Centre et Sude, il structure le réseau Action-Tortue Foccart avec un poste de commandement à Rânes et un centre de liaison à Ambrières-les-Vallées en Mayenne.

Le nom de Foccart est évoqué, en 1953, par le SRPJ de Rouen comme étant lié à deux énigmes criminelles datant de 1944, l'affaire François Van Aerden (voir supra) à Rânes et l'affaire Émile Buffon à Joué-du-Plain.

Pendant une fuite à Paris, il crée le  sous son propre nom une affaire dont l'objet est « commission-importation-exportation ». Ce commerce prend le nom de « Safiex » le , et reste ultérieurement la base de l'activité professionnelle de Jacques Foccart.

 

Libération

Il prend part à la bataille de Normandie avec son groupe de résistance en harcelant les Allemands. Traqué à nouveau, il se replie en Mayenne avec deux aviateurs américains qu'il conduit à la rencontre des avant-gardes de l'Armée française de la Libération. Entre la mi-juillet et fin , il rejoint une division américaine et devient commandant.

À la libération de Paris, Jacques Foccart intègre les services de renseignement de l'État : la Direction générale des études et recherches (DGER, futur SDECE) dirigés par Jacques Soustelle, un gaulliste historique. Il dirige un temps à Angers la IVe région militaire où il succède au commandant Jean-François Clouet des Pesruches.

Missions spéciales

Jacques Foccart indique avoir rejoint au mois d'6 l'Angleterre comme lieutenant-colonel pour y rejoindre les services spéciaux alliés. Il participe à l'opération Vicaragef. Selon son biographe Pierre Péan, c'est en fait en  que Jacques Foccart participe à cette opération. Pour Pierre Péan, Jacques Foccart navigue entre l'Ouest de la France et Paris, avant d'être affecté le  à la Compagnie de services no 1 de la DGER, et les services spéciaux qui deviendront la SDECE. Il se démène jusqu'à la fin de  pour récupérer sa caution d'un million de francsg que M. Courballée, patron de la « Société franco-belge de courtage et de gestion » avait prêtée pour permettre à Jacques Foccart et Henri Tournet de sortir de la prison de Saint-Malo le . Le remboursement de la caution est effectué par l'État sous le maintien du secret absolu des activités de Foccart et Tournet entre l'automne 1942 et le h. Le paiement est effectué par l'État le 7.

Gaulliste indiscutable, à l'automne 1944, il est au bureau de la Mission des liaisons de l'inspection des arméesi, dirigée à Paris par Jacques Chaban-Delmas. Rejoint par Tournet, ils mènent des missions spécialesj en compagnie de Tournet, Clouet des Pesruches, et Lebert.

En , Jacques Foccart participe dans le cadre des Special Allied Airborne Reconnaissance Force à l'opération Vicarage.

Démobilisé le , il lance son affaire d'import-export spécialisée dans les produits antillais, tout en conservant son exploitation forestière, et est employé dans l'administration au ministère du ravitaillement.

 

Entrée en politique

Jacques Foccart soutient Jacques Soustelle, « parachuté »k en Mayenne, en 1945. Il est candidat de l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) sur une liste composée de trois résistants : Jacques Soustelle, Francis Le Basser et lui-même en troisième position. Seul Soustelle est élul.

Il devient un des hommes de confiance du général de Gaulle, chargé de missions politiques essentielles et délicates. Entre 1947 et 1954, il est par exemple responsable de l'implantation du RPF aux Antilles et en Guyane où il effectue plusieurs déplacements et noue de solides amitiés dans les milieux politiques de ces départements d'outre-mer. Il publie pendant une dizaine d'années, d'octobre 1949 à décembre 1958, un bulletin hebdomadaire (puis bimensuel) envoyé aux adhérents du RPF installés outre-mer8.

Dans le secteur de l'import-export, il entretient de nombreuses relations dans les milieux d'affaires implantés dans les colonies. Il siège à partir de 1950 à l'Assemblée de l'Union française, à Paris. Il y défend les intérêts des colons et s'oppose à l'idée d’autonomie pour les colonies françaises d'Afrique8.

Sous la IVe République, il est membre du conseil national, puis secrétaire général adjoint, puis succède en 1954 à Louis Terrenoire comme secrétaire général du RPF, le parti politique créé par de Gaulle, où il travaille activement au retour du chef de la France libre au pouvoir. Il s'occupe des questions africaines au RPF dès 1954. Il est un des organisateurs de l'Opération Résurrection.

Membre fondateur du SAC avec Achille Peretti et Charles Pasqua, il est mis en cause[Par qui ?] comme principal responsable de l'assassinat de Robert Boulin en  (notamment dans le téléfilm Crime d’État de 2013), avec l'éventuelle complicité de collègues du SAC et de Jacques Chirac ; la motivation aurait été[réf. nécessaire] la crainte que Robert Boulin, alors ministre de Valéry Giscard d’Estaing, ne dévoilât un certain nombre de dossiers sur le financement du RPR.

