Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Michel Houellebecq tempère ses propos anti-musulmans

Dans un entretien avec Michel Onfray publié à la fin de 2022, l’écrivain français tenait des propos violents sur les musulmans. Il a rencontré le 5 janvier le recteur de la Mosquée de Paris pour apaiser la polémique.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 6 janvier 2023 à 12:05
 
 
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L’écrivain français Michel Houellebecq, ici en 2015. © ANDREU DALMAU/SIPA.

 

L’écrivain Michel Houellebecq et le recteur de la Grande mosquée de Paris (GMP) Chems-eddine Hafiz, qui entendait porter plainte contre le romancier pour des propos « violents » visant les musulmans, se sont vus le 5 janvier, a-t-on appris auprès du grand rabbin Haïm Korsia et de la Grande Mosquée.

« Une rencontre a eu lieu et s’est bien passée », a déclaré le grand rabbin, confirmant une information du Figaro. « Tous deux ont manifesté une grande intelligence du cœur », a poursuivi Korsia, qui avait proposé une médiation entre les deux hommes. La rencontre a aussi été confirmée par la GMP, qui a indiqué, dans un tweet que Hafiz avait « décidé de suspendre le dépôt de sa plainte ». « Houellebecq a convenu qu’il avait pu choquer », a précisé une source proche du dossier.

À LIRE« Soumission » de Houellebecq ? Bon roman, très mauvaise action…

La semaine dernière, Hafiz avait dénoncé des propos « violents » et « extrêmement graves » de Houellebecq à l’égard des musulmans parus à la fin de novembre dans la revue Front populaire, dans un entretien avec le philosophe Michel Onfray. L’auteur du roman Soumission (Flammarion, 2015) y présente les musulmans comme une menace pour la sécurité des Français non musulmans.

Des « Bataclan à l’envers »

« Le souhait de la population française de souche, comme on dit, ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, mais qu’ils cessent de les voler et de les agresser. Ou bien, autre solution, qu’ils s’en aillent », y affirme Michel Houellebecq. Il prédit également des futurs « Bataclan à l’envers » à l’égard des musulmans, en référence aux attentats jihadistes du 13 novembre 2015.

À LIRERacisme : « Il ne suffit pas de se déclarer universaliste »

Michel Houellebecq, reconnaît « que les paragraphes concernés sont ambigus », a affirmé le 5 janvier la GMP, après la rencontre. Elle ajoute que l’écrivain les remplacera, « dans [une] édition à venir [de l’entretien avec Michel Onfray], par des paragraphes explicitant mieux [son] propos, et qui, [il] l’espère, ne heurteront pas les musulmans ».

« Criminels étrangers »

Par ailleurs, dans un texte envoyé le 5 janvier au Figaro, l’écrivain amende ses propos initiaux, écrivant notamment que ce que les Français « demandent, et même ce qu’ils exigent, c’est que les criminels étrangers soient expulsés, et en général que la justice soit plus sévère avec les petits délinquants ». Contacté, l’éditeur de Michel Houellebecq, Flammarion, s’est refusé à tout commentaire.

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« Jeter comme ça l’anathème sur l’ensemble d’une composante de la population française, l’excluant totalement, c’est extrêmement grave », avait déclaré Chems-eddine Hafiz il y a une semaine sur BFM-TV, dénonçant le fait d’opposer « Français de souche » et « musulmans ».

Michel Houellebecq avait déjà été poursuivi, mais relaxé en première instance comme en appel, lors d’un procès pour incitation à la haine après avoir déclaré en 2001 : « La religion la plus con, c’est quand même l’islam. »

(avec AFP)

Messe « tradi », pape François… les propos du secrétaire particulier de Benoît XVI font polémique

Les faits 

Depuis la mort du pape émérite Benoît XVI, son secrétaire particulier Mgr Georg Gänswein a fait quelques sorties médiatiques remarquées, critiquant plus ou moins ouvertement le pape François. Le préfet de la Maison pontificale va publier ses mémoires dans le courant du mois de janvier.

  • Matthieu Lasserre, 
Messe « tradi », pape François… les propos du secrétaire particulier de Benoît XVI font polémique
 
Mgr Georg Gänswein assiste à la messe de funérailles du pape émérite Benoît XVI sur la place Saint-Pierre au Vatican, le 5 janvier 2023.TIZIANA FABI/AFP

Le pape émérite n’était pas encore enterré que les premières polémiques bruissaient déjà au Vatican. Plusieurs prises de parole de Mgr Georg Gänswein, secrétaire particulier de Benoît XVI, qui l’a accompagné jusqu’à la fin de sa vie, suscitent la controverse.

Dans un entretien au journal allemand Die Tagespost publié au lendemain de la mort du pape émérite, le 1er janvier, Mgr Gänswein, préfet de la Maison pontificale, a expliqué combien le motu proprio Traditionis custodes, qui a abrogé le 16 juillet 2021 l’initiative de Benoît XVI prise treize ans plus tôt accordant aux catholiques traditionalistes la possibilité de célébrer à nouveau la messe avec les missels préconciliaires, avait affecté ce dernier.

