Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Interreligieux : Y’a-t-il une place à l’espérance ?

 

Depuis déjà plusieurs années, le monde est en grande effervescence .Un embrasement qui ne cesse de croitre. Cela engendre des peurs, des angoisses, des appréhensions et aussi beaucoup d’incertitudes par rapport à l’avenir de l’humanité.

Hélas, les religions ne sont pas épargnées par ces maux. Elles ont leur part du malaise dont souffre le genre humain. Attentats …bombes…. Guerres…

Comment peut-on avoir un peu d’espoir au milieu de toutes ces guerres, tous ces conflits, ces drames écologiques, ces menaces d’une conflagration mondiale?

Y’a-t-il quelque chose de positif qui laisse espérer un avenir meilleur ?

Ces dernières années, le dialogue interreligieux a fait des pas de géant. Qui pouvait imaginer, un jour, une béatification de moines catholiques en terre d’islam ? En Algérie ?
Qui pouvait concevoir la visite du pape François aux Emirats arabes unis, pays ultra-conservateur, la rencontre de l’imam d’El Azhar et la signature de la déclaration commune sur la fraternité ?

Lors de notre avant dernière rencontre, un des présents nous a fait savoir qu’il y a un peu partout dans le monde de petits groupes de dialogue interreligieux comme le nôtre( 40 ans d’existence déjà !!!) qui se rencontrent dans l’espoir de construire ensemble la paix sur la terre et dans les cœurs.

Comment après tous ces signes d’espérance, ne pas sortir de son pessimisme et espérer un avenir meilleur pour l’humanité ?

Pour ce faire, il faut être très vigilant.il faut que ces artisans de la paix, ces tisserons soient plus nombreux, plus persévérants, plus efficaces, et plus acharnés que ceux qui veulent semer la pagaille et la terreur dans le monde. Le combat peut être rude mais il faut toujours privilégier le dialogue à la violence. La fraternité à l’inimité et l’amour à la haine pour que les futures générations puissent jouir d’une vie agréable dans le respect de l’autre en dépit de ses différences.

Ahmed Abdel Djalil DEKHILI

Le Hirak… le 16e vendredi

Un vendredi de plus, c'est le 16e. Je suis allé de nouveau prendre un bain de cette atmosphère tout à fait unique qui émane de cette foule des vendredis. C'est le 16e vendredi depuis le 22 février. La foule est là, peut-être moins dense que celle des derniers vendredis, mais elle est là aussi présente, aussi consentante, donnant l'impression de vivre un moment hors de l'ordinaire. Une joie, une paix reposent sur les visages. Les visages sont beaux.

Je regarde d'abord ceux et celles qui portent les pancartes rédigées avec soin, avec humour, Ils sont fiers de les montrer et se font volontiers photographier. Depuis tant d'années, la parole était interdite. Aujourd’hui la parole libre habite la rue, on peut l'afficher, on peut l'écrire. C'est la première fois que depuis l'Indépendance, la foule algérienne prend possession de la rue. C'est aujourd'hui la vraie Indépendance. Toutes ces déclarations qui étaient tues depuis plus de 50 ans. Enfin on peut les écrire, les chanter, les crier en français, mais en arabe, et aussi en kabyle, la langue du cœur de tant d'habitants d'Alger. Les drapeaux algériens, mais aussi kabyles sont là qui sont agités, ou qui enveloppent les corps, ils disent que c'est toute notre identité algérienne qui est là, qui prend corps dans ces rues qui deviennent le lieu où surgit aujourd'hui une vraie lumière, après tant de nuits, de doutes, de dégoûts, de sentiments muselés. On voit des plus vieux, un homme et sa dame d'âge mûr, sans doute de hauts fonctionnaires ou des universitaires. Ils viennent se replonger chaque vendredi dans ce vent de renouveau où nous surgit une lumière, un consensus, une convivialité, un accord profond, qui apparaît comme un ciment qui les lie tous ensemble. Ils viennent reconnaître l'audace de leurs jeunes, qui ont commencé le mouvement.

Ces jeunes n'avaient pas le handicap des années noires, ils n'ont pas eu peur de sortir dans la rue et de crier et chanter haut et fort leur soif de renouveau et leur rejet du système. Ce consensus, rêvé, désiré depuis si longtemps, mais enchaîné dans le fond des cœurs, interdit par la hogra, par le mépris, peut enfin se répandre, grandir en s'exprimant dans les multiples formes de slogans qui sont brandis avec fierté et qui expriment ce qui était interdit de dire pendant ces cinquante ans de répression, de non-reconnaissance (certains osent parler de terrorisme d'État).

Ces vieux de soixante ans, viennent respirer cette atmosphère libératrice. Ils font une cure de vraie vie en marchant dans les rues où ils retrouvent le goût de vivre et la joie et la fierté de leur nouvelle Algérie. Ils prennent racine dans cette conviction que ce grand mouvement ne peut pas échouer, parce que le consensus est trop profond, trop général, touchant toutes les couches de la société. Le consensus, grandit, prend corps dans les regards échangés, dans la fierté affichée. La foule est diverse. Étudiants, lycéens, adultes, vieux retraités, hauts fonctionnaires, universitaires, ouvriers, artisans, tous se mêlent, scandent ensemble les slogans, reprennent les refrains, le consensus devient le ciment qui les réunit tous.

Ils sont drapés dans leur drapeau algérien, leurs visages sont détendus et respirent un accord profond, comme une résonnance, qui fait que ce consensus ne cesse de grandir. C'est une autre Algérie qui est en train de renaître. Ce consensus qui est en train de prendre corps dans la société algérienne. Il est là sur les visages, dans les yeux, dans le rythme des chants entonnés par les jeunes, dans tous ces slogans scandés par tous avec conviction et fierté. Comment ce consensus ne peut-il pas gagner aussi le cœur de ces centaines de policiers qui sont là pour maintenir soi-disant l'ordre. Leurs visages ne sont pas fermés. Une partie d'eux-mêmes semble être en accord avec ce qui se passe, même s'ils sont obligés de rester bien entre eux sur la réserve.

Au fur et à mesure des vendredis, la conviction s'est affermie. Le mouvement ne peut pas échouer. Le consensus est trop général. Il devient irréversible, incontournable. Une guérison profonde est à l'œuvre. La rue devient un élément incontournable. Le texte des articles 7 et 8 de la Constitution qui dit que le peuple est la source du pouvoir devient la réalité.

Les vieux dans tout ce mouvement, semblent avoir une place. Ils sont là, présents, conscients de toutes les difficultés pour que les choses s'apaisent, pour que les grandes tensions se dissipent, pour que les fossés deviennent passages, pour que les abîmes se comblent. Les vieux sont là qui permettent à la soif de la rue de prendre son poids dans la société. Dans la "Jamaa", dans l'assemblée du village, le consensus s'enfantait douloureusement sous le regard des plus sages. Cela mettait du temps. Il est heureux que le monde soit témoin aujourd'hui de cet enfantement d'un "vivre ensemble". Nous sommes heureux que cet enfantement ait lieu en Algérie. Elle devient un espoir pour tous.

Christian Reille

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L’interprète des désirs

Mon cœur est devenu capable

D’accueillir toute forme.

Il est pâturage pour gazelles

Et abbaye pour moines !

Il est un temple pour idoles

Et la Ka’ba pour qui en fait le tour,

Il est les tables de la Thora

Et aussi les feuillets du Coran !

La religion que je professe

Est celle de l’Amour.

Partout où ses montures se tournent

L’amour est ma religion et ma foi.

ترجمان الأشواق

لقد صار قلبي قابلا كل صورة

فمرعى لغزلان ودير لرهبان

وبيت لأوثان وكعبة طائف

و أ لواح توراة ومصحف قرآن

أدين بدين الحب أني توجهت ركائبه

فالحب ديني وإيماني

 Ibn Arabi : Turjuman el achwak (ترجمان الأشواق)

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60 ans au service du diocèse d’Oran

Dès l’année 1957, je me suis trouvé à Oran envoyé par la Marine française pour y accomplir mon service militaire. J’étais déjà séminariste au Séminaire des Carmes de l’Institut Catholique de Paris et j’avais souhaité rester homme de troupe, c'est-à-dire  simple matelot, et je désirais exercer ma prêtrise ailleurs que dans la bourgeoisie parisienne de mes origines. A Oran, je me suis trouvé au port militaire, au fond du port de pêche. Dans la rue qui y menait vivaient, dans un garage,  des Petits Frères de Jésus qui travaillaient comme dockers et je venais prier et parler avec eux et rencontrais chez eux leurs amis « Pieds noirs » et Algériens du quartier de la Marine.

