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Côte d’Ivoire : Abdourahmane Cissé, l’atout jeune de Ouattara 

| Par - envoyé spécial à Abidjan
Abdourahmane Cissé, ancien ministre ivoirien du Pétrole, a été nommé secrétaire général de la présidence ivoirienne ce lundi 29 mars 2021.

Abdourahmane Cissé, ancien ministre ivoirien du Pétrole,
a été nommé secrétaire général de la présidence ivoirienne ce lundi 29 mars 2021. © DR

Nommé fin mars au secrétariat général de la présidence où il a succédé à Patrick Achi, Abdourahmane Cissé occupe un poste stratégique qui le place au cœur du pouvoir ivoirien.

Il est sans doute celui qui incarne le plus le souhait de « renouvellement générationnel » affiché par Alassane Ouattara. Bombardé fin mars secrétaire général de la présidence à seulement 39 ans, Abdourahmane Cissé est désormais un personnage incontournable au sein du pouvoir ivoirien. Une nouvelle marche franchie pour celui qui, en 2013 déjà, avait attiré les projecteurs en devenant le plus jeune ministre du gouvernement, en charge du Budget et du portefeuille de l’État (il avait à l’époque 32 ans).

Son âge a-t-il été un atout par rapport à d’autres prétendants ? Probablement. « Le président s’est toujours entouré de jeunes dans sa carrière. Il leur fait confiance et les fait monter à ses côtés. Amadou Gon Coulibaly a, par exemple, commencé à travailler avec lui à la primature alors qu’il avait à peine 30 ans, assure un intime de Ouattara. Quand il repère un jeune compétent, il le met plus vite en orbite. » Dans l’entourage de l’intéressé, père de jumeaux depuis peu, l’évocation de sa précocité et d’une éventuelle « prime aux jeunes » dans le dernier remaniement font sourire. « Être jeune ne suffit pas, affirme l’un de ses collaborateurs. Quand il fait ses choix, le président se base d’abord sur les compétences et non sur des dates de naissance. »

Avec son profil de premier de la classe, voilà longtemps que ce longiligne technocrate au sourire facile est rentré dans les radars du chef de l’État.

Pur produit de l’école publique

Né à Treichville, d’un père entrepreneur en bâtiment et d’une mère femme au foyer, Abdourahmane Cissé est souvent présenté comme l’un des cadres les plus brillants de sa génération par les responsables de la majorité présidentielle. Ce « pur produit de l’école publique ivoirienne », ainsi que se plaît à le décrire son entourage, a grandi à Port-Bouët et a passé son baccalauréat à Grand-Bassam. À 18 ans, il s’envole pour la France pour ses études supérieures. Son cursus est un sans-faute. En 2001, il intègre la prestigieuse École polytechnique, près de Paris, dont il ressort diplômé en 2004. En parallèle, il décroche un master en économie et gestion des ressources pétrolières à l’Institut français du pétrole (IFP).

Attiré par le milieu de la finance, le jeune polytechnicien ivoirien met le cap sur Londres et intègre la banque d’affaires Goldman Sachs International en 2005. Il y monte les échelons et est nommé directeur exécutif, responsable du trading sur les indices de la zone euro. Dans la capitale anglaise, sa vie est semblable à celle de nombre de traders : beaucoup de travail et un salaire très confortable. Ce fan inconditionnel de football – qui continue à jouer toutes les semaines avec son équipe à Abidjan – en profite pour aller, dès qu’il le peut, voir un match de Chelsea, son club de cœur, à Stamford Bridge. Sur la pelouse, un autre Ivoirien avec lequel il fera connaissance plus tard : Didier Drogba.

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À « PHOTOCOPIE », CISSÉ CONFIE SA VOLONTÉ DE PARTICIPER À LA RECONSTRUCTION DU PAYS.