Publication d’une biographie

« Je crois que lire le nouveau motu proprio (Traditionis custodes, NDLR), cela a brisé le cœur du pape Benoît », rapportait-il. « Cela l’a touché de plein fouet », ajoutait Mgr Georg Gänswein, indiquant que la volonté de Benoît XVI était « d’aider ceux qui avaient simplement trouvé un foyer dans l’ancienne messe à trouver la paix intérieure, à trouver la paix liturgique, afin de les éloigner » de la Fraternité Saint-Pie-X. Une critique à peine voilée envers le pape François dans la gestion de ce dossier sensible.

La deuxième flèche du secrétaire particulier a été décochée jeudi 5 janvier, quelques heures après les funérailles de Benoît XVI, avec la publication de certains extraits de la biographie de Mgr Georg Gänswein à paraître en italien dans le courant du mois de janvier, coécrite avec un journaliste transalpin.

Dans les passages rapportés par la presse, ce dernier revient sur la décision du pape François de réduire son rôle de préfet de la Maison pontificale en 2020. « Quand François m’a congédié, j’ai été choqué, il a fait de moi un préfet à moitié », raconte Mgr Gänswein dans ses Mémoires intitulés Rien que la vérité : ma vie auprès du pape Benoît XVI, un livre qui promet de révéler « les sinistres calomnies et les manœuvres obscures qui ont tenté en vain de jeter de l’ombre sur le magistère et les actions du pontife allemand ».

« Vous restez préfet, mais à partir de demain vous ne reprendrez pas le travail », aurait dit le pape François à Mgr Gänswein, selon les dires de ce dernier, qui ajoute que Benoît XVI aurait réagi en lui confiant : « Je pense que le pape François ne me fait plus confiance et souhaite que vous soyez mon tuteur… » François a en effet décidé de réduire les prérogatives du préfet de la Maison pontificale après la sortie d’un livre coécrit par Benoît XVI et le cardinal Robert Sarah sur le célibat, qui appelait ouvertement le pape régnant à ne pas ordonner d’hommes mariés en Amazonie.

Défenseur de Benoît XVI

Toujours selon Mgr Georg Gänswein, le pape Benoît XVI, avant sa mort, aurait ordonné que « les écrits privés de toutes sortes soient détruits (…) sans exception », explique-t-il dans ses Mémoires.

Tout au long de ses années passées au côté du pape émérite, l’archevêque allemand n’a jamais ménagé ses efforts pour le défendre. En 2022, il était notamment monté au créneau après la publication d’un rapport mettant en cause le cardinal Joseph Ratzinger dans la gestion de cas d’abus sexuels commis par quatre prêtres du diocèse de Munich, dont il fut l’archevêque entre 1977 et 1982.

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Y a-t-il plusieurs dates pour l’Épiphanie ?

Explication 

À en croire le calendrier des postes, c’est le vendredi 6 janvier 2023 que tombe la fête de l’Épiphanie. Mais dans les églises, en France, elle est célébrée un dimanche, qui ne tombe pas toujours le 6 janvier. Pourquoi ? Petite histoire de l’Épiphanie.

  • Nicolas Senèze, 

 

Y a-t-il plusieurs dates pour l’Épiphanie ?
 
Galette des rois pour la fête de l'Épiphanie.© DR

1/ Quel jour tombe l’Épiphanie ?

Pour l’Église catholique, « l’Épiphanie est célébrée le 6 janvier », ainsi que le soulignent les Normes universelles de l’année liturgique et du calendrier (§37) annexées au Missel romain. Ce principe connaît toutefois des exceptions, en particulier dans les pays où le 6 janvier n’est pas un jour chômé, permettant ainsi aux fidèles de se rendre à la messe. Dans ces pays, l’Épiphanie est alors fixée «au dimanche inclus dans la période du 2 au 8 janvier».

C’est le cas en France qui connaît d’ailleurs cette exception depuis 1802 : le Concordat n’ayant conservé que quatre fêtes chômées (Noël, Ascension, Assomption, Toussaint), les autres fêtes de précepte avaient été déplacées au «dimanche le plus proche» par un indult du cardinal Caprara, légat du pape Pie VII.

2/ D’où vient l’Épiphanie ?

La fête de l’Épiphanie naît dans l’Orient chrétien où elle se développe parallèlement à celle de Noël en Occident, où elle est rapprochée de la fête païenne de Sol Invictus (du « Soleil invaincu »). La date du 6 janvier correspond d’ailleurs à celle de Sol Invictus en Égypte et en Arabie, où le calendrier lunaire en usage accusait un décalage de 12 jours avec le calendrier solaire des Romains.