A la caserne, j’étais aussi avec des marins du pays et j’ai commencé à apprendre leurs langues, l’espagnol et l’arabe. Assez rapidement, j’ai compris que l’indépendance du pays allait venir d’une manière inéluctable et j’ai vu que presque personne, parmi les chrétiens, ne s’y préparait, on  ne pouvait en parler qu’avec le curé de l’ancienne cathédrale Saint Louis, ma paroisse, le P. Jo Gauthier, qui avait monté un groupe de « Jeunes ouvriers croyants » où se retrouvaient chrétiens et musulmans. Ainsi a mûri en moi l’intuition de devenir prêtre au service des chrétiens d’Oran pour vivre avec eux les années difficiles qui s’annonçaient. J’en ai parlé avec les Petits Frères, le P. Gauthier, le prêtre aux armées le P. François de l’Epinay et le P. Henri Teissier, camarade de séminaire, maintenant vicaire à Alger.et j’ai rencontré l’évêque d’Oran, Mgr Bertrand Lacaste.  Le frère François Xardel est témoin de cette époque. Quand je suis retourné au séminaire à la fin de mon service militaire, je me suis inscrit pour le service du diocèse d’Oran et je m’y suis engagé par mon entrée dans la cléricature le 29 juin 1959. 
Je me suis inscrit aux cours d’arabe de l’Institut Catholique et je passais les étés dans un village algérien puis au monastère de Tioumliline, au Maroc, pour aider les moines à l’accueil des jeunes. J’ai été ordonné prêtre le 14 avril 1962 et je suis venu comme vicaire à la paroisse de Tlemcen tandis que la guerre civile dévorait le jeune pays. La plupart des chrétiens étaient partis, j’ai dit à l’évêque qu’il fallait maintenant se mettre au service des gens du pays et que j’étais prêt à passer deux ans de formation au Liban. Il a accepté et en octobre j’étais dans un collège à Beyrouth  comme enseignant et à l’université comme étudiant.

