COMMUNICATION DE LA COMMISSION INTERDIOCESAINE
CHARGÉE DES RELATIONS ISLAMO CHRÉTIENNES AU NIGER
faite au « Groupe Rencontre » de Ouagadougou le 14 février 2007


1. Les sessions de formation et le travail de sensibilisation de nos communautés chrétiennes


Longtemps nous avons organisé des sessions de formation, en particulier des sessions d'initiation à la connaissance de l'Islam. Ces sessions s'adressaient surtout aux agents pastoraux, aux prêtres et aux religieux ou religieuses, dans le but que ceux-ci sensibilisent à leur tour les communautés chrétiennes au dialogue et à la rencontre des chrétiens et des musulmans.

Depuis 2001, on a senti le besoin de sensibiliser directement la base, en particulier les catéchistes et les jeunes chrétiens. Dans ce but, des membres de la Commission ont profité des journées d'étude, des camps de jeunes, des récollections dans les paroisses pour parler de la nécessité et de l'importance de bonnes relations islamo chrétiennes dans le contexte de notre Église du Niger.

Nous avons édité, en juin 2002, un premier livret, sous le titre « Guide pour un chrétien en milieu musulman », traitant de 16 thèmes et montrant chaque fois les convergences et les divergences entre le christianisme et l'islam. Ce livret voulait surtout aider les catéchistes (et les responsables de la catéchèse dans les paroisses) afin qu'ils tiennent compte, dans l'enseignement du message chrétien, du contexte de la culture musulmane, dans laquelle sont baignés nos catéchumènes et nos jeunes chrétiens.

En plus, nous avons envoyé régulièrement à toutes les communautés chrétiennes des fiches « Se connaître, Se respecter » sur la rencontre. Une trentaine ont vu le jour. Elles montrent les conditions, les difficultés, et la pratique en vue d'un dialogue fructueux entre chrétiens et musulmans. Entre temps, sur la demande de nos évêques, nous avons publié 25 de ces fiches sous forme de livre, intitulé « L'incontournable rencontre entre Chrétiens et Musulmans » (Niamey, septembre 2006).

Depuis 2005, nous avons pensé que le temps était mûr pour organiser des formations mixtes au dialogue, c'est-à-dire à la fois pour des chrétiens et des musulmans, et avec des intervenants aussi bien musulmans que chrétiens. Nous nous sommes adressés d'abord au personnel des oeuvres éducatives et sociales de nos deux diocèses. Ainsi des sessions furent organisées, sous régime d'internat ou demi internat, pour tous les enseignants et enseignantes des Écoles Primaires et Secondaires du réseau catholique, comme pour des groupes d'infirmiers et membres des Centres de la Promotion Humaine féminine (CPH). Plusieurs autres sessions sont programmées et préparées.

Dès le début, nous avons tenu à inviter comme intervenants des hommes de référence, comme les évêques et les responsables des associations musulmanes de différentes tendances représentant l'islam officiel (AIN, CASIN), l'islam wahhabite et la confrérie Tidjaniya de Kiota. Ces rencontres ont connu un grand succès. On y apprend à mieux se connaître et à connaître l'autre. Tout le monde écoute et apprend. En plus, cela a fait grandir la confiance entre les croyants et les leaders religieux.


2. L'engagement de nos évêques


Leur engagement et leur influence ont été déterminants pour notre action. Ils sont convaincus que la rencontre est « vitale » et « primordiale » pour notre Eglise.

Ils s'engagent à toute occasion pour prendre contact et visiter les responsables musulmans, en particulier le Président de l'Association Islamique du Niger (AIN), le Président du Collectif des Associations Islamiques du Niger (CASIN) et le Khalife de la confrérie de la Tidjaniya Niasse de Kiota. Lors des grandes fêtes musulmanes, ils ne manquent jamais d'envoyer des messages fraternels à la Communauté musulmane. Ils participent à des interviews dans la presse écrite comme à la radio et à la télévision, toujours avec un grand respect pour nos frères musulmans. Ils encouragent les chrétiens à s'engager à tous les niveaux de la société, pour le bien du pays. Par le biais du CADEV (Caritas Développement), ils aident les populations du pays, surtout les plus pauvres, par des actions multiples de développement accomplies dans le respect et la discrétion par des équipes mixtes composées de chrétiens et de musulmans.


3. Notre participation à des séminaires, des rencontres et des débats organisés par des ONG et des organismes à caractère officiel


Nous avons pu participer à deux séminaires organisés par la CONGAFEN, dont le but était d'écouter des juristes et des leaders religieux sur les conditions, les droits et les devoirs de la femme fonctionnaire ou épouse de fonctionnaire. Des femmes de 34 associations islamiques et de 2 associations de l'Église catholique se sont retrouvées pour réfléchir ensemble sur les conditions d'injustice que vivent les femmes fonctionnaires de l'État par rapport à leurs collègues hommes. Nous avons pu donner une communication sur la place de la femme dans la Bible et la Tradition chrétienne. Lors du second séminaire, les organisateurs ont accepté de distinguer la femme musulmane de la femme chrétienne pour ce qui concerne certains droits.