En Occident, cette fête est alors christianisée, rassemblant en un même événement les premières manifestations publiques de Jésus (c’est l’étymologie d’Épiphanie, du grec phaïnô«faire apparaître») : l’adoration par les mages, le baptême au Jourdain et les Noces de Cana.

L’Épiphanie arrive en Occident vers 350 (elle est déjà fêtée à Lutèce en 361). À Rome, sa célébration insiste déjà plus sur l’adoration des mages, la célébration du baptême étant renvoyée, dès le VIIIe siècle, au dimanche suivant.

La distinction entre l’Épiphanie et le Baptême ne sera toutefois entérinée qu’en 1570 par le Concile de Trente et ce n’est qu’après Vatican II qu’une véritable fête du Baptême sera instituée, en général le dimanche suivant l’Épiphanie. Quant aux Noces de Cana, elles sont marquées dans la liturgie le 7 janvier et le deuxième dimanche de l’année C.

En Orient, l’Épiphanie (ou Théophanie) connaît une évolution inverse avec l’importation, au IVe siècle, de la fête de Noël à laquelle va se rattacher l’adoration des mages : l’Épiphanie se recentre alors davantage sur le baptême. Aujourd’hui encore, c’est d’ailleurs par une bénédiction des eaux que la fête est le plus souvent marquée chez les orthodoxes.

3/ Pourquoi les rois et la galette ?

C’est Tertullien (vers 200) qui, le premier, a donné le titre de rois aux mages venus visiter Jésus à Bethléem. Leur nombre de trois rappelle les trois continents d’où ils étaient censés provenir, et leurs cadeaux soulignent que le Christ est à la fois roi (or), dieu (encens) et homme mortel (myrrhe), comme le décrira saint Ambroise de Milan au IVe siècle. Quant à leurs noms, Gaspard, Melchior et Balthazar, ils apparaissent pour la première fois dans un manuscrit du VIe siècle.

La galette trouverait son origine dans les Saturnales de la Rome antique, célébrées au moment du solstice d’hiver et qui se terminaient par la fête de Sol Invictus. Lors de ces fêtes païennes, les Romains avaient l’habitude d’inverser les rôles (ainsi entre maîtres et esclaves) et utilisaient la fève d’un gâteau pour désigner le « Prince des Saturnales » qui voyait tous ses désirs exaucés le temps d’une journée. La coutume voulait que le plus jeune de la maisonnée se place sous la table et nomme le bénéficiaire de la part qui était désignée par la personne chargée du service.

En Orient, lors de la fête de saint Basile, le 1er janvier, la tradition est aussi de placer une pièce d’or dans le gâteau de Saint-Basile (Vassilopita).

Delphine Horvilleur, rabbin : « Assumer un héritage n’empêche pas de le questionner »

Entretien 

Elle est rabbin, et pas seulement. Livre après livre, Delphine Horvilleur sonde l’époque. De biais, toujours. En assurant, par exemple, que la parole religieuse y a encore sa place, en alertant contre la surenchère identitaire ou encore en faisant « le choix de la vie » malgré un horizon plombé. Rencontre avec une femme aimant bousculer l’évidence.

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  • Recueilli par Marie Boëton, 
 
Delphine Horvilleur, rabbin : « Assumer un héritage n’empêche pas de le questionner »
 
Delphine Horvilleur, rabbin.ADRIENNE SURPRENANT POUR LA CROIX L’HEBDO

La Croix L’Hebdo : À l’heure de tirer les bilans de 2022 mais, aussi, de se projeter dans l’année qui vient, que nous souhaitez-vous, collectivement, pour 2023 ?

Delphine Horvilleur : Je nous souhaite d’être capables de nous reparler. Je suis frappée par les tensions intergénérationnelles actuelles. L’opposition entre les « boomers » et la « génération Z » sur les questions de laïcité, d’environnement, de féminisme devient mortifère. On a besoin de refaire pont entre générations. Il faudrait organiser des dîners de pont ! (Rires.) C’est peut-être d’ailleurs à ma génération, celle née dans les années 1970, de jouer ce rôle de jonction.

Critiquer la jeune génération, ou railler les anciens, n’est pas propre à l’époque…

D. H. : Certes, mais cela va au-delà. Je me sens de plus en plus souvent prise en étau entre deux illusions mortifères avec, d’un côté, des ultra-conservateurs considérant que nous ne sommes que notre naissance et, de l’autre, ceux qui pensent que l’on est que ce que l’on décide d’être. Je ne me reconnais dans aucune. Pour moi, nous ne sommes pas condamnés à n’être que notre naissance mais on ne peut pas, non plus, s’auto-engendrer. Nous devons « faire avec » ce qui nous est donné… tout en trouvant un chemin d’émancipation.