La seconde année , j’étais à l’institut des jésuites spécialisé dans l’enseignement de l’arabe aux étrangers, à Bikfaya, 10 heures de travail par jour ! Je célébrais la messe et commençais à prêcher en arabe, ça faisait parfois rire les gens ! J’étais aussi aumônier scout et aumônier de religieuses et  j’apprenais la langue dialectale orientale. Pendant les vacances de Noël 1963, je suis allé en Egypte chez les Pères dominicains de l’Institut d’Etudes Orientales et j’y ai rencontré un prêtre dont j’avais entendu parler, le P. Serge de Beaurecueil, qui vivait à Kaboul au milieu des Afghans et avait écrit un livre qui m’avait touché : «  Nous avons partagé le pain et le sel ».Je pressentais que nous aurions à vivre la même chose en Algérie. Je décidai d’aller le voir en été et je suis parti, à la fin de l’année scolaire, en train, en bus, en stop, à travers la Syrie, l’Irak et l’Iran – j’avais appris le persan – jusqu’à Kaboul. J’ai découvert les lieux saints de l’islam chiite en Irak, Nedjef, Kerbela, et les petites communautés chrétiennes dispersées dans le pays.  En visitant les merveilles de l’art iranien, j’ai rencontré aussi les petites communautés chrétiennes plongées dans le monde musulman. J’ai passé une semaine chez le P. de Beaurecueil avec les orphelins et handicapés qu’il accueillait. Ce voyage en solitaire m’a appris aussi mes limites personnelles.
Rentré à Oran en septembre 1964, j’ai été nommé dans l’ancien séminaire devenu collège pour les enfants du quartier où j’ai enseigné l’arabe et suis devenu l’adjoint du directeur. J’étais aussi chargé de célébrer la messe en arabe pour les coopérants syriens et libanais. Années magnifiques où tout le monde travaillait dans la joie au développement du jeune pays. En mai 1968, je suis appelé à remplacer le Secrétaire Général de l’Enseignement catholique d’Algérie décédé dans un accident et je m’installe à Alger. Très jeune pour cette fonction, 33 ans, j’ai eu un peu de mal au début mais je m’appuyais sur la confiance totale que me faisait le cardinal Duval, archevêque d’Alger et sur un bon collaborateur, le P. Gilles Nicolas.  Il y avait aussi le Centre pédagogique arabe tenu par les religieuses libanaises des Saints Cœurs qui accompagnaient les professeurs et les « Ecoles Diocésaines d’Algérie », comme on les appelait, avaient un excellent niveau en arabe, ceci montrait que les écoles catholiques étaient bien au service de l’Algérie nouvelle. Il y avait plus de 40 000 élèves, ce qui était un nombre important à cette époque, tous musulmans, les professeurs étaient presque tous musulmans mais ces écoles demeuraient catholiques aux yeux des parents du fait des Pères et des Sœurs qui les dirigeaient dans un climat de respect, de liberté et de sérieux.  Les Pères Blancs et les Sœurs Blanches tenaient, à travers la Kabylie et le Sahara, des écoles professionnelles qui ont formé de nombreux cadres techniques pour le pays. Dans ces écoles et lycées, s’apprenait la collaboration dans la différence. Cette période fut pour moi passionnante d’attention aux responsables à travers le pays et de travail en commun, d’autant plus que j’étais en même temps curé de la paroisse de Kouba où s’apprenait une vraie fraternité entre les différentes communautés de sœurs. En avril 1976, un décret présidentiel ordonne l’intégration de l’enseignement privé dans l’enseignement public et nous avons remis à l’Etat toutes nos écoles et lycées, offrande de ce que nous avions de meilleur. Tout le personnel diplômé était repris, même les religieux et religieuses, à condition qu’ils n’aient pas de costume religieux ! Alors, une année sabbatique m’est donnée et je rejoins la communauté de Béthania que j’avais découverte deux ans plus tôt à Paris : une communauté d’hommes et de femmes blessés par la vie, transformés par l’amour fraternel, la prière et une immense confiance dans le Seigneur, et me voici en train de réapprendre, à leur école, à être chrétien avant d’être prêtre. Année rude et lumineuse.
Après une année de négociations avec les autorités publiques pour la mise en œuvre de cette intégration, j’ai été nommé à la paroisse d’Arzew proche d’Oran, où se trouvaient déjà 2 prêtres au travail dans la zone industrielle en construction. Il y avait des travailleurs de 63 nationalités employés par les multinationales et la messe était célébrée en anglais, en français, en italien, en polonais et en tagalog, langue des Philippins qui étaient plusieurs milliers. Il y avait de nombreuses familles, de nombreux enfants, une activité paroissiale intense qui s’étendait jusqu’à Sig  où vivaient encore d’anciens Européens et à Mohammadia où se trouvaient des religieuses et où je rencontrais des Hongrois coopérants. J’ai, en même temps, été appelé à enseigner le latin en arabe à l’université d’Oran pour les enseignants en histoire, ce fut une expérience très intéressante.
Pendant ces années, je rejoins le Ribat es Salam, où je retrouvais mon ami de jeunesse, Christian de Chergé et les rencontres étaient importantes pour moi qui vivais parfois, sur le terrain, des relations difficiles avec les théoriciens de l’islam : elles m’apaisaient et m’aidaient à une vision plus intérieure et plus spirituelle. C’étaient de grands moments et l’arrivée de frères Alaouites fut pour moi un signe étonnant d’ouverture, un élargissement du cœur  et l’accueil d’un langage gnostique que j’avais beaucoup de mal à comprendre. Il était important de se tenir ensemble en silence.
En 1990, l’évêque d’Oran, Pierre Claverie, m’appelle à être son vicaire général et l’économe diocésain et je viens m’installer à l’évêché et nous avons vécu une communauté de prière, de réflexion et de service ; je me chargeais de la plupart des tâches matérielles, gestion, constructions, entretien,  pour que Pierre soit disponible à la réflexion et à la rencontre. Pierre me faisait une grande confiance. Je continuais à aller rejoindre le P. Philippe Moysan, ingénieur dans la zone industrielle, le dimanche soir et à  rencontrer les ouvriers philippins  dans leurs camps autour de la zone industrielle et à célébrer la messe avec eux, une messe joyeuse et priante, le vendredi après-midi, même pendant les années noires.
Est arrivée la nuit du 25 mars 1996, au monastère, pendant le Ribat. Vous connaissez tous le récit, après l’enlèvement, un grand silence et le frère Amédée frappe à ma porte, « le monastère est vide ! » Nous nous précipitons chez le P. Jean-Pierre, il était dans sa chambre  à l’entrée  dans sa tenue monastique. Je ferme les portes restées ouvertes, je veux téléphoner, la ligne est coupée, avec frère Jean-Pierre, nous décidons de descendre à pied, une lampe entre les jambes, pour prévenir les voisins, ils n’ont pas voulu bouger : expérience d’une grande peur et certitude que c’était ce qu’il fallait faire. Quand nous remontons au monastère, tous étaient réveillés, prêtres et religieuses, et nous avons terminé le chapelet que frère Amédée récitait pour nous soutenir. Impossible de partir dans la nuit prévenir l’armée, nous décidons de nous coucher et de nous lever pour la prière de mâtines. Après un rapide petit déjeuner, frère Jean-Pierre et moi partons pour Draa es-semmar, prévenir l’armée, le capitaine malgré mon insistance, n’a pas voulu se lever pour nous écouter. Nous sommes alors allés à la gendarmerie de Médéa où nous avons pu faire la déclaration et prévenir le P. Henri Teissier. Quand nous sommes rentrés, la gendarmerie avait fait évacuer le monastère, seuls restaient frère Amédée et P. Denis qui nous attendait pour ne pas le laisser seul et il a rejoint les autres. Pendant tout ce temps, une grande paix, un grand calme intérieur, une joie d’être là où je devais être, qui ne m’ont pas quitté les deux journées passées au monastère à tout ranger avec frère Amédée et frère Jean-Pierre, à accueillir les autorités venues aux nouvelles, à continuer la prière monastique. Avec Pierre, à Oran, avec tous, nous attendions la libération des moines et l’annonce de leur mort fut un choc. C’est alors qu’a été lu à la radio le testament de Christian, pour moi la révélation de ce que je comprenais mal en lui à propos de l’islam, son regard dans le regard du Père.
Et puis ce fut l’assassinat de Pierre Claverie. Il me savait menacé comme lui et m’avait poussé à avancer mon départ en vacances et m’avait conduit lui-même à l’aéroport. La nouvelle de sa mort m’a rejoint chez mes amis de la communauté Béthania à Lyon. Rentré à Oran j’ai organisé dans la paix, avec les chrétiens présents, les obsèques, étonnantes, 500 musulmans dans la cathédrale sous la présidence d’un cardinal de Rome, suivies d’un immense couscous dans la cour pour tout le monde  et la succession par l’élection de l’un des prêtres comme Administrateur du diocèse. Sur la proposition d’une chrétienne algérienne, le corps de notre évêque Pierre a été mis en terre dans la cathédrale, pierre de fondation.
Deux ans plus tard un nouvel évêque est nommé tandis que je continuais ma charge d’économe diocésain et en même temps de directeur du Centre diocésain. J’ai ressenti comme une intuition paisible et joyeuse que je devais quitter Oran et je suis parti à Tiaret, en 2000, seul, dans une paroisse à remettre en vie. Il y avait 3 familles d’anciens Européens et bientôt sont arrivés des étudiants subsahariens. Expérience de solitude difficile à assumer et, en même temps, d’accueil bienveillant de la population. Le matin, je marchais une heure en ville en faisant mon « dhikh », la prière de Jésus et je participais aux manifestations culturelles en arabe à la surprise de tous. J’ai reçu, avec étonnement, l’invitation de Rome à représenter l’Eglise d’Algérie à la rencontre interreligieuse d’Assise en janvier 2OO2, chargé d’accompagner le groupe des chiites, et invité à dire à tous les participants venus du monde entier notre expérience de rencontres en Algérie en particulier au Ribat. Temps forts et vivifiants.  En 2004, le P. Henri Teissier, archevêque d’Alger, me demande de prendre la direction du Centre des Glycines, j’hésite, lâcher le bled pour la capitale, personne en vue pour me remplacer ; je prends conseil et finalement j’accepte pour trois ans – j’ai 70 ans !-  avec l’accord de l’évêque d’Oran. Expérience magnifique de redonner vie au Centre culturel de l’Eglise avec  l’équipe en place, en relation avec la culture algérienne, d’accueillir des doctorants du monde entier qui préparaient une thèse sur un point de l’histoire ou de la culture de l’Algérie, d’apprendre la langue kabyle.
Fin 2007, je reviens à Oran, à l’appel de l’évêque, pour prendre en charge la paroisse de la cathédrale et remettre en état une maison avec jardin du diocèse à Aïn el Turk pour en faire un lieu d’accueil ou de repos. En septembre 2015 arrive enfin un prêtre pour me remplacer, j’ai 81 ans, le P. Modeste Nyibizi, un Subsaharien qui vient de la région de Versailles, un vrai cadeau du Seigneur, qui s’adapte rapidement à notre situation et je reçois, avec paix et joie, l’intuition de me retirer chez les Petites Sœurs des Pauvres pour lui laisser toute la place. Je continue à visiter les prisonniers, les malades à l’hôpital et à accueillir les arabisés qui veulent parler. Maintenant, une nouvelle étape de ma vie commence : je suis en dialyse deux matinées par semaine à l’hôpital d’Oran. 
Voici le témoignage que j’ai lu à la cathédrale d’Oran le  28 juin 2019
J’ai juste trois mots à dire : émerveillement, certitude, reconnaissance
Mon émerveillement
.  devant la confiance qui m’a été faite tout au long de ma vie au-delà des faux pas et des équivoques
.  devant les services qu’il m’a été donné d’accomplir dans l’Eglise d’Oran et d’Algérie
.  devant les dons reçus qui m’ont préparé à cela.
Ma certitude que l’engagement pris, il y a 60 ans, de me mettre au service du diocèse d’Oran est le bon engagement. On peut risquer sa vie à 25 ans sur une intuition apparemment folle – c’était en pleine guerre d’Algérie – quand elle s’accompagne de joie et de paix.
Ma reconnaissance et mon merci pour l’accueil, l’affection et l’amitié reçus dans l’Eglise et dans le pays.

 

 Extraits des partages de notre 78ème rencontre


14-16/03/2019 à Alger sous le thème : « Choisir l’espérance : Une démarche intérieures face aux défis du quotidien »

Dj

-L’espérance est un mode de vie : une façon de percevoir les évènements .une énergie qui permet de jeter un regard positif sur les événements.

AK

L’espérance peut produire des miracles (cf. « Ma vie est un miracle » de sœur Bernadette Moriau

B

Nous voulons que tout soit connu, compris, scientifique, perceptible, visible, mesurable et quantifiable. En ce qui concerne l’homme, cette démarche nous conduit à occulter le lieu secret et intime de l’homme où Dieu seul est appelé à régner : « En vérité, en vérité, je te le dis, dit Jésus devant Nathanaël, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. » (Jn 1, 51) Tout ce qu'a dit Jésus et ce qu’il a accompli a consisté à chercher, à réintroduire en l’homme le chemin qui le conduit à Dieu. En tout homme qui naît Dieu offre en effet une semence de Lui-même pour que nous devenions Ses fils. Face à ce don reçu, ou bien l’homme essaye de recevoir le bénéfice de ce geste d’Amour de Dieu en abandonnant ce qui fait la force des humains pour une force autre, inconnue du monde mais en vue de glorifier Dieu. Ou bien il engage sa vie au service de son propre profit à travers une course aux compétences pour sa propre gloire.

