150ème Anniversaire : Père Maurice Bellière
(PE n° 1093 – 2018/07)

Sa pierre tombale, délaissée et négligée, couverte de mousse, un peu engloutie et sous un angle, a été découverte en 1975 en Normandie française. Une fois nettoyée, une double entrée a été découverte : « Madame Barthélemy, née Louvel, 1841-1907 » avec en dessous le nom de notre confrère : « Maurice Bellière, prêtre, missionnaire d’Afrique ». Dans notre nécrologie, nous trouvons en effet le nom du père Maurice Bellière, ancien missionnaire au Nyasaland (aujourd’hui Malawi). Il mourut le 14 juillet 1907 à Caen. Qui était-il ? Oublié ? Puis redécouvert ? Voici l’histoire d’une vie à la fois tragique et émouvante.

Sa jeunesse

Maurice Bellière est né le 10 juin 1874 en Normandie, une région du nord-ouest de la France. Une semaine après sa naissance, sa mère est morte. Le père a confié le bébé à sa belle-sœur, Mme Barthélemy, et à partir de ce moment-là, il a disparu de sa vie. Le couple Barthélemy, n’ayant pas d’enfants, l’a élevé comme leur propre enfant. Ce n’est que lorsque Maurice a onze ans qu’il découvre qui sont ses vrais parents. Cette découverte a beaucoup affecté ce jeune homme encore fragile et a laissé des traces sur son âme pour le reste de sa vie. Après une vie missionnaire dure et courte, il est décédé à Caen, à 32 ans, sans contact avec les Pères Blancs ; il est mort dans une maison pour malades mentaux, et a été enterré dans le même caveau familial que sa bien-aimée « seconde mère » à Langrune-sur-Mer.

Contact avec Thérèse au couvent des Carmélites de Lisieux

Après son enfance, il n’a trouvé que peu de soutien pendant le temps passé au séminaire. Durant sa jeunesse, il a dû surmonter de nombreuses épreuves et, comme il le dit lui-même, « a traversé de nombreuses tempêtes ». Il croyait qu’il devrait vivre le reste de sa vie avec la pensée d’avoir gaspillé ses meilleures années. Appelé au service militaire et conscient de sa propre fragilité, il craignait le pire pour sa vocation sacerdotale. Incliné sous le poids de son passé de péché et doutant de sa capacité à tenir le coup, il écrivit une lettre à la Prieure du Carmel à Lisieux la suppliant, comme il disait, de « confier à la prière de l’une de vos sœurs le salut de mon âme et d’obtenir pour moi la grâce de rester fidèle à la vocation que j’ai reçue de Dieu ». La jeune Thérèse, qui avait rejoint le Carmel à l’âge de 15 ans, a été choisie par sa mère supérieure pour cette entreprise tout en faisant la lessive hebdomadaire du couvent, en fait la plus humble des tâches quotidiennes. Maurice, qui était en deuxième année de théologie au séminaire diocésain, a ainsi reçu une bouée de sauvetage jetée sur lui par cette religieuse carmélite. C’est ainsi qu’une amitié spirituelle a commencé entre un homme modérément doué et une jeune sœur contemplative exceptionnellement douée. Cette simple jeune sœur sera bientôt connue dans le monde entier sous le nom de « Petite Thérèse de Lisieux » (1873-1897).

Père Maurice Bellière et Soeur Thérèse de l’Enfant Jésus


Maurice et Thérèse ne se sont jamais rencontrés, mais leur destin les a profondément unis. Leur correspondance, qui a commencé deux ans avant la mort de Thérèse, s’élève à 21 lettres et a fait un ajout important à son autobiographie spirituelle, célèbre dans le monde entier, « L’histoire d’une âme», qui a été publiée en 1898, après sa mort. Maurice voulait devenir missionnaire et fut accepté par la Société des Missionnaires d’Afrique, les Pères Blancs. Sa vocation a généré un désir missionnaire chez Thérèse aussi.

A cause de cet enthousiasme missionnaire et sans doute aussi à cause de cet échange de lettres avec un missionnaire – et l’un d’entre nous – l’Eglise l’a déclarée sa sainte Patronne des Missions. Nous, les Pères Blancs, nous pouvons en être fiers à juste titre.