Assumer un héritage n’empêche pas de le questionner. Quand, comme moi, on est parent, enseignant et leader religieux, on sait que la transmission ne fonctionne que lorsqu’elle est à la fois continuité et rupture. C’est comme la soupe de nos grands-mères : le secret, c’est de ne jamais la reproduire à l’identique, d’y introduire un petit twist, une nouvelle épice. La transmission est toujours un subtil équilibre entre fidélité et infidélité.

Vous insistez beaucoup, dans vos écrits, sur la nécessité de « faire avec », de « vivre avec », ce qui est à rebours, a priori, d’un des marqueurs de l’époque : l’écoute des victimes et la place accordée à leur parole.

D. H. : Leur parole a été étouffée pendant des millénaires et on a la chance de vivre à une époque où elles peuvent enfin raconter ce qu’elles ont subi. Mais le risque, c’est que l’accès à la parole condamne ces victimes à n’être que ce qui leur est arrivé. La parole doit nous émanciper, pas devenir notre identité. Le malheur ne nous raconte pas entièrement. On n’est pas ce qui nous est arrivé, on est ce que l’on en fait. Et là, il y a je crois un héritage particulier de la pensée juive.

En quoi ?

D. H. : C’est une pensée qui compose avec le cassé, le deuil, la déchirure. Cela va des grands récits fondateurs jusqu’aux petits gestes du quotidien : depuis Moïse, qui descend du mont Sinaï et casse les Tables de la Loi… jusqu’au fait que, lorsqu’on emménage dans une nouvelle maison, la tradition veut qu’on y garde toujours quelque chose d’incomplet (un mur inachevé, un carreau cassé, etc.). La cassure, la faille est là, tout le temps, dans les temps et les lieux de nos vies. Et il ne s’agit pas de s’enfermer dans ce manque, mais d’apprendre à vivre avec. Ou à vivre malgré lui. Et de faire « le choix de la vie », selon l’expression issue d’un célèbre verset du Deutéronome, livre de l’Ancien Testament. Tout l’enjeu, c’est cela : continuer, malgré tout, à faire ce choix, en dépit des deuils qui nous frappent.

L’époque est au repli, à la surenchère sécuritaire et identitaire. Comment l’expliquez-vous ?

D. H. : Par la peur. C’est d’ailleurs compréhensible. La peur est légitime sur le plan sanitaire, environnemental, etc. Moi aussi, j’ai peur. J’ai peur pour mes enfants. J’ai peur de ne pas avoir les codes du monde qui sera. Mais, une fois cette peur connue, et assumée, la question est de savoir si elle nous mènera à l’action ou au repli. Je plaide évidemment pour la première… Malheureusement, la seconde option est souvent choisie. Par facilité. Le repli permet de conserver, un temps, l’illusion de l’inchangé. Et, comme en temps de guerre, le premier réflexe, c’est de consolider les murs et de bombarder les ponts… La peur peut amener à se replier sur un chez-soi qu’on imagine inattaquable, mais qui ne tient jamais longtemps ! Ou parfois à agir pour colmater toutes les failles et se croire invincible… C’est la route pavée vers la violence politique.

Votre dernier ouvrage, Il n’y a pas de Ajar, est un réquisitoire sans appel contre une conception étroite de l’identité. Laquelle exactement ?

D. H. : Quand on dit « identité », on entend trop souvent « identique » alors que nous sommes en réalité en recomposition permanente. Y compris sur le plan biologique d’ailleurs : les cellules qui composaient votre corps il y a dix ans ont toutes disparues pour être remplacées par d’autres.

On doit penser l’identité en termes de mutation plutôt que sous l’angle de la sédimentation. Elle est plurielle, composite, en devenir. Elle évolue continuellement et nous menace dès qu’on la perçoit comme fixe, authentique, pure. Les gens obsédés par les frontières hermétiques de leur quartier, de leur pays, de leur religion nourrissent, en général, des projets politiques mortifères. À l’image des projets fondamentalistes. La rhétorique antisémite n’est, dans ces cas-là, jamais loin.

Quel lien faites-vous entre les deux ?

D. H. : Le juif est, depuis toujours, vu comme l’agent polluant. Au Moyen Âge, on l’accuse de contaminer les puits et, par la suite, de contaminer la nation, les codes de la famille, la morale chrétienne ou la terre d’Islam. À chaque fois qu’une société est prise d’une obsession de pureté, elle développe une haine de l’Autre : le juif, la femme, l’homosexuel. On les accuse de contaminer, de manipuler, de subvertir…

La lutte contre le racisme et l’antisémitisme ont longtemps été un seul et même combat. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Faut-il y voir le primat de l’identitaire sur l’universel ?

