Cellou Dalein Diallo candidat à la présidentielle : les urnes et la rue, la double stratégie de l’UFDG

| Par - à Conakry
Mis à jour le 07 septembre 2020 à 15h55
Cellou Dalein DIallo, lors de son investiture comme candidat de l'UFDG à la présidentielle, le 6 septembre 2020.

Cellou Dalein DIallo, lors de son investiture comme candidat de l'UFDG à la présidentielle, le 6 septembre 2020. © Diawo Barry pour JA

Investi dimanche 6 septembre par son parti, l’UFDG, Cellou Dalein Diallo a expliqué avoir été confronté à un dilemme, et assure que, s’il a décidé d’aller à l’élection, son parti continuera tout de même de participer aux manifestations.

« Élections ! Élections ! Élections ». Dans la salle, les militants chauffés à blanc sont présents depuis le matin. À la mi-journée, Cellou Dallein Diallo fait son entrée, en treillis kaki, chemise aux manches retroussées et casquette vissée sur la tête, accompagné de son épouse, Halimatou Dalein Diallo. Cette tenue, le patron de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) l’arbore habituellement lorsqu’il participe aux manifestations, ou lorsqu’il mène campagne à l’intérieur du pays.

À 68 ans, et pour la troisième fois consécutive, Cellou Dalein Diallo est cette fois venu annoncer qu’il allait, finalement, se prêter au jeu des urnes lors de la présidentielle prévue le 18 octobre prochain. Après avoir longtemps prôné le boycott du scrutin en cas de candidature d’Alpha Condé à un troisième mandat, il affirme avoir cédé à la pression de sa base.

« Vous me faites l’honneur de me demander de représenter notre parti à cette élection. Ai-je vraiment le choix lorsque les militants et responsables de notre parti, dans leur quasi-unanimité, me le demandent ? Quand les Guinéens, dans leur écrasante majorité, me font confiance, et fondent en ma modeste personne tout leur espoir comme ultime rempart face au pouvoir despotique et clanique d’Alpha Condé ? », interroge Cellou Dalein Diallo depuis la tribune.

Et d’y répondre : « C’est donc dans la foi de cet exaltant projet commun, celui de libérer notre pays de la dictature, que j’accepte votre décision de m’investir comme candidat de l’UFDG à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 ».

88 % de militants favorables à la candidature

Quelques instants auparavant, l’ancien député Ben Youssouf Keita avait lu devant les militants la résolution de la commission d’investiture, qui a entendu les différentes structures du parti – bureau exécutif national, bureau des sages, conseil national des femmes et celui des jeunes. « Le conseil décide d’investir Mamadou Cellou Dalein Diallo candidat de l’UFDG à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 », lance-t-il.

Entre le 22 et le 26 août, l’ensemble des fédérations de l’UFDG avaient été consultées sur l’opportunité d’une participation du parti à l’élection présidentielle. À en croire les chiffres exposés par Aliou Condé, secrétaire général du parti, le résultat a été sans appel : 88 % d’avis favorables à la candidature de l’UFDG et, donc, de Cellou Dalein Diallo, seul en lice.

Mais si le résultat a été écrasant chez les militants UFDG en Guinée, au sein de la diaspora, l’option de la participation n’a pas été plébiscitée. En Europe, le non l’a ainsi remporté dans cinq fédérations sur les neuf que compte l’UFDG.

« On a longuement attendu 2020, et l’échéance est enfin là ! Pourquoi n’irions-nous pas aux élections ? », lance un militant. « Cette fois-ci, on va écraser le RPG (le Rassemblement pour la Gunée, parti d’Alpha Condé, ndlr) », espère un autre. Mais la participation à ce scrutin n’entre-elle pas en contradiction avec la ligne du boycott, tenue jusqu’à présent ? « Si Soweto s’était reposé, l’apartheid n’aurait pas été aboli en Afrique du Sud. Si Martin Luther King s’était reposé, la ségrégation raciale aurait triomphé aux États-Unis », martèle un militant, qui veut croire que « 2020 ne sera pas 2010 ».

« Profond dilemme »

Cellou Dalein Diallo, désormais candidat, admet que la décision a été difficile à prendre. « J’ai été écrasé par un profond dilemme : celui d’aller à cette élection présidentielle ou pas. Ces derniers jours, j’ai posé beaucoup de questions et j’ai beaucoup écouté », a-t-il assuré. « La complexité de ce questionnement a hanté mes nuits blanches, mes journées chargées d’interminables rencontres avec des interlocuteurs issus de toutes les catégories socio-professionnelles. »

Le leader de l’UFDG assure donc que la stratégie sera double : les urnes, mais, également, la rue. « En participant à cette élection, nous avons voulu, en plus des manifestations pacifiques auxquelles l’UFDG continuera de prendre part, transporter notre combat contre le troisième mandat dans les urnes, parce que nous sommes déterminés à user de tous les moyens légaux pour empêcher Alpha Condé de s’octroyer une présidence à vie ».

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) a déjà fait savoir que les partis qui iront aux élections seront exclus de fait de cette coalition opposée à un troisième mandat d’Alpha Condé. Sidya Touré, président de l’Union des forces républicaines qui, lui, a maintenu la ligne du boycott, l’a redit ce lundi matin sur RFI : « Tous les morts lors des manifestations, notre engagement contre la Constitution, les manipulations qui sont intervenues, ne nous permettent pas d’accompagner Alpha Condé dans ce qui n’est, en réalité, pas une élection », a-t-il notamment déclaré. Pour lui, « le fait de participer est une scission avec le Front national (FNDC, ndlr), c’est évident. »

L’UFDG veut pourtant croire que la porte n’est pas entièrement fermée. « Nous n’engagerons pas de polémiques avec le FNDC. Nous avons eu de longues périodes de collaboration et pensons qu’ils en tiendront compte pour prendre la bonne décision de maintenir ceux qui veulent rester », estime ainsi Mohamed Keïta, président du Conseil national des jeunes de l’UFDG.

Ce dernier, qui a longuement défendu dans son discours la nécessité d’aller aux urnes, a la lourde tâche de convaincre les jeunes militants, qui constituent l’essentiel de la force de mobilisation du parti lors des manifestations de rue. Il a également répondu à ceux qui considèrent qu’aller aux élections est une atteinte à la mémoire des victimes de la répression des manifestations. « Les familles des victimes sont unanimes  sur le fait que, pour lutter contre Alpha Condé, l’un des efforts est de participer à la présidentielle », assure Mohamed Keïta.

« Rétablir l’ordre constitutionnel »

Cellou Dalein Diallo, qui doit déposer sa candidature à la Cour constitutionnelle ce 7 septembre – soit la veille de la clôture – sera en outre confronté à une autre problématique en cas de victoire face à Alpha Condé.

La présidentielle d’octobre aura en effet pour base légale la nouvelle Constitution, adoptée à l’issue du scrutin référendaire du 22 mars dernier que l’UFDG avait boycotté, comme une large partie de l’opposition.

S’il est élu, Cellou Dalein Diallo prêtera serment sur une Loi fondamentale qu’il ne reconnaît pas. « La souveraineté appartient au peuple. S’il décide d’élire notre candidat, celui-ci fera tout pour rétablir l’ordre constitutionnel », répond Amadou Diallo, conseiller juridique du leader de l’UFDG.