 

« Monsieur Afrique »


Le contexte : la stratégie politique de la France et du bloc occidental

Avec l'indépendance de l'Algérie en 1962, la France perd l'exploitation du pétrole saharien. Charles de Gaulle, pour qui il n'y a pas de grande puissance sans indépendance énergétique, décide donc de se tourner vers les pays de l'ancien Empire colonial français en Afrique noire, qui regorgent de richesses minières et pétrolières. L'exploitation de ces ressources, qui s'effectue sur des cycles longs de 5 à 10 ans entre la découverte des gisements et la mise en service de l'exploitation, requiert dans les pays concernés une authentique stabilité politique si bien qu'est décidée une politique de soutien très active aux dirigeants particulièrement francophiles et dociles de ces pays devenus indépendants de la France en 1960.

Cette volonté politique forte est confortée par le souhait des pays de l'OTAN, dans le contexte de la guerre froide, de barrer la route de l'Afrique au communisme. Ainsi, la France est investie implicitement du rôle de « gendarme de l'Afrique », en échange de quoi son activisme énergétique particulièrement autoritaire est toléré.

 

La mise en œuvre de la stratégie de la France en Afrique

Dès 1952, Jacques Foccart est coopté par le groupe sénatorial gaulliste pour participer à l'Union française, censée gérer les rapports de la France avec ses colonies. En 1953, il accompagne de Gaulle dans un périple africain durant lequel il fait la connaissance à Abidjan de Félix Houphouët-Boigny.

Il revient aux affaires en 1958, en étant nommé par de Gaulle au poste de conseiller technique à l'hôtel Matignon, chargé des affaires africaines9. À partir de 1959, il installe le secrétariat général pour la Communauté puis le secrétariat général à la présidence de la République pour les affaires africaines et malgaches à l'hôtel de Noirmoutier10 puis à partir de 1970 au 2 rue de l’Élysée.

Il s'affirme alors comme l'indispensable « Monsieur Afrique » du gaullisme, homme de l'ombre du général de Gaulle puis de Georges Pompidou, chargé avec Pierre Guillaumat, autre homme de base du gaullisme et PDG d'Elf d'organiser la politique africaine de la France.

Il orchestre avec efficacité et sans états d'âme le soutien des uns et la déstabilisation des autres, fort de moyens humains et financiers considérables. Il a en effet la haute main sur l'activité tant des services secrets que la diplomatie française en Afrique et peut compter sur les libéralités d'Elf. Il s'impose alors comme l'unique et exclusive courroie de transmission entre les chefs d'État français et africains à partir de 1964. Tous les mercredis, il avait un entretien téléphonique avec le président Houphouët-Boigny sur la situation de son pays et de l'Afrique francophone en général.

Il établit le Gabon, eldorado pétrolier de l'époque, comme pierre angulaire de la politique africaine de la France. Dans un premier temps, le président Léon Mba est ainsi activement aidé à structurer son administration, avant d'être ré-installé au pouvoir après un coup d'État militaire, puis entouré d'une garde présidentielle avant d'être invité à se doter d'un vice-président « prometteur » Omar Bongo.

Il est également considéré comme l'instigateur d'interventions militaires, de conspirations et coups d'État dans les autres pays de l'ancien Empire colonial français en Afriquem. En Guinée, il appuie les opposants d'Ahmed Sékou Touré ; au Congo-Kinshasa, il soutient le maréchal Mobutu. Il est également dès 1967 un acteur important du concours apporté par la France aux sécessionnistes biafrais du Nigeria, par livraisons d'armes et mercenaires interposés (dont Bob Denard et Jean Kay).

Les méthodes et « réseaux Foccart »

Les méthodes de Jacques Foccart, extrêmement directives, visent à maintenir les chefs d'État des anciennes colonies françaises sous l'influence de l'ancienne métropole.

À l'instar des mouvements de Résistance qu'il a connus de l'intérieur, il met en place une structure centralisée et cloisonnée, de façon à en rester l'unique ordonnateur. Cette organisation en réseau est une organisation de terrain, entièrement tournée vers l'efficacité opérationnelle. Plusieurs centaines d'assassinats, y compris de « Français pro-FLN », ou d'attentats seront ainsi commandités durant la guerre d'Algérie11.

Ces réseaux sont à la fois des réseaux de renseignement et d'action. Concernant l'information, ils puisent naturellement dans les rangs des services de renseignement, des services secrets et de la diplomatie, mais, aussi, dans ceux des hommes d'affaires et notables œuvrant localement (les « correspondants »). Pour l'action, aux côtés des services secrets sont fréquemment mobilisés des mercenaires.

Des membres du SDECE composent des Postes de liaison et de renseignement (PLR) placés auprès de chaque présidence africaine, souvent dans l’enceinte même du palais présidentiel, permettant de surveiller de près les chefs d’États amis8.