D. H. : Sans doute, et c’est un drame absolu. Adolescente, j’ai grandi dans un monde où il était inconcevable de déconnecter ces deux combats. Comme toute une partie de ma génération, j’ai porté la petite main jaune « Touche pas à mon pote ». Et puis il y a eu une rupture au début des années 2000, comme si un combat menaçait l’autre. L’idée qu’il faille appartenir à une minorité pour la défendre s’est, malheureusement, imposée. C’est affligeant. Il ne s’agit pas d’être naïf. Je peux comprendre que certains aient eu le sentiment de voir leur voix confisquée par des gens qui parlaient en leur nom. Le slogan « Touche pas à mon pote » est d’ailleurs, quand on y repense, plutôt problématique : c’était assez paternaliste de parler à la place de notre « pote ». Que les intéressés souhaitent reprendre la main sur leur témoignage n’est pas illégitime. Ce qui est regrettable, en revanche, c’est que certains d’entre eux fassent de cet entre-soi identitaire une fin en soi, et pas seulement un moyen de combattre l’injustice.

Revenons à l’identité ou, plutôt, à la vôtre. Vous avez commencé des études de médecine, fait un bref passage par le journalisme, avant de devenir… rabbin. Vous l’expliquez-vous ?

D. H. : J’ai longtemps pensé, en effet, que j’étais faite pour la médecine. Les neurosciences me passionnaient. Ensuite, oui, le journalisme… Se porter témoin du monde est quelque chose de sacré. Mais au fil des ans, c’est vrai, l’étude juive a pris une place de plus en plus importante. Par curiosité intellectuelle et spirituelle. Il y avait, dans l’étude du texte, quelque chose qui me reliait aux générations passées tout en étant d’une grande pertinence pour ma génération. L’idée de devenir rabbin, en revanche, ne m’était jamais venue à l’esprit ; je suis issue d’un milieu traditionaliste où être femme et rabbin était tout simplement inconcevable.

Tout s’est ouvert lors d’un séjour à New York, mon mont Sinaï à moi ! J’ai découvert outre- Atlantique des idées religieuses progressistes. C’est là-bas qu’un jeune rabbin libéral m’a dit un jour : « Avec ton parcours, pourquoi n’envisages-tu pas le rabbinat ? » J’ai ri. Pas lui. À cet instant, j’ai compris que sa remarque pouvait… ne pas être une blague. Tout s’est enchaîné ensuite. J’ai suivi un séminaire rabbinique et j’ai reçu l’ordination à 33 ans, âge symbolique ! Je suis ensuite rentrée en France, où j’ai été recrutée par une synagogue au sein de Judaïsme en mouvement. Ce retour était un voyage dans l’espace mais aussi dans le temps. Le leadership religieux féminin restait ici, et reste encore, une anomalie.

Vous le fait-on encore sentir ?

D. H. : Oui ! Au sein du monde orthodoxe, certains n’accepteront jamais le leadership au féminin. C’est ainsi. J’ai fini par m’y faire… et par trouver cela presque sain ! (Rires.)

En quoi ?

D. H. : Douter de sa légitimité n’est pas inintéressant. Cela empêche toute forme de sédentarité mentale. Cela amène à constamment se demander si l’on pourrait faire mieux. Ou différemment.

Vous comparez souvent le rabbinat au métier de conteur. Pourquoi ?

D. H. : Parce que je pense que les récits nous construisent, nous édifient. Les récits religieux comme les contes. Pour moi, la fiction ne s’oppose pas à la réalité, elle compose avec elle. Elle l’élargit. Je crois à la force des récits, à leur capacité à changer nos sociétés. Je crois en leur puissance de construction, comme de déconstruction d’ailleurs. Nous sommes des êtres de narration : parfois, ces récits nous grandissent, parfois ils nous rendent minables. Ils peuvent même faire de nous des assassins : les terroristes passés à l’action ces dernières années étaient, eux aussi, nourris de récits. Toute la question est de savoir comment en proposer d’autres, en face, qui mettent la société en action ou en confiance, et qui la fassent grandir.

Quelle place peuvent avoir les textes sacrés dans nos sociétés sécularisées ?

D. H. : La particularité de ces récits-là, je crois, c’est de parler à travers les générations. Certains vous diront que leur livre sacré, c’est Guerre et Paix, de Tolstoï, ou Les Fleurs du mal, de Baudelaire. Et pourquoi pas ! Moi aussi, j’adore Baudelaire. Mais je crois que la force d’un récit sacré est d’être vu comme tel par une succession de générations. Et c’est précisément ce qui lui donne une puissance de dire et une potentialité décuplée. Ce qui n’est pas forcément le cas d’un texte non religieux.

Moi, ce qui m’intéresse en tant que rabbin, c’est de faire résonner ces récits ancestraux avec notre époque. Quand je raconte la sortie d’Égypte, ce n’est pas pour dire que nos ancêtres esclaves ont été libérés ; c’est pour rappeler que chacun de nous a son Égypte, que chaque génération a ses dix plaies et que nous avons, nous aussi, à nous mettre en route vers notre Terre promise. Pour que ces récits continuent de nous parler au présent, cela suppose de savoir questionner les textes.

Je vous ai même entendu dire qu’il fallait parfois les « violenter ». Qu’entendez-vous par là ?

