Laurent Gbagbo va-t-il vraiment rentrer en Côte d’Ivoire mi-mars ?

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Mis à jour le 24 février 2021 à 19h28
Des partisans de Laurent Gbagbo, devant la Commission électorale indépendante, le 31 août 2020.

 

 

Le Front populaire ivoirien (FPI) a annoncé que l’ancien chef de l’État regagnerait la Côte d’Ivoire mi-mars. La réalité est un peu plus complexe.

« À la mi-mars de cette année, il sera avec nous. » Après avoir énuméré, ce mercredi 24 février, l’identité des 13 membres du comité mis en place afin de préparer le retour de Laurent Gbagbo, Assoa Adou annonce la couleur. Toutefois, la déclaration de ce proche de l’ancien président et secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI) sonne davantage comme un moyen de mettre une pression supplémentaire sur les autorités ivoiriennes qu’une certitude définitivement inscrite dans le marbre.

Honneur et sécurité

Selon ses proches, Laurent Gbagbo souhaite quitter Bruxelles au plus tôt et n’envisage pas de se rendre dans un autre pays du continent que le sien. S’il ne veut rien négocier, il souhaite toutefois que l’on fasse honneur à son rang. Depuis son arrestation en avril 2011, Laurent Gbagbo ne bénéficie pas des rentes auxquelles ont droit les anciens présidents ivoiriens, soit 9 584 580 F CFA (14 600 euros) par mois, auxquels s’ajoutent 7 500 000 F CFA (11 400 euros) de frais de transport, carburant, électricité et téléphone.

« Les aspects matériels liés à la reconnaissance de son statut d’ancien président ne sont pas négligeables. Mais le plus important pour lui est que sa sécurité soit assurée », explique l’un de ses proches.

« On nous a dit d’attendre après la présidentielle, qu’il ne fallait pas mettre la pression à Alassane Ouattara jusqu’aux législatives. Gbagbo ne veut pas que son retour entraîne le moindre trouble, mais il estime qu’il a laissé assez de temps. Si les autorités ne coopèrent pas, il est prêt à prendre un avion et débarquer sans leur accord. Toutes les options sont sur la table, quitte à ce qu’il en assume les conséquences », poursuit notre source.

Début décembre 2020, après avoir reçu deux passeports – un diplomatique et un ordinaire -, Laurent Gbagbo avait désigné Assoa Adou pour approcher les autorités compétentes afin « d’organiser son retour dans la quiétude, conformément à son statut d’ancien président de la République ».

Ouattara, maître des horloges

Après avoir envoyé un courrier au Premier ministre Hamed Bakayoko, il avait été reçu par ce dernier le 13 janvier en compagnie de Sébastien Danon Djédjé, vice-président du FPI, et des ministres de la Sécurité, Diomandé Vagondo, et de la Réconciliation nationale, Kouadio Konan Bertin (KKB). Devant ses interlocuteurs, le chef du gouvernement avait alors assuré que les autorités étaient ouvertes au retour de l’ancien président, mais avaient besoin de temps pour l’organiser.

Selon nos sources, la possibilité d’un contact téléphonique entre Alassane Ouattara (ADO) et Laurent Gbagbo a également été évoquée. « Le problème est que Ouattara estime que c’est à Gbagbo de l’appeler pour négocier un retour en douceur, alors que pour ce dernier, c’est à ADO de prendre l’initiative en tant que chef de l’État », explique une source au fait des tractations.

Depuis l’acquittement de Gbagbo en janvier 2019, Alassane Ouattara joue la montre. Aujourd’hui encore, il souhaite rester le maître des horloges afin de consolider son pouvoir. Dans son entourage, certains craignent toujours que la présence de Gbagbo au pays ne fragilise le régime.

« Les discussions avec Hamed Bakayoko se passent bien. Mais la vérité, c’est que Ouattara n’est pas encore prêt à voir revenir Laurent Gbagbo », juge un confident de l’ancien président. « Le chef de l’État ne craint plus son retour. Cependant, à ses yeux, il ne peut pas avoir lieu avant la fin de la procédure devant la Cour pénale internationale (CPI) », répond un proche de Ouattara.

Les options de la CPI

La chambre d’appel de la CPI doit justement rendre son verdict avant le 31 mars, plus précisément entre le 10 et la fin du mois. Elle a quatre options : valider l’acquittement de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ; faire droit à la demande d’appel du bureau du procureur, et donc organiser un nouveau procès ; émettre son propre jugement ; ou, enfin, demander un complément d’information sur une partie du dossier ce qui renverrait l’affaire devant une nouvelle chambre d’appel.

Si l’appel était rejeté, la question de la situation judiciaire de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire se poserait alors. Condamné en 2018, en Côte d’Ivoire, à vingt ans de prison dans l’affaire dite du casse de la BCEAO – une sentence qu’il conteste – il est également inculpé de « génocide, crime contre les populations civiles et meurtre ».

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DANS LE CAS OÙ GBAGBO RENTRE SANS NOTRE ACCORD, IL SERA PLACÉ EN RÉSIDENCE SURVEILLÉE

« ADO a d’abord été favorable à une grâce. L’idée de faire voter une loi d’amnistie ou de prendre une ordonnance spécifique est également sur la table. Mais tout ceci entre dans le cadre d’un retour négocié. Dans le cas où Gbagbo rentre sans notre accord, il sera placé en résidence surveillée », poursuit la source citée plus haut.

Signe, tout de même, que le retour de Laurent Gbagbo se rapproche, plusieurs de ses partisans encore en exil s’apprêtent à rentrer en Côte d’Ivoire. L’activiste Steve Beko a regagné Abidjan le 7 février dans le but de préparer l’arrivée de Stéphane Kipré, le gendre de l’ancien président en exil en Europe depuis avril 2011.

Exilés au Ghana, Justin Koné Katinan, porte-parole de Gbagbo, et Damana Pickass, un des vice-présidents du FPI, rentreront de leur côté dans les prochaines semaines – avant ou juste après les élections législatives du 6 mars.