Ainsi chacun de nous, de quelque origine culturelle, familiale a été formé pour entendre l’écho de cette vie divine en lui. L’autre n’est plus alors un adversaire ou un inconnu. L’autre devient le frère ou la sœur. Nos prières, dans les formulations chrétiennes ou musulmanes, sont alors toute tournées vers la rencontre de l’autre. Nos vies ne sont toujours simples, rarement préservées des difficultés et des déceptions. Mais voilà alors le rôle plus particulier que le chrétien que je suis voit dans la personne, les paroles et les gestes de Jésus. Jésus parle avec l’aveugle né, avec le lépreux, avec la femme pécheresse, avec la Samaritaine. Il se rend proche jusqu’à entrer en eux, au cœur de leurs souffrances en vue de leur dévoiler une vie, un lieu, un royaume déjà là, qu’ils ignoraient. C’est ce qui constitue l’Espérance déjà là, vivante en nous : la prière du frère ou de la sœur musulmans ne possède-t-elle pas la même espérance d’une vie joyeuse déjà présente ? Dans une relation priante avec Dieu, il me semble que tout l'être s'émeut, depuis ses racines les plus profondes jusqu'à la plus grande élévation de l’âme. La consistance de cette présence en nous, ébranle toutes nos forces, secoue toutes nos certitudes, dépasse nos appartenances religieuses. En nous réunissant pour vivre cette même expérience, ne formons-nous pas ensemble une force tout à fait inouïe ?

-L’espérance est ce qui me fait rebondir aux moments où je souffre le plus.

-Perçoit un puits de souffrance chez les jeunes qui squattent leurs escaliers « l’Algérie on va la déchirer parce que elle nous a déchirés ».

-Reconnaitre cette souffrance. Un ressaut de la foi. Sinon on ne peut pas..

-Foi synonyme de la confiance en Dieu.

-Se jeter dans un océan de miséricorde.

-Lien entre ihsan, iman et islam.

C V

« Les plus fortes expériences d’Espérance que j’ai pu faire étaient sur des lieux de grandes souffrances comme les visites dans des hôpitaux, ou lors de visites de camps de réfugiés. Ces lieux de souffrance m’ont aidée à mieux comprendre ce qu’est l’espérance, l’espérance est révélée d’une manière nouvelle, c’est comme une nouvelle force qui pousse à agir pour plus de fraternité, de justice. Elle libère des petits soucis quotidiens et ouvre d’autres horizons où se posent des questions plus existentielles…de la vie, de la mort, du bonheur

 Teilhard de Chardin disait : l’avenir est entre les mains de ceux qui auront pu donner aux générations de demain des raisons de vivre et d’espérer.

C’est un  grand défi actuel : comment  donner aux plus jeunes des raisons de vivre face aux difficultés quotidienne et à un avenir incertain, Comment pouvons-nous dans le contexte actuel (montée des états voyous, du populisme, d’une catastrophe écologique) donner l’espérance aux plus jeunes et générations de demain ?

 L’espérance est une des trois vertus théologales : Continuer d’espérer lorsqu’il n’y a aucune raison de le faire.  Aller vers  l’autre, créer des liens d’amitié, travailler ensemble à une société plus juste, fraternelle engendre la JOIE et fait grandir l’Espérance. 

Comme nos frères et sœurs martyrs qui sont restés, fidèles dans leur travail, à côté de leurs amis algériens pendant les années noire : Continuer d’espérer qu’un jour tout fera sens. La souffrance peut nous faire douter, mais croire que tout aura un sens un jour : dans le face à face avec Dieu, tout sera révéler et fera sens.

La prière est une manière d’exprimer l’espérance, de continuer à mettre toute sa confiance en Dieu même dans les moments plus difficiles. Les psaumes sont des belles prières d’Espérance.

 En travaillant les textes (les sermons) de Saint Augustin écrit au moment de la  prise et le pillage de Rome sac de la ville en 24-26 août 410, je découvre une grande figure de l’Espérance : dans un contexte politique particulièrement confus où les Romains, païens et chrétiens, furent bouleversés par la chute de la Ville éternelle, Augustin, loin de céder lui-même au pessimisme ambiant, prit conscience, progressivement, du désarroi profond des populations. Il s'efforça, dans ses sermons prononcés entre 410 et 412, de les consoler et de les exhorter à surmonter leur douleur et à ne pas désespérer des temps présents, tout en invitant les invitant à la conversion et en les exhortant de ne jamais oublier notre véritable destination qui n’est pas de nous installer sur cette terre mais de vivre en voyageurs avec dans le cœur et dans nos actes l’esprit et l’espérance de l’autre Cité ( la Cité de Dieu) à laquelle déjà nous appartenons.

M D

-Croit en la fraternité universelle.

-Regard positif porté sur l’autre.

- Dieu agit par son regard. Regard qui réconforte.

-Écoute qui rend confiance à l‘écoutant comme à l’écouté.

F Z

-Toujours garder l’espérance, même dans les moments les plus difficiles.

- Par ma foi, j’ai, pu traverser une période difficile et me relevée plus forte. je peux partager mon expérience à d’autres femmes qui ont perdu leur mari et les rassurer que l’espérance est possible, que la vie doit continuer.

-L’espérance se nourrit.. par la méditation, la réflexion, par la foi, par la patience, par mon attention aux évènements positifs. En fréquentant des personnes positives.

G

D’abord pour préparer à Oran, la cérémonie de «  béatification des 19 religieux » du 8 décembre dernier, nous avons espéré envers et contre tout, que cela ne soit pas simplement l’affaire des chrétiens, mais qu’ensemble avec les Algériens nous rendions hommage aussi à tous ceux qui ont payé de leur vie dont les imams qui ont refusé la violence pendant les années noires. Et « El hamdoulilah » ce fut vraiment ensemble, Chrétiens et Musulmans que nous avons fêté cela sur l’esplanade de Santa Cruz qui a pris le nom du « Vivre ensemble dans la Paix »

Choisir l’Espérance, c’est aussi ma démarche intérieure quotidienne pour vivre ensemble de pays différents ; cela demande de la patience pour se comprendre et accepter l’autre différent et espérer que moi je peux changer mon regard et que chacun nous pouvons devenir meilleur !

Choisir l’Espérance en Algérie en ce moment où la jeunesse marche pour un changement, espérer et prier pour que cela puisse se faire dans la Paix !

Mi

En sortant de chez soi on confie : « Atwaql ala Allah ». L’espoir est un don (certain en ont plus que d’autre !)

K C S 

الصبر من الإيمان و قيل هو الإيمان كله

Dignité liberté, justice.

L

-La crise exprime une réelle souffrance. Qui la fait souffrir.

Quelle issue ?

-Manif pour la journée des handicapés

-Importance du moment présent dans le contact avec les autres

-La contemplation de la confiance d’un enfant qui sourit à l’avenir

Ma

-Les défis du quotidien, (manifestation, marches) nourrissent mon espérance : signe de libération de la majorité des Algériens qui se libèrent de la tentation islamiste, intégriste.

-Une évolution rapide (nouveaux moyens de communication..)

Ho

-Hommage à Marcel Bois : « Si tu diffères de moi, frère, loin de me léser tu m’enrichis »

ML

ML

La démarche du Ribat es Salem m’appelle pour trois raisons :

A l’écart des « processus » de dialogue inter-religieux, la démarche du Ribat nous invite avant tout à vivre une rencontre avec l’autre sans chercher à « faire valoir », nos convictions, ou nos croyances, ou nos appartenances. Nous nous rencontrons au niveau de ce qui nous est commun sans ignorer nos différences. Nous sommes des êtres « tirés de la terre » des humains, qui avons à faire avec notre condition de créature ses limites et ses capacités extraordinaires. Nous sommes aussi des êtres aux prises avec une histoire. Une histoire avec un petit « h » faite des évènements, des rencontres, des expériences, qui nous ont façonnés marqués changés… Et une histoire avec un grand « H » celle de notre peuple, de notre famille, de notre groupe de relations (amicales), d’appartenance (sociologique) parfois ou communauté culturelle ou religieuse….

Chacun de nous, est un être unique en relation vitale avec son environnement, les pieds sur la terre et la tête dans les étoiles, capable de rêver, d’aimer, de se révolter, de se dépasser, de se réjouir. Habité d’une énergie qui ne demande qu’à s’investir pour contribuer au déploiement des merveilles de la planète sur laquelle nous vivons, qui ne nous appartient pas, et dont nous avons la responsabilité, et dont nous voulons partager de manière équitable les biens avec tous, et aussi longtemps que cela sera possible. Chacun d’entre nous cherche ce centre de gravité qui le fera tenir debout sur cette terre tournée vers un avenir qu’il espère heureux.