D. H. : Je veux dire qu’il faut les interpréter avec nos outils critiques. C’est à cette condition qu’on les garde vivants, qu’on les fait dialoguer avec nos vies. Il est peut-être plus facile, je le reconnais, de les bousculer à l’intérieur de la tradition juive. L’hébreu est une langue polysémique : un mot veut toujours dire plusieurs choses. Et puis les dogmes sont, dans la pensée juive, moins prégnants que dans d’autres traditions… À mes yeux, le texte sacré n’est pas tant l’expression d’une vérité énoncée que l’occasion d’un questionnement.

Vous vous dites très attachée à la laïcité et vous vous assumez comme un « rabbin laïc ». Surprenant oxymore…

D. H. : Je pense, en effet, que la laïcité est une chance, je dirais même une bénédiction ! C’est un cadre offrant de l’oxygène et laissant de la place – hors de nos convictions personnelles – pour un autre que soi. C’est une garantie de transcendance au sens littéral du terme. On est transcendé par un cadre, garanti par la République, qui dit : « Il y a un au-delà de ta croyance, un au-delà de ta pratique. »

La transmission occupe une place centrale dans vos fonctions pastorales. Quelle enseignante êtes-vous ?

D. H. : Je parle avec les mots de la tradition, mais ce n’est pas que moi qui parle. Je suis là devant vous aujourd’hui mais, un jour, je ne serai plus et les mots qui me précédaient me survivront. Enseigner, c’est transmettre quelque chose de plus grand que soi. Il m’arrive, parfois, qu’on me dise merci pour un enseignement. Alors même que je n’ai pas pu enseigner ce que l’autre a entendu de ma bouche, ne le sachant pas moi-même… Je trouve cela fascinant !

C’est-à-dire ?

D. H. : C’est-à-dire que j’ai dit à l’autre quelque chose qui est entré en résonance avec lui, avec son passé, avec son psychisme… Et, à partir de là, il a pris conscience de quelque chose que ma bouche n’a jamais dit. Il a entendu quelque chose que je ne m’étais moi-même jamais formulé ! C’est génial, ça fait grandir l’intelligence collective.

Vous êtes l’une des rares femmes rabbins en France. En quoi le fait d’être une femme façonne-t-il vos fonctions pastorales ?

D. H. : Une réponse un peu hâtive, voire naïve, consisterait à dire que les femmes apportent, dans les fonctions qu’elles exercent, davantage d’écoute ou d’empathie. Il n’en est rien. Prenez l’italienne Giorgia Meloni ou Marine Le Pen : incarnent-elles vraiment une forme de leadership doux ? Je ne le crois pas… Une femme peut exercer le pire de la virilité brutale. Preuve que notre sexe ne détermine pas les attributs de notre genre. Je pense, en revanche, que l’accès des femmes au leadership fait bouger le système dans son ensemble et libère la voix du féminin dans la fonction religieuse.

Que voulez-vous dire par « voix du féminin » ?

D. H. : C’est le fait d’être à l’écoute des éclipsés, des voix cachées du texte, de l’Autre de l’histoire, quel que soit cet autre. Tout le monde, homme ou femme, peut faire parler ce féminin. Je constate d’ailleurs, après quinze ans de pratique, que l’entrée des femmes dans le rabbinat amène certains hommes à parler, eux aussi, cette langue-là.

Vous dites faire dialoguer en vous différentes voix. Est-ce lié à votre une histoire familiale complexe avec, d’un côté, une lignée paternelle ayant été sauvée par les Justes et, côté maternel, une famille décimée par la Shoah ?

D. H. : J’ai très vite compris, en effet, qu’il serait impossible de réconcilier ces deux récits familiaux : un récit de confiance et de sauvetage, d’un côté, et, de l’autre, un discours de méfiance, d’arrachement et d’impossible reconstruction. Enfant, j’avais le sentiment d’être bilingue dans ces deux cultures. Il fallait naviguer entre deux récits aux antipodes. L’un disait : « Mon voisin pourrait être mon sauveur… » Et l’autre : « Il pourrait bien être un jour mon assassin. » Je portais en moi ces deux mondes inconciliables. Et oui, cela explique en partie, sans doute, ce que je suis devenue.

Vous revendiquez une identité mouvante et plurielle, mais de quoi êtes-vous absolument sûre et certaine ? De quoi ne douterez-vous jamais ?

D. H. : Je suis sûre de ma gratitude envers ceux qui m’ont donné naissance. J’ai changé de vies, d’avis, de pays, de métiers et je n’ai pu le faire que parce que j’avais une famille, et d’abord des parents, qui me soutenaient dans mes errances. Cette gratitude à leur égard, ça oui, j’en suis absolument certaine ! Je répète d’ailleurs souvent à mes enfants qu’on peut être en désaccord sur plein de choses mais que j’ai besoin qu’ils sentent ma confiance. Le pire échec, ce serait qu’ils ne partagent pas avec moi ce qui leur arrive. Une parentalité réussie, pour moi, c’est quand vos enfants osent vous parler, osent vous dire leurs sorties de route. Et le font sans craindre de vous décevoir.