Une collaboration très intense existe entre L'ONG SOS CIVISME et certains membres de la Commission et de notre Eglise. Nous avons participé à 3 séminaires :

Le rôle des leaders religieux dans l'éducation civique du Niger (juin 2003)
La prévention des conflits au Niger, rôle des leaders religieux (janvier 2004)
Contribution des leaders religieux dans la lutte contre la pauvreté (avril 2006).

Nous faisons partie du « Comité de suivi » et des comités ad hoc organisés à Maradi et à Zinder. En plus, les membres de l'Église catholique ont réussi à entraîner les Eglises et les associations évangéliques et protestantes (l'AMEEN) dans ces rencontres.

Lors de la rencontre organisée par le comité « Armée et Démocratie au Niger », en juin 2006, l'Église catholique a été invitée à présenter sa contribution par un exposé : « La religion comme facteur de cohésion sociale: cas du christianisme. »

On pourrait présenter bien d'autres apports. Pensons, en particulier, aux interviews et aux débats dans les médias, aussi bien dans la presse écrite (surtout dans le journal islamique As Salam) qu'à la radio et à la télévision.

Remarquons que le dialogue interreligieux n'est plus l'apanage de l'Église. Les leaders et les associations musulmanes prennent de plus en plus des initiatives et montrent une ouverture à notre égard.


4. Perspectives d'avenir


Il faut maintenir absolument une connaissance mutuelle et une confiance réciproque entre les principaux leaders musulmans et l'Église catholique.

Les relations fraternelles (par des visites, des contacts constants, des consultations, des gestes d'entraide... ) avec les responsables de l'islam du pays sont capitales.

Ce ne sont pas les petits jeunes, que nous trouvons autour de nous lors des fêtes à nos paroisses, qui feront évoluer les relations de l'islam avec nous, mais les gens influents comme les responsables des associations islamiques, les imams des mosquées, les prédicateurs, les intellectuels, les gens de la presse.

Nous en avons eu la preuve au moment de l'affaire des caricatures de Mohammed et après le discours du pape Benoît XVI en Allemagne. Ces événements n'ont pratiquement pas eu d'effet au Niger, à cause des relations vraies et des rencontres amicales entre nos évêques et les leaders religieux musulmans du pays. Nous croyons que ce sont ces relations qui nous ont mis à l'abri des conflits et des manifestations de haine. L'évêque de Niamey avait envoyé lui-même un communiqué de presse à ces occasions. Deux articles parurent dans le journal As Salam, entre autre un très bon article que le Père Jean-Marie Gaudeul avait publié dans le journal « La Croix » de Paris.


L'islamisme reste une menace pour nos populations du Niger


Jusqu'ici, Al Qaïda n'a pas pu entraîner les masses musulmanes à une « révolution islamique ». Mais il a réussi à lancer des cellules terroristes un peu partout dans le monde et celles-ci ne sont pas loin de nos frontières. D'autre part, ces islamistes continuent à diffuser dans la masse des idées très négatives sur le christianisme. Ils présentent les chrétiens toujours comme des mécréants et des croisés à la solde de Bush, et comme un danger pour l'islam. En plus, ils encouragent les populations musulmanes à l'affrontement religieux aussi bien que culturel et politique. Ils rejettent toute « innovation ». Nous avons pu le constater encore les derniers mois lors des débats autour du « Protocole de l'Union Africaine concernant les droits des femmes ». Le parlement nigérien a rejeté ce Protocole. Durant plusieurs semaines, des manifestations des femmes ont eu lieu dans les rues de Niamey et ailleurs, et toute une campagne de presse fut menée contre le Gouvernement qui avait accepté le Protocole. Il ne faut pas sous-estimer les effets de l'islamisme dans les prêches de certaines mosquées, dans les medersa et les écoles coraniques, que l'État laisse se développer sans aucun contrôle de sa part et au détriment de l'enseignement public.

Il est nécessaire de multiplier les formations pour toutes les forces vives de la population.

Il est nécessaire que nous augmentions des rencontres entre chrétiens et musulmans à tout niveau (leaders politiques, associations, enseignants étudiants... mais aussi avec les croyants de nos paroisses).

II est nécessaire que, lors des débats entre chrétiens et musulmans à la radio et à la télévision, nous avertissions les populations du danger des manipulations politiques de la religion.

II est nécessaire que nous insistions toujours sur ce qui fait l'essentiel de la religion, à savoir sa spiritualité et ses valeurs religieuses positives. Le vrai islam, comme le vrai christianisme, insisteront toujours sur l'importance de l'adoration ou la prière, sur la recherche de la paix, de la justice, et de la fraternité entre les hommes.

Hugo Mertens
Missionnaire d’Afrique au Niger