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Barkhane : en visite au Burkina Faso, Le Drian revient sur les annonces de Macron

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s'exprime aux côtés du ministre burkinabè des Affaires étrangères Alpha Barry lors d'une conférence à Ouagadougou, le 11 juin 2021.
Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s'exprime aux côtés du ministre burkinabè des Affaires étrangères Alpha Barry lors d'une conférence à Ouagadougou, le 11 juin 2021. AFP - OLYMPIA DE MAISMONT

Le ministre des Affaires étrangères français a rencontré le chef de l’État burkinabè Roch Marc Christian Kaboré vendredi 11 juin à Ouagadougou. Suite à l’attaque de Solhan la semaine dernière, le chef de la diplomatie française est venu présenter les condoléances de la France face au drame vécu par les populations de Solhan. Il a saisi l’occasion pour donner quelques explications sur la nouvelle politique sécuritaire de la France au Sahel.

Avec notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani

Initialement, cette visite n’était pas prévue, mais suite à l’attaque de Solhan la semaine dernière, le chef de la diplomatie française est venu présenter les condoléances de la France au Burkina Faso après l’attaque contre la commune rurale de Solhan. « Je pensais indispensable de m’arrêter ici pour présenter au président Kaboré les condoléances de la France, notre empathie à l’égard du peuple burkinabè à la suite de ce carnage qu’a vécu la population de Solhan. »

Suite aux annonces du président français sur la fin de l’opération Barkhane, Jean-Yves Le Drian rassure que les priorités restent les mêmes au Sahel, mais la reconquête des territoires libérés relève du sursaut civique et politique des États. « Avec la présence renouvelée de l’administration, des services éducatifs, hospitaliers, de la police, bref, que l’État reprenne sa place. Et là, c’est effectivement de la responsabilité de chaque État. Qui le font de manière générale je crois. »

► Sahel: la France veut changer de cadre et de stratégie dans la lutte contre le terrorisme

Désormais, la présence française au Sahel reposera sur deux axes, selon Jean-Yves Le Drian. « D’une part, renforcer la coopération et le soutien auprès des armées africaines présentes sur le terrain, mais le faire aussi en collaboration avec l’organisme de formation que nous avons mis en place au niveau européen qui s’appelle EUTM. Deuxième pilier, c’est de renforcer le contre-terrorisme sous toutes ses formes avec la colonne vertébrale de la force Takuba. »

Selon le ministre français des Affaires étrangères, son pays n’a pas la volonté d’installer une base militaire au Burkina, mais celle d’agir avec les forces burkinabè pour lutter contre le terrorisme.

► À lire aussi : Emmanuel Macron annonce «la fin de l’opération Barkhane en tant qu’opération extérieure»

Mali: Choguel Maïga a rencontré la Cédéao et promet un nouveau gouvernement d'ici dimanche

Le Premier ministre de transition, Choguel Maïga, lors de l'investiture du président de la transition malienne, Assimi Goïta, le 7 juin 2021.
Le Premier ministre de transition, Choguel Maïga, lors de l'investiture du président de la transition malienne, Assimi Goïta, le 7 juin 2021. AFP - ANNIE RISEMBERG

Après des entretiens, mardi 8 juin, avec le nouveau président de la transition malienne Assimi Goïta, la Cédéao, accompagnée de représentants de l’Union africaine et de l’ONU, a rencontré ce mercredi matin le nouveau Premier ministre, Choguel Maïga. Au programme notamment : l’avancée des consultations sur la formation d’un gouvernement inclusif. 

Avec notre correspondant à Bamako, Kaourou Magassa

Choguel Maïga a affirmé, tout sourire, au sortir de cette réunion de deux heures, que d’ici dimanche, en accord avec le président de la transition, l’exécutif présentera son nouveau gouvernement malien.

Il a également affirmé que les discussions avec les partis politiques et les organisations de la société civile ont bien avancé. S’il concède l’éventualité de quelques difficultés dans les arbitrages, il a bon espoir de former un gouvernement de large consensus.

Il a également promis que d'ici à six semaines, un nouveau plan et un nouveau chronogramme seront présentés au Conseil national de la transition, l’organe législatif qui fait office d’Assemblée nationale au Mali. Le temps presse pour une équipe pas encore mise en place, car Choguel Maïga a également réaffirmé que la transition qu’il souhaite réussie se déroulera dans les délais impartis avec une fin prévue dans neuf mois.

Jean-Claude Kassi Brou, président de Commission de la Cédéao, s’est réjoui de ces garanties. Pour lui, la Cédéao accompagnera la transition malienne et se dit rassuré après les différentes consultations menées par sa délégation.

À la question de savoir si la suspension du Mali au sein de l’organisation sous-régionale sera levée, il déclare que cette décision sera prise par les chefs d’État et conditionnée aux avancées de la transition malienne.