Vos livres rencontrent un réel succès, vous êtes invitée partout, vous parlez bien au-delà de la communauté juive. Comment l’expliquez-vous ?

D. H. : Je me demande toujours ce que je peux apporter – de l’intérieur de ma tradition – à la société. J’aime utiliser les enseignements de la pensée juive pour contribuer au débat. Pour moi, ces enseignements ne sont pas une chasse gardée, ils n’appartiennent pas à un club privé dont l’autre serait exclu ! Je crois, profondément, au dialogue universel.

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Ses dates

1974.Naissance à Nancy.

1992. Départ à Jérusalem pour faire des études de médecine.

2003. Entre à l’école rabbinique de New York, et sera ordonnée rabbin en 2008. Entre-temps, en 2006, naît le premier de ses trois enfants.

2008. Adhère au Mouvement juif libéral de France (MJLF). Exerce le rabbinat pendant dix ans dans une synagogue du 15e arrondissement de Paris.

2009. Prend la direction de la revue trimestrielle Tenou’a.

2013. Parution de son premier livre, En tenue d’ÈveFéminin, pudeur et judaïsme (Grasset) ; puis Comment les rabbins font les enfants. Sexe, transmission, identité dans le judaïsme, en 2015 (Grasset).

2018. Publie, avec l’islamologue Rachid Benzine, Des mille et une façons d’être juif ou musulman (Seuil).

2019.Réflexions sur la question antisémite (Grasset).

2021.Vivre avec nos morts. Petit traité de consolation (Grasset).

2022.Il n’y a pas de Ajar. Monologue contre l’identité (Grasset).

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Une œuvre

Les Amoureux en vert, de Marc Chagall

« Sur cette peinture, la féminité a les yeux grands ouverts, comme si elle seule était lucide ou visionnaire et que le monde s’arrimait à elle, les yeux fermés. La peinture nous interroge sur ce que nous acceptons ou refusons de voir dans le monde. »

Une personnalité

Les Iraniennes

« Je pourrais, bien sûr, nommer des auteurs, des poètes, des leaders politiques qui m’inspirent, mais au moment où j’écris… je suis obsédée par les visages de la jeunesse iranienne, son combat, son courage, son sacrifice. Je pense à la “personnalité” qu’il faut pour oser défier le pouvoir des mollahs. »

Un lieu

Ein Kerem

« C’est un petit village, aux portes de Jérusalem. Dans ses ruelles ancestrales cohabitent Juifs et Arabes. Et une allée en escalier mène jusqu’à l’église de la Visitation. Poésie immense de ce lieu ! »

Frère Alois de Taizé : « La paix naît dans le dialogue et dans les cœurs de chacun »

Entretien 

Jusqu’au 1er janvier, 5 000 jeunes chrétiens sont réunis à Rostock en Allemagne, pour les rencontres européennes de Taizé. La Croix a rencontré le prieur de cette communauté œcuménique, frère Alois, pour échanger sur ces journées, son récent voyage en Ukraine et les défis auxquels fait face Taizé.

  • Recueilli par Vinciane Joly, 
Frère Alois de Taizé : « La paix naît dans le dialogue et dans les cœurs de chacun »
 
Groupe des Ukrainiens arrivés de l'Ukraine pour la rencontre de RostockTAIZÉ

La Croix : Des milliers de jeunes sont rassemblés au cœur de l’hiver dans une ville du nord de l’Allemagne. Pourquoi ces jeunes sont-ils venus à Rostock ?

Frère Alois : Ce sont les rencontres européennes lancées par Taizé. Des jeunes viennent et sont accueillis par des familles qui ne les connaissent pas. L’hospitalité est cruciale. Nous sommes 5 000 participants pour cette merveilleuse rencontre ici à Rostock.

Après le coronavirus et alors que la guerre fait rage en Ukraine, nous avons besoin de nous retrouver en Église et de chercher quelle est notre contribution de chrétiens pour la paix et pour les causes de notre temps.

Rostock est située dans l’une des régions les plus déchristianisées d’Allemagne, pourquoi ce choix ? Que retenez-vous de la foi de ceux qui restent ? Qu’ont à nous dire ces chrétiens minoritaires ?

Fr. A. : Les chrétiens d’ici ont insisté. « Venez chez nous », ont-ils dit. Le christianisme est minoritaire à Rostock, et ce depuis longtemps. Seuls 17 % de la population sont baptisés – protestants et catholiques ensemble. Ce qui est extraordinaire est que ces chrétiens ne se retirent pas du monde mais entrent en dialogue avec les hommes et les femmes qui cherchent un avenir de paix et de confiance dans nos sociétés. Il est beau de voir que des personnes éloignées de l’Église participent de cette manière aux rencontres. On dépasse les frontières de l’Église et c’est l’une des spécificités de notre rencontre à Rostock.