Maurice était un homme qui, à bien des égards, ressemble à chacun d’entre nous, avec ses angoisses facilement reconnaissables et ses capacités humaines limitées. En même temps, nous découvrons dans ses dix lettres que Thérèse est une sainte à la portée de tous, mais aussi qu’elle est une personne vraiment mystique, capable d’amitié spirituelle. Leur amitié s’est formée autour de leur idéal commun, un désir commun pour l’amour, la simplicité et la cordialité du Christ. L’amitié entre un Docteur de l’Eglise en spiritualité et ce jeune aspirant au sacerdoce montre une affection mutuelle qui n’a pas peur des mots de tendresse. Ils s’appellent « petit frère » et « petite sœur » . « Rien de profane ne perturbe le secret de notre intimité », diraient-ils eux-mêmes. Il devient pour elle le frère qu’elle n’a jamais eu, et elle est devenue pour lui la sœur qui lui manquait. L’histoire qui émerge ici mérite, à notre avis, d’être connue de tous les « petits frères » de Thérèse aujourd’hui, qu’ils soient déjà Missionnaires d’Afrique ou aspirants missionnaires. Ils ont sûrement besoin de ces mots d’encouragement.

Thérèse était déjà gravement malade ; la tuberculose dont elle souffrait était déjà à un stade avancé et aucun remède n’était encore disponible. Malgré cela, elle écrivit de magnifiques lettres à son « petit frère»  incertain pour l’encourager dans sa vocation. Le dernier mot qu’elle lui a envoyé était un gribouillis laborieux au dos d’un certificat de communion : « Souvenir final d’une âme qui est proche ». Dès sa toute première lettre, elle rappelle la loi qui dominera sa vie future, c’est-à-dire les tentations et les épreuves qui accompagnent nécessairement chaque apôtre. Il devra apprendre à les accepter. A cet égard, les lettres de Maurice expriment parfois des mots justes et des sentiments nobles, mais Thérèse tentera de l’emmener plus loin. Il devra tout lâcher, en suivant l’exemple de Jésus :  « Tu vas devoir souffrir beaucoup », écrit-elle. Ses paroles portent un accent prophétique.

Thérèse s’était très tôt rendu compte que les prêtres étaient « des hommes à la fois fragiles et faibles ». Cela semblait particulièrement vrai dans le cas de Maurice, son frère prêtre qui, selon ses propres mots « a dû regretter beaucoup de trébuchements inouïs et beaucoup de folie ». Mais, comme elle l’écrit : « Aucune fragilité humaine ne peut être un obstacle à la prédication de l’Évangile tant que la flamme de l’amour brûlera au cœur de l’Église ». Plus tard, Maurice relira ces lettres à plusieurs reprises et fera même une collection de ses passages de choix lors de ses études à Carthage. Plus tard encore, au Malawi, alors qu’il était déjà malade et plutôt découragé, il a certainement trouvé dans son message le remède contre le désespoir.

Sa formation à la vie missionnaire

Le 30 septembre 1897, Maurice s’embarque à Marseille pour traverser la Méditerranée jusqu’au noviciat des Pères Blancs en Afrique du Nord. Le soir même, l’agonie de Thérèse a commencé après une longue lutte contre la maladie. Elle aussi faisait maintenant sa propre traversée vers une autre vie. Maurice et Thérèse « sont partis ensemble ». C’est à ce moment-là qu’elle a donné le coup d’envoi d’une expansion missionnaire mondiale, dont les effets sont encore visibles aujourd’hui dans toute l’Afrique et dans le monde entier. Peut-être Maurice n’en a-t-il pas perçu la signification prophétique, mais leur amitié est restée pour lui « une grande force et une source de confiance… ; du ciel, elle veille sur moi ; ceci, je le sens clairement » écrit-il. Lorsque, à Carthage, en novembre 1898, il parvient à être l’un des premiers au monde à mettre la main sur l’autobiographie de Thérèse de « l’histoire d’une âme », il est ravi. Il avait à peine terminé la lecture de la première partie quand il s’exclama : « Dieu est ici »  Il devait méditer dessus pendant longtemps et, ainsi, à partir de ses écrits, il la comprendra mieux, elle et « sa petite Voie ».