Malgré la distance, Cissé continue à garder un œil attentif sur la situation en Côte d’Ivoire, où il se rend régulièrement. Après la crise postélectorale de 2010-2011 et l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, il fait la rencontre de Téné Birahima Ouattara, l’influent frère cadet du nouveau président – et aujourd’hui ministre de la Défense. À « Photocopie », il dit l’admiration qu’il voue au chef de l’État et sa volonté de participer à la reconstruction du pays. Il lui glisse également son CV. Quelques semaines plus tard, il est reçu par Amadou Gon Coulibaly, alors secrétaire général de la présidence. Son profil séduit Ouattara et son premier cercle. En août 2011, Cissé démissionne de Goldman Sachs pour intégrer, en juillet 2012, l’équipe présidentielle en tant que conseiller aux finances publiques. Il est alors, avec d’autres, l’un des symboles de ces cadres de la diaspora qui reviennent s’installer en Côte d’Ivoire après la crise.

« Quand le président a été élu, il s’est dit que c’était le moment de rentrer pour contribuer à l’effort national. Leur première rencontre a été très naturelle. Il a tout de suite senti qu’ils étaient sur la même longueur d’onde », affirme un intime de Cissé. Les deux banquiers libéraux parlent la même langue, partagent les mêmes codes. L’ancien directeur Afrique du FMI prend l’ex-trader de Goldamn Sachs sous son aile. En 2013, il le nomme ministre du Budget et du portefeuille de l’État. Après un nouveau passage au palais, en tant que conseiller spécial d’Alassane Ouattara pour les affaires économiques et financières, il est nommé ministre du Pétrole, de l’Énergie et des Énergies renouvelables, fin 2018. Puis, en mars 2021, après la réélection de son patron pour un troisième mandat, Cissé devient secrétaire général de la présidence. Cette fois, plus de doute : celui qui n’est pas encore quadragénaire est bien l’un des principaux lieutenants de Ouattara.

Au cœur de l’appareil exécutif

Depuis son arrivée au pouvoir, le chef de l’État a toujours placé à ce poste stratégique une personne en qui il avait une absolue confiance. Courroie de transmission entre la présidence et le gouvernement, le « SG » est au cœur de l’appareil exécutif. Une sorte de numéro trois, après le président de la République et le Premier ministre. « C’est une grande responsabilité et une grande marque de confiance à son égard. Il arrive après deux illustres prédécesseurs, Amadou Gon Coulibaly et Patrick Achi. Il est conscient qu’il va devoir maintenir la qualité de travail et le rendement qu’ils avaient », poursuit l’un de ses collaborateurs. Comme ses aînés, qui ont tous deux fini Premiers ministres après leur passage au secrétariat général de la présidence, l’homme a notamment été choisi pour son expertise sur les questions économiques et financières, le domaine favori du chef de l’État.

Désormais, Abdourahmane Cissé est en contact quasi permanent avec Alassane Ouattara et Patrick Achi. Il a des séances de travail hebdomadaires avec eux, en particulier avant chaque Conseil des ministres. Le Premier ministre, lui, est une vieille relation de travail. Tous les deux membres de différents gouvernements dans les années 2010, ils ont approfondi leurs relations lors de leur passage commun à la présidence, quand Patrick Achi était secrétaire général et lui conseiller spécial.

Contrairement au chef du gouvernement et à plusieurs ministres, « Abdou », comme le surnomme ses proches, n’a pas été candidat aux législatives du 6 mars dernier. Certains de ses adversaires affirment qu’il a tenté de briguer la candidature du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) dans son fief de Port-Bouët, mais sans succès. Son entourage assure qu’il n’en est rien. « Il fait de la politique, car il est engagé aux côtés du président pour lequel il a battu campagne en 2015 et 2020, mais il n’a jamais été candidat et il n’a jamais brigué de mandat », explique l’un de ses soutiens. Se présentera-t-il un jour devant les électeurs ? S’il veut continuer à assurer les plus hautes fonctions de l’État, il lui sera difficile de se passer de l’onction populaire.

