Présidentielle au Burkina : un vote dans le calme, l’opposition dénonce des tentatives de fraude

| Par et - à Ouagadougou
Mis à jour le 23 novembre 2020 à 15h18
Le président-candidat Roch Marc Christian Kaboré vote lors de la présidentielle le 22 novembre 2020, au Burkina Faso.

Le président-candidat Roch Marc Christian Kaboré vote lors de la présidentielle le 22 novembre 2020, au Burkina Faso. © AP-Sipa/Sophie Garcia

 

Quelque 6 467 000 Burkinabè étaient appelés aux urnes dimanche 22 novembre pour désigner le président du Faso et ses députés.

Les bureaux de vote ont ouvert leurs portes à 6 heures. À Ouagadougou, une file d’électeurs s’est formée tôt ce dimanche matin devant le bureau numéro 1 de l’école primaire de la Patte d’oie, un quartier situé dans le sud de la capitale. Comme en 2015, c’est là que le président-candidat Roch Marc Christian Kaboré, favori d’après les analystes politiques, a voté devant un parterre de journalistes.

Visiblement serein et confiant, Kaboré a appelé les Burkinabè à sortir massivement pour désigner leurs dirigeants. « Je suis venu poser un acte patriotique et citoyen qui est celui de voter. J’appelle donc tous les Burkinabè, quelles que soient leurs tendances, à ne pas faire preuve de paresse. Parce qu’il s’agit de la démocratie, du développement et de la paix du Burkina Faso. Il est important que chaque Burkinabè aille voter et choisir celui qui dirigera le pays demain. »

Interrogé sur les tentatives supposées de fraude dénoncées par l’opposition, le chef de l’État a botté en touche, arguant que les polémiques n’ont pas lieu d’être. « C’est une question à laquelle je ne dois pas répondre, a-t-il affirmé. L’heure est au vote. J’aurai l’occasion, le moment venu, de revenir sur ces questions. »

Mise en garde de l’opposition

Après avoir voté dans le bureau installé à l’intérieur de la Medersa de la Zone du bois à Ouagadougou, Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition, a pourtant réitéré les accusations de fraude évoquées la veille par la plupart des candidats. Il a confirmé avoir saisi le procureur du Faso, dénonçant « des achats de conscience et de cartes d’électeurs, qui ont cours dans les marchés, dans les quartiers périphériques (…) où le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès, au pouvoir) prend les numéros de téléphone des femmes et leur promet de leur envoyer de l’argent ». « Tout cela pose un problème qui risque d’entacher le sérieux et la sincérité des urnes », a déclaré l’opposant, invitant « les citoyens à se rendre à partir de 18h devant les bureaux de vote pour être témoins du comptage des voix ».

Zéphirin Diabré a rappelé qu’il y a cinq ans, il avait reconnu la victoire du chef de l’État avant même la proclamation des résultats officiels. « Je suis un homme de paix, mais je ne suis pas l’idiot du village, et encore moins le dindon de la farce. Si les résultats sont sincères, nous féliciterons le vainqueur. (…) Mais si ce n’est pas le cas, qu’on ne vienne pas nous demander d’accepter une mascarade électorale », a mis en garde l’ex-ministre de l’Économie et des Finances.


Zéphirin Diabré, candidat à l'élection présidentielle au Burkina Faso, le 22 novembre 2020. © Thibault Bluy pour JA

 

« Dans l’ensemble tout se passe bien »

Ce scrutin présidentiel et législatif se tient dans un contexte sécuritaire tendu. Plus de 45 000 éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS) ont été mobilisés pour la sécurisation des opérations de vote. « Nos forces de sécurité sont en alerte maximale. C’est une journée longue pour nous », a confié à Jeune Afrique Chérif Sy, le ministre de la Défense.

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MÊME DANS LES RÉGIONS OÙ NOUS AVIONS DES CRAINTES, LES BUREAUX ONT PU OUVRIR ET LA SITUATION EST PLUTÔT SATISFAISANTE. »

Alors que près de 10 600 observateurs internationaux et nationaux scrutent le bon déroulement des opérations, des anomalies ont été signalées par endroit : retard dans l’acheminement du matériel électoral – dont les bulletins de vote -, noms d’électeurs manquants sur les listes, bureaux de vote introuvables… « Dans l’ensemble tout se passe bien, que ce soit au niveau du processus électoral et de la sécurisation, a toutefois déclaré à la mi-journée Newton Ahmed Barry, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Même dans les régions où nous avions des craintes, dans le Sahel et dans l’Est, les bureaux ont pu ouvrir et la situation est plutôt satisfaisante. (…) Dans ces zones qui constituent l’épicentre du terrorisme, nous avons remarqué une volonté d’aller voter. »

Des électeurs privés de vote dans l’Est et dans le Sahel

Dans l’Est, l’une des deux régions les plus frappées par les attaques terroristes avec le Sahel, des centres n’ont pu ouvrir, même si les forces de l’ordre ont sécurisé certaines zones. Par crainte de représailles, bon nombre n’ont pas voulu prendre le risque d’assurer la permanence. Conséquence, 436 bureaux ont ouvert, sur les 528 que compte la province de la Gnagna, et 365 sur 510 dans celle du Gourma. Dans le Nord, 38 centres sont actifs dans la seule ville de Djibo – contre 83 d’ordinaire en comptant toutes les communes et villages environnants -, et 25 sur 100 sont opérationnels à Arbinda. Au total, sur le plan national, ce sont 1 334 bureaux de votes, répartis sur 15 communes et représentant 374 712 électeurs – soit 6 % du corps électoral – qui n’ont pas pu participer au choix du président du Faso et de leurs députés.

S’il n’a pu avancer à la mi-journée des chiffres concernant la participation, le président de la Ceni a en revanche répondu aux accusations de fraude formulées par l’opposition. « Aucun cas n’a été signalé au niveau de nos structures », a-t-il déclaré. Même constat pour les observateurs, qui saluent un scrutin globalement apaisé. « Dans l’ensemble, le vote se déroule dans un climat apaisé, l’affluence est régulière même si par endroit des bureaux de vote ont ouvert tardivement pour des raisons de logistique », souligne Cédric Bénon, observateur de l’ONG Stand For Live.

Alors que les électeurs faisaient part de leurs préoccupations devant les bureaux de vote, sécurité et cohésion sociale revenaient sans surprise parmi les priorités exprimées. « J’attends du président élu qu’il ramène la paix et la sécurité. Je sais que la situation n’est pas aisée avec le terrorisme, je lui souhaite donc bonne chance », a déclaré Jonas Soalla, 39 ans, animateur social, après avoir voté. Comme lui, Émilie Badini, juriste, se dit fière de s’être rendue aux urnes dans de bonnes conditions, sans bousculade, ni difficultés : « j’ai voté en espérant que le vainqueur fera de la sécurité et de l’emploi des jeunes ses priorités, et s’attèlera surtout à relancer l’économie, affectée par la pandémie de Covid-19. »

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