Bien avant l’arrivée de Maurice en Afrique, les Pères Blancs avaient tenté avec courage d’atteindre l’Afrique de l’Ouest à travers le Sahara, où ils avaient, dès 1872, établi leur première antenne à Laghouat. En Afrique du Nord, les guides touaregs ont massacré six Pères Blancs. En Afrique centrale, en 1886, les premières communautés chrétiennes sont sorties du sang versé par les martyrs ougandais, après que les caravanes des Pères Blancs ont atteint cette région par la mer Rouge et Zanzibar. La Société est encore très jeune et compte peu de membres, mais onze de ses membres ont déjà été assassinés et cinquante-six sont morts prématurément à cause de la maladie, de la fièvre et des dépravations de toutes sortes. Au total, ils représentaient 29% de ses jeunes missionnaires, seulement 19 ans après la naissance de la Société.  Les engagements missionnaires du cardinal Lavigerie ne pouvaient se faire que sous le signe de la croix.

Au noviciat , à Maison-Carrée

C’est dans ce contexte que Maurice a commencé sa formation : un an au noviciat de Maison-Carrée en 1887 et trois ans de théologie à Carthage (1898-1901). L’atmosphère était celle de la générosité et de la sainteté. Lavigerie avait toujours insisté sur ses hommes : « Pour un apôtre, il n’y a pas de voie médiane entre la sainteté totale et la perversion absolue ».

Thérèse de Lisieux lui instillerait le même avertissement dans sa lettre de juin 1897, disant qu’avec toutes ses angoisses et contradictions, il ne pouvait pas être un demi saint : «Tu es un saint pleinement et complètement ou tu n’es pas un saint du tout !» Elle connaissait son désir de sainteté et même de martyre et ne pensait pas que ce désir était présomptueux.

Le noviciat de Maison-Carrée était à dix kilomètres du port d’Alger. C’est ici que Maurice a vécu jusqu’en août 1898. Il est presque instantanément tombé amoureux de l’Afrique et était à l’aise avec ses cinquante co-novices venant de plusieurs pays. Mgr Livinhac, le Supérieur général, qu’il y a rencontré, était la bonté même et faisait preuve d’une humanité profonde. Il avait été membre des premières caravanes héroïques vers les Grands Lacs et il avait fondé la première mission en Ouganda en 1879. Il est devenu le premier évêque Père blanc en 1884 et le premier Vicaire général de la Société en 1889. Maurice a travaillé à ses côtés en tant que premier secrétaire privé en raison de sa connaissance de l’anglais. Plus tard, lors de ses heures sombres de 1905-1906, il a trouvé en Livinhac un père compréhensif.

Son maître des novices était le père Paul Voillard, 37 ans, tout à fait différent de Livinhac ; il avait des yeux aiguisés et perçants avec un tempérament ardent. Malgré cela, il ferait une profonde impression sur les gens. Inspiré par la spiritualité de saint Ignace, il conduisait sérieusement son petit troupeau avec des mots d’encouragement et un enthousiasme contagieux. A cette époque, Voillard a également été contacté par le bienheureux Charles de Foucauld pour être son conseiller spirituel. C’est ainsi que Maurice a pu se tenir aux côtés de cet « Ermite du Sahara » pendant une semaine entière. Quelque temps plus tard, en 1916, de Foucauld fut assassiné par des Bédouins à Tamanrasset. Le père Voillard est devenu le deuxième Supérieur général de la Société. En Afrique du Nord, près de Livinhac et de Voillard, Maurice était en de bonnes mains.

Départ pour le Nyasaland

Maurice reçut sa nomination pour le Nyasaland et devint l’un des fondateurs de la nouvelle mission. Une photo de Maurice, prise à cette époque, montre un jeune homme souriant qui semble regarder l’avenir avec confiance. Le 29 juillet 1902, il embarque à Marseille pour partir avec dix autres missionnaires pour un long voyage de 67 jours. Le voyage les a vu traverser Port Saïd, le canal de Suez, la mer Rouge, puis Eden au Yémen sur la péninsule arabique, autour de la pointe la plus orientale de l’Afrique, pour finalement naviguer dans l’océan Indien. Ils atteignirent Chiwamba au Nyasaland le 4 octobre 1902, où la nouvelle station missionnaire devait être fondée et où il passa les neuf premiers mois de sa vie missionnaire dans des conditions de grande insécurité.