Sans cesse nous tendons nos mains…

…vers un frère, une sœur, un compagnon, un collègue, un confrère, une connaissance, un citoyen, un voisin, un inconnu….

…nous cherchons sa main, leurs mains, pour se tenir, se saisir, se rapprocher, s’éloigner, se solidariser, s’élancer, avancer ensemble…

Car nous sommes habités de ce désir d’être plusieurs, dans la diversité, dans l’unité, dans la vérité… désir d’être ensemble pour avancer pour créer, pour envisager l’avenir avec et pour tous…

Car nous sommes habités de ce désir de dépassement de nous-même, par-delà notre particularité, pour toucher à ce qui nous est commun, pour communier …

Le seul fait d’être réunis et de prendre chacun la parole, écouté par tous. Exprimer nos difficultés, nos joies, nos questions, aspirations… Chacun écouté par tous en silence écoute attentive active… ce que l’autre dit c’est lui et ce qu’il dit me touche me rejoint me travaille… Moi aussi je pourrai aussi livrer une parole… me dire… être là, en présence de chacun… Ma parole écoutée je suis accueilli tel que je suis… sans jugement… Personne ne me donnera la solution des problèmes très concrets, vitaux, que je peux vivre, mais le fait que je puisse les exprimer librement comme je les vis et être écouté, exister parmi mes frères, mes sœurs, m’offre le préalable à toute solution ; la paix du cœur et de l’esprit. Et si une solution s’avérait … Dieu merci ! Amdoulila !

La deuxième raison est que se rencontrer en vérité demande une démarche tout à fait particulière à des croyants qui consiste à prier avec l’autre. Il ne s’agit pas d’entrer dans la prière de l’autre en faisant siens les modalités, les postures, la langue, le rite de la prière de l’autre, qui s’appuient sur un dogme, une histoire, qui ne sont pas forcément ceux de la religion qui est la mienne. Passionnant de découvrir les modalités, les postures, la langue, le rite de la prière de l’autre. Mais vivre la rencontre est une autre démarche que celle de découvrir, interroger et connaitre mieux la manière de prier de l’autre. Prier en se tenant ensemble en présence du tout Autre que nous appelons Dieu, dont nous avons reçu la révélation selon des chemins divers, et auquel nous nous sommes ouverts. Le Dieu de la rencontre. Un Dieu qui prend l’initiative de venir à nous, en nous… S’ouvrir à sa présence nous libère de ce qui nous inquiète, nous retient, nous pèse, élargi les dimensions de notre cœur, suscite l’esprit de vie en notre âme, apaise notre corps, nous rend plus humain, nous rapproche de l’homme sauvé, en nous rapprochant de Dieu sauveur ….

La troisième raison pour laquelle la démarche du Ribat es Salem m’appelle, est que la « définition » du groupe que nous formons n’est pas première. Souvent revient la question de l’identité du groupe que nous formons. Ce qui caractérise sa genèse, son histoire, les intuitions et les convictions des « fondateurs ». Souvent revient également la question de « communiquer ». Le ribat pourrait – il se faire connaitre par un message délivré par les médias ? Contribuer ainsi à une réflexion plus large, enrichir la réflexion d’autres en quête de rencontre de dialogue d’ouverture. On s’interroge également des possibilités « d’exporter » comme une « marque de fabrique ». Déjà il existe des Ribat à Lyon, Trappes, Bordeaux… A Mascara … Tlemcen… Oran… « Ribat es Salem » est – il une fédération de groupes…. Les groupes pour être reconnu comme « Ribat es Salem » doivent ils respecter un cahier des charges pour être « homologués » ? La question n’est peut-être pas là mais plutôt dans le fait que participer au Ribat change notre relation aux autres dans ce que nous partageons de commun et ce qui nous est différent. Ce qui compte est davantage « l’être » différent que je deviens en m’ouvrant à l’autre et réciproquement que de « faire » un groupe avec ses spécificités ses objectifs son projet et programme. Ceci dit au retour en France je ne pourrai pas retrouver les groupes (pour un dialogue inter-religieux ou pour organiser des actions de solidarité ensemble, ou pour porter ensemble des évènements graves impliquant notre responsabilité de croyants, ou pour cultiver l’amitié …) comme je les ai quittés et où je rencontre des musulmans de l’Algérie, du Maroc, de la Tunisie, de l’Afrique sub-saharienne… de l’Orient … comme avant… Car j’ai été sensibilisé à d’autres enjeux par la toute petite expérience du « Ribat es Salem » et je vous en remercie…. En nous restons en « Ribat » … en « lien » dans la paix… Avec toute mon amitié.

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TIERNO BOKAR

Le sage de Bandiagara

Je ne sais si vous vous rappelez qui est Tierno Bokar, mais j’ai envie de parler de lui aujourd’hui. C’est une occasion de nous ouvrir sur cet islam du Sud du Sahara qui n’est pas exempt d’intolérance ou de violence lui aussi. Cet homme qui a vécu de 1875 à 1940 est pour chacun de nous un exemple de foi profonde et de charité vraie à l’égard de tout homme, de toute créature. Il naquit à Ségou (au Mali actuel).Après l’arrivée des français, sa famille s’installe à Bandiagara. Il est formé par Ahmadou Tafsirou Bâ, peulh et grand mystique qui l’initie à la confrérie Tidjania (et lui apprend à méditer le Coran en peulh).

Quelques années après avoir terminé ses études, il accepte de s’occuper de l’instruction des jeunes enfants. Homme joyeux, il participe volontiers aux travaux des champs. Vie pauvre. La contemplation de la nature lui a toujours procuré les plus délicates des joies. Homme de conseil, il était aussi attentif aux manifestations naturelles de l’Amour. Attaché à sa famille où l’amour régnait, il fut très affecté par la mort de sa mère. Il appela sa zaouia « Cellule d’amour et de charité »

Vers la fin de sa vie, un désaccord avec les siens à propos de problèmes de la confrérie va l’obliger à cesser ses cours. Il est renié par une partie de sa famille. Ses amis l’abandonnent. Il prie à longueur de la journée. Il pardonne mais sa douleur est grande. Affaibli par le chagrin, miné par la maladie, il meurt entouré seulement par les siens, victimes de la haine, il a 65 ans. Il est intéressant de noter ce que lui disait sa mère et qui a profondément marqué son enseignement :

«  La religion est un disque de vannerie portant sur l’une des faces le mot « amour » et sur l’autre »Charité »

« Ecris le nom divin sur un mur, en face de ta couche.
Ce sera, le matin, la première chose qui s’offrira à tes yeux.
Au lever, prononce-le avec ferveur, du fond de ton âme,
ce sera le premier mot sortant de tes lèvres et frappant ton oreille.
Le soir, avant de sombrer dans le sommeil,
que ce soit le dernier objet que tu entrevoies »

« Plutôt d’ôter la vie aux hommes, apprends à couvrir leur nudité matérielle,
avant d’être appelé à l’honneur en prêchant l’Amour
apprends à couvrir leur nudité morale »

L’enseignement de Tierno Bokar, tel que nous l’a transmis Ahmadou Ampaté Bâ,est rempli de sagesse. J’en citerai quelques passages qui me semblent plus forts :

« La foi est comme un fer chaud. En se refroidissant, elle démunie de volume
et deviens plus difficile à façonner. Il faut donc la chauffer dans le haut fourneau de l’Amour et de la Charité »

Son amour pour la nature :

« Celui qui cultive des fleurs adore, car ces partis délicates du végétal parées
de couleurs éclatantes ne s’ouvrent que pour saluer Dieu
dont elles sont des outils pour l’œuvre de reproduction »

« L’amour que tu as pour ton enfant, essaie de le répandre
sur les créatures de Dieu. Car Dieu voit ses créatures
comme un père ses enfants »

Il disait à un de ses élèves :

« Soit entre les mains de Dieu comme l’enfant est entre les mains de sa mère.
Ne cherche pas autre chose que le désir de lui plaire »

Un jour, on lui demande : « Tierno ! tu parles de l’amour de Dieu qui embrasse tout. Est-ce que l’infidèle jouit de cet amour ? »

Il répondit : « Dieu est Amour et Force. La création des êtres procède de son amour. Détester ce qui est produit par la Volonté divine agissant par Amour,
c’est prendre le contre-pied du Vouloir divin et contester sa Sagesse.
Exclure un être de l’Amour principal, c’est faire preuve d’ignorance capitale.
La Vie et la Perfection sont contenues dans l’Amour divin qui se manifeste en force rayonnante, quitte Dieu et va animer le néant,
lui donne forme et lui attribue un règne.
Que notre amour ne soit pas centré sur nous,
et ne nous pousse pas à n’aimer que ce qui nous ressemble
ou épouse les mêmes idées que nous.
N’aimer que ce qui vous ressemble, c’est s’aimer soi-même, ce n’est pas aimer.
L’infidèle en tant qu’homme ne peut être exclu de l’Amour divin.
Pourquoi le serait-il du nôtre ?

