Gilles Kepel: après la mort d’al-Baghdadi, le djihadisme est entré
dans sa quatrième génération | Vatican News

 

Après la mort du calife autoproclamé de l’État islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, entretien avec Gilles Kepel, islamologue, spécialiste du Moyen-Orient, et directeur de la chaire Moyen-Orient Méditerranée à l’École normale supérieure de Paris.

Qu’est-ce que la mort d’Abou Bakr al- Baghdadi change pour la survie de l’organisation État islamique ?

Elle me fait penser à la liquidation de Ben Laden par les Navy Seals à l’époque d’Obama. C’est-à-dire que quand Ben Laden a été tué, Al-Qaida était déjà en déclin très avancé, la logique de Daech le remplaçait déjà.

Al-Baghdadi était plutôt un hologramme qu’une personnalité avec beaucoup de pouvoir. Daech a été liquidé comme organisation avec la chute de Rakka. Désormais, il va y avoir un nouveau modèle de djihadisme, qui ne sera plus celui de Daech. Tuer Baghdadi en revanche est excellent pour Donald Trump car cela lui permet de faire pardonner l’offensive contre les Kurdes, et lui redonne un peu de prestige pour sa candidature à la prochaine élection présidentielle américaine.

Mais l’importance réelle de la liquidation de Baghdadi n’est pas conséquente, elle est plutôt un symbole.

Quelles seraient les caractéristiques de ce nouveau modèle djihadiste ?

Daech représentait la troisième phase du djihadisme. La première était le djihad en Afganisthan, l’on visait l’ennemi proche. La seconde, Al-Qaida qui visait les ennemis lointains, comme les États-Unis. Et la troisième était Daech qui faisait ses aller-retours entres banlieues européennes et pays du Proche et Moyen-Orient et d’Afrique du Nord où les soulèvements arabes avaient fait tomber les régimes autoritaires. Ce modèle aujourd’hui a vécu. À la suite de la destruction des bases de l’État islamique, les grands attentats en France entre 2015 et 2017 ont été coordonnés depuis Rakka ainsi que les condamnations – moi-même j’ai été condamné à mort trois fois, depuis Rakka et relayé sur place en France.

Le dernier grand attentat de ce type est celui des femmes qui avaient mis une voiture piégée à côté de Notre-Dame, le 4 septembre 2016. Elles ont été jugées à Paris le jour même où Mickael Harpon a commis son attaque à la préfecture de police. Mickael Harpon est plutôt de ce nouveau type de djihadisme, c’est-à-dire des enclaves; quelqu’un qui n’agit pas parce qu’il a reçu un ordre mais qui a été mis en condition, il a eu un lavage de cerveau.

Il va dans des mosquées qui prêchent la rupture culturelle avec la société européenne démocratique, et se nourrit de vidéos sur internet. Ces environnements enclavés sont le véritable défi du djihadisme de quatrième génération.… Lire la suite et écouter l’entretien avec Gilles Kepel réalisé par Delphine Allaire – Cité du Vatican: Gilles Kepel: après la mort d’al-Baghdadi, le djihadisme est entré dans sa quatrième génération – Vatican News, 28.10.19.