Le Père Maurice et ses compagnons au départ pour le Nyassaland


La vie apostolique semblait beaucoup plus difficile qu’il ne l’avait prévue, mais cela ne pouvait qu’exciter ses rêves romantiques de sacrifices et de conquêtes spirituelles. Il a commencé à travailler à Chiwamba avec les pères Guyard, Perrot, Honoré et le frère hollandais Sebastian. Maurice avait toujours eu besoin d’amitié et d’affection et n’était pas fait pour vivre seul. Déjà en Afrique du Nord, ses supérieurs l’avaient décrit comme «ouvert et plein de vie», doté d’une «compréhension cordiale». La «règle des trois», si chère aux Pères Blancs, lui convenait bien et, de toute évidence, il avait bien atterri. Malgré des accès de fièvre fréquents et durables et une mauvaise alimentation, les missionnaires ont commencé assez rapidement leurs activités pastorales, comme la célébration de l’Eucharistie et la catéchèse. Maurice ne pouvait pas consacrer suffisamment de temps à l’apprentissage de la langue en raison de problèmes de santé récurrents. Dans le passé, Thérèse, dans son Carmel, avait entendu parler des difficultés rencontrées et elle écrivait : « Là-bas, au loin, il y a un apôtre qui s’efforce et – pour éclairer sa fatigue – j’offre la mienne à Dieu », et plus loin elle dit : « J’ai fait un accord avec Dieu, afin qu’il donne un peu de temps libre à ces pauvres missionnaires malades pour qu’ils trouvent un peu de temps pour prendre soin d’eux-mêmes ».

En 1902, l’administration coloniale britannique a été transférée à Lilongwe et, par conséquent, le poste de mission de Chiwamba a également été fermé, car on pensait que c’était une bonne chose si la mission était suffisamment proche de l’administration coloniale. Ainsi, le nouveau poste de Likuni a été fondé en novembre 1904, à environ huit kilomètres de Lilongwe. Maurice, en raison de sa connaissance de l’anglais, a été nommé supérieur de ce nouveau poste.  

La même année, Mgr Dupont revient de France et commence bientôt à visiter les différents postes de son Vicariat, en compagnie de Maurice, son secrétaire. Le surnom de « Motomoto « que les Africains avaient donné à l’évêque Dupont était adéquat : « moto » signifie « feu » et doubler le mot signifiait un superlatif : « feu flamboyant », pour ainsi dire. ‘Accendatur’ – qu’il brûle – était en fait la devise de l’évêque Dupont. Plus tard, Maurice devrait souffrir un peu de ce caractère ardent. Il voyageait avec son évêque vers des régions comme la terre de Bemba, le lac Bangweolo et la vallée de Luangwa que le père Guillemé décrivait comme « un pays sans grand attrait ». Il rapporte que lui et ses collègues ont été épuisés par la chaleur intense et déshydratés par la soif… Les nuages de moustiques ne leur ont donné aucun répit… Ils ont été réveillés par le ricanement des hyènes et le rugissement des lions. Dans ces circonstances difficiles, les efforts quotidiens coûteraient cher à ces missionnaires.

Menacé par des fièvres mortelles

En 1903, Maurice écrivit une lettre à un prêtre-ami en France. Il lui dit qu’il souffrait de la fièvre des eaux noires, une forme réduite mais très dangereuse de paludisme ; l’urine devient sombre et la mort suit rapidement. Maurice le savait et s’attendait à mourir. Cependant, il a survécu, parce qu’il a été diagnostiqué à temps et parce que les médicaments, qui étaient disponibles à l’époque, lui ont été donnés. Bientôt il fut de nouveau actif, bien que dans les journaux intimes on ne trouve pas beaucoup d’informations sur ses activités pastorales quotidiennes. De plus, Maurice lui-même n’écrit pas grand-chose à ce sujet. Les opinions de Nyasa à son sujet étaient fragmentaires. Nous savons qu’il s’est heurté à un confrère qui, lui-même, avait de graves problèmes de santé et souffrait de dépression. Au contraire, le frère hollandais Sebastian, qui tenait le journal de Likuni, était toujours plein d’éloges pour Maurice. Maurice lui-même était partagé entre, d’une part, l’humilité que Thérèse lui avait inculquée et, d’autre part, sa fierté de parler anglais et ses ambitions mondaines, remontant à sa carrière militaire. Il ne s’entendait pas bien avec ses confrères. Mgr Dupont lui-même n’était pas un homme facile à cause de ses accès de goutte et était un supérieur exigeant et sévère. Il pouvait être très dur avec Maurice et exiger beaucoup de ses hommes. Cela, ainsi que ses affrontements avec ses confrères, ont conduit Maurice au bord du découragement total.