► À lire aussi : La Cédéao «rassurée» par les garanties des nouvelles autorités du Mali

[Tribune] Le continent doit faire sa révolution numérique

 
 

Par  Sophonie Koboude

Analyste au sein du think tank « L’Afrique des idées »

Une programmeuse travaillant sur un code informatique la nuit.
Une programmeuse travaillant sur un code informatique la nuit. © Delmaine Donson/Getty Images

Si de plus en plus d’Africains possèdent un téléphone mobile et ont accès à internet, l’Afrique tarde encore à sauter le pas.

« L’Afrique a raté la seconde révolution industrielle, elle n’a pas le droit de rater la troisième », déclarait le président ivoirien Alassane Ouattara en 2014. Cette affirmation est doublement juste. Elle nous rappelle que nous vivons des temps révolutionnaires. Un homme qui aurait fait une longue sieste entre 1890 et 1990 ne reconnaîtrait pas le monde dans lequel il s’éveillerait. La troisième révolution industrielle, la révolution numérique, est le nouveau système technique sur lequel repose le monde.

L’autre enseignement de la déclaration du chef de l’État est l’idée selon laquelle chaque révolution industrielle modifie l’ordre des puissances économiques ou, a minima, leur poids relatif. La Grande-Bretagne a incontestablement été la grande championne de la première révolution industrielle. Avec le déploiement de la deuxième révolution, les États-Unis ont rattrapé et dépassé l’Angleterre. Le monde a été dominé par la triade constituée par l’Europe de l’Ouest, le Japon et les États-Unis. De 1910 à 1980, cette triade représentait environ 60 % du produit intérieur brut mondial en parité de pouvoir d’achat.

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LES BRICS PÈSERONT 40 % DE LA CROISSANCE MONDIALE EN 2025

La troisième révolution industrielle a favorisé l’émergence des BRICS [Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud], ce qui a fait baisser le poids relatif de la triade. Ces pays, qui représentaient 20­ % de la croissance mondiale en 2003, en pèseront 40 % en 2025. Dans le même temps, la triade perdra un tiers de sa puissance relative d’ici à 2030. C’est en cela que la troisième révolution industrielle – les historiens de la technique récusent l’existence d’une quatrième révolution –, vaguement désignée sous le vocable de « digitalisation », représente pour l’Afrique une opportunité gigantesque de réaliser ses ambitions.

L’Afrique aux abonnés absents ?

Où en est le continent ? L’informatisation des économies a démarré. En 2020, plus d’un milliard d’Africains possèdent un téléphone mobile. Le taux de pénétration d’internet progresse, avec plus de 450 millions de personnes connectées en 2020. Le mobile banking est en plein développement. Mais l’Afrique n’est pas encore assez entrée dans la dynamique de la troisième révolution industrielle.

Dans le top 40 du classement The IT Industry Competitiveness Index 2020, qui mesure la capacité des pays à soutenir un secteur informatique robuste, il n’y a aucun pays africain. Et l’Afrique du Sud, qui figure dans le top 50, arrive en 47e position. Aucun représentant du continent n’a intégré le top 30 des pays ayant le plus de robots pour 10 000 travailleurs (l’Afrique du Sud, qui est le mieux classée, en compte 28, la moyenne mondiale étant de 74).

La largeur de bande d’internet sur l’ensemble du continent est de 12 térabits par seconde (Tbps), ce qui est inférieur à la moitié de celle de la Chine (36 Tbps) ou de Singapour (37 Tbps). Au regard de la rapidité de connexion à internet, aucun pays africain n’entre dans le top 50 du classement qu’a établi le cabinet américain Akamai Technologies. En revanche, cinq représentants du continent s’illustrent dans le top 10 des pays ayant le coût de connexion le plus élevé. Tout cela conduit au diagnostic selon lequel l’Afrique n’a pas adopté la meilleure stratégie possible au début de ce siècle.

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LE CONTINENT NE RELÈVERA PAS SES DÉFIS SANS UN EMPLOI MASSIF DES TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES

Soyons clairs. Industrialiser le continent, créer des emplois, éradiquer la pauvreté, améliorer l’éducation, lutter contre le changement climatique, assurer la souveraineté alimentaire de l’Afrique, voilà autant d’ambitions qui ne peuvent pas être accomplies tant que l’on continuera à méconnaître le monde que fait émerger le numérique. Industrialiser au XXIe siècle, c’est informatiser. Cela ne doit pas évoquer des engrenages mécaniques, des tours de distillation, des cheminées d’usines…, mais des robots, des chaînes logistiques automatiques, des processus efficients grâce à l’intelligence artificielle, des réseaux de capteurs. Le continent ne relèvera pas ses défis sans un emploi massif des technologies numériques. Bien que la croissance des économies africaines ait été forte ces dernières années, la productivité ne s’est pas fondamentalement améliorée.