Côte d’Ivoire : ce que Blaise Compaoré et Zéphirin Diabré se sont dit

| Par et 
Mis à jour le 07 mai 2021 à 18h22
Blaise Compaoré, le 1er octobre 2012 à Milan.

Blaise Compaoré, le 1er octobre 2012 à Milan. © Pier Marco Tacca/Getty Images

 

Pour la première fois depuis son départ en exil, Blaise Compaoré a rencontré le ministre burkinabè de la Réconciliation nationale à Abidjan. Au coeur des discussions : un éventuel retour de l’ancien président à Ouagadougou, où il pourrait être jugé dans l’affaire Sankara.

Ce n’était jamais arrivé depuis qu’il a quitté Ouagadougou sous la pression de la rue, le 31 octobre 2014. Le 5 mai, Blaise Compaoré a rencontré à Abidjan, où il vit en exil, un ministre de Roch Marc Christian Kaboré : Zéphirin Diabré, chargé de la Réconciliation nationale au Burkina. Les deux hommes ne s’étaient pas revus depuis plusieurs années mais ils se connaissent bien. Quand Compaoré était au pouvoir, Diabré a longtemps été son principal opposant.

Selon un proche de Blaise Compaoré, Alassane Ouattara, qui avait reçu quelques heures plus tôt le ministre burkinabè au palais présidentiel, a assisté à cette rencontre préparée depuis plusieurs semaines. Une information non confirmée par la présidence ivoirienne. Trois proches de Blaise Compaoré étaient également présents lors de cette entrevue.

Tribunal militaire

Au cœur des discussions : le retour de l’ancien chef de l’État à Ouagadougou. L’enquête judiciaire sur l’assassinat de Thomas Sankara étant désormais bouclée, l’affaire doit maintenant être jugée par le tribunal militaire. Parmi les quatorze coaccusés de ce procès attendu de (très) longue date : Blaise Compaoré, accusé d’ »attentat à la sureté de l’État », de « complicité d’assassinat » ou encore de « recel de cadavre ». Des accusations très graves, qui pourraient le conduire en prison jusqu’à la fin de ses jours.

Selon une source de l’entourage de l’ex-président, Zéphirin Diabré a tenté de le convaincre de rentrer à Ouagadougou et d’assister à ce procès, dont la date d’ouverture n’est toutefois pas encore connue. Il aurait également essayé de rassurer son interlocuteur, lui promettant notamment que sa sécurité serait garantie s’il revenait au pays.

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LORS DE LEURS ÉCHANGES, OUATTARA ET KABORÉ ÉVOQUENT RÉGULIÈREMENT LE CAS COMPAORÉ

De son côté, Alassane Ouattara, très proche de Blaise Compaoré mais obligé aussi de composer avec les autorités burkinabè, tente de rapprocher les deux parties, comme le font d’ailleurs d’autres chefs d’État de la sous-région. Lors de leurs échanges, Ouattara et Kaboré évoquent d’ailleurs régulièrement le cas Compaoré. « Alassane Ouattara est favorable à une entente entre Blaise Compaoré et Roch Marc Christian Kaboré », souffle un de ses collaborateurs.

Réélu en novembre, Kaboré a fait de la réconciliation nationale une priorité de son nouveau mandat. Ce qui implique notamment le retour de Blaise Compaoré au Burkina Faso. Durant la dernière campagne électorale, le chef de l’État a plusieurs fois affirmé qu’il n’était pas opposé au retour de son prédécesseur, mais que celui-ci devra répondre à la justice si elle le demande.

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BLAISE COMPAORÉ EST LE BIENVENU, MAIS IL DEVRA FAIRE FACE AUX JUGES DANS L’AFFAIRE SANKARA

« Dans l’esprit du président, tout peut être entrepris pour permettre à Blaise Compaoré de rentrer, à condition que cela ne soit pas contraire à la justice », explique un de ses proches. En clair : Blaise Compaoré est le bienvenu, mais il devra faire face aux juges dans l’affaire Sankara.

