Église “Notre-Dame du Dialogue”

 

Birnin Konni est une petite ville du Niger, un des pays les plus pauvres de la planète. C’est une ville à majorité musulmane (environ 99%). L’Église catholique y est présente depuis l’époque coloniale (en fait depuis les années 50).

Dans nos activités pastorales, nous voulons d’abord promouvoir le dialogue interreligieux avec les musulmans. Nous cherchons aussi : le développement social dans la région par des écoles ; une amélioration dans l’égalité des genres ; le développement de la jeunesse et l’alphabétisation des adultes. Il y a évidemment l’accompagnement de la petite communauté chrétienne. Ses membres sont issus principalement des pays voisins comme la République du Bénin, le Togo, le Burkina et le Nigeria. Ils sont venus au Niger à la recherche de pâturages plus verts : la plupart d’entre eux ne les atteignent jamais, mais il leur est difficile de revenir dans leur pays natal.

église Notre Dame du DialogueÀ l’occasion de la bénédiction de la nouvelle église, le 29 janvier 2011, on a choisi le nouveau nom de “Not re-Dame du Dialogue” à la place de l’ancien nom de “Saint-Vincent-de-Paul”. L’idée de ce nouveau nom nous est venue à cause de l’emplacement de cette église (sur un terrain où les musulmans prient aussi pendant leurs célébrations majeures et le ramadan). On a aussi choisi ce titre en pensant aux difficultés rencontrées durant la construction de cette église et à l’entente réalisée grâce au dialogue entre musulmans et chrétiens.

Nous avions commencé les fondations de la nouvelle église pour remplacer la première, construite en 1957 et devenue trop petite pour notre communauté. Le premier jour, à l’aube, après la prière, un groupe de musulmans est venu démolir ces fondations et détruire les briques que nous avions préparées, notre stock de ciment et nos outils. D’autres matériaux ont aussi été volés, que nous n’avons jamais récupérés, même une fois la paix retrouvée.

La bénédiction de l’église fut l’occasion de renforcer le dialogue entre chrétiens et musulmans. Le chef de canton, Mohamadou Salifou Sardauna (un musulman), grand promoteur du dialogue entre chrétiens et musulmans, était présent ainsi que plusieurs responsables musulmans. Les autorités politiques, qui encouragent le dialogue comme moyen de promouvoir la paix, étaient aussi présentes. La foule assistant à la bénédiction de l’église était composée de chrétiens et de musulmans.

Chaque délégation prit brièvement la parole à tour de rôle, toutes insistant sur le besoin de dialogue et de coexistence pacifique. M. Goubey Boubacar Illiassou, le maire, parlant au nom du Gouverneur, rappela à la foule que le Niger était un État séculier où l’on a la liberté de culte et d’association. Toute personne qui empêche une autre de pratiquer sa religion viole la loi. Il dit qu’il existe des canaux appropriés pour exprimer ses griefs et en discuter et que, plutôt que d’avoir recours à la violence et la destruction, les gens devraient utiliser ces canaux pour exprimer leurs craintes.

carte du NigerLe chef de canton, en tant que responsable de la paix dans la région, dit à son tour qu’il préférera toujours le dialogue et les solutions pacifiques. Il s’occupera de toute personne voulant faire sa propre loi et troublant la paix. Il dit aussi que toute personne qui essaie d’empêcher quelqu’un d’adorer son Dieu n’est pas quelqu’un qui aime la paix. “On ne peut prétendre se cacher derrière la religion pour commettre des actes mauvais. Quiconque fomentera la haine religieuse et la persécution devra cesser de le faire, sous peine d’être expulsé de son territoire.” Il remercia enfin l’Église qui promeut le développement dans la région. Le représentant des imams, Malam Oumarou Mamane, lança un appel pour une coexistence pacifique et la promotion du dialogue. Il dit que toute personne pieuse porte un vrai témoignage et vit en paix avec les autres. Il pria pour que nos différends soient résolus de manière pacifique et non par la violence ou les menaces.

L’évêque du diocèse, Mgr Ambroise Ouedraogo, fit à son tour l’éloge du dialogue entre chrétiens et musulmans et encouragea tout le monde à continuer de construire une société de paix et de justice où est promue l’image de Dieu. Il remercia tous ceux qui s’impliquent dans la promotion du dialogue et de la paix et les invita à continuer à le faire. Il se félicita aussi du témoignage positif des chrétiens et des musulmans qui prient ensemble dans un même lieu : “Je vous exhorte à continuer à montrer au monde que c’est possible pour des chrétiens et des musulmans de vivre ensemble dans l’harmonie.”

Il décrivit alors brièvement plusieurs domaines de développement (écoles, dispensaires, centres sociaux et projets contre la pauvreté, etc.) que promeut l’Église catholique et quel profit en tire la population dans son ensemble, indépendamment de la religion, de la situation ou de l’origine ethnique des gens. Il dit que, même si l’Église locale au Niger n’a pas de fonds propres obtenus localement, mais dépend en fait de Caritas, de la solidarité de l’Église universelle, d’autres organisations humanitaires ou de bienfaiteurs, l’Église catholique peut engager des projets de développement pour alléger la pauvreté de la population. Il a appelé à une proche collaboration entre chrétiens et musulmans en vue de promouvoir le développement religieux et social qui apportera finalement paix et harmonie dans la région et dans la nation toute entière.

L’évêque commença alors la bénédiction de la nouvelle église et demanda aux chrétiens de faire en sorte qu’elle reste un lieu consacré au culte et à l’enseignement de la foi chrétienne. Il dit qu’elle ne doit pas seulement être la fierté de la communauté chrétienne, mais aussi une maison de Dieu où chacun a sa place et son rôle, pour mieux approfondir sa foi, pour grandir dans cette foi et dans l’amour de Dieu et du prochain. Bien que modeste, la cérémonie a provoqué l’admiration de la population et certains imams ont invité les musulmans à imiter la solidarité des chrétiens et leur sens de la tolérance.

Le jour suivant, 30 janvier 2011, fut un jour d’action de grâces. On organisa une petite fête à laquelle furent invités les amis de la communauté musulmane et d’autres dénominations chrétiennes.

Callistus Baalaboore