« L’arc en ciel doit sa beauté aux tons variés de ses couleurs
De même nous considérons les voix des divers croyants,
qui s’élèvent de tous points de la terre,
comme une symphonie de louanges à l’adresse de Dieu
qui ne peut être qu’Unique »

Un jour, il ramassa délicatement une petite hirondelle tombée pendant son cours et la remit dans son nid. Puis, il dit à ses élèves qui n’avaient pas réagi :

« Il est nécessaire que je vous parle encore de la charité, car je suis peiné de voir qu’aucun de vous n’a suffisamment cette vraie bonté du cœur.
Et cependant, quelle grâce !...
Si vous aviez eu un cœur charitable,
il vous eût été impossible d’écouter une leçon ,portât-elle sur Dieu
quand un petit être misérable vous criait au secours.
vous n’avez pas été émus par ce désespoir,
votre cœur n’a pas entendu cet appel.
Eh bien, mes amis, en vérité, celui qui apprendrait par cœur toute les théologies de toutes les confessions, s’il n’a pas la charité dans son cœur,
pourra considérer ses connaissances comme un bagage sans valeur.
Nul ne jouira de la rencontre divine s’il n’a pas de charité au cœur.
Sans elle, les cinq prières ne sont que des gesticulations sans importances ;
sans elle, le pèlerinage est une promenade sans profit. »

Armand Garin

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Charles Péguy :"Le Porche du Mystère de la deuxième vertu", 1912.

Ce qui m'étonne, dit Dieu, c'est l'espérance

Et je n'en reviens pas.

Cette petite espérance qui n'a l'air de rien du tout.

Cette petite fille espérance.

Immortelle

Car mes trois vertus dit Dieu,

Les trois vertus mes créatures,

Mes filles, mes enfants,

Sont elles-mêmes comme mes autres créatures,

De la race des hommes.

La Foi est une Epouse fidèle,

La Charité est une Mère,

Une mère ardente, pleine de cœur,

Ou une sœur aînée qui est comme une mère.

L'Espérance est une petite fille de rien du tout,

Qui est venue au monde le jour de Noël de l'année dernière,

Qui joue encore avec le bonhomme Janvier

Avec ses petits sapins en bois d'Allemagne. Peints.

Et avec sa crèche pleine de paille que les bêtes ne mangent pas,

Puisqu’elles sont en bois.

C'est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes.

C'est cette petite fille de rien du tout.

Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus.

La petite espérance s'avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend seulement pas garde à elle.

Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance

S'avance.

Entre ses deux grandes sœurs,

Celle qui est mariée,

Et celle qui est mère.

Et l'on n'a d'attention, le peuple chrétien n'a d'attention que pour les deux grandes sœurs,

La première et la dernière,

Qui vont au plus pressé,

Au temps présent,

A l'instant momentané qui passe.

Le peuple chrétien ne voit que les deux grandes sœurs, n'a de regard que pour les deux grandes sœurs.

Celle qui est à droite et celle qui est à gauche.

Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu.

La petite, celle qui va encore à l'école.

Et qui marche,

Perdue entre les jupes de ses sœurs.

Et il croit volontiers que ce sont les deux grandes qui traînent la petite par la main.

Au milieu.

Entre les deux,

Pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut.

Les aveugles qui ne voient pas au contraire,

Que c'est elle au milieu  qui entraîne ses deux grandes sœurs.

Et que sans elle elles ne seraient rien.

Que deux femmes déjà âgées.

Deux femmes d'un certain âge.

Fripées par la vie.

 C'est elle, cette petite, qui entraîne tout.

Car la Foi ne voit que ce qui est

Et elle voit ce qui sera

La Charité n'aime que ce qui est

Et elle aime qui sera.

 

Chrétien et musulmans : Promouvoir la fraternité humaine

Chers frères et sœurs musulmans,

Le mot de Ramadan, consacré au jeûne, à la prière et à l’aumône, est également Celui d’un affermissement des liens spirituels que nous partageons dans l’amitié entre musulmans et chrétiens.

Je suis heureux de saisir cette occasion pour vous souhaiter une célébration du Ramadan aussi féconde que paisible.
Nos religions nous invitent à « rester enracinés dans les valeurs de la paix, à défendre les valeurs de compréhension mutuelle, de fraternité humaine et de coexistence harmonieuse ; rétablir la sagesse, la justice et l’amour » (cf.Document sur la fraternité humaine pour la paix dans le monde et le vivre ensemble, Abou Dhabi,4 février 2019).

Nous, musulmans et chrétiens, sommes appelés à nous ouvrir aux autres, à les connaître et à les reconnaître en tant que frères et sœurs. De cette manière, nous pouvons abattre des murs élevés par la peur et l’ignorance et chercher ensemble à construire des ponts d’amitié qui sont fondamentaux pour le bien de l’humanité toute entière .Nous pouvons ainsi cultiver dans nos familles et nos institutions politiques, civiles et religieuses, un nouveau mode de vie où la violence est rejetée, la personne humaine respectée.

Ceci doit donc nous encourager à continuer de faire progresser la culture du dialogue en tant que moyen de coopération et comme méthode d’approfondissement de notre connaissance mutuelle.

Dans ce contexte, le pape François a souligné, lors de sa visite au Caire, trois principes fondamentaux pour la poursuite du dialogue et de la connaissance entre personnes et groupes de différentes religions : « le devoir de l’identité, le courage de l’altérité et la sincérité des intentions » (Discours aux participants à la conférence internationale pour la paix, Centre de conférences d’Al-Azhar,28 avril 2017)

Pour respecter la diversité, le dialogue doit chercher à promouvoir le droit de toute personne à la vie, à l’intégrité physique et aux libertés fondamentales telles la liberté de conscience, de pensée, d’expression et de religion. Cela inclut la liberté de vivre selon ses convictions tant dans la sphère privée que publique. Ainsi, chrétiens et musulmans-en tant que frères et sœurs-peuvent œuvrer ensemble pour le bien commun.

Je souhaite que le geste et le message de la fraternité trouve un écho dans le cœur de tous ceux qui occupent des postes d’autorité dans les domaines de la vie sociale et civile de toute la famille humaine, qu’ils nous conduisent tous à mettre en pratique non seulement une attitude de tolérance, mais un vivre ensemble vrai et paisible.

Avec mes salutations fraternelles et sincères, l’estime renouvelée pour notre amitié, je vous adresse au nom du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, mes vœux les meilleurs pour un mois de Ramadan fructueux et un joyeux ‘Id al-Fitr.

Du Vatican, 29 mars 2019
MGR Miguel Angel Ayuso Guixot,M.C.C.J.

Homélie à l’eucharistie du samedi 27 mars

Un seul thème parcourt les lectures d’aujourd’hui(Ez.37/21-JN1/45-57) : l’Unité , la Communion. Le livre d’Ezéchiel nous dit : »Je ferai d’eux un seul peuple ».Le psalmiste chante : « Celui qui disperse Israël le rassemble, le garde comme un berger son troupeau ».L’évangile au seuil de sa Semaine sainte, nous donne la clé d’interprétation de sa mort : « Jésus devait mourir pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés ».

Le Ribat, à vrai dire, n’est-ce pas sa vocation l’unité qui lui donne sa raison d’être et d’exister, sa beauté ?

No amis et frères musulmans célèbrent aujourd’hui la grande fête, l’Aid el kebir. Comment pouvons-nous les rejoindre ? En essayant de porter le plus loin possible-et sans calcul-cette vocation d’unité, de communion. Et je pense qu’Abraham, le père des croyants, peut nous aider à faire cette démarche vers l’inconnu. En effet, suivant sa racontée par le livre de la Génèse, j’aimerai vous partager cinq attitudes qui peuvent nous amener à la communion totale. Cinq attitudes qui, inch Allah, un jour seront « chair de notre chair et os de nos os » : cela voudra dire alors que la communion sera une réalité vivante et pleine.