Pas de quoi rassurer, pour l’instant, l’ex-homme fort de Ouagadougou. Son souhait de revenir chez lui, après plusieurs années d’exil en Côte d’Ivoire, n’est un secret pour personne. Mais son premier cercle se montre toujours méfiant sur ce qui l’attend au pays et redoute un procès à charge.

Burkina Faso : Stanislas Bénéwendé Sankara,
le ministre qui met les promoteurs immobiliers au pas

| Par - à Ouagadougou
Stanislas Bénéwendé Sankara, à Paris, en juin 2015.
Stanislas Bénéwendé Sankara, à Paris, en juin 2015. © Vincent Fournier/JA

En stoppant les opérations immobilières, le ministre de l’Urbanisme a jeté un pavé dans la mare. Il doit maintenant assainir un secteur considéré comme une « bombe sociale ».

Alors que le programme présidentiel de 40 000 logements sociaux et économiques, lancé en 2017, connaît un bilan mitigé avec seulement 6 000 maisons livrées, le sankariste Stanislas Bénéwendé Sankara, nommé ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme le 10 janvier dernier, entend faire le ménage dans ce secteur, considéré comme le nouveau paradis des investisseurs locaux.

Dans son viseur, la promotion immobilière, en plein boom avec au moins 275 agréments octroyés et plus de 50 entreprises qui mènent de front 97 projets dans les communes environnantes du Grand Ouaga. « Ils disposent des terres sans autorisation », assure Yacouba Dié, coordinateur du programme national de logements, selon lequel d’importants manquements ont déjà été recensés pour treize projets en cours d’exécution.

Pour assainir le secteur, une commission interministérielle a vu le jour. Sa mission : proposer d’ici au début du mois de juin des mesures conservatoires d’urgence avant les réformes globales du foncier qui impliquent huit départements ministériels. En attendant, le ministre a décidé, le 9 février, la suspension des opérations de promotion immobilière.

Des textes trop nombreux et inefficaces

« Notre décision de suspendre le traitement des dossiers fonciers permet d’aplanir et de corriger les défauts » explique à JA l’avocat et homme politique, selon lequel la mesure est saluée par « ceux qui se donnent les moyens d’exercer dans les règles ». Le ministre reconnaît toutefois qu’il existe un risque que des professionnels peu scrupuleux continuent d’agir dans l’illégalité, espérant avoir gain de cause plus tard.

Dans son vaste projet de réforme du secteur, Me Sankara entend également lutter contre l’inflation législative. « On se retrouve avec beaucoup de textes inefficaces car les acteurs peuvent les contourner », fustige-t-il, prenant en exemple la réforme agraire et foncière, portée par le ministère des Finances, qu’il juge « dévoyée ». Selon lui, trop d’acteurs différents (Mines, Finances, Environnent, etc.) interviennent dans le secteur foncier.

En 2016, une enquête diligentée par le Parlement avait pointé du doigt la question foncière, estimant que plus de 10 000 terrains avaient été attribués de façon illégale ou utilisés à des fins de spéculation par certaines compagnies, dont l’une appartenait à Alizéta Ouédraogo, proche de l’ancien président Blaise Compaoré. La commission d’enquête avait demandé que des poursuites soient engagées contre les élus présumés impliqués dans ces attributions, sans résultat à ce jour.

Vaste programme d’investissement

« Je ne suis pas à même de savoir où en est la procédure judiciaire. Je peux simplement affirmer que le Parlement exigeait réellement des sanctions contre les auteurs de constructions illégales. L’autorité politique et administrative a-t-elle failli ? », s’interroge le président du parti sankariste UNIR/PS qui assure travailler « à prendre en compte les recommandations du Parlement dans les réformes » et s’engage à « faire faire un bilan du secteur et [à] rendre opérationnel le contrôle ».