Départ anticipé du Nyasaland

Après huit ans, en octobre 1905, Maurice décide de quitter l’Afrique, en homme brisé. Il s’est rendu à Maison-Carrée pour « déposer les armes » aux pieds de son vieux supérieur et bon ami, Mgr Livinhac. Il avait avec lui toutes les lettres de Thérèse, ainsi que la première version de « L’histoire d’une âme » avec une photo d’elle dans un cadre ovale. Au revers, il avait écrit une prière qu’il avait reçue de Thérèse : « Je te demande, ô Jésus, un cœur qui t’aime, un cœur qui ne peut être vaincu, préparé à reprendre le combat après chaque tempête, un cœur qui est libre et ne se laisse pas séduire, un cœur qui est droit et qui ne suit pas les chemins tortueux ». Il était sur le point d’entrer dans une impasse. Thérèse – et aussi le Cardinal Lavigerie – l’avait prédit, il était sur le point d’escalader son Calvaire.  

Déjà en 1903, il avait attrapé la fièvre des eaux noires et la maladie du sommeil et souffrait de problèmes rénaux qui, peut-être, affectaient son cerveau et le laissaient parfois confus. A cause de tout cela, ses confrères pensaient qu’il n’était plus entièrement responsable de ses actes. De plus, parce qu’il avait quitté son champ d’apostolat sans l’autorisation de ses supérieurs, il a été appelé à venir rendre compte au Conseil général, après son arrivée en Europe. Ses réponses n’ont pas été satisfaisantes, mais il n’a pas été sévèrement puni. Au contraire, il a reçu l’ordre de retourner à sa mission. Cependant, comme il continuait à souffrir d’accès de fièvre, son médecin pensait qu’un retour en mission constituerait un grave danger pour sa santé.

Il fut envoyé à Autreppe, en Belgique, dans une maison de repos pour missionnaires malades, mais peu de temps après, le médecin décida qu’il valait mieux pour lui d’aller respirer l’air frais de Langrune, dans son pays natal de Normandie. Il n’est pas facile de savoir qui, à partir de ce moment, était responsable de lui après les Pères Blancs. Une chose est certaine, sa mère adoptive bien-aimée est morte cinq mois plus tard. Après sa mort, il est devenu encore plus confus et à partir de ce moment, il s’est rapidement détérioré physiquement et mentalement. Il perdait l’esprit de plus en plus ; il errait sans but et un jour, son prêtre-ami, le père Adam, l’a placé dans un Institut pour malades mentaux à Caen. C’est là qu’il mourut le 14 juillet 1907, cinq semaines après son 33e anniversaire.

Autrefois, ces institutions étaient cruellement appelées « maisons de fous ». Pour Thérèse, ce mot serait aussi un coup de couteau au cœur. En effet, c’est dans une institution de ce genre que son propre père a été admis et est mort après trois ans et demi. Combien elle aurait souffert de connaître les derniers jours de son petit frère bien-aimé Maurice.

Un homme comme nous

Il y a une lacune dans les détails sur ses derniers jours. Il est certain qu’il a dû beaucoup souffrir, même si nous ne connaissons pas la nature précise de sa maladie. Dans le journal de Likuni, il est écrit qu’il souffrait de la maladie du sommeil, causée par des piqûres de mouches tsé-tsé. Il est également suggéré que, peut-être, il avait une tumeur au cerveau. En tout cas, le Maurice malade n’était pas le Maurice que les Pères Blancs avaient connu en Afrique du Nord : « Un jeune homme ouvert et plein de vie », qui avait une « relation chaleureuse avec les autres ». Le déroulement de la vie de Maurice nous rappelle les paroles que Thérèse a écrites en 1897 : « Quand j’entrerai dans la vie, la souffrance de mon petit frère sera transformée en paix et en joie ».

La pierre tombale jadis enfoncée en angle et couverte de mousse, à Langrune-sur-Mer, a cédé la place à un beau monument funéraire sur lequel on peut lire à l’entrée : « Maurice Bellière, frère spirituel et protégé de Sainte Thérèse ». C’est une épitaphe émouvante ! L’échange de lettres entre lui et Thérèse l’a sorti de l’oubli et l’a rendu digne d’un titre de grandeur coûteuse.

La petite Thérèse nous a révélé que Dieu ne demande pas plus que ce que nous pouvons donner. Se confier à Dieu qui n’est « rien d’autre qu’Amour et Tendresse », c’est ce qu’elle demande à Maurice. Sa vie a pu sembler se terminer par un échec apparent ; son idéal était grand et ses rêves illimités. Tout bien considéré, sa fin n’a certainement pas été un échec.

Piet van der Pas, M.Afr.