1ère attitude : Son départ, sa mise en route vers l’inconnu

Jamais le chemin de l’unité ne se fera avec calcul. Derrière Abraham, toute sa postérité spirituelle est en marche, toujours prête à partir, toujours prête à accueillir l’inconnu, l’inconnu, toujours prête à se laisser bousculer…

2ème attitude : Sa démarche face à l’épreuve.

La tentation est d’abandonner .Le patriarche fut éprouvé au-delà de l’imaginable. Dans le récit du sacrifice d’Isaac, on écouté trois fois le refrain : »Tu m’offriras ton fils unique, celui que tu aimes ».
Et ce sera cette fois inconditionnelle, cette soumission qui feront de lui le père d’une postériorité aussi nombreuse que les étoiles du Ciel et que le sable de la mer. Comme lui, être capable de sacrifier ce que nous aimons le plus, notre fils, notre unique, : ma vérité, ma certitude, ma façon de voir les choses…pour accueillir sa grâce, sa vérité, sa différence.

3ème attitude : Abraham, l’ami que Dieu met dans la confidence de ses desseins.
« Yahvé s’était dit…vais-je cacher à Abraham ce que je vais faire ?... ».Etre ami de Dieu, être son confident, être hommes et femmes de prières serait le meilleur service que nous rendre aux hommes de ce temps de ce pays.

4ème attitude : Abraham est le plus bel exemple du respect des règles de l’hospitalité.
Que notre maison, que notre communauté, que notre famille s’installe à Manbré, que notre porte soit toujours ouverte sous de multiples formes : à la porte, le sourire-à l’intérieur l’étude de la culture et de la langue de ce pays qui nous accueille-au cœur ; la lectio divina des textes sacrés et de la tradition mystique-à la liturgie, nous pouvons rejoindre des paroles de la foi musulmane , vivre ses fêtes(combien notre église est encore timide dans l’accueil du rythme de prière musulmane et de celui ses symboles !Mgr Teissier)-Dans la vie quotidienne ?Tant de choses simples à vivre ensemble.
Accueil large et profond.

Et la dernière attitude : l’appel à être féconde, à ne jamais désespérer.
Nous pouvons être célibataires, mais jamais stériles; consacrés mais jamais écartés; solitaires mais toujours solidaires. Abraham avait cent ans lorsque le fils lui est arrivé !Qui aurait dit à Abraham que Sarah allaiterait un enfant à 80 ans ?...Dans la démarche vers l’autre, dans la rencontre, ne jamais désespérer…Un fils c’est encore possible :la communion peut paraitre un rêve, mais les rêves finissent toujours par se faire réalité…Toujours existe la 11ème heure. Ne jamais désespérer.
Chemin d’unité, de communion, chemin de notre père Abraham. Attitude radicale à ne pas oublier. Partir vers l’inconnu,riquer.Incarnation+inculturation+Prière+Aliiance+Accueil…

Nous ne sommes pas seul en cette démarche, une communauté vit : aujourd’hui déjà trois ans pendant que le Ribat était réuni-qu’elle nous a laissé le plus bel exemple de cette démarche « afin que nous suivions ses traces »

En plus, Dieu en ces derniers temps, a donné à notre église en Algérie de vrais prophètes de l’unité et de la communion. Le cardinal Duval qui disait : »…dans la rencontre avec l’Islam, rien n’est possible sans l’amitié vraie », ou le Père Claverie pour qui «  le maître mot d’aujourd’hui est le dialogue » ou Christian qui aimait dire que « l’ouverture est le maître mots du langage chrétien aujourd’hui dans ce pays ».Pour moi l’expérience la plus forte depuis le dernier Ribat a été vécue grâce à deux rencontres avec Mohamed Mennacer qui chaque fois m’a dit la même phrase : »Nous au Ribat, nous avons dépassé le dialogue. Maintenant, c’est la communion. On dialogue quand il y a divergence, des choses à mettre en place. La communion, c’est autre chose, çà passe par le cœur  »

Je suis pleinement d’accord avec P. Christian quand il disait : »j’ai toujours su que le Dieu de l’Islam et le Dieu de Jésus-Christ ne font pas nombre…çà m’a amené à commencer un pèlerinage vers la communion…Se fondre en louange de l’Unique, de qui nait tout amour…Quelle découverte ! Quelles retrouvailles ! »

Les savants, les théologiens parleront de danger de confusionnisme, voir de syncrétisme. Les simples, les contemplatifs, les pauvres, savent que « la communion, c’est autre chose, çà se passe au fond du cœur »

« Tout illuminés de la gloire du Christ fruits de sa Passion, investis par le don de l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion, de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences »(testament)

En effet, l’arc en ciel doit sa beauté aux tons variés de ses couleurs…la beauté d’un tapis vient de la variétés des couleurs…la beauté d’un vitrail, c’est l’harmonie qui existe entre les couleurs et non la prédominance d’une couleur sur l’autre. La beauté du Ribat, c’est l’amitié en la différence, le désir profond de l’unité, sa vocation à devenir des hommes et des femmes de communion.

Au seuil de ce 3ème millénaire, le Ribat sera-t-il capable de donner une parole prophétique ?...Inch Allah !

Seigneur Jésus-Christ, Toi qui est mort pour rassembler dans l’unité tous les hommes, fais-nous voir tes signes, donne-nous un cœur de pauvre pour les accueillir…Inspire à notre petit groupe les conversions nécessaires, les propensions à se donner, les risques à courir, les décisions à prendre, afin de franchir le 3ème millénaire dans le grand vent de l’Esprit !(D.Olivier)

Les savants, les théologiens parleront de danger de confisionnisme, voir de syncrétisme. Les simples, les contemplatifs, les pauvres, savent que « la communion, c’est autre chose, çà se passe au fond du cœur »

« Tout illuminés de la gloire du Christ fruits de sa Passion, investis par le don de l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion ,de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences »(testament)

En effet, l’arc en ciel doit sa beauté aux tons variés de ses couleurs…la beauté d’un tapis vient de la variétés des couleurs…la beauté d’un vitrail, c’est l’harmonie qui existe entre les couleurs et non la prédominance d’une couleur sur l’autre. La beauté du Ribat, c’est l’amitié en la différence, le désir profond de l’unité, sa vocation à devenir des hommes et des femmes de communion.

Au seuil de ce 3ème millénaire, le Ribat sera-t-il capable de donner une parole prophétique ?...Inch Allah !

Seigneur Jésus-Christ, Toi qui est mort pour rassembler dans l’unité tous les hommes, fais-nous voir tes signes, donne-nous un cœur de pauvre pour les accueillir…Inspire à notre petit groupe les conversions nécessaires , les propensions à se donner, les risques à courir, les décisions à prendre, afin de franchir le 3ème millénaire dans le grand vent de l’Esprit !(D.Olivier)

Le Pape adresse ses vœux au Rabbin de Rome à l’occasion de fêtes juives
Vatican News

 

Alors que les Juifs du monde entier fêtent ces jours-ci les solennités de Rosh Ha-Shanah, Yom Kippour et Souccot, le Saint-Père a envoyé ce 7 octobre un message de vœux à Riccardo Di Segni, Grand Rabbin de Rome.

«À l’occasion des anniversaires solennels de Rosh Ha-Shanah, Yom Kippour et Sukkot, je suis heureux de vous adresser, ainsi qu’à la communauté juive de Rome, mes vœux les plus sincères», écrit le Pape au début de ce message. «Mes pensées s’étendent aussi aux communautés juives dans le monde, dans l’espoir que ces fêtes puissent apporter des bénédictions abondantes de l’Éternel et être une source de joie intime. Le Tout-Puissant, qui aime son peuple et accompagne ceux qui ont confiance en lui, nous aide à témoigner de lui dans notre engagement envers notre prochain, dans la promotion de la justice et de la paix», poursuit François. Et de conclure: «Que le Très-Haut, dans sa miséricorde éternelle, renforce partout nos liens d’amitié et le désir de favoriser un dialogue constant pour le bien de tous. Shalom Alechem».