L’Institut Free Afrik – une ONG basée à Ouagadougou qui propose formations, recherches et études économiques pour l’Afrique – veut croire à la bonne volonté du ministre. « Le dévoiement complet des politiques de lotissements a entraîné une expansion inégale, incontrôlée et ingérable de la ville de Ouagadougou », souligne son directeur, Seydou Ouédraogo dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Ce dernier s’interroge pourtant sur la suspension des lotissements et se demande quelle sera la suite de cette mesure.

De son côté, Stanislas Bénéwendé Sankara met en avant un vaste programme d’investissement estimé à 1 000 milliards de F CFA (1,5 milliard d’euros) d’ici à 2025, destiné principalement à moderniser la physionomie de la capitale. Affirmant que ces ressources seront mobilisées auprès des bailleurs de fonds comme l’ONU-Habitat ou des privés via des partenariats publics et privés, il cite un projet  d’aménagement de zones d’activités spécifiques dans le Grand Ouaga (200 milliards de F CFA) ou encore le déblocage d’une enveloppe de 100 milliards pour la construction d’une cité résidentielle dans le quartier périphérique de Lanoyiri. Selon le ministre, 10 % des maisons construites seront attribuées aux populations démunies de la zone.

Manifestations au Tchad: retour au calme à Ndjamena après une matinée de violences

Ce 8 mai, certains manifestants à Ndjamena brandissaient des slogans anti-français.
Ce 8 mai, certains manifestants à Ndjamena brandissaient des slogans anti-français. AFP - DJIMET WICHE

Au Tchad, après une matinée de violences, le calme semble être revenu dans la capitale, Ndjamena. La coordination citoyenne Wakit Tama appelait à des marches dans tout le pays, pour protester contre les autorités de transition instaurées après la mort d’Idriss Deby, il y a presque trois semaines, à savoir le Conseil militaire de transition, dirigé par le général Mahamat Idriss Déby, fils de l’ancien président, et contre le gouvernement qu’il a nommé par décret.

De notre envoyé spécial à Ndjamena, David Baché avec les moyens techniques de Julien Boileau

Les autorités ont officiellement interdit cette manifestation. Elles ont aussi indiqué, vendredi 7 mai, qu’elles feraient preuve de « bonne volonté » et qu’elles ne s’opposeraient pas aux marches tant qu’elles seraient pacifiques. Ce samedi matin, les marcheurs, ayant osé sortir, ont pourtant été violemment réprimés. En fin de matinée, la tension semble être retombée.

Depuis la fin de la matinée, de ce que nous avons pu voir, en circulant, la ville était calme. Les forces de sécurité sont largement déployées dans les rues, on croise d’imposantes patrouilles à bord de leurs véhicules. Policiers et militaires sont également stationnés à de nombreux endroits. Il faut dire que les marcheurs qui avaient osé sortir, ce samedi matin, ont très rapidement et très violemment été réprimés.

Il faut dire aussi que la marche, initialement prévue, ayant ainsi été empêchée, eh bien les manifestants organisent des rassemblements épars, dans leurs quartiers, ce qui rend difficile d’avoir une vision globale de manière immédiate.

 

Les forces de l’ordre ont tiré sur les premiers venus

Ce matin, la manifestation organisée par Wakit Tama devait partir de l’espace Fest Africa, dans le VIe arrondissement mais les forces de l’ordre ont tiré sur les premiers venus, alors que la place était encore bien vide. Des tirs à balles réelles et à bout portant, selon des participants. La coordination citoyenne donne un bilan, à la mi-journée, d’une dizaine de blessés dont trois graves. L’un d’entre eux est actuellement opéré à l’hôpital de référence de Njjamena. La coalition Wakit Tama dénombre également quinze arrestations.