Informatiser les structures productives

La croissance de cette dernière a été, entre 2004 et 2013, de 1 %. C’est cela qu’il faut monter en épingle ! Sur ces vingt dernières années, elle est grandement liée au super-cycle de la demande chinoise qui a tiré les cours des matières premières vers le haut. Retrouver une croissance africaine endogène signifie augmenter l’efficacité des facteurs de production au moyen des technologies digitales. Le monde de l’après-Covid doit démarrer avec l’amélioration de la productivité des économies africaines grâce à la digitalisation : c’est l’horizon qu’il faut définir, afficher puis assumer au moyen de politiques volontaristes.

L’enjeu fondamental du développement de l’Afrique au XXIe siècle se situe dans l’insertion du continent dans le système technique contemporain. Albert Otto Hirschman, économiste américain, expliquait que la croissance économique dépend de l’apparition continue d’occasions rentables, de déséquilibres. De nos jours, l’occasion rentable pour l’Afrique, c’est la troisième révolution industrielle, l’informatisation des structures productives. L’histoire du genre humain est une recherche perpétuelle de moyens de multiplier vitesse et quantité. Cette vérité est partagée par toutes les civilisations. La vague de la révolution digitale est là. Soit l’Afrique surfe la vague, soit elle sera submergée par elle.

 

lettre cardinal

[Chronique] Sénégal : « Boy Djinné » champion du monde des évasions ?

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Le célèbre « as des évasions » a de nouveau faussé compagnie à ses codétenus, cette fois d’un quartier de haute sécurité d’une prison de Dakar. Non sans médiatiser son tour de force.

Même les cages parisiennes du goal Apoula Edel ressemblaient moins à une passoire que la prison de Liberté VI, à Dakar. La fameux Baye Modou Fall vient de s’évader du quartier haute sécurité de l’établissement pénitentiaire de cette commune de Dakar. Le prisonnier évaporé a-t-il des talents de prestidigitateur dignes de spectacles de magie spécialisés dans les passe-murailles ? Surnommé « Boy Djinné » (le jeune djinn, « jeune génie ») ou « l’as des évasions », l’homme de 32 ans a déjà pris la poudre d’escampette une bonne douzaine de fois…

Plusieurs fois arrêté pour « vol en réunion avec usage d’armes » ou « association de malfaiteurs », le « serial-évadeur » avait été arrêté en 2016, à la frontière guinéenne. Ce n’est que le dimanche matin du week-end 30 mai 2021 que Demba Sow, son codétenu du camp pénal de Liberté VI, aurait constaté qu’il était seul en cellule.

Une évasion en signe de protestation

Cabotin et conscient de sa capacité à créer le buzz, l’évadé a, depuis, accordé un entretien à la télévision privée iTV. Il y explique qu’il serait toujours présent au Sénégal et qu’il serait même prêt à se présenter au tribunal, au début de son procès.

Sa fuite ne serait qu’une protestation contre les « lenteurs » de son « dossier », et non un acte de « sabotage » ou l’expression d’une « peur de la prison ». Il justifie son évasion comme une « liberté provisoire forcée » qui lui paraît légitime. Il sait pouvoir surfer sur les débats publics récurrents à propos des conditions de détention dans les prisons du Sénégal, de la surpopulation carcérale, du recours presque systématique au placement sous mandat de dépôt et de la durée des détentions provisoires.

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COMMENT PEUT-ON SORTIR D’UNE PRISON AVEC UNE AISANCE AUSSI PATENTE ?

Les défenseurs des droits humains dénoncent régulièrement le fonctionnement du monde pénitentiaire et le gouvernement travaille sur un projet de surveillance électronique. Mais une question demeure : comment peut-on sortir d’une prison avec une aisance aussi patente ? Confiée au commissaire Bara Sangharé, une enquête de la sûreté urbaine (SU) de Dakar tente de déterminer si Boy Djinné a bénéficié de complicité. Les matons de garde devaient être auditionnés.

Les sanctions n’ont d’ailleurs pas tardé à tomber. Dès le mardi 1er juin, Malick Sall, le ministre de la Justice, a annoncé que le directeur du camp pénal de Liberté VI était « appelé à d’autres fonctions ». Une manière diplomatique de dire qu’il a été remercié…

Perméabilité des prisons africaines

La perméabilité de certaines prisons africaines ne surprend guère, même si chaque évasion porte ses propres circonstances. En avril 2021, dans la ville d’Owerri au sud-est du Nigeria, 1 800 détenus s’évadaient d’un centre pénitentiaire attaqué à l’explosif par des hommes armés. En décembre 2020, un Mozambicain et un Zimbabwéen avaient creusé un trou dans leur cellule d’une prison de haute sécurité de Pretoria, lieu qui avait hébergé, par le passé, Oscar Pistorius ou Nelson Mandela. En octobre, ce sont 1 300 prisonniers – la quasi-totalité des « locataires » de la prison congolaise de Beni –, notamment des combattants de la milice AFD, qui avaient déjoué la vigilance des gardiens.