Le cycle des fêtes d’automne 

Rosh Ha-Shanah était célébrée cette année du 30 septembre au 1 octobre. Le terme hébreu “Rosh Ha-Shanah” signifie «commencement de l’année». On parle donc communément de “nouvel an juif”. Les juifs se souhaitent à cette occasion «Shana Tova !» (bonne année). Cette fête célèbre la création du monde et la naissance de l’humanité. Elle dure 48 heures et marque le début de dix jours de pénitence (“Techouva”), au cours desquels le fidèle relit les fautes commises au cours de l’année écoulée. Une période qui prépare à la solennité de Yom Kippour (jour du Grand Pardon), considérée comme la plus sainte de l’année juive. Yom Kippour est célébrée cette année le 9 octobre. Le cycle des fêtes, dites d’automne, se poursuit avec Souccot (ou fête des Cabanes), l’une des trois fêtes de pèlerinage prescrites par la Torah, au cours de laquelle on célèbre dans la joie l’assistance divine reçue par les enfants d’Israël lors de l’Exode, et la récolte qui marque la fin du cycle agricole annuel. Elle a lieu cette année du 13 octobre au coucher de soleil, jusqu’au 20 octobre.

Source : Le Pape adresse ses vœux au Rabbin de Rome à l’occasion de fêtes juives – Vatican News, 07.10.19.

Les institutions européennes face aux religions
et à la complexe question de l’islam |Cahiers du Cismodoc–N°2

Tâtonnements en attente d’une vision globale. Essai prospectif

Felice Dassetto

La « Communauté économique européenne » a été constituée pour garantir la paix entre les pays européens par le développement de leurs liens économiques. Le domaine religieux était exclu des compétences initiales. Depuis lors, le passage vers une «Union européenne», a amené un élargissement des compétences, y compris dans le domaine des «convictions».

Depuis les années 1970 les religions ont fait irruption dans l’espace public, en dépit de la sécularisation croissante. L’islam, en particulier, s’est affirmé dans le monde, auprès des musulmans européens, avec parfois des accents dramatiques. L’Union européenne a été ainsi progressivement amenée à ouvrir des chantiers concernant le religieux et le monde musulman.

Ce cahier retrace l’émergence de la politique européenne à l’égard des convictions. Au fil des chapitres, il dessine le profil de ses actions, souvent mises en place à la hâte sous la pression des événements. Un dernier chapitre se veut un essai prospectif de ce que pourraient être les axes d’une politique de l’Union européenne à l’égard des convictions, et en particulier de l’islam qui appelle une action spécifique, tant sur le plan intra-européen que sur celui de la politique extérieure.

Felice DASSETTO

Sociologue, professeur émérite de sociologie de l’UCLouvain, membre de l’Académie royale de Belgique. Auteur de plusieurs recherches et publications sur l’islam et en particulier sur l’islam européen, et intéressé par le devenir européen.

Lire: Cahier du CISMODOC du prof. Felice Dassetto : « Les institutions européennes face aux religions et à la complexe question de l’islam. Tâtonnements en attente d’une vision globale Essai prospectif » (pdf, 64 p.), juillet 2019 

À Abidjan, des jeunes musulmans prêchent dans les rues | La Croix Africa

Depuis 2009, de jeunes convertis à l’islam organisent des prêches aux grands carrefours de plusieurs communes d’Abidjan.

Réunis au sein de l’organisation «Nourdine Jamah» ils se donnent comme mission de faire connaitre et aimer l’islam.

Dimanche 29 septembre, au rond-point de la gare d’Abobo, en face de la mairie de cette commune populaire, dans l’est d’Abidjan, des centaines de personnes debout ou assises sur des nattes entourent un groupe de jeunes prédicateurs musulmans.

Une fois par semaine, ces jeunes musulmans, regroupés par dizaines, organisent des prêches dans les rues de certaines communes de la capitale économique ivoirienne. À l’aide d’une petite sonorisation alimentée par un groupe électrogène, Lopez Ekra et Ibrahim Koffi, les deux orateurs du jour, préviennent les curieux : « nous sommes à un prêche islamique ». Puis, pendant un peu plus d’une heure, ces deux jeunes, convertis à l’islam en 2006, enchaînent les explications pour démontrer « la vérité de l’islam, la seule voix du salut pour guider les êtres ».Lire la suite:  À Abidjan, des jeunes musulmans prêchent dans les rues – La Croix Africa, Guy Aimé Éblotié, 02.10.19.

Le message pacifique du chef spirituel des musulmans ahmadis

Mardi 8 octobre, le chef spirituel de la communauté musulmane ahmadie, qui revendique 30 millions de fidèles dans le monde, a été reçu à l’Unesco, à Paris. Assez étonnamment, il n’a pas mentionné, dans son discours, les persécutions que subissent ses coreligionnaires en Algérie ou encore au Pakistan.

  • Mélinée Le Priol,
Le message pacifique du chef spirituel des musulmans ahmadis
 
Des enfants de réfugiés ahmadis, au nord du Sri Lanka, à Pasyala, le 25 avril 2019. Gemunu Amarasinghe/AP

« La seule chose que le protocole nous interdit, c’est de lui serrer la main », nous glisse, un instant avant la conférence, une ahmadie d’origine mauricienne résidant en France. Yasmine Haddiouie est membre de l’association musulmane Ahmadiyya de France, qui a organisé cette rencontre à l’Unesco, mardi 8 octobre.

À son issue, de nombreux fidèles défilent devant leur chef spirituel dans l’espoir d’obtenir une photo et d’échanger quelques mots avec lui. « Je l’ai déjà vu plusieurs fois, mais c’est toujours un événement », se réjouit un autre fidèle, en bonne place dans la file.

Mirza Masroor Ahmad, 69 ans, Pakistanais résidant aujourd’hui à Londres, est le cinquième calife de ce mouvement réformiste
et messianiste musulman, fondé au Penjab (Inde) en 1889. S’il revendique aujourd’hui 30 millions de fidèles à travers le monde
, ceux-ci ne sont qu’environ 1 500 en France.+

 

Défense et illustration de l’islam

« Nous avons une mosquée dans le Val-d’Oise, et une autre est en attente d’inauguration à Strasbourg », précise Asif Arif, membre de cette communauté, avocat et auteur d’un livre sur le sujet (1). Avant la prise de parole du calife, il rappelle le slogan des ahmadis : « Amour pour tous et haine pour personne. »

Pendant une demi-heure, en anglais, Mirza Masroor Ahmad a prononcé un discours pacifique, dressant un tableau élogieux de l’islam, et en particulier de sa communauté ahmadie. « Nous faisons en sorte que les femmes aient les mêmes possibilités que les hommes en ce qui concerne l’éducation », a-t-il ainsi assuré, estimant à 99 % le taux d’alphabétisation parmi les femmes ahmadies.

Rejetant les accusations de « violence » et d’« archaïsme » qui visent selon lui la religion musulmane,
Mirza Masroor Ahmad a déclaré que « les musulmans qui prêchent aujourd’hui la violence ignorent l’enseignement de l’islam ».

 

Il a par la suite précisé que « le prophète (des ahmadis) et les quatre premiers califes n’ont jamais mené de guerre », avant d’énumérer les œuvres de solidarité engagées par sa communauté, notamment en Afrique, « par conviction religieuse et par sympathie humaine ».

Une minorité persécutée

Le calife des ahmadis a toutefois omis de mentionner les persécutions visant les fidèles de sa communauté. Reconnaissant leur fondateur, Mirza Ghulam Ahmad (1835-1908), comme prophète et messie, les ahmadis sont en effet considérés comme des hérétiques par la plupart des autres musulmans. Plusieurs ONG dénoncent régulièrement l’intensification des poursuites judiciaires à leur encontre dans certains pays.

En Algérie, ils sont nombreux inculpés par centaines, selon les ONG,
officiellement accusés de collecte de fonds sans autorisation ou de pratique
de culte religieux dans des lieux non autorisés.

Au Pakistan, un amendement à la Constitution précise, depuis 1974, qu’ils ne sont plus considérés comme musulmans. Ils n’ont donc pas le droit de se rendre à La Mecque, sont inculpés pour blasphème, et subissent maintes humiliations et attentats, notamment dans leurs mosquées.

(1) Ahmadiyya : un islam interdit.