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Sollicité par RFI, le ministère de la Sécurité publique n’a pas encore souhaité communiquer. Un communiqué est en cours de rédaction.

D’autres rassemblements ont été signalés, par les cadres de Wakit Tama, dans les quartiers de Wallia, Atrone ou encore du côté de l’Université du roi Fayçal. La police y aurait violemment dispersé les marcheurs. Les journalistes de RFI ont également reçu des tirs de lacrymogène dans les jambes, leur chauffeur a été frappé par les policiers. Ils ont été brièvement interpellés par des policiers et par des militaires et leur matériel saisi. Le matériel a été récupéré mais les enregistrements ont été effacés.

Plusieurs arrestations à Moundou

À Moundou, la capitale de la province du Logone occidental, on a également répondu à l'appel du mouvement Wakit Tama. Là aussi, les manifestants se sont heurtés aux forces de sécurité qui ont réprimé leur rassemblement et procédé à de nombreuse arrestationsJoint par RFI, Aubin (nom d’emprunt) a participé à cette manifestation. Il nous raconte comment cela s'est passé.

« Très tôt le matin, on s’est réuni au rond-point avec les banderoles.  Les mots qui nous tiennent à cœur: « Non au coup d’Etat militaire du CNT » ; « Non à la confiscation du pouvoir » ; « Non à l’ingérence française ». Quand on a commencé à manifester, il y a des forces de l’ordre qui ont apparu. On leur a fait comprendre que la manifestation, aujourd’hui, était pacifique et ils nous ont compris. Ils nous ont encadrés et la manifestation s’est déroulée dans la sérénité, et dans le calme. Arrivé à un moment, le préfet a fait son apparition et il a ordonné aux policiers de nous saccager, en lançant des gazes lacrymogènes. Il y treize personnes arrêtées, deux personnes blessées. On dénonce cette attitude-là. Elle ne nous honore pas parce que quand on n’aime pas les reproches, le pays ne peut pas se développer. Laissez au moins les gens manifester pour dire ce qui leur tient à cœur ».

À lire aussi: Tchad: dégradation de la situation autour des rassemblements contre les autorités

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Nonuplés maliens nés au Maroc: de Tombouctou à Casablanca, récit d’une épopée médicale

À la clinique privée Aïn Borja de Casablanca au Maroc, une équipe médicale de 30 personnes était mobilisée le mardi 4 mai 2021 pour mettre au monde par césarienne les 9 bébés de la Malienne Halima Cissé.
À la clinique privée Aïn Borja de Casablanca au Maroc, une équipe médicale de 30 personnes était mobilisée le mardi 4 mai 2021 pour mettre au monde par césarienne les 9 bébés de la Malienne Halima Cissé. © Clinique Aïn Borja

Après cet accouchement hors normes mardi 4 mai au Maroc, la mère et les bébés « se portent bien », selon le gynécologue-obstétricien de la clinique privée Aïn Borja. La mère, Halima Cissé, avait été évacuée fin mars du Mali.  Neuf bébés nés vivants d'une même grossesse, une première rendue possible par la mobilisation de plusieurs médecins de Tombouctou à Casablanca en passant par Bamako qui ont tout fait pour donner à la mère et aux bébés toutes leurs chances de survie.  

L'histoire commence à Tombouctou, dans le nord du Mali. Halima Cissé, étudiante en secrétariat, et son mari, Abdelkader Arby, comptable dans l'armée, souhaitent un second enfant. Ils sont déjà parents d'une petite fille de deux ans. Les mois passent, l'attente leur semble longue.

Le Dr Seydou Sogoba, chef du service de gynécologie de l'hôpital régional de Tombouctou qui avait suivi la première grossesse du couple, leur propose un accompagnement thérapeutique par induction d'hormones injectables.