Vous revenez d’Ukraine où vous avez passé Noël. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre séjour ? Quelle est votre espérance pour l’Europe à l’heure de la guerre en Ukraine ?

Fr. A. : Je voulais célébrer Noël avec les Ukrainiens. J’ai été très frappé par la gravité de la situation et la souffrance des personnes là-bas. Ils vivent des jours entiers sans électricité, c’est-à-dire sans lumière ni chauffage ni eau chaude, parfois même sans cuisine chaude.

Cela affecte beaucoup la population. Et pourtant, la joie de Noël a éclaté, avec splendeur, avec la conscience que le Christ vient dans les ténèbres de l’humanité. On peut remercier le peuple ukrainien pour sa persévérance dans la foi et pour le témoignage qu’il nous en donne. J’ai vu là-bas de belles initiatives de solidarité qui ne pourront perdurer qu’avec notre solidarité.

Taizé a un lien fort avec l’Ukraine depuis que le rideau de fer est tombé. Dans les années 1990, les Ukrainiens sont nombreux à être venus aux rencontres européennes. Nous en avions organisé une à Lviv, dans l’ouest du pays, en 2018.

Comment les jeunes réunis ici peuvent-ils être porteurs de paix ? Quels sont les défis qui les attendent ? Quelle est votre espérance pour l’Europe ?

Fr. A. : Les jeunes que je vois sont sérieux et impliqués dans les questions de société contemporaines. Une joie les habite également. Les jeunes eux-mêmes donnent une espérance à l’Église et la société. J’aimerais qu’ils se rendent compte que leur fort engagement, notamment pour répondre aux défis climatiques et écologiques, a un impact, un impact politique même. On commence à sentir un changement de conscience pour la paix et pour l’écologie.

Nous pouvons parfois ressentir une impression d’impuissance dans la construction de la paix. En effet, il est difficile de ne pas céder au découragement et à la peur. Pourtant, nous devons résister à la tentation de l’enfermement sur soi. Or, les jeunes ont la volonté de s’ouvrir, de vivre le dialogue avec d’autres, même ceux qui ne pensent pas comme eux. Certes, la paix naît dans le dialogue, mais surtout dans les cœurs de chacun. Sans vie intérieure, sans un enracinement dans la prière en Dieu, nous ne pouvons pas atteindre la paix.

Des révélations sur des accusations d’abus sexuels contre la communauté ont eu lieu ces dernières années, une encore ce mois-ci. En amont des rencontres de Rostock, vous appeliez à faire de « Taizé un lieu sûr » , comment ?

Fr. A. : Depuis que nous avons rendu publics en 2019 les faits d’agressions sexuelles qui ont eu lieu à Taizé, nous avons pris des mesures concrètes. Deux audits de la communauté ont eu lieu. Les cabinets qui sont venus nous ont donné des conseils très précis sur la formation des frères, des sœurs et des volontaires. Tous les permanents de Taizé suivent désormais une telle formation.

Nous avons rendu de plus en plus indépendante l’équipe responsable de la gestion des signalements des faits. Pourtant, nous avons encore des choses à améliorer. Nous poursuivons ce travail pour protéger les personnes car nous le devons aux victimes et à tous ceux qui viennent à nos rencontres.

Le pape émérite Benoît XVI est gravement malade, qui est-il pour vous ? A-t-il joué un rôle particulier dans votre itinéraire spirituel ?

Fr. A. : Je me sens très proche de lui, à titre personnel. Nous partageons la même langue maternelle. Dans la communauté également, nous nous sentons très proches de lui. Dès la première soirée de notre rencontre, lorsque nous avons appris l’aggravation de sa maladie, nous avons prié pour lui.

Chaque année, lorsqu’il était encore pape et que j’étais prieur, il m’a accueilli à Rome. Il nous a beaucoup encouragés à continuer après la mort de frère Roger (le fondateur de la communauté). Certaines de ses paroles m’ont marqué. Lors des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) de Cologne en 2005, au moment où frère Roger a été tué, il a appelé à « écouter davantage l’œcuménisme que frère Roger a vécu »« La vérité, personne ne la possède à lui seul. La vérité se découvre en un dialogue des uns avec les autres », a-t-il dit lors de son voyage au Liban en 2012. Ce sont des paroles fortes.

Pour conclure, quels sont vos vœux pour cette année 2023 ?

Fr. A. : Ce que je souhaite, ce que j’espère est que la paix vienne, en Ukraine et partout dans le monde. Je pense aux peuples qui ne sont pas sous le feu des projecteurs : le peuple de Haïti qui vit une situation humanitaire désastreuse ; le peuple du Liban qui traverse également des conditions très difficiles.