Ses autres missions

En plus de l'Afrique, il est chargé par de Gaulle à la fois du suivi des services secrets et des élections, et en particulier des investitures durant les années 1960. En collaboration avec les services secrets français, il planifiera un coup d'État pour renverser le panafricain Ahmed Sékou Touré peu après l'indépendance de la Guinée pour son "NON" au projet de communauté porté par le général de Gaulle, coup d'État démantelé car Sékou Touré fut alerté. Pendant les campagnes électorales, il fut accusé à plusieurs reprises d'utiliser barbouzes et blousons noirs contre les candidats de gauche. En 1969, pendant le bref passage d'Alain Poher à l'Élysée, il fut le seul haut fonctionnaire de la présidence à être immédiatement destitué, avant d'être remis en place par Georges Pompidou ; une commode qui permettait d'enregistrer les autres pièces du palais fut découverte. L'affaire fut dévoilée par Le Canard enchaîné et connue sous le nom de commode à Foccart12.

Pour les opérations les plus délicates, comme la déstabilisation économique de la Guinée ou l'assassinat de l'opposant camerounais Félix-Roland Moumié, il fixe la doctrine du « feu orange » : si l'opération était révélée, le gouvernement n'en assurerait pas la responsabilité et le responsable était réputé avoir pris une initiative personnelle8.

Il fut le cofondateur du Service d'action civique (SAC), service d'ordre et bras clandestin du mouvement gaulliste, qui sera finalement dissous en 198213 après la tuerie d'Auriol. Il est aussi à l'origine de la création de l'Union nationale inter-universitaire (UNI), mouvement universitaire créé à la suite de mai 68.

Résidences[modifier | modifier le code]

Foccart reçoit régulièrement les chefs d'État africains « amis » soit dans son appartement de la rue de Prony, dans le 17e arrondissement de Paris, ou dans la « case à fétiches », nom de son bureau dans les combles de sa villa Charlotte à Luzarches14, au nord de Paris.

Les archives Foccart[modifier | modifier le code]

Foccart écrivait beaucoup et était très attaché à la conservation d'archives nombreuses pour éclairer l'Histoire et laisser une trace de ses actions. Ses archives sont particulièrement volumineuses : le fonds Foccart (410 mètres linéaires d’archives) est le plus important de tous les fonds archivistiques depuis la IIIe République (de 1870 à 1974)15.

L'évolution de la Françafrique[modifier | modifier le code]

Ce système d'influence de la France en Afrique, appelé couramment « Françafrique » par ses détracteurs - terme emprunté à Félix Houphouët-Boigny, repris par François-Xavier Verschave dans son ouvrage La Françafrique, le plus long scandale de la République, qu'il a fondé, puis, profondément installé, est encore en vigueur aujourd'hui, même si le rapport de forces s'est sensiblement équilibré du fait de la fin de la guerre froide. Il a, en effet, été poursuivi sous les présidences successives de Valéry Giscard d'Estaing (qui remplace Jacques Foccart, qu'il soupçonne d'être trop proche des gaullistes16, mais garde son adjoint René Journiac, ancien magistrat dans les colonies), François Mitterrand17 Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy18, chacun confirmant l'existence même de la cellule africaine de l'Élysée, indépendante des autorités du Premier ministre et du ministère des Affaires étrangères et confiant le pilotage de celle-ci à un proche. D'ailleurs, selon Gaspard-Hubert Lonsi Koko dans Mitterrand l'Africain ?, « le principe intangible qu’est la continuité de la politique africaine de la France s’était, dans le passé, imposé à tous les chefs d’État français, au point d’obliger François Mitterrand à reprendre le rapport sur la programmation militaire des années 1977-1982 conçu durant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing et à utiliser notamment les mêmes réseaux mis en place par Jacques Foccart, le Monsieur Afrique successivement de Charles de Gaulle et de Georges Pompidou ». L'avocat d'affaires franco-libanaisRobert Bourgi, a prétendu succéder à Jacques Foccart mais ne faisait que la transmission de messages entre certains dirigeants africains et français et le « portage de valises ».


Décorations

 

Il est l'initiateur de la Françafrique, le père fondateur de cette immense toile qui devait, après les indépendances, maintenir sous son giron l'Empire dont avait besoin la France pour restaurer sa puissance. Jacques Foccart, petit homme à la fois craint et discret, n'a pas d'équivalent sous la Vème République. Ce résistant, gaulliste de la première heure, s'est posé comme l'intermédiaire indispensable entre Paris et ses anciennes colonies africaines. 

 Foccart2
Jacques Foccart (à gauche), Hubert Maga (au centre),
président de la république du Dahomey et Guy Chavanne (à droite), maire de Torcy,
lors d'une visite d'une école à Torcy (Seine-et-Marne), en 1961.