Lorsque la nouvelle grossesse commence, le Dr Seydou Sogoba pratique une échographie et compte alors, à sa grande surprise, sept embryons.  « Je me suis dit "ah il y a quelque chose que je ne comprends pas". J'ai appelé un collègue radiologue. Nous avons refait l'échographie ensemble. Il m'a dit "ah mon cher collègue ce que tu as vu, c'est ça". Nous avons alors expliqué la situation à Mme Halima Cissé. Elle a dit "c'est extraordinaire !" et elle s'est mise à rire. »

Elle était en confiance, elle ne s'est jamais inquiétée.

Dr Seydou Sogoba, chef du service de gynécologie de l'hôpital régional de Tombouctou

Sept embryons repérés, mais le Dr Sogoba sait qu'il peut y en avoir plus. La qualité de l'appareil utilisé pour les échographies à l'hôpital régional de Tombouctou est limitée et dans de tels cas de grossesses multiples, il est très difficile de distinguer avec certitude tous les embryons. 

 

Le Dr Sogoba, conscient du risque d'interruption spontanée de la grossesse, décide de procéder à un cerclage à treizième semaine et même s'il décrit Halima Cissé comme une patiente « souriante, confiante et sereine », il sait que c'est une grossesse à haut risque. D'un commun accord, il est décidé avec les futurs parents de privilégier la discrétion et de ne pas médiatiser cette situation médicale hors normes avant d'en connaître l'issue.

Premier transfert : de Tombouctou à Bamako 

Les semaines passent. Les embryons continuent à se développer normalement. Le Dr Sogoba contacte son « maître » comme il l'appelle, le Pr Tiounkani Thera, chef du service maternité au Centre hospitalier universitaire du Point G à Bamako.

Les deux médecins conviennent que pour le suivi de Mme Cissé, les capacités du CHU de la capitale malienne sont plus adaptées. Le Dr Sogoba propose à la famille un transfert vers Bamako. Les fonds sont rassemblés. Nous sommes courant mars. Halima Cissé est dans son cinquième mois de grossesse. Elle prend l'avion pour la première fois de sa vie, accompagnée du Dr Sogoba.

► À lire aussi : Le cas d'une femme enceinte de septuplés met le Mali en émoi

Une fois à Bamako, elle est prise en charge au sein du service du Pr Thera qui alerte le ministère de la Santé et demande à son collègue, le Dr Drissa Diarra, gynécologue-obstétricien, d'assurer le suivi de la patiente. « Halima (il l'appelle par son prénom) était dans sa 23e semaine, elle allait bien, elle souffrait seulement d'anémie et a été transfusée pour cela. »

Rapidement, la situation est réévaluée par l'équipe médicale. « Il fallait peser le risque encouru pour la mère comme pour les fœtus », explique le Dr DiarraL'utérus de Halima Cissé qui accueille sans qu'elle le sache encore à ce moment-là neuf fœtus est si grand que le risque d'hémorragie post-partum est important. Le diaphragme est de plus en plus compressé, menaçant de provoquer une détresse respiratoire. De plus, pour son premier enfant, Halima Cissé a déjà subi une césarienne, la cicatrice utérine est fragile.

L'équipe médicale du CHU de Bamako sait aussi qu'en cas de naissance imminente, le plateau technique du Point G n'est pas adéquat pour prendre en charge des prématurés nés si petits et si tôt.

Une évacuation vers le Maroc décidée entre médecins 

Le Pr Thera active ses contacts dans plusieurs pays. C'est au Maroc, que la réponse sera la plus rapide. Le directeur de la clinique Aïn Borja de Casablanca, qu'il a déjà visitée, confirme pouvoir prendre en charge Halima Cissé et les futurs nouveaux-nés.

Le ministère malien de la Santé est informé et sur instruction du président de la transition Bah N'Daw, l'évacuation par avion est organisée. Le mari de Halima Cissé ne pouvant pas quitter son poste au moment du départ, il est décidé qu'il rejoindra sa femme plus tard. C'est donc le Dr Diarra qui accompagne Halima Cissé avec la belle-sœur de cette dernière. 

Le Dr Drissa Diarra raconte : « Elle a saisi ma main au moment du décollage. Sur le plan psychologique, elle tenait bien. La seule chose que je craignais, c'est que le stress du voyage déclenche quelque chose dans l'avion. Je me préparais en conséquence pour cela. J'essayais de rassurer Halima pour qu'elle oublie le risque. À l'arrivée à l'aéroport, l'ambulance de la clinique était prête. On a demandé à visiter le plateau technique, cela nous a rassuré. J'ai pensé "on aura gain de cause". » 

Elle était rassurée durant le vol, je discutais avec elle, je lui demandais si elle avait des symptômes...

Dr Drissa Diarra, gynécologue-obstétricien

Le 30 mars dernier, Halima Cissé est donc prise en charge à la clinique privée Aïn Borja de Casablanca par le gynécologue obstétricien Dr Yazid Mourad. Les contractions reviennent régulièrement. Un protocole thérapeutique est mis en place pour gagner du temps.

Cinq semaines passent, sous étroite surveillance. Le Dr Sogoba de Tombouctou, tout comme le Dr Diarra de Bamako racontent avoir été quotidiennement en contact avec leur patiente et leur confrère marocain.

Neuf nouveaux-nés alors qu'on en attendait sept

Lundi 3 mai, nouvelle évaluation du risque pour les enfants comme pour la mère. Le mardi matin, une césarienne est décidée. Le père Abdelkadir, resté à Tombouctou, prévient le Dr Sogoba, premier à avoir détecté la grossesse multiple. Rentré à Bamako, le Dr Diarra après s'être entretenu avec son homologue marocain parle à Halima Cissé, « je l'ai rassurée, je lui ai dit que tout irait bien. » A la mi-journée, le Dr Yazid Mourad raconte avoir extrait rapidement et sans difficulté d'abord sept bébés pesant entre 700 grammes et un kilo cent chacun. Il cherche alors à retirer le placenta restant et découvre deux petites têtes, deux bébés supplémentaires, vivants eux aussi, de 500 gr, qui n'avaient pas été vus à l'échographie. 

Ils sont bien tous les neuf, il faut éviter l’infection. Les pédiatres viennent tous les jours, matin, après-midi et soir. On ne peut pas prédire comment ça va évoluer, pour l’instant même les pédiatres sont étonnés : ceux de 500 grammes vont bien. On espère que ça va continuer.

Docteur Mourad Yazid, Amélie Tulet

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Cinq filles et quatre tous petits garçons qui se « portent bien » selon le Dr Yazid Mourad tout comme leur maman, Halima Cissé, qui a passé elle-même 24 heures en réanimation après une hémorragie de la délivrance. Le gynécologue obstétricien rappelle que dans de telles circonstances, « personne ne peut prédire la suite, c'est au jour le jour ». 

Les nouveaux-nés sont sous étroite surveillance, suivis par une équipe autour de trois pédiatres. Le plus grand risque, c'est l'infection ou une hémorragie interne tant leurs organes sont fragiles. 

Le père, Abdelkader Arby, toujours à Tombouctou, « dans l'attente des autorisations qui doivent être délivrées par les autorités marocaines pour faire le voyage » se dit « confiant et tranquille ». Il échange tous les jours avec son épouse. Quant à leur petite fille de deux ans et cinq mois, « je ne lui ai encore rien dit, elle se rendra compte quand elle verra de ses propres yeux ses petits frères et sœurs, si Dieu veut ».

Son état s’améliore de jour en jour. Elle est fatiguée mais ça va. Les bébés se portent très bien, en couveuse, ils sont stables.

Abdelkader Arby, père des neuf bébés

 

Du point de vue médical, c'est inédit. Pour le Dr Yazid Mourad de la clinique marocaine Aïn Borja, « nous allons apprendre beaucoup de choses ». 

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